dimanche 30 août 2015

Donald Trump, candidat à la maison blanche : 3 analyses éclairantes / Donald Trump, candidate for the white house: 3 enlightening analyses

Pire qu’Hitler

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Source : http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-pire-qu-hitler.aspx?article=7392915552H11690&redirect=false&contributor=James+Howard+Kunstler.&mk=2

Même l’anciennement auguste New York Times nous explique aujourd’hui que Donald J. Trump a enflammé l’émoi du public dans le contexte du processus électoral qui ne fait plus que récompenser ceux qui passent outre les vrais problèmes. L’immigration est un substitut pour la paralysie, l’incompétence et le ballonnement des gouvernements de notre époque – mais elle offre aussi une porte ouverte sur un problème plus large.
L’immigration est un problème pratique, dont les effets sont facilement compréhensibles et visibles sur le terrain. J’apprécie assez le débat lancé par Trump, notamment parce qu’il s’oppose à la malhonnêteté dégoûtante du politiquement correct qui a embourbé les classes instruites dans un marais de sentimentalité. Emily Bazelon, qui écrit pour le magazine Times Sunday, a fait polémique la semaine dernière en expliquant que l’usage du terme « clandestin » pour qualifier ceux qui traversent les frontières terrestres sans aucune permission ne fait que « justifier leur mauvais traitement ». Peut-être pense-t-elle également que les renvoyer d’où ils viennent est une forme de mauvais traitement.
Je trouve rafraîchissant que Trump soit capable de passer outre ce fatras tendancieux. Si c’était là son seul rôle, il serait d’une grande utilité, parce que le politiquement correct est une maladie intellectuelle qui rend impossible, même pour les plus instruits, de réfléchir – notamment pour ceux qui se prétendent être des responsables politiques. Les camarades républicains de Trump sont pris au piège de leur propre lâcheté, et qu’il est amusant de les regarder se tortiller.
Mais pour ce qui me concerne, je trouve tous les autres attributs de Trump franchement écœurants, depuis sa façon de s’exprimer méprisante jusqu’à la vision du monde dont il nous fait part de jour en jour, en passant par l’incohérence de sa rhétorique, et le carcajou établi sur le haut de son crâne. Le simple fait d’imaginer Trump être élu me pousse à me demander où est Arthur Bremer quand on a vraiment besoin de lui.
L’un d’entre vous a-t-il regardé la prestation de Trump la semaine dernière, à l’occasion de sa fameuse « assemblée des citoyens » dans le New Hampshire (qui n’était rien de plus qu’un rassemblement préparatoire) ? Si je ne me trompe pas, au cours de son discours, Trump a répété vingt-trois fois à son audience être un homme « très intelligent ». S’il l’était réellement, il saurait sûrement que ce genre d’affirmations fastidieuses ne fait que témoigner de son manque d’assurance en matière d’intelligence. Après tout, il est un homme qui a passé sa vie à ériger des bâtiments aux allures de trophées de bowling, certains au service de l’une des pires activités de notre temps, les jeux d’argent, qui repose sur l’idée tout aussi délétère qu’il soit possible d’obtenir quelque chose à partir de rien.
Si vous voulez mon avis, les jeux d’argent ont eu des effets plus néfastes sur la vie des Américains au cours de ces trente dernières années que les immigrants clandestins. Les jeux d’argent sont une activité marginale pour les gens marginaux qui vivent en marge de la société – dans les arrière-cours et les ruelles. C’est là qu’ils ont été consignés des décennies durant, parce qu’il n’est pas sain pour le public de croire qu’il lui est possible d’obtenir quelque chose à partir de rien. Les jeux d’argent menacent ce qui est peut-être le principe le plus fondamental de la vie humaine.
L’incohérence verbale de Trump est quand même quelque chose. Il est incapable d’exprimer ses idées sans s’aventurer dans un labyrinthe dendritique de digressions, qui le mènent souvent à mentionner à quel point il est aimé (un autre signe de manque de confiance en soi). Lorsqu’il s’en est pris à Jeb (nul besoin de citer son nom de famille), selon qui les chefs d’Etat irakiens méritent qu’on leur montre que nous avons « des intérêts en jeu », Trump a par exemple cité les « soldats blessés ». « Je les aime. Ils sont partout. Ils m’aiment », a-t-il dit. Pour reprendre les propos immortels de Tina Turner, qu’est-ce que l’amour a à faire dans tout ça ?
La notion avancée par Trump selon laquelle il est possible d’influencer les chefs d’Etat du monde comme Vladimir Poutine en les traitant à la manière de patrons de syndicats de cimentiers devrait en faire réfléchir plus d’un. Trump ne semble pas réaliser que les autres pays pourraient vite se montrer pugnaces envers les Etats-Unis. Il serait capable de nous traîner dans une guerre mondiale avant même la fin de la parade d’inauguration.
Le problème, c’est que l’élection de Trump n’est pas inconcevable. Peut-être un peu tirée par les cheveux, mais définitivement pas hors de question. Les Etats-Unis approchent une période houleuse de leur Histoire, comme ceux qui ont les yeux rivés sur les indices boursiers le savent certainement déjà. Le pays a de fortes chances de se réveiller un matin d’automne pour se découvrir brisé et fauché. Quand cela se produira, l’anxiété et l’animosité du peuple partiront à la recherche de bouc émissaires, et ne s’abattront certainement pas sur les bons. Les dirigeants du monde pensaient au départ qu’Hitler était un clown. Mais les Allemands en étaient fous. Dans les circonstances de l’époque, il a su appuyer sur les bons boutons. Trump est pire qu’Hitler. Et le peuple américain, hélas, est une bande de tatoués fainéants et enragés plus ignorants encore que les Allemands de 1933. Vous devriez avoir peur.

Primaires américaines : Ce que les médias français n’ont pas dit sur Donald Trump


Source : http://www.upr.fr/actualite/primaires-americaines-ce-que-les-medias-francais-nont-pas-dit-sur-donald-trump
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Primaires américaines : Ce que les médias français  n’ont pas dit sur Donald Trump – par François Asselineau, réflexions à partir d’un article du magazine américain Counterpunch.
donald.trumpDonald Trump fait actuellement la course en tête parmi les candidats à l’investiture républicaine pour la prochaine élection présidentielle américaine. Mais qu’en pense l’oligarchie ?
On se rappelle que les services de renseignement russes ont diffusé sur Internet, le 6 février 2014, l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’ils avaient interceptée entre Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État chargée de l’Europe, et l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt.
Ce qui était sensationnel dans cet enregistrement, c’est que l’on pouvait y entendre, sans l’ombre d’une ambiguïté, la responsable du Département d’État donner à son ambassadeur les instructions sur qui devait désormais accéder au pouvoir à Kiev. Le choix de Washington était de nommer Arseni Itaseniouk à la tête du gouvernement ukrainien et d’en écarter Vitali Klitschko (Mme Nuland appelant les deux protagonistes respectivement « Yats » et « Klitsch »). Et c’est ce qui fut fait. (cf. la bande son et sa traduction : https://www.youtube.com/watch?v=2-kbw00aqqc notamment à partir de 1’15’’).
Peut-être était-ce ainsi la première fois dans l’Histoire que l’opinion publique mondiale disposait, en « temps réel », de la preuve enregistrée irréfutable (et dont l’authenticité fut d’ailleurs confirmée ultérieurement par l’intéressée) d’un complot conduit par les États-Unis, visant au renversement d’un pouvoir indépendant dans un pays étranger et à son remplacement par un pouvoir fantoche à la botte de Washington.
Pourtant, ce n’est pas ainsi que cet enregistrement spectaculaire et historique fut présenté au public en France. Les grands médias de notre pays se focalisèrent sur un seul membre de phrase de cette conversation, celui où Mme Nuland lance à l’ambassadeur : « And, you know… fuck the EU ! », c’est-à-dire « Et puis vous savez, que l’Union européenne aille se faire foutre ! ».
Ce tri vicieux opéré dans l’information eut l’effet recherché. La grande majorité de nos compatriotes, – n’ayant ni l’idée ni l’envie de se faire une idée par eux-mêmes en écoutant l’intégralité de la bande son -, furent persuadés que l’objet du scandale suscité par cette conversation téléphonique était tout bonnement que la sous-secrétaire d’État états-unienne chargée de l’Europe parlait comme une harengère et qu’elle méprisait l’Union européenne.
Le fait que le scandale portait sur tout autre chose et était d’une tout autre gravité, qu’il résidait dans la preuve que le changement de pouvoir en Ukraine était entièrement piloté par Washington, et que la France acceptait de ruiner ses relations avec la Russie sur la base d’une présentation odieusement mensongère des événements, passa tout simplement à la trappe. Je renvoie ici à mon analyse de l’époque : https://www.youtube.com/watch?v=ev99TZWqX9Y
Cette manœuvre de désinformation est désormais systématiquement utilisée dès lors qu’une voix dissonante ou qu’une information très gênante, impossibles à camoufler, risquent de déstabiliser l’ordre euro-atlantiste établi. Aussitôt les grands médias font la « part du feu » :
  • en essayant de décrédibiliser la voix dissonante par des attaques minables et calomniatrices n’ayant aucun rapport avec le fond du sujet (il suffit de rappeler ici le harcèlement dont j’ai fait personnellement l’objet, lors de l’émission « On n’est pas couché », sur la prétendue « affaire Serge Ayoub »…) ;
  • en tentant de neutraliser la portée dévastatrice d’une information gênante par une focalisation exclusive sur un aspect totalement subalterne de cette information.
Dans les deux cas, les grands médias agissent ainsi pour détourner l’attention du public de ce qui est vraiment important. Leur objectif est d’entretenir les citoyens dans une vision superficielle, tronquée et inoffensive de la réalité, de les empêcher de prendre conscience de la pertinence d’analyses alternatives de la situation, et de les maintenir captifs à l’intérieur du cercle de la pensée unique, seule autorisée.
Cette manœuvre vient de nouveau de montrer son efficacité avec le traitement médiatique de Donald Trump, le candidat qui caracole actuellement en tête dans les sondages sur la course pour l’investiture républicaine à la prochaine élection présidentielle américaine.
À en croire les grands médias états-uniens ou français, cet homme qui a amassé une immense fortune dans l’immobilier, ne serait qu’un affreux populiste et un scandaleux misogyne. Ce n’est certes pas faux, et c’est même exact. Tout comme était exact le fait que Mme Nuland est grossière comme un charretier et que les États-Unis se fichent pas mal de la position diplomatique de l’Union européenne.
De fait, Donald Trump fait recette de façon peu ragoûtante auprès de son électorat, en fustigeant de façon lepéniste les immigrés latino-américains et leur propension supposée à la criminalité. Il s’est permis de tenir des propos machistes du plus mauvais goût face à une journaliste qui l’interrogeait dans une émission sur Fox News le 6 août dernier. Dont acte.
Mais le succès de Donald Trump auprès d’une partie des Américains ne résulte pas seulement de ce genre de propos à l’emporte-pièces, populistes et salaces. Il découle aussi des attaques frontales qu’il s’autorise à faire contre les élites politiques et économiques de son propre pays, élites qu’il connaît spécialement bien puisqu’il en fait partie.
Ce genre d’attaques est évidemment beaucoup plus gênant pour les élites en question, surtout lorsqu’elles dénoncent la corruption de tout le système politique américain et qu’elles s’assortissent de révélations précises, nominatives et cruelles.
Or, c’est exactement ce qui s’est passé lors de l’émission sur Fox News du 6 août dernier. Les agences de presse internationales et les médias français se sont une nouvelle fois « trompés » dans leur synthèse. Ils se sont focalisés sur un sujet médiocre (les propos machistes tenus à une présentatrice) et ont passé sous silence ce qu’avait été le clou du spectacle.
De telle sorte que nous n’en aurions jamais rien su, de ce côté-ci de l’Atlantique, si un article très percutant paru dans le magazine « Counterpunch » – situé très à gauche sur l’échiquier politique américain – n’avait pas relaté l’incident grandiose provoqué par Donald Trump lors de cette émission.
Cet article, signé de Mike Whitney, est disponible en anglais à l’adresse suivante :http://www.counterpunch.org/2015/08/07/trumps-triumph-billionaire-blowhard-exposes-fake-political-system/
J’en propose ci-après une traduction faite par mes soins, que j’assortis d’autant plus des réserves d’usage que c’est un texte qui fourmille d’expressions idiomatiques, sur la traduction desquelles il y a de quoi hésiter.
En particulier, lorsque Donald Trump a dénoncé devant plus de 80 millions de téléspectateurs le système politique étatsunien comme étant un « broken system », j’ai préféré, compte tenu du contexte, traduire cette formule par « système corrompu » plutôt que par « système cassé » ou « système déglingué ».
Quelle que soit la traduction, il n’en demeure pas moins que Donald Trump a mis en émoi l’oligarchie qui tient le pouvoir aux États-Unis en dénonçant les pratiques de clientélisme et de corruption qu’il a lui-même utilisées vis-à-vis de Hillary Clinton ou de Nancy Pelosi(Ancienne Présidente – démocrate – de la Chambre des Représentants des États-Unis).
C’est le mérite de cet article de Counterpunch de le souligner et d’en tirer une conclusion inquiétante : « les scélérats impitoyables qui dirigent le système derrière l’écran de fumée des politiciens imposteurs affûtent leurs couteaux en ce moment, avant que l’éléphant solitaire de Manhattan ne fasse encore plus de dégâts à leur précieux système »….
La suite va nous dire comment les oligarques vont parvenir à faire taire Donald Trump sur tout ce qui les concerne, et que les grands médias français ont déjà décidé de censurer.
François ASSELINEAU
counterpunch
[Traduction sous réserves]
LE TRIOMPHE DE TRUMP : LE MILLIARDAIRE FANFARON RÉVÈLE L’IMPOSTURE DU SYSTÈME POLITIQUE
Le spectacle du Débat présidentiel sur Fox News la nuit dernière nous a offert l’échange politique de deux minutes le plus fascinant que l’on n’ait jamais entendu à la télévision nationale.
Lors d’un bref échange entre le favori Républicain Donald Trump et Brett Baier, le journaliste modérateur de Fox News, le pugnace magnat des casinos a révélé l’effroyable vérité sur le système politique américain. À savoir que les gros pleins de sous comme Trump sont totalement maîtres de ce système vicié et que les dirigeants politiques pour rire de notre nation font tout ce qu’on leur dit de faire. Ce fut sans aucun doute l’échange le plus éclairant qui ait jamais été diffusé sur les ondes. Voici la transcription intégrale de cet échange direct :
  • Brett Baier (Fox News), parlant à Donald Trump : Bon, il y a 15 ans, vous vous décriviez vous-même comme un libéral en matière de soins de santé. Vous étiez pour le système du payeur unique, sur le modèle canadien. Pourquoi étiez-vous pour ce système à cette époque et pourquoi êtes-vous contre maintenant ?
  • Donald Trump : Le système du payeur unique fonctionne au Canada. Il fonctionne incroyablement bien en Écosse. Cela aurait pu marcher [aux États-Unis] à une autre époque, celle à laquelle vous faites référence.
Ce que j’aimerais voir, c’est un système privé sans frontières artificielles autour de chaque État. J’ai une grande entreprise avec des milliers et des milliers d’employés. Et si je suis en négociation à New York ou dans le New Jersey ou en Californie, je dois pouvoir agir comme un seul acheteur. Mais personne ne peut soumissionner ainsi.
Et vous savez pourquoi ?
Parce que les compagnies d’assurance font des fortunes parce qu’elles ont le contrôle des politiciens, à l’exception bien sûr des politiciens ici présents (Rires gênés dans le studio) Mais je redis qu’ils ont le contrôle total des politiciens et qu’ils font des fortunes.
Débarrassez-vous des frontières artificielles et vous aurez de grands projets.
  • Brett Baier (Fox News) : M. Trump, il n’y a pas que votre soutien passé pour les soins de santé à payeur unique. Vous avez également soutenu une foule d’autres politiques libérales … Vous avez également fait des dons à plusieurs candidats démocrates, y compris à Hillary Clinton, et à Nancy Pelosi. Vous avez justifié ces dons en disant que vous les aviez faits pour obtenir des décisions favorables à votre entreprise. Et vous avez dit récemment, je cite : « Quand vous leur faites un don, ils font tout ce que vous voulez qu’ils fassent. »
  • Donald Trump : Vous feriez mieux de me croire.
  • Brett Baier (Fox News) : Et ils le font?
  • Donald Trump : Si je leur demande, si je besoin d’eux, vous savez, imaginez juste pour que vous compreniez, que je donne beaucoup d’argent à la plupart des gens présents dans ce studio…
  • Donald Trump : Je vais vous dire que notre système est corrompu. Avant [que je me lance dans cette course à l’investiture], il y a deux mois, j’étais un homme d’affaires, je donnais à beaucoup de gens. Je donne à tout le monde. Quand ils appellent, je donne. Et vous savez quoi ? Quand j’ai besoin de quelque chose de leur part deux ans plus tard, trois ans plus tard, je les appelle, et ils sont là pour moi. Et bien c’est ça un système corrompu.
  • Un intervenant non identifié : « Qu’est-ce que vous avez obtenu de Hillary Clinton et de Nancy Pelosi ? »
  • Donald Trump : Eh bien je vais vous le dire ; avec Hillary Clinton, je lui ai dit d’être à mon mariage et elle est venue à mon mariage. Et vous savez pourquoi?
Elle n’avait pas le choix parce que je la finançais. Je donnais à sa fondation qui, franchement, était censée agir pour faire le bien. Je ne savais pas que son argent était utilisé pour qu’elle aille partout dans le monde avec des jets privés. C’était pourtant le cas.
  • Brett Baier (Fox News) : Attendez … ..Nous allons… Nous allons passer à autre chose…
11892173_10153601964712612_2385643324982211170_n« Je donne à tout le monde. Quand ils appellent, je donne. Et vous savez quoi ? Quand j’ai besoin de quelque chose de leur part deux ans plus tard, trois ans plus tard, je les appelle, et ils sont là pour moi. Et bien c’est ça un système corrompu. »
Nous avons eu là deux minutes sensationnelles de vérité pure et sans mélange à la télévision nationale. Combien de fois est-ce déjà arrivé ?
Combien de fois un gros richard du cercle des milliardaires apparaît à la télévision pour nous annoncer que tout le système n’est qu’une grosse-grosse arnaque conduite par des escrocs et des leurres ?
C’est bien simple : jamais. Mais c’est pourtant ce que Trump a fait hier soir. Et voilà pourquoi le cliquetis des scélérats impitoyables qui dirigent le système derrière l’écran de fumée des politiciens imposteurs affûtent leurs couteaux en ce moment, avant que l’éléphant solitaire de Manhattan ne fasse encore plus de dégâts à leur précieux système.
Il suffit de réfléchir à ce que cet homme a dit. Il n’a pas seulement expliqué que l’ensemble du système est truqué (Baier: « Quand vous leur faites un don, ils font tout ce que vous voulez qu’ils fassent. » – Donald Trump : « Vous feriez mieux de me croire ») ; .il a également dit que les politiciens font tout ce qu’on leur dit de faire (- Donald Trump : « Eh bien je vais vous le dire ; avec Hillary Clinton, je lui ai dit d’être à mon mariage et elle est venue à mon mariage. Elle n’avait pas le choix parce que je la finançais. »)
Est-ce que tout cela ne confirme pas vos plus graves soupçons sur la façon dont le système fonctionne vraiment, à savoir que l’argent est roi et que les élections sont juste un moyen d’obtenir des moutons qu’ils avalisent sans rien dire un système frauduleux et corrompu ?
Bien sûr que cela les confirme.
Donc, résumons: une grande gueule de capitaliste plein aux as explique à la plus grande heure d’écoute de la télévision, devant 80 millions d’Américains médusés, que le système est une fraude totale, que c’est l’argent qui dirige tout, et même qu’il pense que le système est corrompu.
Est-ce que ce n’est pas la meilleure ? Sérieusement, ma femme et moi avons ri et avons topé dans nos mains comme si nous venions de gagner à la loterie.
Merci pour ce moment, Donald. Nous t’en devons bien une.
MIKE WHITNEY vit dans l’État de Washington.

Trump-Varoufakis et la logique catastrophique des convergences


Source : http://www.dedefensa.org/article-trump-varoufakis_et_la_logique_catastrophique_des_convergences_17_08_2015.html
Auteur : Philippe Grasset

Il n’y a pas très longtemps, puisqu’il s’agit d’un texte du 31 juillet 2015, nous relevions le fait, – que nous voulions “objectif”, c’est-à-dire sans nous interroger sur les parti-pris, les idéologies, les engagements des uns et des autres, – que le Système produisait de plus en plus de “dissidents officiels“, notamment à cause des contraintes que ses narrative, et surtout la dynamique de la logique du déterminisme-narrativiste imposent aux psychologies jusqu’à devenir insupportable à certains... Nous concluions de cette façon :
«Sans qu’il soit nécessaire de parler de “révolte” ou d’“insurrection”, de démission fracassante, de mise en cause sans retour, de rupture tonitruante, de “coup de communication” mûrement préparé, au contraire selon une dynamique parfaitement restée dans les règles, ce qu’on voit marque essentiellement une évolution des vérités de situation (mise à sac de la Grèce, schizophrénie à Kiev-la-folle) qui fait que le simple exercice de leurs fonctions par des “officiels” du Système conduit à mettre ces “officiels” en confrontation directe avec le Système, sans pourtant qu’ils perdent complètement ou en partie leurs statuts. L’on va même jusqu’à envisager des procès-guignols contre eux où serait exposé, s’ils ont lieu, le désordre extraordinaire où baigne le Système, et ces procès toujours selon l’ivresse de vengeance du Système après que son hybris se soit heurté à une résistance. C’est un grand progrès par rapport à l’ère Snowden. Désormais, le Système, englué avec toute sa surpuissance dans les marais furieux de ses contradictions construites sur des narrative comme l’on dirait “sur du sable”, produit directement, toujours aussi furieusement, des antiSystème directement issus de ses rangs. Comme l’on dit fameusement, camarade, on n’arrête pas le progrès...»
Dans ce texte, nous évoquons les voyages en Crimée de parlementaires français aussi bien que certains avatars de l’ancien ministre grec Varoufakis, pour avoir révélé certaines vérités extrêmement désagréables sur le fonctionnement de l’Eurogroupe. Par contre, nous ne disions pas un mot de Donald The Donald Trump ; nous allons poursuivre en parlant de lui, avant de revenir à Varoufakis pour constater que nous parlons du même sujet évoqué dans le texte auquel nous faisons référence.
The Donald est sans aucun doute un très étrange et déroutant personnage, sur lequel il est bien difficile de se faire une opinion arrêtée, et dont on comprend aisément qu’il puisse être considéré comme détestable. Nous avons déjà observé combien sa popularité reposait sur tout ce qu’il n’était pas, bien plus que sur tout ce qu’il est (voir le 13 août 2015), et le phénomène remarquable est que cette popularité “par défaut” s’installe dans la durée, ne s’affaiblit pas malgré sa propre faiblesse, évidente dans cette forme même de popularité toujours perçue comme éphémère ... Quoi qu’il en soit, effectivement, cette popularité augmente, et nous voulons nous arrêter ici à Justin Raimondo, qui est un commentateur expérimenté, d’obédience libertarienne très affirmée, extrêmement expérimenté, etc.
Le 12 juillet 2015, Raimondo mettait en ligne un texte sans la moindre concession sur Trump, dont il faisait un candidat-bidon, sinon un candidat-faussaire, un candidat-trompeur, – non, mieux encore puisque tout le monde emploie l’expression, un candidat false flag destiné (en divisant les républicains, voire en devenant un troisième candidat) à faire gagner Hillary Clinton, la pétulante neocon, le pire de tous les cauchemars qu’entretient Raimondo. Officiellement, c’est-à-dire d’une manière explicite et substantivée, il n’a pas changé d’avis ; néanmoins il est bien révélateur d’une évolution au moins souterraine (exactement un mois plus tard, le 12 août 2015), le passage qu’il consacre à Trump dans le compte-rendu qu’il fait du débat que Fox.News a organisé avec les candidats majeurs du parti républicain, où l’on trouvait Trump malgré la haine féroce et digne du “déchaînement de la Matière” que lui voue la chaîne TV de Rupert Murdoch.
«The one intrusion of reality into these proceedings was – naturally – provided by The Donald, who sidestepped a question about his position on healthcare by saying: “First of all, I’d like to just go back to one. In July of 2004, I came out strongly against the war with Iraq, because it was going to destabilize the Middle East. And I’m the only one on this stage that knew that and had the vision to say it. And that’s exactly what happened.”
»Baier : “But on ObamaCare…”
»Trump “And the Middle East became totally destabilized.”
»The part about him being “the only person on stage” to have opposed the Iraq war isn’t quite true: Rand Paul, back when he was himself – or, at least, when he was not the over-calculating politician he has become – opposed the Iraq war. However, it was refreshing to hear this outburst of truth on a stage full of Republican blind men who would rather pluck out their own eyes than see what the rest of the world acknowledges as indisputable. The look of dismay on Brett Baier’s face was almost worth the price of having to sit through hours of posturing and lies...»
• A côté de Justin Raimondo, on trouve Patrick Buchanan, deux hommes politiquement proches dans le grand rassemblement conservateur US qu’on a baptisé “paléo-conservateur” (isolationniste et antiguerre). Lui, Buchanan, il soutient Trump depuis le premier jour, là non plus nullement par affection pour Trump mais parce que Trump fonce comme un bulldozer à la vitesse d’une blitzkrieg dans l’argument que Buchanan affectionne plus que tout autre : l’immigration essentiellement venue du Sud dénoncée comme une invasion des USA, – immigration désormais colossale puisque le Census Bureau annonce qu’elle atteint, illégaux et légaux additionnés, 42,1 millions de personnes. Buchanan en remet une couche le 14 août 2015 dans UNZ.com. Il décrit comment les caciques du GOP veulent liquider Trump et le défend en acceptant les références des adversaires de Trump, c’est-à-dire en citant des références en Europe à propos de la bataille anti-establishment (antiSystème pour nous) et en défendant le principe de souveraineté et d’identité nationales.
«Trump would be wise to maintain his freedom of action. For there is a plot afoot in The Washington Post Conservative Club to purge Trump from the Republican Party before the primaries begin. “A political party has a right to … secure its borders,” asserts the Post’s George Will, “a duty to exclude interlopers.” Will wants The Donald “excommunicated” and locked out of all GOP debates until he kneels and takes a loyalty oath to the nominee. “Marginalizing Trump” carries no risk of “alienating a substantial Republican cohort,” Will assures us, for these “Trumpites” are neither Republicans nor conservatives. Better off without such trash.
»The Post’s Michael Gerson says “establishment Republicans” must “make clear that [Trump] has moved beyond the boundaries of serious and civil discourse.” He loathes the Trumpites as much as Will. Trump’s followers are “xenophobic,” Gerson tells CNN. They have a “resentment of outsiders, of Mexico, of China, and immigrants. That’s more like a European right-wing party, a UKIP or a National Front in France. Republicans can’t incorporate that.”
»But if the GOP has no room for Trump’s followers, it has no future. For there simply aren’t that many chamber-of-commerce and country-club Republicans. Gerson mentions with disgust the U.K. Independence Party and France’s National Front. What do those parties have in common? Both are anti-New World Order. Both arose to recapture the lost independence and sovereignty of their nations from the nameless, faceless bureaucrats of Brussels, those EU hacks who now dictate the kinds of laws and societies the Brits and French are permitted to have...»
• ... Nous voici donc en Europe (FN,UKIP, etc.), et dans un débat (souveraineté et identités nationales) qui nous est familier, et qu’on trouve également autour de la question de l’euro, et de la récente crise qui vient de déchirer l’Europe en opposant l’Orque qu’est l’UE et la Grèce, avec diverses positions, diverses personnalités, etc., qu’il est difficile de regrouper sous quelques étiquettes qui faciliteraient la pensée la feraient tomber dans le piège de la conformation aux us et coutumes de la pensée-Système. C’est par rapport à cette question de l’appartenance au Système, et de la rébellion contre le système que nous citons Jacques Sapir à propos du Grec Varoufakis (« Quel avenir pour Varoufakis?», le 13 août 2015). Sapir, qui a montré de plus en plus d’intérêt pour Varoufakis, esquisse la description de sa trajectoire d’une position au cœur du Système à une position antiSystème, avec ce qui pourrait être un rassemblement, ou bien un phénomène d’imitation d’autres personnalités venant elle aussi du Système. On peut lire ce passage, qui donne une idée générale de l’orientation de la réflexion (Sapir cite Stefano Fassina et son “appel contre l’euro” [voir le 5 août 2015].)...
«D’ailleurs, il faut remarquer qu’il hébergé sur son blog l’appel de Stefano Fassina à un front des mouvements de libération anti-Euro. C’est un geste qui est très symbolique. Car Fassina, lui aussi, vient de l’intérieur du “système”. Il fut vice-ministre des finances du gouvernement Letta en Italie. C’est un membre influent du parti de centre-gauche, le Parti Démocrate, auquel appartient l’actuel Premier-ministre, Matteo Renzi. Or, aujourd’hui, il est devenu l’un des plus virulents opposants à l’Euro en Italie et son appel n’est rien de moins que l’un des plus virulents brûlots qui ait été écrit contre l’Euro. Varoufakis et Fassina sont donc représentatifs de cette fracture qui s’est produite au sein du “système”, de ce que l’un de mes amis italiens, le professeur Bagnai, appelle le PUDE ou Parti Unique De l’Euro. Leur trajectoire vers des positions anti-Euro pèse d’autant plus qu’ils ont été antérieurement des partisans de l’Euro. On pourrait en dire de même d’ailleurs avec Oskar Lafontaine, qui en tant que dirigeant du SPD fut l’un des pères fondateurs de l’Euro, et qui a, en 2013, viré sa cuti d’opposant résolu à la monnaie unique. Ce fait est désormais très important. De plus en plus le camp des économistes et des politiciens anti-Euro, ou à tout le moins très Euro-critiques, est rejoint par des personnes qui étaient il y a peu encore des partisans de l’Euro mais que la réalité de cet Euro a rattrapé et qui ont compris qu’il n’y a pas d’avenir possible en Europe tant que l’on gardera l’Euro.»
Un de nos lecteurs (voir le Forum du texte du 14 août 2015, ce 16 août 2015, le message de GEO) signale un message de retour de Mélenchon, qui montre également une montée de la tension. D’une façon différente mais toujours dans le même sens, l’affirmation de Jeremy Corbyn, dont l’orientation est radicalement différente de celle du New Labour de Blair et dont l’ascension vers la direction du parti travailliste soulève une véritable fureur chez ce même Blair, – excellent signe pour notre compte, – constitue un phénomène similaire pour sa ligne principale (voir RT le 15 août 2015, «Not just lefties: Corbyn most popular Labour candidate with entire electorate, says new poll»).
• Nous choisissons à dessein des circonstances, des personnalités que beaucoup de choses séparent, parfois jusqu’à sembler inconciliables. Nous montrons également, parallèlement, la rapidité de l’évolution actuelle des réflexions, des réactions, des évaluations. On comprend évidemment qu’il y a une similitude profonde, même si l’idée impliquée en apparence choque certains et déplaît à d’autres, dans le fait de voir des personnalités aussi différentes faire appel directement ou indirectement, d’une façon consciente ou inconsciemment, aux principes de souveraineté et d’identité nationales par le biais de conséquences directes ou indirectes de ces principes. La différence des personnalités, des circonstances, des orientations est en soi une indication impérative que l’on approche des engagements fondamentaux, où il ne sera plus question que de Système et d’antiSystème, dans une situation où la tension commence à faire craquer de l’intérieur le tissu de résistance du Système, avec des appréciations de l’extérieur que ces craquements se produisent effectivement.
Bien entendu, les évènements extérieurs, notamment l’évolution chinoise mais aussi nombre de prévisions catastrophiques plus ou moins solides, offrent le cadre assombri et tragique nécessaire à l’évolution que nous décrivons, et même le cadre assombri et tragique que les acteurs eux-mêmes réclament plus ou moins consciemment pour que leur action soit effectivement perçue et ressentie (y compris par eux-mêmes) selon la conception eschatologique qui importe... (Entendez les ricanements satisfaits de Mélenchon, par rapport à la dévaluation chinoise, qui saluent la nécessaire dramatisation des évènements : «Les Chinois dévaluent leur monnaie sous cotée pour rendre leur salaires compétitifs ! Bref les Chinois jouent aux Allemands… Les Allemands vont déguster. Car leurs chères grosses bagnoles vont couter là-bas bien plus cher et les machines-outils seront bien moins remplacées si la production baisse. Résultat les Chinois font aux Allemands ce que l’Allemagne fait à l’Europe tout entière. La pagaille générale est garantie. Un terrible coup de froid sur le moteur absurde de la croissance mondiale sans fin se dessine à horizon rapproché. L’Europe va trinquer. La Grèce va couler...»)
Une seule chose compte, – que notre essence même devienne antiSystème. Ainsi apparaissent des parallèles qui se révèlent comme des convergences,– on ne leur demande pas leur avis ! – qui auraient semblé il y a quelques mois impensables, absurdes sinon obscènes. C’est que, désormais, il doit nous apparaître de plus en plus en pleine lumière que le Système, qui ramène tout à lui, a monopolisé pour lui seul tout l’impensable, toute l’absurdité, toute l’obscénité du monde ; et celui qui, sortant de lui, se retrouve amené à se manifester contre lui, ne peut être impensable, absurde ni obscène, – fût-ce The Donald soi-même. Il ne s’agit pas d’un concours de beauté morale, d’élégance politique et de vertu citoyenne, mais d’une bataille qui a la dureté rocailleuse et furieuse de la survie.
... On observera d’ailleurs, pour animer le symbole qui nous vient sous la plume et lui donner un peu plus de consistance, combien Trump et Varoufakis sont, en quelque sorte, à la fois les images et les caricatures de deux archétypes essentiels du Système, – le milliardaire excentrique, inculte et grossier qui a fait sa fortune dans la spéculation complètement américaniste d’une part, et d’autre part le playboy/ministre-rock’n’roll sophistiqué, adepte de la théorie des jeux qui s’habille d’un tea-shirt et roule à moto comme un de ces wonder-boys des grands groupes de l’internet... Peut-on rêver figures plus emblématiques de la postmodernité, donc du Système ? Les voilà propulsés dans le rôle de l’antiSystème qui conchie le Système encore mieux que vous et moi parce qu’il vient de son cœur et qu’il le connaît par cœur...
Si vous croyez aux signes du Ciel plutôt que de chercher des complots et des false flags dans les poubelles du Système, ce qui n’est pas le choix le plus stupide, alors il faut donner à ce symboles des deux archétypes du Système poussés vers l’antiSystème tout son poids symbolique. Éventuellement, on peut le placer dans le courant fiévreux qui s’affirme actuellement, depuis quelques jours, – “fièvre de l’automne 2015” ou “fièvre de septembre 2015” qui multiplient les signes d’une catastrophe imminente (voir aussi le 26 juillet 2015), – ou plutôt les signes d’une catastrophe multiple (voir le 11 août 2015) selon une agitation extrême du système de la communication ; moins “officielle” (avec participation/complicité du Système) que cela ne fut avant le faux-buzz gigantesque du 1er janvier 2 000 ou la Fin des Temps de décembre 2012 du calendrier Mayas, bien plus appuyée sur une situation générale potentiellement catastrophique dont les déplacements paradoxaux de personnalités type-Trump/Varoufakis font évidemment partie... On voit que nous sommes partis d’évènements aujourd’hui assez courants et anodins (cela aussi, signe des temps, que de tels évènements puissent être qualifiés d’“anodins”) pour aboutir aux inévitables allusions à la Grande Crise d’effondrement du Système. Tous les chemins mènent à Rome disait-on, toutes les voies de la pensée conduisent à notre Grande Crise peut-on rectifier.

Mis en ligne le 17 août 2015 à 08H51

dimanche 23 août 2015

Ivan Illich : "quand un peuple perd confiance dans la productivité industrielle, tout peut arriver, l'inversion devient vraiment possible" / Ivan Illich: " when people lose trust in the industrial productivity, anything can happen, the inversion becomes really possible "

Ivan Illich  est connu pour avoir « enseigné » une société sans école ou pour avoir « ausculté » la Némésis médicale. Une synthèse de ses idées se retrouve dans La convivialité (Tools for conviviality), édité en 1973. C’est une analyse multidimensionnelle de la surcroissance industrielle. On retrouve dans ses écrits toutes les caractéristiques d’un objecteur de croissance avant la lettre.
« Dans une société riche, chacun est plus ou moins consommateur-usager ; de quelque manière, chacun joue son rôle dans la destruction du milieu. Le mythe transforme cette multiplicité de prédateurs en une majorité politique. En dépit de leur diversité individuelle, une commune adhésion à la croissance les réunit car leur satisfaction en dépend. La majorité silencieuse, gardienne des intérêts investis dans la croissance, paralyse toute action politique réelle. Les partis soutiennent un Etat dont le but avoué est la croissance du PNB, il n’y a rien à attendre d’eux lorsque le pire arrivera. Les administrations croient stabiliser et harmoniser la croissance en affinant les mécanismes et les systèmes de contrôle, mais elles ne font que précipiter la méga-machine institutionnelle vers un seuil de mutation. Essayer de susciter une ère à la fois hyperindustrielle et écologiquement réalisable, c’est accélérer la dégradation des autres composantes de l’équilibre multidimensionnel de la vie, le coût de la défense du statu quo monte en flèche.
« La crise écologique est en effet traitée superficiellement lorsqu’on ne souligne pas que la mise en place de dispositifs antipolluants n’aura d’effets que si elle s’accompagne d’une diminution de la production globale. Autrement ces mesures transfèrent nos ordures chez nos voisins, les réservent à nos enfants, ou les déversent sur le tiers-monde. Juguler la pollution créée localement par une grande industrie exige des investissements, en matériel et énergie, qui recréent, ailleurs, le même dommage à plus large échelle. Si l’on rend obligatoires les dispositifs antipolluants, on ne fait qu’augmenter le coût unitaire de production. Certes, l’on conserve un peu d’air respirable pour la collectivité, dès lors que moins de gens peuvent s’offrir le luxe de conduire une voiture, de dormir dans une maison climatisée, ou de prendre l’avion pour aller pêcher enfin de semaine ; mais au lieu de dégrader l’environnement physique, on accentue les écarts sociaux.
« Je crois que la croissance s’arrêtera d’elle-même. Un événement imprévisible et probablement mineur servira de détonateur à la crise, comme la panique de Wall Street a précipité la Grande Dépression. Une coïncidence fortuite rendra manifeste la contradiction structurelle entre les fins officielles de nos institutions et leurs véritables résultats. Ce qui est déjà évident pour quelques-uns sautera tout à coup aux yeux du plus grand nombre : l’organisation de l’économie tout entière en vue du mieux-être est l’obstacle majeur au bien-être. La crise dont je décris la venue prochaine n’est pas intérieure à la société industrielle, elle concerne le mode industriel de production en lui-même. La paralysie synergique des systèmes nourriciers provoquera l’effondrement général de la société techno-industrielle. Ce sera la première crise mondiale mettant en question le système industriel en lui-même et non plus localisée au sein de ce système.
« Quand un peuple perd confiance dans la productivité industrielle, tout peut arriver, l’inversion devient vraiment possible. Les forces qui tendent à limiter la production sont déjà au travail à l’intérieur du corps social, des hommes et des femmes condamnent une croissance qu’ils jugent destructrice. Gageons que leurs voix se feront mieux entendre quand la crise de la société surproductive s’aggravera. Cette crise obligera les humains à choisir entre les outils conviviaux et l’écrasement par la méga-machine, entre la croissance indéfinie et l’acceptation de bornes multidimensionnelles. La seule réponse possible à cette crise profonde : établir, par accord politique, une autolimitation. Il faut aussi que chacun apprenne le pourquoi et le comment de la contraception. La raison en est claire ; l’homme est borné par les ressources de l’écosphère, son univers ne peut admettre qu’un nombre limité d’occupants. Par la technique, il a modifié les caractéristiques de sa niche écologique. L’écosphère peut maintenant accueillir plus de gens, chacun moins adapté vitalement à son environnement (chacun ayant en moyenne moins d’espace, moins de compétence, moins de traditions). Sans la pratique d’une contraception volontaire et efficace, l’humanité sera écrasée par son nombre, avant même d’être écrasée par la puissance de son propre outillage. Le paradoxe est que l’homme oppose la plus grande résistance à l’enseignement dont il aurait besoin au plus haut degré.
« Si, dans un très proche avenir, l’humanité ne limite pas l’impact de son outillage sur l’environnement et ne met pas en œuvre un contrôle efficace des naissances, nos descendants connaîtront l’effroyable apocalypse prédite par maint écologue. La gestion bureaucratique de la survie humaine doit échouer car une telle fantaisie suicidaire maintiendrait le système industriel au plus haut degré de productivité qui soit endurable. L’homme vivrait protégé dans une bulle de plastique qui l’obligerait à survivre comme le condamné à mort avant l’exécution. Pour garantir sa survie dans un monde rationnel et artificiel, la science et la technique s’attacheraient même à outiller le psychisme de l’homme. Mais l’installation du fascisme techno-scientifique n’est pas obligatoire, il y a une alternative : un processus politique qui permette à la population de déterminer le maximum que chacun peut exiger, dans un monde aux ressources manifestement limitées ; un processus d’agrément portant sur la limitation de la croissance de l’outillage ; un encouragement à la recherche de sorte qu’un nombre croissant de gens puissent faire toujours plus avec toujours moins.
« La désaccoutumance à la croissance sera douloureuse. Elle sera douloureuse pour la génération de transition, et surtout pour les plus intoxiqués de ses membres. Puisse le souvenir de telles souffrances préserver de nos errements les générations futures. »

Source : http://biosphere.ouvaton.org/i/326-illich-ivan