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vendredi 20 décembre 2019

Pour un nouvel ordre local

Nouvel Ordre Local

Publié par ChroniquesHumaines sur 19 Décembre 2019, 22:07pm


Le 6 mars 1991, George Bush père annonce la création d'un nouvel ordre mondial :

« Nous avons devant nous l'occasion de construire pour nous-même et pour les générations futures un nouvel ordre mondial . Un monde ou la primauté de la loi , pas la loi de la jungle , régit la conduite des nations . Lorsque nous serons victorieux , et nous le serons , nous aurons une réelle chance avec ce nouvel ordre mondial . Un ordre régit par un conseil crédible qui tiendra enfin son rôle , et maintiendra la paix , afin d'accomplir la promesse et la vision des fondateurs des nations unies . »

Depuis, l'idée a fait son chemin, repris notamment en cœur par plusieurs de nos chefs d’État et autres conseillers politiques. Entre autres : Nicolas Sarkozy, Jacques Attali, et même plus récemment Emmanuel Macron*. Ce qui se cache derrière cette idée de nouvel ordre mondial est largement sujet à débat, à caution, et surtout à disputes ! Mais une chose semble actée : nous nous dirigeons tout droit vers l'établissement d'une gouvernance mondiale aussi bien politique que bancaire.

Moi-même, j'ai souvent expliqué ce qu'était le mondialisme, et le danger que cela représente dans le contexte actuel. Puis un soir, invité par mon ami Alixator à participer à un live sur Youtube en compagnie de deux autres Youtubers : Kadoudal et de Manu d'Agir ensemble, spontanément, j'ai lancé au détour de notre conversation :

« Ils veulent instaurer leur nouvel ordre mondial, eh bien nous nous allons faire le nouvel ordre local ! »

L'idée est partie comme une balle ! Un autre Youtubers présent sur le tchat : Docteur Nature vivante, a ouvert un groupe Facebook, Kadoudal publié une vidéo sur Facebook et Youtube, et des dizaines de personnes ont spontanément adhéré à l'idée et au groupe.

Le Nouvel Ordre Local était lancé.

Je ne suis pas le premier à utiliser ce terme, je l'ai retrouvé pas mal de fois sur internet, mais peu importe la paternité du terme, il nous appartient à tous, et ce qui est sûr, c'est qu'il représente à merveille les aspirations de beaucoup d'entre nous et englobe à lui seul ce vers quoi nous devons tous aller. J'espère qu'avec l'aide de mes compères, nous allons transformer tout cela en un mouvement planétaire, qui à coup de bon sens, d'altruisme, de logique, de courage, va renvoyer leur projet commercial et suprématiste à la poubelle !

Finalement, cette idée de Nouvel Ordre Local vient clôturer pour moi une belle année, et finalise l'orientation que je donne à mes travaux depuis maintenant plusieurs semaines. Après plusieurs années de contre-information par blog et vidéo, porter ce concept et le populariser, y adhérer et concrétiser à titre personnel les engagements qu'il implique, voilà qui me donne encore de l'énergie, de l'entrain, et surtout de l'espoir. Je vais maintenant expliquer pourquoi il faut combattre la mondialisation sauvage telle que nous la vivons, et pourquoi un Nouvel Ordre Local est la meilleure réponse à apporter et peut-être la seule qui puisse réellement nous amener vers un avenir meilleur.

Le Nouvel Ordre Mondial, c'est :

Des fermes-usines qui élèvent les animaux dans des cages, et les engraissent à coup d'OGM et d'antibiotiques, des multinationales qui engendrent toujours plus de capitaux et génèrent toujours plus de transport ; des centres commerciaux qui vendent et revendent des produits d'une qualité de plus en plus médiocre à des prix exorbitants ; des métropoles toujours plus habitées où s'entassent la misère et la saleté ; une concurrence toujours plus déloyale ne laissant plus aux populations la possibilité de vivre décemment de leur travail tout en produisant un chômage dévastateur ; une mainmise des assurances privées sur toutes les sécurités sociales, empêchant l'entraide sans intérêt ; une Europe toujours plus fédérale dont les règles dictées par la Banque centrale sont toujours à l'avantage des tenants de la finance ; une Banque mondiale tenue par des intérêts privés qui dictent leurs lois à tous les peuples d'Occident et bien plus ; et plus généralement la centralisation de tous les domaines de la vie civile, gouvernements, banques, systèmes de production, et même populations. Le tout dans un contexte de libéralisation maladive qui pousse à tous les excès, détruit les valeurs, la morale, le patrimoine, la planète, générant une surconsommation dévastatrice ; et un comportement individualiste, concurrentiel, rendant les gens violents, égoïstes, et pour finir dépressifs, puis soignés à coups de camisoles chimiques. Quand serons-nous aussi parqués dans des cages, à pisser dans une litière pour fabriquer des composants électroniques qui ne serviront bientôt qu'aux plus riches ? Tout cela est censé, à terme, nous conduire à une gouvernance mondiale, soi-disant pour le bien de tous. Sauf que si ceux qui ont l'argent et le pouvoir s'inquiétaient vraiment de notre bien, ça se saurait ! Toutes formes de rébellions contre ce système donnent lieu à une répression féroce, allant de la simple diabolisation au meurtre, en passant par les procès précaires, les éborgnages et plus généralement la destruction de tout autre mode de vie.

Le Nouvel Ordre Mondial voulu par les familles les plus puissantes de la planète est une conquête de pouvoir dont les résultats sont le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Il est voulu et mis en place par les mêmes qui génèrent des milliards en traiding et autres malversations criminelles, génèrent des guerres pour vendre des armes, corrompent les gouvernements, facilitent les inégalités, détruisent les cultures, exploitent les peuples. Ces gens-là ne veulent pas notre bien, et leur projet de gouvernance mondiale n'a pas pour but de nous offrir une vie meilleure. Ce qu'ils veulent, c'est ce que veulent tous les totalitarismes, tous les dictateurs : un pouvoir absolu et un contrôle total.

C'est tout cela le Nouvel Ordre Mondial, et peut-être bien plus encore. Mais dans tous les cas, c'est néfaste et il va falloir se remuer pour changer la donne avant qu'il ne soit trop tard.

Nous avons notre part de responsabilité, car ne l'oublions jamais, ils sont les 1%, nous sommes le reste, et nous nous sommes clairement laissé embarquer dans cette grande machinerie, sautant sur les facilités qu'offre aujourd'hui la centralisation des achats, laissant l'administration compliquée à des gens qui nous exploitent, et surtout, en faisant la part belle aux divertissements en tous genres, quand la vie appelle à la raison et l'accomplissement.

C'est pourquoi avec quelques amis fondateurs, et bien d'autres nous ayant rapidement rejoints, nous avons décidé d'aller vers le bon sens, d'aller à l'encontre de leur projet dévastateur, de porter, de promouvoir et d'inviter toutes les personnes de bonne volonté à développer le concept de Nouvel Ordre Local ; le tout sans aucun prosélytisme religieux, ni un quelconque idéal politique, dans le respect des idées de chacun et des cultures de tous, simplement en nous unissant autour de ce qui nous est commun et pour le bien de tous.

Le Nouvel Ordre Local c'est :

Tout le contraire ! Sortir avant tout de l'individualisme et revenir à un mode de vie plus sain, plus local. Réinvestir nos villages et reprendre en main nos quartiers. Développer l'entraide et la solidarité ; sortir des conflits puérils et des comportements violents pour réapprendre à tendre la main, à sourire, et nous soutenir les uns les autres. Développer des projets intelligents et durables, comme les jardins partagés, les clubs citoyens. Soutenir l'artisanat et les producteurs locaux. Apprendre à sourire à ses voisins et redevenir plus humain. Faire attention à notre environnement et prévenir les générations futures d'un avenir morose, en les éduquant autrement qu'en les laissant oisifs devant des jeux vidéo violents. Favoriser nos artistes, musiciens et créateurs locaux. Développer des projets d'entraides et de solidarité comme les transports solidaires, les échanges et les bons procédés. En réhabilitant les fêtes de villages et de quartiers pour apprendre à nous connaître, définir ensemble en quoi nous pourrions nous être utiles.

C'est essayer aussi d'aller vers plus d'autonomie pour mettre fin aux transports excessifs et nous permettre de consommer plus sainement, en favorisant les modes de production propres, notamment en matière d'énergie ou de consommation de l'eau, en s'appuyant pour plus d'efficacité sur le savoir-faire et les richesses de chacun. C'est cesser de gaspiller en cherchant à réparer plutôt que de chercher toujours à avoir mieux lorsque ça n'est pas indispensable. C'est favoriser le cas échéant les achats d'occasions plutôt que d'aller systématiquement vers du neuf, simplement pour briller ou paraître plus riche que les autres. Ce n'est plus se mettre en concurrence avec les autres, sans jamais se soucier du mal que l'on fait autour de soi. C'est au contraire, compter sur uns sur les autres, dans le respect de chacun, pour en finir une bonne fois pour toutes avec ce mode de vie Occidental qui ravage tout sur son passage, et qui surtout, ne nous rend pas heureux.

Et bien sûr, le Nouvel Ordre Local, c'est favoriser et redonner du poids aux gouvernances locales ! Redonner à nos communes les possibilités pour organiser et investir intelligemment, en s'impliquant dans les choix qui nous sont communs, en prenant en compte que les montagnards n'ont pas les mêmes besoins que les habitants des bords de mer. C'est aussi, favoriser les échanges entre communes pour leur permettre de mieux résister au pouvoir central.

Décentraliser les modes de production et de gouvernement, c'est ne plus laisser le capital et le pouvoir filer entre les mains d'une petite élite comme dans un entonnoir. C'est éclater les profits et les rendre plus équitables, c'est rendre les décisions plus justes et plus utiles pour tous. C'est mutualiser nos richesses, intellectuelles, matérielles, pour nous rendre plus fort et réapprendre qu'ensemble, si nous nous soudons, « ils » ne peuvent plus rien contre nous.

Je ne le dirais jamais assez : la politique, c'est l'organisation de la vie civile, la démocratie, c'est l'implication de chacun dans l'organisation de la vie civile. Nous devons désormais nous impliquer, sortir de chez nous, et construire ce monde de demain qui n'attend plus que notre bonne volonté et notre créativité.

Le Nouvel Ordre Local, c'est ne plus vouloir être meilleur que l'autre, c'est vouloir être meilleur pour l'autre. Le Nouvel Ordre Local, ce n'est plus de la résistance, c'est une contre-attaque ! Le Nouvel Ordre Local, c'est le bon sens. Le Nouvel Ordre Local, c'est nous, les 99%.

Pour que ce concept fasse son chemin et se développe, ce n'est qu'avec l'implication du plus grand nombre de bonnes volontés raisonnables que nous y parviendrons. Rejoignez le mouvement.

Nous allons aller ensemble vers ce Nouvel Ordre Local, et personne, je dis bien personne, ne pourra s'y opposer !
Chroniques-Humaines


Commentaire

NLO : chouette idée. Néanmoins, le local ça existait aussi au moyen-âge et il y avait des serfs et des seigneurs... donc il s'agit de bien réfléchir aux structures démocratiques à mettre en place. En outre, une petite suggestion de lecture concernant l'utilisation du terme "gouvernance" utilisée, malheureusement, par de nombreuses associations. 

Extrait : "Et la pièce centrale de cette visée est le recours au concept de gouvernance,
qui vise en fait à « délégitimer les techniques de la démocratie représentative 
» et représente « le point nodal d’un programme politique conservateur qui concurrence le modèle de l’État-nation basé sur la démocratie représentative afin d’œuvrer à la mise en place d’un nouveau régime politique antagonique à la démocratie». En somme, notion controversée, « la gouvernance traduit bien la destruction de ce qui impliquait une responsabilité collective, c’est-à-dire la politique. Il ne s’agit plus de politique mais de gestion»

Bon, il n'y a pas de mal à critiquer/délégitimer, si nécessaire, les techniques de la démocratie représentative... pourvu que ce soit le peuple qui s'en charge. Et le peuple, comme le dit Onfray, c'est l'ensemble des gens sur lesquels s'exerce le pouvoir. 

lundi 3 juillet 2017

De quoi la gouvernance est-elle le nom ? Par Olivier Starquit / Of what the governance is the name ? By Olivier Starquit

La gouvernance, un terme très à la mode dans nos institutions publiques... Ci-dessous, petit article d'auto-défense intellectuelle.

source : http://www.barricade.be/sites/default/files/publications/pdf/olivier_-_gouvernance.pdf

COMMENT CET OBJET POLITIQUE S’EST-IL IMPOSÉ ? LA GOUVERNANCE
EST-ELLE TOXIQUE POUR LA DÉMOCRATIE ? ET QUELS DANGERS RECÈLE CE
« PETIT PUTSCH CONCEPTUEL 1 » ?

«Les mots sont importants et vivre dans l’omission de cette évidence laisse la voie libre aux plus lourds stéréotypes, amalgames, sophismes et présupposés clôturant la pensée et la création mieux que ne le ferait la plus efficace des censures 2 » clame le Collectif Les mots sont importants sur son site. Prenons ainsi le terme « gouvernance» qui prolifère aujourd’hui comme une mauvaise herbe. La gouvernance est terme utilisé en ancien français (au xiiie siècle) comme équivalent de « gouvernement» (l’art et la manière de gouverner). Mais il nous est revenu insidieusement de Grande-Bretagne, forte de nouvelles connotations. À la fin des années 80, le mot est présent dans les discours de la Banque mondiale, et est repris par le Fonds monétaire international (FMI) et par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Il a entre-temps mué en un concept extrêmement malléable qui permet de redéfinir a minima le rôle de l’État par la promotion d’une « gestion néolibérale de l’État qui se traduit par la déréglementation et la privatisation des services publics 3 ». Elle signifie désormais l’art de gouverner sans gouvernement, une nouvelle façon de gouverner la société qui se caractérise par une prise de décision mise en réseau où tout le monde est partenaire de tout le monde 4 . Ce faisant, le terme substitue au gouvernement tel que nous le connaissions un mode d’intervention à l’intersection de la sphère économique, la sphère publique et la sphère associative.

Outre la tournure un tant soit peu démagogique de cette représentation des choses (nous serions tous acteurs mais certains sont plus acteurs que d’autres, pour paraphraser George Orwell dans La Ferme des animaux 5 ), cette manière de penser l’action publique induit aussi une certaine dilution des responsabilités. «La notion de gouvernance efface toute rigueur en matière de responsabilité des décideurs: elle n’est plus celle d’individus en particulier, occupant des fonctions précises, mais celle de défaillances ponctuelles d’un système de « gouvernance» ou d’une de ses parties. Toute responsabilité individuelle est désormais diluée par ce concept insaisissable, dont la fonction […] est de dégager le dirigeant individuel et les opérateurs sous ses ordres de tout souci éthique 6 .» Elle promeut en quelque sorte un évanouissement de la politique. Ses partisans « associent le terme à l’élaboration de nouvelles techniques de gouvernement et à la substitution de l’action unilatérale de l’État par un mode plus consensuel et pluraliste de formulation de la norme 7 »

La gouvernance cherche « à ranger la chose publique au rang des vieilleries et à la remplacer par l’ensemble des intérêts privés, supposés capables de s’auto-réguler. C’est précisément en cette autorégulation des intérêts privés que consiste la gouvernance politique 8 ». Plus besoin d’État puisque «la gouvernance conduit à remplacer les normes juridiques (décidées par les pouvoirs publics représentant le peuple) par des normes techniques (créées par des intérêts privés): codes de conduite, labels, normes comptables privées, normes ISO… Dans la conception de la gouvernance, l’État n’exprime lui-même aucun intérêt général et doit se borner à arbitrer entre des intérêts particuliers » 9 . Autre - ment dit, cette dilution «disqualifie l’État tout en privatisant la délibération politique 10 ».

Mais cette dilution se manifeste également par d’autres méthodes. Ainsi, outre une hypertrophie du pouvoir exécutif et la perte de toute substance du travail législatif parlementaire, la gouvernance penche résolument en faveur d’un partenariat avec d’autres acteurs comme par exemple la fameuse société civile, alors mise en concurrence avec le Parlement. Or la société civile n’est ni élue, ni représentative…

La société civile 

Qu’est-ce donc que cette société civile ainsi appelée à la rescousse? Le Livre blanc de la gouvernance européenne la définit comme suit: ce sont «les organisations syndicales et patronales (les partenaires sociaux), les organisations non-gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les organisations caritatives, les organisations de base, les organisations qui impliquent les citoyens dans la vie locale et municipale avec une contribution spécifique des églises et des communautés religieuses 11 ». Cette société civile englobe donc toutes les associations privées qui se réclament de l’intérêt public en se substituant aux pouvoirs publics (ONG, associations charitables religieuses…).

Comme nous le constatons, elle devient partie intégrante de la représentation politique et du processus de décision, se substituant ainsi à la souveraineté populaire et au vote des citoyens. Ce processus revient à privatiser la décision publique, d’autant plus qu’une addition d’intérêts privés ne constitue pas l’intérêt général ! De plus, derrière la société civile se cache bien souvent l’efface - ment de la frontière entre le public et le privé.

En outre, la définition donnée dans le Livre blanc témoigne bel et bien du bric-à-brac disparate que représente cet ovni sémantique qu’est donc la société civile: il ne faut pas être grand clerc pour subodorer et constater que l’apport du lobby des employeurs européens sera autrement valorisé que celui d’un syndicat ou d’un mouvement associatif. Au mieux, ces derniers bénéficieront d’une écoute polie. Ainsi, «le recours à la très nébuleuse société civile permet de valoriser comme acteurs politiques fondamentaux les entreprises commerciales et financières et leurs multiples cabinets d’experts 12 . »

La gouvernance, en décrivant comme « vertueuse la prise de décision dans des forums et lieux qui échappent à la sanction du vote populaire… contribue à un affaiblissement du contrôle démocratique 13 » et tend un piège à la démocratie. «Elle se présente comme un élargissement de la démocratie par une meilleure participation de la société civile, alors même qu’elle est en train de détruire le seul espace où les individus peuvent accéder à la démocratie: en devenant citoyens et en cessant d’être de simples représentants d’intérêts particuliers 14 . »

Le danger est grand, car le recours au concept de gouvernance, qui vise en fait à «délégitimer les techniques de la démocratie représentative 15 », représente «le point nodal d’un programme politique conservateur qui concurrence le modèle de l’État-nation basé sur la démocratie représentative afin d’œuvrer à la mise en place d’un nouveau régime politique antagonique à la démocratie 16 ».

Cette invocation incantatoire de la société civile offre en outre l’avantage d’arracher un consensus par un pseudo-débat sur des projets arrêtés préalablement par les pouvoirs exécutifs en place (gouvernements, Conseils des ministres européens), et, autre avantage non négligeable, de substituer au peuple experts et notables. Ce recours aux experts est une véritable négation de la politique, assimilant celle-ci à une pure et simple gestion aussi rationnelle que possible de la société.

Ce modèle promu par la gouvernance induit par conséquent une dynamique de dépolitisation qui implique que pouvoir et fonctions politiques peuvent dis - paraître au bénéfice d’une simple « administration des choses».  En somme, «la gouvernance traduit bien la destruction de ce qui impliquait une responsabilité collective, c’est-à-dire la politique. Il ne s’agit plus de politique mais de gestion et d’abord de gestion d’une population qui ne doit pas se mêler de ce qui la regarde 17».

Outre l’accent mis sur la gestion, la gouvernance se caractérise également par une focalisation du débat sur les instruments et moyens d’une action politique à entreprendre et non sur l’action en tant que telle. En résumé, les problèmes politiques se muent en questions techniques. Puisque il ne s’agit plus de gouverner, mais de gérer, la technique donne un sceau d’inéluctabilité aux décisions prises.

Enfin la gouvernance vise, sous couvert de décisions techniques prises au consensus, à neutraliser le débat politique: «la substitution assez récente de la notion de gouvernance à celle de pouvoir vise à laisser entendre que personne n’a ou ne détient de pouvoir, que toute décision est issue des nécessités objectives de situation... À aucun moment n’est structurée une situation de débat où s’affronteraient des conceptions opposées du bien commun. Tout est contractuel, négocié, accepté. Ce que nous imposons c’est ce que vous avez voulu. Qui nous? Qui vous? Personne 18 . »

En somme, la gouvernance est la traduction politique du consensus technocratique et néolibéral 19. Et c’est ainsi que nous assistons à la mise en place d’une société consensuelle qui assurera logiquement l’hégémonie idéologique.

Est-ce grave, docteur ?

Oui, car «le retrait des peuples de la sphère politique, la disparition du conflit politique et social permet à l’oligarchie économique, politique et médiatique d’échapper à tout contrôle 20 ». Un autre danger de ce processus régressif est le désenchantement qu’il pourrait engendrer à l’égard de la politique en général et de la démocratie en particulier. Or, le conflit est nécessaire et consubstantiel au bon fonctionnement de la démocratie. Ce dont cette dernière a besoin est d’une «sphère publique où des projets hégémoniques différents peuvent se confronter 21.»

Les mots sont importants, surtout quand certains d’entre eux constituent un obstacle à la reconquête de l’imaginaire. Une conclusion plus positive serait de poser le constat selon lequel l’imposition du concept de gouvernance « aura au moins permis que la question de la citoyenneté soit reposée [et]… devienne le ferment du renouvellement d’un débat public le plus souvent languissant et convenu 22.»

Olivier Starquit, décembre 2011

1 Nous empruntons cette formulation à Philippe Arondel & Madeleine Arondel-Rohaut, in
Gouvernance, une démocratie sans le peuple, Paris, Ellipses, 2007.
2 http://lmsi.net
3 Jacques B. Gélinas, Dictionnaire critique de la globalisation, Montréal, Éditions Ecosociété,
2008, p. 151.
4 Ce concept pragmatique est aujourd’hui tellement en vogue qu’il est utilisé à toutes les sauces:
on parle de gouvernance locale, de gouvernance urbaine, de gouvernance territoriale, de
gouvernance européenne, de gouvernance mondiale, le dernier en date étant la gouvernance
économique européenne (un bel euphémisme pour dire politiques d’austérité)…
5 Une variante : en tant que partenaires, nous sommes tous dans le même bateau, mais quelquesuns
trustent le salon et la majorité végète dans les soutes. 
6 Georges Corm, Le nouveau gouvernement du monde, Paris, La Découverte, 2010 p. 206.
7 John Pitseys, «Le concept de gouvernance», Etopia, p. 63. 
8 Dany-Robert Dufour, Le divin marché, Paris, Denoël, 2007, p. 155. 
9 Thierry Brugvin, «La gouvernance par la société civile: une privatisation de la démocratie?»
In Quelle démocratie voulons-nous? Pièces pour un débat, Alain Caillé (dir.) Paris,
La Découverte, Paris, 2006, p. 74
10 John Pitseys, op.cit.
11 Commission européenne, Gouvernance européenne. Un livre blanc, Bruxelles, 25 juillet
2001, COM (2001) 428 final, 40 p.
Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2001/com2001_0428fr01.pdf
À noter l’usage des partenaires sociaux à la place d’interlocuteurs sociaux !
12 Corinne Gobin, «Gouvernance» in Pascal Durand (dir.), Les nouveaux mots du pouvoir,
abécédaire critique, Bruxelles, Aden, 2007, p. 266
13 Barbara Delcourt, Nina Bachkatov & Christopher Bickerton, « Complexification du
monde et exigences minimalistes de la narration » In Science politique et actualité, actualité de
la science politique, Régis Dandoy (dir.). Louvain-la-Neuve,
Éditions Academia Bruylandt,
2011, p. 250
14 Dany-Robert Dufour, op. cit., p. 161
15 Philippe Arondel, Madeleine Arondel-Rohaut, Gouvernance, une démocratie sans le peuple, Paris, Éllipses, 2007, p. 175 .
16 Corinne Gobin, op. cit., p. 265 .
 17 Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, résister à la barbarie qui vient. Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2009, p. 67 . 
18 Alain Caillé, «Un totalitarisme démocratique? Non le parcellitarisme» In Quelle démocratie voulons-nous? Pièces pour un débat, Alain Caillé (dir.) Paris, La Découverte, Paris, 2006, p. 96 . 
19 Ce consensus mou qui n’est pas celui issu du conflit mais qui le précède et lisse les positions avant que le débat ait pu avoir lieu.
20 Cornelius Castoriadis, Une société à la dérive, entretiens et débats 1974-1997, Paris, PointsSeuil, 2005, p. 28. La constitution de gouvernements technocratiques en Grèce et en Italie illustre à merveille cette évolution néfaste. 
21 Francine Mestrum, «La “gouvernance” comme processus de dépolitisation par le déplacement du conflit» In Le conflit social éludé, Roser Cusso (eds), Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylandt, 2008, p. 149. 
22 Philippe Arondel & Madeleine Arondel-Rohaut, Gouvernance, une démocratie sans le peuple, op. cit, p. 176.

Pour aller plus loin

Livres

Philippe Arondel & Madeleine Arondel-Rohaut, Gouvernance, une
démocratie sans le peuple, Paris, Éllipses, 2007.
Pascal Durand, Les nouveaux mots du pouvoir, un abécédaire critique,
Bruxelles, Aden, 2007.
John Pitseys, «Le concept de gouvernance», Etopia, p. 63.
Texte disponible sur www.etopia.be/IMG/pdf/r7_pitseys_web-2.pdf

Petit exercice d’autodéfense intellectuelle

Chaque fois que le terme « gouvernance» est proféré (journal parlé ou
télévisé), se demander quel mot il remplace.
Chaque fois que vous entendez un interlocuteur utiliser ce terme,
l’interrompre et l’inviter à définir précisément ce qu’il entend par ce terme.





mercredi 28 décembre 2016

Diversity and inclusion on NGO boards: what the stats say / Diversité et inclusion dan les ONG : ce que les statistiques en disent

Source : https://www.theguardian.com/global-development-professionals-network/2013/apr/29/diversity-inclusion-ngo-board

Figures reveal a clear disjunction between the world NGOs seek to create, and the world their governance structures reproduce

= les schémas révèlent une rupture claire entre le monde que les organisations veulent créer et le monde tel qu'il existe au sein de leur structures de gouvernance !

Fairouz El Tom

Tuesday 7 May 2013 10.56 BST First published on Tuesday 7 May 2013 10.56 BST

Diversity and inclusion are important to almost all non-governmental organisations. To what extent do NGO boards adequately reflect these values, or the experience and diversity of those they exist to serve?

To find out, I looked at the 2013 Top 100 NGOs. Released annually, this is a list of what the Global Journal considers to be the most impactful, innovative and sustainable NGOs. I chose to work with it because it provided a reasonable sample.

NGO3


What emerged ? 




 NGO1



There is an almost exact mirror image between where NGOs are headquartered and where the people they serve live. 72% of the NGOs are headquartered in the western world while 79% of their activity takes place in the majority world.
Social profile





Taken as a body, most of the surveyed NGOs work for populations that are predominantly non-European and relatively poorly educated; most also promote gender equality and women's empowerment. Yet their own leaderships are primarily composed of western educated male graduates of European origin.
Selected professional affiliations
NGO5


In different ways, the NGOs surveyed promote ideals of justice and social progress. Yet over half have board members who are affiliated with companies that invest in, or provide legal, marketing, or other services to the arms, tobacco and finance industries.

Analysis

The figures reveal a clear disjunction between the world these NGOs seek to create, and the world their governance structures reproduce.
By appointing boards that are predominantly of European origin, they perpetuate values that assume 'whiteness' is superior to 'blackness' and attitudes tainted by a western-saviour myth. The very low number of African members is particularly troubling, because more than one third of projects take place in that region.
The representation of women may appear to be less alarming, but the ratio of women is still relatively low. Furthermore, 65% of female board members are of European origin — a figure that rises to 75% among western NGOs. This reveals the importance of intersectionality; if they wish to be inclusive and diverse, for example, NGOs need to consider gender and ethnicity.
Given the ethnic composition of the boards, it is not surprising that most members graduated from western universities. Although the value of higher education and the excellence of many western universities are undeniable, the NGOs surveyed are almost completely reliant on western knowledge paradigms, though they work in many areas of the world where other systems of thought are strongly present. Through this choice, they inevitably exclude points of view that are relevant or vital to the work they do or the people they serve.
Their professional affiliations raise similar inconsistencies.
Many would question whether association with the arms and tobacco industries is compatible with the promotion of ideals of justice and social progress. Even if no position of principle is taken, however, NGOs certainly need to explain how association with these industries is consistent with their objectives.
Association with the finance industry might seem more defensible. Boards have a duty of financial oversight, and many of the NGOs surveyed manage large budgets. They nevertheless have a duty to explain their choices, and most do not do so.
The reputation of the banking sector was highly compromised by the greedy and irresponsible conduct of numerous banks and investment houses in the period before and after the 2008 crash. It cannot credibly be said that the sector has shown evidence of working to protect the interests of less privileged groups in society, who are the primary constituents of most of the listed NGOs. They should therefore ask themselves whether the appointment of numerous senior executives and partners in large investment banks and hedge funds helps them to achieve their mission.
As individuals, of course, bankers too can be philanthropists. It is not a question of excluding such sources of economic expertise altogether. What is shocking is the number of them on NGO boards, and the glaring absence of so many other kinds of expertise.

Conclusions


The leaderships of these NGOs have a social profile that is at least at odds, and probably incompatible, with their ideals and mission. Some social bias was understandable in the historical context in which international NGO activism formed in the last century; that time is past.
If NGOs are to achieve meaningful, representative diversity, they need to be more transparent, more accountable, and far more ambitious. If they are to realise their ideals of justice and social reform in today's highly mobile, diverse, information rich world, they need to draw on skills and experience from across the globe. To do their jobs, their boards need to be adequately diverse, representative, and well-informed: at present, the NGOs surveyed are manifestly deficient in all three respects.
Fairouz El Tom is creative director at Plain Sense in Geneva, and conducts independent projects on issues related to diversity and "otherness". She tweets at@onrelating.










dimanche 18 octobre 2015

Lorsque j'entends parler de "gouvernance", j'ai envie de vomir / When I hear about "governance", I want to vomit

La novlangue néolibérale 

Par Olivier Starquit

 Après 40 ans de crise(s), le discours néolibéral parvient non seulement à justifier les politiques néolibérales en masquant leur caractère de politiques de classe, mais arrive encore à les renforcer. comment y parvient-il ? quels sont ses ressorts ? comment ces mots du pouvoir fonctionnent-ils, par qui sont-ils propagés et quels dangers recèlent-ils pour notre démocratie ? (...) Et la pièce centrale de cette visée est le recours au concept de gouvernance, qui vise en fait à « délégitimer les techniques de la démocratie représentative» et représente « le point nodal d’un programme politique conservateur qui concurrence le modèle de l’État-nation basé sur la démocratie représentative afin d’œuvrer à la mise en place d’un nouveau régime politique antagonique à la démocratie ». D'ailleurs, l’absence de débat à propos d’une idée ou d’une opinion en finit même par devenir la preuve subjective de la validité de cette idée ou de cette opinion. En somme, notion controversée, « la gouvernance traduit bien la destruction de ce qui impliquait une responsabilité collective, c’est-à-dire la politique. Il ne s’agit plus de politique mais de gestion». Ainsi, « sous couvert d’un rejet presque effarouché des idéologies (ce mot, comme tant d’autres, est lui-même devenu politiquement incorrect), le discours véhiculé par les médias forge peu à peu une apparente unanimité sociétale et ce faisant prêche, sans le vouloir, pour la soumission à un ordre de plus en plus établi. Ce discours se construit d’évidences qu’il voudrait tellement indiscutables (des réformes seront nécessaires, des efforts voire des sacrifices devront être consentis) qu’il s’exonère lui-même de l’argumentation et surtout de l’analyse des causes ou des alternatives». 

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