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vendredi 4 mars 2022

Si Orwell m'était conté...

 4 Mars 2022

Chef-d’œuvre du XXe siècle, 1984 est une véritable mine d'or, une caisse à outils formidable pour décrypter notre époque. Ce livre est évidemment célèbre pour sa description d'une société totalitaire où règne la manipulation de masse ; et quelques exemples récents, tout à fait orwelliens, sont là pour montrer que les deux minutes de la haine sont encore bien vivantes. Ainsi, sachez par exemple que la Fédération internationale féline a banni les chats russes (!) de ses concours ou que les arbres russes, sans doute complices de se laisser couper en bûches pour terminer dans les cheminées du Kremlin, n'ont plus le droit de prétendre au titre de plus beau végétal de l'année.

L'imbécilité hystérique de ces mesures pourrait faire sourire. Elle symbolise pourtant quelque chose de bien plus profond et dont l'ami George s'était fait également l'écho par ailleurs : un état de guerre perpétuel entre les grands blocs du monde. S'il en voyait trois (OcéaniaEurasiaEastasia) et que nous n'en avons que deux en l'occurrence, le fond reste le même, celui d'une fracture durable, profonde, où les interactions seront réduites au minimum et qui mettra des décennies à être surmontée.

Un nouveau Rideau de fer risque en effet de s'abattre, touchant aussi bien le champ économique que politique ou culturel (voir l'invraisemblable cancel culture actuelle qui voit tout ce qui est russe être effacé/exclus : compétitions sportives, monde musical, jeux vidéo etc.)

Les masques tombent tout à fait maintenant et chacun se rend bien compte que les institutions dites internationales, qu'elles soient financières ou simplement sportives, sont en réalité dans les mains occidentales et peuvent à tout moment être instrumentalisées. Cela n'a évidemment pas échappé aux pays tiers qui vont accélérer la mise en place de systèmes parallèles, dédollarisation et autres.

Car si Moscou a joué son va-tout en Ukraine, le système impérial joue lui aussi le sien avec ces sanctions inédites, presque désespérées.

A plus court terme, ça va tanguer dur dans le camp du Bien.

Les cours de l'énergie explosent littéralement et certains prévoient même un baril à 200$, du jamais vu. Des Etats-Unis à la Bosnie, le prix à la pompe s'envole et les gens se ruent dans les stations-service avant que ça n'augmente encore. Dans ces conditions, pas étonnant que Washington refuse d'arrêter les importations... de pétrole russe !

Quant aux euronouilles, "grâce" aux sanctions pour punir la Russie de sa guerre en Ukraine, ils payent le gaz russe plus cher que jamais et participent pleinement au financement... de la guerre russe en Ukraine. Jamais coup de menton n'aura été aussi contre-productif...

Les conséquences ne s'arrêtent pas là. Il est impossible de toutes les lister mais, pour ne prendre qu'un exemple de l'entremêlement des économies de la planète, la dégringolade de la banque russe Sberbank, coupée du SWIFT, va entraîner la ruine du fonds de pension des professeurs du Kentucky.

Premier exportateur mondial de céréales et d'engrais, premier producteur de nickel et de palladium, troisième exportateur de charbon et d'acier, cinquième exportateur de bois, la Russie fournit en moyenne le sixième de l'ensemble des matières premières de la planète. Les Occidentaux ont-ils tout à fait pris la mesure de leurs sanctions ?

Dans sa logique de confrontation visant à ne plus céder d'un pouce, Moscou vient d'ailleurs de "recommander" aux producteurs nationaux de cesser toutes les exportations d'engrais. On imagine les conséquences pour les agriculteurs d'Europe et d'ailleurs...

Quant au blé, dont la Russie et l'Ukraine sont les deux premiers producteurs mondiaux, ses cours flambent sans relâche :

D'aucuns prévoient dans un avenir proche une situation catastrophique entraînant son lot de jacqueries et de révolutions, en Europe ou dans le monde arabe :

Dans ce bras de fer, l'un des deux camps va-t-il finir par lâcher la main ? Rien n'est moins sûr car, comme nous le disions au début - et nous en revenons à Orwell - Heartland et Océania semblent avoir atteint un point de non retour. Une Guerre froide qui dit enfin son nom [notons que cet article indien, exhaustif et objectif, résume excellemment les causes de la crise].

Notre dernier billet, dont le ton parfois pessimiste avait interpellé certains lecteurs, sentait venir ce grand découplage, irréparable, cette lutte désormais à mort, même si les adultes des deux côtés veillent à ce que cela ne dérape pas en catastrophe.

Dans 1984, l'état de guerre entre les blocs est permanent et s'auto-alimente, sans qu'il n'y ait même plus d'ailleurs de raisons stratégiques concrètes à cela. En ce monde irrémédiablement fragmenté entre parties autarciques qui n'ont plus aucune relation les unes avec les autres, l'état de guerre est devenu un état de fait, naturel, que plus personne ne remet en cause.

Est-on en train d'assister à la naissance de ce nouvel ordre constitué de mondes parallèles plus ou moins étanches ? Plusieurs observateurs le pensent, qui prévoient même, en plus du divorce économique et politique, l'explosion de l'internet global en sphères régionales sans connectivité entre elles, où chaque bloc censure ou bannit les informations/médias de l'autre et fait le ménage chez lui.

1984 ou quand la géopolitique rejoint la fiction...

Source : https://www.chroniquesdugrandjeu.com/2022/03/si-orwell-m-etait-conte-7.html?

jeudi 2 avril 2015

La dictature est à notre porte / The dictatorship is in our door

http://calebirri.unblog.fr/2015/04/01/la-dictature-est-a-notre-porte/

Posté par calebirri le 1 avril 2015

Quand une nation commence à obliger son peuple à voter (qui plus est sur des machines électroniques) ; quand un pays peut censurer n’importe quelle expression sans contrôle judiciaire ; quand un gouvernement impose ses lois malgré l’opposition populaire (et même parlementaire) ; quand un Etat s’apprête à surveiller vos déplacements, vos conversations, vos ordinateurs ; quand les élus se voient chaque jour attaqués (puis relaxés) pour corruption par un pouvoir judiciaire aux ordres ; quand on sait que le budget militaire est le seul budget maintenu et que les armées patrouillent devant nos bâtiments publics, on peut dire sans trop exagérer que toutes les conditions pour établir une dictature sont réunies.

Maintenant, il ne reste plus que la révolution. Pas celle qui permettra au peuple de se libérer de son joug pour établir une nouvelle démocratie non, mais celle qui permettra à la dictature de devenir légitime : rappelons ici la formule de George Orwell « on ne fait pas une dictature pour sauver une révolution, on fait une révolution pour établir une dictature ».

Et cette révolution, c’est peut-être la sortie de la Grèce ; à moins que ce ne soit un autre attentat. Ou bien encore une catastrophe naturelle. Et pourquoi pas une révolte populaire, ou l’arrivée au pouvoir du FN ? Ce qui est certain, c’est que toutes les conditions sont réunies pour qu’un gouvernement autoritaire qui se retrouverait demain au pouvoir ait la capacité technique d’exercer un contrôle et une surveillance de masse sur son peuple. Et c’est à la faveur d’un drame ou d’une catastrophe que cette dictature prendra forme.

Mais si vous n’avez rien à cacher, diront les plus malins, alors pourquoi ne pas se laisser surveiller ? Nous abreuvons aujourd’hui gratuitement, et volontairement, tous les banques de données du monde entier par nos actions quotidiennes, et nous nous plaindrions de la récolte de ces dernières pour des raisons de « vie privée » ? Alors que le terrorisme frappe chaque jour des civils innocents ?

Rassurez-vous, tout le monde ne sera pas « surveillé » – regardez qui sont les ennemis publics les plus en vue : Snowden, Manning, Assange… de dangereux individus, des traitres à la Nation, etc… Les terroristes, eux, sont introuvables. Peut-être n’ont-ils pas Facebook, ou pas de portable ?

En réalité, pour la plupart ces nouvelles lois seront inutiles. Ils n’ont effectivement « rien à cacher ». Mais ce n’est pas ceux-ci qui intéressent les renseignements. Ceux qui sont indirectement visés sont ceux qui veulent dénoncer « ceux qui ont quelque chose à cacher ». Pas les dealers à la petite semaine, pas les resquilleurs des allocations, tout cela n’est rien. Mais bien plutôt les lanceurs d’alertes, les journalistes un peu trop fouineurs, les analystes « hétérodoxes »… ce sont ceux-là que nos gouvernements veulent empêcher de (leur) nuire. Car s’il y en a qui trichent, trompent et volent (et pas qu’un peu), ce sont justement ceux qui, pour ne pas qu’on les confonde, qu’on les dénonce, qu’on les attrape, font voter des lois qui empêchent aux citoyens vigilants de rendre public ce qui dérangerait leurs petites affaires…

Comme dans 1984 : les pauvres, « la masse populaire », n’intéresse guère les services de renseignements. Il n’ont pas besoin d’autre chose que du pain et des jeux paraît-il. Les riches, « l’élite », elle, ne sera pas non plus surveillée (elle pourra éteindre son « télécran » – se déconnecter). Il ne manquerait plus que ça ! Reste une petite frange de la population. Ceux qui sont assez éduqués et qui disposent d’assez de temps et d’énergie pour s’informer, réfléchir, prendre du recul, sont ceux qui peuvent un jour ou un autre « tomber » sur « quelque chose », et il ne faudrait surtout pas qu’ils parlent. Imaginez qu’à TF1 on diffuse que les « bons » Etats protègent les terroristes, fomentent des coups d’Etat, volent le peuple et lui mentent… Il faut d’abord aux agents du gouvernement savoir « ce que vous savez », pour ensuite pouvoir vous empêcher de parler. Sans contrôle judiciaire cela va de soi. Et au moyen d’un délit « d’exception » comme celui « d’apologie du terrorisme ». Une étape supplémentaire manquait à cet arsenal autoritaire, c’est-à-dire le droit pour un gouvernement de contrôler toutes les communications de ses administrés.

Après, on pourra toujours dire que cela ne nous concerne pas, mais le jour où l’on vous dira que ce que vous pensez n’est plus adapté à ce qu’on vous demande de croire il sera trop tard : vous serez en infraction. Alors c’est vrai qu’aujourd’hui cela ne semble pas si grave. Par petites touches successives chaque loi nouvelle renforce un peu plus les pouvoirs de la police au détriment de ceux de la justice. Et supprime toute possibilité future de contestation. Et cela est très grave. Il suffira au nouveau dictateur de dire qu’un terroriste est quelqu’un qui ne pense pas comme lui pour pouvoir faire arrêter légalement tous ses opposants. Vous aurez beau alors contester vigoureusement en frappant à la porte de la chambre 101, il vous faudra vous soumettre de gré ou de force à la police de la pensée. Vous ne serez déjà plus libre.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr