- parcourrier-strateges
- 19 mars 2022
Le Courrier des Stratèges publie quotidiennement un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade entre puissances nucléaires. Nous sommes dans une "crise des missiles de Cuba" au ralenti. L'instinct de survie et l'intelligence l'emporteront-ils sur le potentiel d'auto-destruction de l'humanité?
Le conflit militaire en Ukraine:
Il aura fallu trois semaines pour que les commentateurs français commencent à étudier la guerre menée par la Russie pour elle-même, au lieu de la mesurer à l’aune d’un “Blitzkrieg” ou des guerres américaines dans le Golfe en 1991 et en 2003.
Ainsi lisons-nous dans “Ouest France” un exposé synthétique et clair. :
- “D’un point de vue général, « opérationnel » diront les spécialistes, l’assaut russe a été conçu de manière relativement classique. « Le dispositif mis en place, c’est l’application d’un manuel », explique Édouard Jolly, chercheur en théorie des conflits armés au sein de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem). (…)
« Vous avez d’abord des bombardements ciblés sur les sites stratégiques ukrainiens, puis vous avez quatre attaques terrestres sur quatre axes différents qui permettent de fixer l’armée adverse à différents endroits tout en faisant l’effort sur la capitale, le centre de gravité » de l’adversaire, détaille Édouard Joly” (…)
- “Pour atteindre |Kiev], l’armée russe a percé la frontière dans les régions de Tchernobyl et Tchernihiv, soit des deux côtés du Dniepr, ce très large fleuve qui coupe la capitale ukrainienne. Pas un hasard, tant ces obstacles naturels sont parfois difficiles à franchir pour une armée en marche. Par ailleurs, les troupes russes qui ont percé dans la région de Soumy ont elles aussi pour mission de participer à l’encerclement et l’attaque de Kiev.“(…)
- “Les attaques menées sur le front Est, depuis le Donbass, ont elles pour objectif de fixer dans cette région les troupes ukrainiennes qui y stationnent et y combattent depuis 2014, afin de permettre leur encerclement par les armées russes venues d’autres secteurs et, éventuellement d’y réaliser des gains territoriaux.” (…)
Sur le front Sud, l’avancée russe, initiée depuis la Crimée, a plusieurs buts : s’emparer de ports stratégiques de la mer Noire (Marioupol et Odessa, notamment) et « faire en sorte que la mer d’Azov devienne russe », selon Édouard Jolly, en faisant se rejoindre les deux armées russes combattant dans le sud du pays : celle venue de Crimée et celle venue du Donbass.
Cet axe d’effort participe aussi à la tentative d’encerclement des forces ukrainiennes situées face aux territoires séparatistes, opération montée en vue de les pousser au repli.
- Cette tenaille qui cherche à se refermer sur le front du Donbass est complétée par l’armée russe, qui se bat autour de Kharkiv, au nord-est du pays. La ville, la deuxième plus importante d’Ukraine, est également un objectif en soi, sa capture favorisant la désorganisation de l’administration et du ravitaillement ukrainien.
Sergueï Lavrov (hier 17 mars 2022)”Il y a eu un événement important hier. Après plusieurs jours où les autorités ukrainiennes n’ont pas voulu coopérer à l’évacuation des personnes, nous avons réussi à évacuer 33 000 personnes de Marioupol. La plupart d’entre elles ont opté pour les routes qui mènent à la Fédération de Russie.”
Le bras de fer géostratégique entre la Russie et les Etats-Unis:
+ Douglas MacGregor, colonel en retraite et proche de Donald Trump:
“A ce stade, nous devons conclure qu’il existe une opposition universelle à tout accord de paix impliquant la reconnaissance d’un quelconque succès russe (…) En fait, il semble de plus en plus que les Ukrainiens soient presque accessoires dans l’opération, dans le sens où ils sont là pour s’empaler sur l’armée russe. Et mourir en grand nombre, car le véritable objectif de cette opération est la destruction de l’État russe et de Vladimir Poutine.
Personne n’est prêt à arrêter quoi que ce soit tant qu’il y a le moindre espoir que quelque chose de terrible arrive à la Russie et à Poutine (…) Bien sûr, je ne vois pas beaucoup de preuves que cela va être le cas. Mais cela n’a pas vraiment d’importance ici, tout le monde a universellement adhéré à la campagne de haine de la Russie. Cela semble se poursuivre indépendamment de ce qui est rapporté, et franchement, l’absence de vérité dans les reportages et les nombreux vœux pieux qui les remplacent sont difficiles à surestimer ou à exagérer, c’est terrible“.
+ Un jeu complexe se déploie au Proche et Moyen-Orient. Pour l’instant, aucun des grands pays de la région n’a réagi comme les Etats-Unis le voudraient. La Turquie cultive l’ambiguïté; Israël s’est posé comme médiateur; le prince héritier d’Arabie Saoudite ne répond pas au téléphone à Joe Biden et discute avec la Chine de transactions pétrolières réglées en yuans; le ministre des Affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, a reçu cette semaine ses homologues d’Iran, de Turquie, des Emirats Arabes Unis et du Qatar.
+ La Chine apprécie visiblement peu les menaces américaines: réponse cinglante au secrétaire général de l’OTAN ou au général américain commandant l’armée de l’air dans le Pacifique. A Pékin, on a tendance à penser que l’Ukraine est une sorte de répétition générale américaine pour des pressions croissantes en Asie au détriment de la Chine. Cela n’a pas empêché Joe Biden, aujourd’hui, dans un entretien avec Xi, de menacer ce dernier de représailles américaines envers la Chine en cas de soutien appuyé et prolongé à Moscou.
+Les milieux dirigeants indiens sont traversés d’un véritable débat sur les relations avec les Etats-Unis.
L’effet boomerang des sanctions économiques
Lu sur Zero Hedge:
“La remise en cause du statut de réserve du dollar serait un catalyseur évident et immédiat qui renverserait tout ce que nous pensons savoir sur l’économie de notre pays. Les angles morts de notre politique monétaire, que nous avons volontairement ignorés pendant des décennies, deviendraient instantanément un levier pour le reste du monde.
Le décor semble être planté pour que cela se produise. À l’échelle mondiale, si vous êtes un ennemi des États-Unis, la situation n’a jamais été aussi favorable pour défier le dollar américain, peut-être jamais, qu’aujourd’hui :
Nous avons accumulé une montagne de dettes et grossièrement augmenté notre masse monétaire en un temps extrêmement court.
Nous n’avons jamais été aussi dépendants des autres pays pour l’importation de biens et de services.
Nous avons une administration présidentielle qui (1) ne comprend pas l’économie de base et (2) limite la capacité de notre nation à produire des matières premières, qui sont à la base de la richesse inhérente d’un pays.
Nous sommes sur le point d’entrer en récession économique.
L’inflation bat des records et ruine déjà les classes moyennes et inférieures de notre pays, avant même d’envisager une éventuelle remise en cause du dollar.
Et alors qu’il y a une semaine ou deux, je ne m’inquiétais que de la Chine et de la Russie, maintenant que le monde a été forcé de choisir son camp économique, d’autres nations jettent aussi leur chapeau respectif dans l’arène.
L’Arabie saoudite, qui est une nation d’importance économique majeure en raison de ses importantes réserves de pétrole et de gaz, aurait adopté l’idée d’accepter des yuans au lieu de dollars pour les ventes de pétrole chinois.
Contrairement aux projets de dédollarisation de la Russie et de la Chine, qui remontent à près de dix ans, les Saoudiens envisagent cette idée depuis six ans déjà. Et contrairement au nouveau lien économique entre la Russie et la Chine, le catalyseur de l’accélération du processus a été la politique étrangère des États-Unis :
L’Arabie saoudite est en pourparlers actifs avec Pékin pour fixer le prix d’une partie de ses ventes de pétrole à la Chine en yuans, ont déclaré des personnes au fait de la question, ce qui porterait atteinte à la domination du marché pétrolier mondial par le dollar américain et marquerait une nouvelle réorientation du premier exportateur mondial de brut vers l’Asie.
Les pourparlers avec la Chine sur les contrats pétroliers au prix du yuan sont interrompus depuis six ans, mais ils se sont accélérés cette année, les Saoudiens étant de plus en plus mécontents des engagements de sécurité pris par les États-Unis depuis des décennies pour défendre le royaume, ont indiqué ces personnes.
La décision de l’Arabie saoudite est lourde de conséquences.
Elle montre que d’autres nations, lorsqu’elles sont obligées de choisir leur camp entre les États-Unis et leurs ennemis, ne se sentent pas obligées de s’engager en faveur du dollar américain, ce qui sape davantage la perception de la force du dollar dans le monde”.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/03/19/guerre-dukraine-vendredi-18-mars-2022-jour-23-point-de-fin-de-journee/
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