"Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement" BOUDDHA; Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." MARTIN LUTHER-KING; "Veux-tu apprendre à bien vivre, apprends auparavant à bien mourir." CONFUCIUS ; « Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir ». SOLJENITSYNE
Alors que l'OTSC surprend le monde en mettant déjà fin à son intervention clinique au Kazakhstan - vini, vidi, pacifi -, laissant pantois les "analystes" qui prévoyaient avec des trémolos dans la voix l'occupation du pays par l'abominable Poutine des neiges, Moscou et Washington ont engagé leur bras de fer sur l'Ukraine.
Toute la problématique est, évidemment, l'entrée dans l'OTAN et/ou l'installation de bases US aux portes de la Russie. Nos chers plumitifs feignent de se perdre en conjectures sur le sexe des anges alors qu'un enfant de 8 ans serait capable de comprendre la situation : une grande puissance a toujours refusé, refuse et - tuons le suspense - refusera toujours de voir une grande puissance rivale dans son étranger proche.
Le parallèle qui vient immédiatement à l'esprit, sauf dans les salles de rédaction apparemment, est la crise cubaine de 1962. Ce temps chaud de la Guerre froide consistait en l'installation de missiles russes sur la belle île caraïbe pour répondre, on l'oublie souvent, au déploiement de missiles américains en Turquie. La résolution de cette crise qui ébranla le monde n'est pas une victoire de Kennedy comme le voudrait la légende urbaine, mais un retrait mutuel (de Cuba et de Turquie), chacun s'abstenant de menacer directement le territoire de l'autre.
Bis repetita soixante ans plus tard, le Dniepr ayant juste remplacé le Bosphore...
Tandis que les discussions s'engagent difficilement, l'ours sort de sa fourrure la menace d'un possible déploiement militaire à Cuba et au Venezuela si sa ligne rouge ukrainienne est franchie. Vous voulez jouer dans notre arrière-cour, nous allons jouer dans la vôtre.
Rien que de très logique, mais pas du goût de l'empire qui, en bon adepte du deux-poids deux mesures, pique soudain une crise de nerfs et promet une "réponse décisive" (laquelle ?) en cas d'immixtion russe. Ne craignant visiblement pas la contradiction, Washington parle par ailleurs de "fanfaronnade". Les voies de tonton Sam sont impénétrables.
Toujours est-il que le Kremlin n'est pas du genre à parler pour ne rien dire et l'on sait qu'il y a déjà comme qui dirait de la friture sur les ondes du côté de Cuba, avec quelques mystérieuses antennes subrepticement apparues au milieu des cannes à sucre.
Et ce ne sont pas les Martiens d'el inolvidable Tito Rodríguez qui les ont installées...
Alors que la situation au Kazakhstan est en voie de stabilisation - les ordres très stricts ("Tirez à vue") n'y étant peut-être pas pour rien - quelques enseignements commencent à émerger des brumes steppiques...
Une révolte locale
Ceux qui, exaltés du Grand jeu ou un peu conspi sur les bords, voyaient la main américaine ont dû déchanter. La réaction de Washington aux événements a été complètement atone et même les observateurs russes, pourtant jamais en reste dès qu'il s'agit de subodorer une "révolution" colorée, se sont dans leur très grande majorité abstenus de jouer ce refrain.
La seule protestation impériale, par la voix de la porte-parole de la Maison Blanche, aura été de contester le droit de l'OTSC à intervenir, ce qui a provoqué une réponse cinglante de la belle Maria : « Tout le monde est habitué au fait que certains représentants américains ne comprennent rien ». Ces joyeuses banderilles sont, soit dit en passant, une indication supplémentaire que Washington n'est pas impliqué dans les événements (le MAE russe n'aurait évidemment pas manqué de réagir en ce cas).
Quid des rumeurs sur des combattants islamistes/turcs/parlant arabe ? Pour l'instant, rien de tel ne semble émerger (ici ou ici). Il n'est pas impossible que certains aient fait le voyage syrien - n'oublions pas que les -stan voisins ont toujours été bons fournisseurs de rebelles, modérés ou non, en Syrie ou ailleurs - et auraient pu profiter de la fronde pour avancer leurs pions. Mais ça reste à confirmer. Surtout, il est de toute façon à peu près exclu qu'un Etat soit derrière.
La Turquie n'avait absolument aucun intérêt à mettre les dirigeants kazakhs en difficulté alors que, comme nous l'avons expliqué dans le dernier billet, ces derniers se sont rapprochés d'elle au cours de l'année écoulée. La réaction d'Ankara (et de Téhéran) a d'ailleurs été d'une magnifique indétermination, bredouillant quelques vagues paroles et refusant de se mouiller pour ne se mettre à dos ni le gouvernement ni le peuple.
Erdogan doit être très embêté par la tournure des événements, lui qui espérait pousser subrepticement ses pions vers l'Asie centrale turcique. L'incendie a en effet permis à une grosse bête de sortir de la taïga et de poser sa patte velue.
Tout bénèf pour Moscou mais...
On ne sait si Vladimirovitch aime faire des ricochets mais il a là l'occasion de faire d'une pierre deux ou trois coups.
Déjà, on vient de le dire, en mettant un frein aux ambitions sultanesques. Un moment attirée par les lumières du Bosphore mais paniquée par l'explosion de la révolte, la direction kazakhe ne jure désormais plus que par lui. Et au Kremlin, on ne doit pas bouder son plaisir.
Le Kazakhstan est crucial pour la Russie. Les deux pays partagent la plus longue frontière terrestre du monde (7 500 km !) et le premier est géographiquement le ventre mou de la seconde. Bien sûr, il n'a jamais été question d'une quelconque installation américaine au pays de Baïkonour - même au plus fort de la guerre d'Afghanistan, Washington n'a pu placer ses bases de ravitaillement qu'en Ouzbékistan et au Kirghizstan. Mais la politique étrangère multi-directionnelle kazakhe avait parfois le don d'agacer Moscou.
D'autant plus que, à l'instar de la Biélorussie d'ailleurs, le régime monopolisait les contacts avec la Russie et était son seul interlocuteur, tout autre responsable politique soupçonné d'avoir des liens trop étroits avec le grand voisin étant démis de ses fonctions. Ainsi, quoique importante, l'influence russe passait par des canaux très délimités et dépendait du bon vouloir de l'élite dirigeante. On a déjà vu les problèmes que cela posait avec la Biélorussie de Loukachenko...
C'est la raison pour laquelle, malgré les relations très solides entre les deux pays, Moscou a dû avaler quelques couleuvres ces dernières années : montée du nationalisme kazakh et discrimination de la minorité russe (environ 20% de la population), barrée des hautes fonctions publiques ou privées ; abandon de l'alphabet cyrillique et latinisation ; kazakhisation de l'enseignement etc.
S'il est encore trop tôt pour se prononcer, les événements actuels risquent d'inverser considérablement la donne et de placer les dirigeants, redevables, dans la paume de l'ours. Après Loukachenko et Pachinyan, c'est maintenant Tokaïev qui entre dans le club très select des obligés du Kremlin (il les collectionne ces derniers temps !)
Cependant, la chose peut se révéler à double tranchant. Si le liderisimo kazakh a la main trop lourde et que les Russes le secondent de trop près, ça peut vite leur aliéner une partie de la population et provoquer son hostilité ouverte, durable. Aussi, des garde-fous ont été définis sur la mission de l'OTSC, limitée dans le temps et dans ses objectifs : garder les infrastructures essentielles (dont Baïkonour) et s'ingérer le moins possible dans le conflit interieur.
Pour finir, un mot justement sur l'Organisation du Traité de Sécurité Collective. Fait très intéressant mais peu relevé par les commentateurs, c'est la première fois que cette mini-OTAN eurasienne intervient depuis sa création il y a vingt ans ; jusqu'ici, elle se contentait d'exercices militaires. Est-ce un signe supplémentaire de l'inexorable montée en puissance russe ?
Ses statuts spécifient qu'elle n'intervient normalement pas dans les affaires internes de ses membres, ce qui explique que les crises à répétition au Kirghizstan par exemple se soient résolues sans elle. Cela explique aussi pourquoi le président Tokaïev, aux abois, ait évoqué avec grandiloquence "six vagues d'attaque" de 20 000 terroristes (rien que ça) "entraînés à l'étranger". Si, comme vu plus haut, l'implication de certains éléments barbus n'est pas à exclure bien que tout cela reste flou à l'heure actuelle, on gage que Moscou n'a pas non plus été trop regardant...
En plus des troupes russes et arméniennes, le Tadjikistan et la Biélorussie ont répondu présent tandis que le Kirghizstan devrait bientôt le faire. L'OTSC peut s'enorgueillir d'un joli succès et la solidité des liens entre ses membres est désormais affichée de manière concrète.
Un signal est lancé en Eurasie, qui ne sera sans doute pas passé inaperçu des Turco-Azéris ou des Taliban : si nous intervenons au Kazakhstan sur des prétextes acrobatiques, ne pensez même pas à toucher un cheveu de l'Arménie ou du Tadjikistan. A bon entendeur...
*** MAJ 8.01 ***
Sur les causes du chaos, une intéressante hypothèse commence à émerger : une tentative de coup d'Etat du clan Nazarbaïev contre Tokaïev pour profiter de la crise générale et revenir au pouvoir. Nous ne emballons pas, cela reste pour l'instant à l'état d'hypothèse mais ça pourrait expliquer bien des choses, notamment le comportement parfois erratique des forces de sécurité, certaines bisbilles étonnantes dans les hautes sphères et la présence de ces quelques centaines de combattants déterminés très différents de la masse des manifestants.
Avant d'y venir, précisons que Nousoultan Nazarbaïev était le président historique du Kazakhstan depuis son indépendance. "Elu" cinq fois, le Tapioca kazakh finit par démissionner en 2019 après avoir passé trois décennies à la tête du pays. Il conservait néanmoins une influence certaine en plaçant son clan à des postes-clé et en étant nommé à vie chef du Conseil de sécurité.
En mai 2020, premier coup de théâtre : sa fille Dariga Nazarbaïeva, nommée à la très importante présidence du sénat, est limogée sans explication par Tokaïev. Volonté du nouveau président de se débarrasser de l'encombrante famille, frictions au sein du pouvoir ? Les steppes ne donnent pas facilement la clé de leur mystère...
Ces préalables posés, nous reproduisons ci-après le fil twitter (en anglais, désolé) d'une observatrice kazakhe informée et relativement neutre dans ses commentaires :
Jusqu'ici, tout est normal, la révolte gagne le pays. Mais bientôt...
Passons sur la naïveté de la dame concernant le Maïdan, la question qui se pose est la suivante : qui sont ces nouveaux venus et pourquoi la police laisse faire ?
La situation dégénère et, bientôt, la police disparaît complètement :
Durant la nuit, des centaines d'hommes terrorisent la ville d'Almaty :
Questions cruciales :
Le 5 janvier, réaction fulgurante de Tokaïev : il dissout le gouvernement, vire le neveu de Nazarbaïev, Samat Abish, du Comité National de Sécurité (qui chapeaute les services secrets et certaines forces spéciales), vire Nazarbaïev lui-même du Conseil de sécurité (qui conseille le président) et appelle l'OTSC à l'aide.
Cela n'empêche pas les violences de continuer...
Mais Tokaïev a repris la main. La réponse positive de l'OTSC est un signal envoyé à tous : le patron, c'est lui.
Même si cela reste une hypothèse, les pièces du puzzle semblent maintenant s'emboîter parfaitement. On comprend mieux par exemple l'arrestation de Karim Maximov, chef du puissant Comité National de Sécurité (dont le neveu Nazarbaïev était vice-président), pour haute trahison. Ainsi que le limogeage de toute la famille du "vieux", acte qui apparaissait jusqu'à présent étrange étant donné les circonstances.
On comprend également le professionnalisme de ces quelques centaines de "manifestants" entraînés, très différents du reste de la foule. Gangs cornaqués par les Nazarbaïev ou même, pourquoi pas, forces spéciales en civil ?
2022 commence en fanfare. Les émeutes relativement inattendues qui touchent le coeur de l'Asie centrale ne pouvaient qu'attirer le regard des observateurs du Grand jeu eurasien. Et conduisent déjà à des interprétations diverses et variées. Simple révolte populaire ? Tentative de révolution colorée manigancée par le Washingtonistan ? A moins que...
L'étincelle qui a mis le feu aux poudres (et aux stations-service) est le doublement du prix du carburant il y a quelques jours, faisant passer le prix du litre de GPL, utilisé comme carburant par de nombreux automobilistes, de 50-60 tenge à 120 (1 euro ≈ 500 tenge). Les manifestations se sont multipliées, la fronde a gagné toutes les villes du pays et d'autres revendications, plus politiques, ont commencé à se faire jour.
A vrai dire, nous n'avons ici ni plus ni moins qu'un copié-collé de la révolte des Gilets jaunes. Et ceci est important à garder à l'esprit, car il ne faut pas sous-estimer l'aspect purement local des choses avant de se précipiter pour y voir un nouvel épisode du gigantesque affrontement international.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le Kazakhstan est le théâtre de grandes manifestations à caractère socio-économique ; celles-ci éclatent même avec une admirable régularité tous les cinq ans. En 2011 à Zhanaozen, une grève générale des employés du secteur pétrolier a fait la bagatelle de 14 morts. En 2016, c'est une réforme agraire qui déclenche les protestations. Et aujourd'hui, la crise est à nouveau partie de Zhanaozen, petite ville décidément bien turbulente et qui n'est pas précisément la première idée qui viendrait à l'esprit pour imaginer une base de la CIA capable d'organiser une rébellion...
En réalité, le Kazakhstan n'a pas grand chose à envier aux pétromonarchies du Golfe pour ce qui est des inégalités et il n'est guère étonnant qu'avec son passé communiste, il voie de temps en temps fleurir des flambées de revendications sociales.
Mais évidemment, la position stratégique du pays, coeur de l'Eurasie, lien territorial incontournable entre l'ours et le dragon, attire irrémédiablement l'attention dès qu'il s'y passe quelque chose. Son rôle de pivot ferait baver d'envie n'importe quel stratège US dans la lignée de Mackinder, Spykman et Brzezinski, et il n'a pas fallu attendre longtemps pour que certains voient dans les événements actuels la main de tonton Sam.
Certes, en plus de tout ce que nous avons dit plus haut, d'ambitieux projets visent à faire du Kazakhstan une plaque-tournante énergétique et infra-structurelle entre la Chine et l'Europe sous la supervision russe, véritable cauchemar de qui vous savez. Certes, une partie des manifestants semble (les médias qui le rapportent ne sont pas neutres) vouloir remettre en question l'alliance avec le grand voisin du nord. Certes, ces événements interviennent à quelques jours de discussions cruciales entre Américains et Russes sur l'Ukraine.
M'enfin, l'empire n'est plus que l'ombre de ce qu'il était en Asie centrale, comme nous l'expliquions il y a deux ans :
Les années 90 ou l'âge d'or de l'empire. La Russie eltsinienne est alors au fond du gouffre, la Chine n'est pas encore ce qu'elle est devenue et la thalassocratie américaine peut rêver les yeux ouverts de s'implanter durablement au cœur même du continent-monde.
Elle soutient dès 1994 le séparatisme tchétchène menaçant de désagréger le Heartland russe tandis que fleurissent les projets de captation des richesses énergétiques de la Caspienne afin d'isoler Moscou. Le fameux BTC est conçu, véritable bébé de Brzezinski qui publie en 1997 son non moins fameux Grand échiquier : "Il est impératif qu'aucune puissance eurasienne concurrente capable de dominer l'Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l'Amérique. La mise au point d'un plan géostratégique relatif à l'Eurasie est donc le sujet de ce livre."
Tout est dit. Ce plan n'est rien moins que monumental :
En mars 1999, au moment même où les premières bombes s'abattaient sur la Serbie et quelques jours avant que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque ne deviennent membres de l'OTAN, le Congrès américain approuva le Silk Road Strategy Act, ciblant ni plus ni moins huit ex-républiques de l'URSS - les trois du Caucase et les cinq -stan d'Asie centrale. Derrière la novlangue de rigueur, le but était de créer un axe énergétique Est-Ouest et d'arrimer fermement ces pays à la communauté euro-atlantique. Dans le collimateur, même si cela n'était pas dit explicitement : Moscou et Pékin.
Mars 1999 ou la folie des grandeurs américaine... Europe de l'est, Balkans, Caucase, Asie centrale : la Russie serait isolée sur tout son flanc sud et l'Eurasie divisée pour toujours.
Un quart de siècle plus tard, Lisa Curtis, directrice du département Asie centrale et méridionale au Conseil de Sécurité Nationale, ne peut que constater les dégâts : "L'influence chinoise augmente sans cesse dans la région tandis que le poids de la Russie y est toujours aussi fort, ce dans toutes les sphères, politique, économique et militaire." Puis vient la confidence, terrible pour les petits génies des années 90 : "Nous ne nous attendons pas à ce que la situation change et nous ne cherchons pas (plus ?) à rivaliser avec l'influence russe." Dr Zbig doit se retourner dans sa tombe...
Pour Washington, c'est game over en Asie centrale et dame Curtis ne fait qu'entériner un état de fait. Qu'elles sont loin, les prodigieuses velléités impériales de l'âge d'or. Et ce n'est pas le sympathique voyage de Pompée au Kazakhstan et en Ouzbékistan qui changera quoi que ce soit, comme le reconnaît, désabusé, un autre think tank.
Si les -stan utilisent souvent ces rares visites américaines pour faire monter un peu les enchères vis-à-vis de Moscou et Pékin dans leurs négociations bilatérales, cela ne trompe personne et surtout pas les Etats-Unis.
La dégringolade américaine au coeur de l'Eurasie est irréparable, encore accentuée par le catastrophique retrait afghan, et l'on a tout de même un peu de mal à imaginer que la mêlée actuelle ait été téléguidée depuis Washington. La présence de l'Open Society sorosienne, réelle mais somme toute relativement anecdotique par rapport à son poids dans d'autres pays, n'y change rien et la première réaction officielle US est d'ailleurs assez neutre, allant jusqu'à condamner la violence et les destructions. Pas vraiment le son de cloche qu'on entendait pendant le Maïdan...
Il y a quinze mois, votre serviteur doutait fortement de l'implication US dans les incidents kirghizes. Il renouvelle ici sa position et se permet même de poser une audacieuse question allant encore plus loin : et si tout ceci ne bénéficiait pas en réalité à Moscou ?
Une fois n'est pas coutume, donnons la parole à l'imMonde qui, s'il ne pouvait s'empêcher quelques exagérations inévitables au long de l'article, rapportait avec à propos la récente scoliose des dirigeants kazakhs :
Loin de nous l'idée d'affirmer que le Kremlin aurait organisé la petite sauterie actuelle mais force est de constater que les manifestations tombent à point nommé pour recadrer les choses. Son pays plongeant dans le chaos, le président Tokaïev est obligé de quémander l'aide de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective d'obédience russe, et l'on ne parle soudain plus du tout du sultan dans les chaumières kazakhes...
Par le biais de Nikol Pachinyan (l'Arménie est présidente de l'OTSC cette année), qui retrouve au passage une posture internationale à laquelle il ne s'attendait peut-être pas de sitôt, la demande a été acceptée presque dans l'heure. Américains et Turcs n'ont pas eu le temps de placer un mot que déjà, des troupes russes et arméniennes sont en partance pour le Kazakhstan !
Si l'opération est théoriquement limitée dans le temps, certains russo-sceptiques craignent que la présence du contingent de la paix ne s'éternise et n'offre un boulevard à Moscou. Dans tous les cas, l'ours a posé sa patte et marqué résolument son territoire.