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mardi 25 décembre 2018

L’insurrection, et après ? Par Michel Onfray / Insurrection, and after? By Michel Onfray

Pour l’heure, ce qui advient avec les gilets-jaunes ressemble à s’y méprendre aux prémices d’une révolution. L’histoire de la Révolution française, mais aussi celle des autres révolutions, intéresse le libertaire que je suis parce qu’on peut y pointer le moment où la générosité qui préside à un mouvement pour plus de dignité et d’humanité se trouve récupéré par quelques autoritaires qui détournent l’impulsion originelle afin d’assurer leur pouvoir personnel. Ils évincent alors les auteurs ayant initié la dynamique: les gens modestes, les pauvres, les petits, les sans-grade, les “sans-dents”, comme il fut dit un temps par un qui se disait “socialiste” et -hélas!- suivant la jurisprudence 1983, l’était bel et bien!
Prenons 1789. La Révolution française ne s’effectue pas tout de suite, contrairement aux résumés distribués par le catéchisme laïc, avec une revendication républicaine d’abolition de la monarchie dans l’objectif avoué de réaliser la Liberté, l’Égalité et la Fraternité! Pour la vulgate, il y aurait eu un “avant 14 juillet”, avec les ténèbres, un roi faible, une reine frivole et vendue à l’étranger, un régime esclavagiste, puis, après la Révolution, un moment de lumière avec des dirigeants républicains ayant offert la dignité à tous! Lors de la prise de la Bastille, rappelons-le, Robespierre, Marat et Danton sont monarchistes et ils vont le rester deux bonnes années! L’insurrection de 1789 ne s’effectue pas pour les idées de Liberté, d’Égalité et de Fraternité, mais pour des revendications concrètes portées par ceux qu’on appelle “les Enragés” -les gilets-jaunes de l’époque… Ils veulent du pain pour leur famille, du lait pour leurs enfants et du savon pour se laver. Les prix sont trop élevés, les accapareurs et les agioteurs profitent du désordre pour les augmenter, les Enragés veulent les plafonner. Ils n’ont aucun souci de faire chuter la monarchie ou d’en penser les modalités constitutionnelles, ni même de proposer un changement de régime! La démocratie directe avec le contrôle des représentants proposés par les Enragés ne datent pas de juillet 1789.
A cette époque, les sans-culottes, une autre modalité de la revendication populaire, évoluent eux-aussi sur des terrains très concrets et nullement idéologiques. Ils n’ont que faire des débats intellectuels et de savoir s’il faut préférer le Contrat social de Rousseau à L’Esprit des lois de Montesquieu: ils veulent améliorer leur vie quotidienne qui est faite de misère et de pauvreté, de faim et de froid, de chômage et de précarité.
Il n’est d’ailleurs pas sans raison que ce petit peuple révolté soit lui aussi qualifié avec un attribut vestimentaire: ils ne portent pas la culotte et les bas des bourgeois (ou de l’aristocrate Robespierre qui est le grand homme de la bourgeoisie et n’oublie jamais de porter la perruque poudrée de sa caste…), mais le pantalon à rayures bleues et blanches. Les gilets-jaunes eux-aussi arborent un attribut vestimentaire qui, certes, est celui des automobilistes en détresse, mais aussi, on a tendance à l’oublier, celui des travailleurs de l’extérieur qui ont besoin de signaler leur présence sur les chantiers ou dans les rues afin de ne pas se faire tuer par des engins de travail ou des automobilistes. Le gilet jaune, c’est le costume du travailleur qui ne porte pas de cravate: le maçon et le balayeur, le menuisier et l’employé de la voirie…
Au commencement, toute révolution est insurrection. La prise de la Bastille est emblématique de cette vitalité révolutionnaire: on attaque le symbole du pouvoir. Qui niera que les Champs-Élysées, lieu de parades des puissants, soit un lieu éminemment symbolique pour ceux qui regardent à la télévision le pouvoir y passer, s’y montrer, s’y exhiber et qui le subissent sans jamais l’exercer? On y voit en effet, au choix, les défilés militaires lors de la parade anniversaire de ce fameux 14 juillet; la tribune des chefs d’État invités par la France -jadis Kadhafi ou Bachar el Assad, et récemment, pour le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale: Trump, Erdogan, Merkel ou Poutine et un paquet d’autres huiles; les bus de l’équipe de football quand elle décroche la coupe du Monde ; le convoi funéraire de Johnny Hallyday, fiscalement domicilié aux États-Unis ou en Suisse, mais néanmoins salué par les trois derniers présidents de la République, le quatrième n’étant plus en état de le faire mais qui, sinon, y serait également allé. C’est aussi l’artère qui conduit le chef d’État nouvellement élu de la place de la Concorde, où ont été décapités le roi et la reine, ce qui marque la fin de la monarchie, à l’Arc de triomphe, un bâtiment qui est d’abord là pour signifier les victoires de Napoléon, certes, mais aussi et surtout, la fin de la Révolution française sifflée par ce jacobin corse avec son coup d’État du 18 Brumaire. Avec ce putsch, Napoléon assure aux bourgeois que la Révolution est finie et qu’ils peuvent désormais jouir tranquillement des biens confisqués au clergé, devenus biens nationaux, et achetés par eux parce qu’ils avaient de quoi les acquérir -au contraire des pauvres… Les Champs-Élysées racontent en raccourci comment naît, vit et meurt une Révolution: de la guillotine robespierriste, en bas, où le sang a été versé par les jacobins de 1792 et 1793 pour abolir la royauté, à l’Arc de l’empereur, en haut, qui a mis fin à la Révolution et renvoyé les petites gens à leurs conditions de misérables (quand ils ne mourraient pas sur les champs de bataille de ses guerres de conquête par centaine de milliers…). C’est un résumé de ce qui ne doit pas arriver mais qui menace si d’aventure les gilets-jaunes ne se structurent pas.
Car, s’ils ne s’organisent pas, d’autres organiseront pour eux et, c’est certain, les gilets-jaunes deviendront les Plaideurs de la fable de La Fontaine, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer: l’insurrection aura fait le jeu de Mélenchon ou de Le Pen, autrement dit de ces gens du système, car, même s’ils font carrière dans la critique du système, ils en font partie -le très longtemps sénateur socialiste Mélenchon ayant voté “oui ” à Maastricht, qui est le péché originel expié ces temps-ci dans les rues; et Marine Le Pen ayant hérité de la boutique paternelle qu’elle fait fructifier de façon familiale entre Montretout et bamboula. L’un et l’autre avec leurs troupes dirigeantes sont gens à cravate, même et surtout quand ils affectent de n’en pas porter!
Comment s’organiser? Il faut éviter la solution jacobine car, pour cette engeance centralisatrice et parisienne qu’est le jacobin, tout pouvoir procède d’une figure unique qui elle-même s’inspire du roi. Précisons que, lors des dernières présidentielles, tous les candidats étaient jacobins! Ceux qui parlaient de girondinisme le faisaient pour rire -Raffarin ou Juppé par exemple…- dans la perspective que, dans leurs régions gouvernées comme des fiefs féodaux, ils pourraient continuer à disposer d’un pouvoir semblable à celui des monarques. Or, la Gironde n’est pas multiplication des rois en région ou dans les départements, voire dans les communes, ce serait pure sottise, mais réellement pouvoir régional en région, départemental dans les départements, communal dans les communes. En revanche, c’est le pouvoir exercé par ceux sur lesquels il s’exerce avec révocabilité des élus. En effet, ces derniers ne devraient pas être des titulaires du pouvoir de droit divin mais des mandataires auxquels l’électeur peut reprendre sa délégation à tout moment dans le cas où la parole et peu, pas ou mal portée. Le pouvoir ne doit plus être une sinécure personnelle et doit redevenir une obligation contractuelle. L’élu est l’obligé de qui le mandate et non son parasite.
Le marxisme-léninisme est la forme aboutie du jacobinisme. N’oublions pas que cette idéologie reste l’horizon intellectuel de Mélenchon et de sa garde rapprochée. La dictature du prolétariat, préconisée par Marx dans le texte, a été réalisée par Lénine, puis Trotski, puis Staline. Je ne fais pas de distinctions entre ces trois modalités d’une même dictature. Elle a été dictature sur le prolétariat plutôt que dictature du prolétariat. Le nier c’est prendre le parti du Goulag.
Dans l’aventure des gilets-jaunes, les néo-marxistes-léninistes sont embusqués: ils sont passés à côté des débuts de l’insurrection qu’ils ont même, pour tel ou tel, je songe à Clémentine Autain, regardé avec un certain mépris. Depuis qu’ils sont arrivés quatrièmes aux présidentielles et très mauvais perdants, ils ont raté la convergence des luttes; ils n’ont pas réussi à fédérer lors de manifestations qu’ils voulaient grandioses; ils perdent des points dans les sondage ; ils accumulent les scandales d’argent et d’affaires, de népotisme et de passe-droits, qui touchent tel ou tel ou tel dans leur camp.
Or, ce grand petit peuple a réalisé tout seul ce que ces politiciens professionnels ne sont pas parvenus à faire avec beaucoup d’argent, des communicants, des experts, des salariés, et même des autoentrepreneurs… Aujourd’hui, disons-le de façon métaphorique, les néo-robespierristes remontent la foule en direction des premières places du cortège…
A droite, Marine Le Pen offre une version de ce même jacobinisme. Elle croit au chef charismatique, certes, elle sollicite le référendum sur les questions sociétales mais, sans la pédagogie qui le prépare, le référendum, auquel je tiens comme exercice de démocratie directe, est un plébiscite du chef plus qu’une expression démocratique. En nos temps d’inculture politique et civique généralisée, la démocratie plébiscitaire s’avère l’une des modalités de la tyrannie -celle de l’opinion que ne construit plus l’École qui fut jadis républicaine, mais que fabriquent aujourd’hui les médias dominants et les contre-médias tout aussi insoucieux de vérité, de réalité, de justice et de justesse les uns que les autres. Condorcet a déjà expliqué en son temps combien la démocratie sans éducation rendait toute élection problématique.
Ces deux modalités du jacobinisme que sont Mélenchon et Le Pen n’ont pas été plus clairs l’un que l’autre sur la question de la souveraineté nationale: on les comprend car ces professionnels de la politique sont obsédés par leur boutique et il s’agit toujours pour eux de ne pas effrayer les électeurs potentiels. Or, les choses sont simples: faut-il oui ou non rester dans la configuration de l’Europe libérale qui empêche les décisions nationales en faveur des citoyens les plus pauvres? Doit-on garder l’euro, monnaie unique, en sachant qu’il ne permet pas de mener une politique économique autonome, ce qu’en revanche permettrait une monnaie commune? En fait, si l’on y regarde de plus près, l’un et l’autre ont déjà tranché à leur manière: Mélenchon en évinçant il y a peu de son staff Djordje Kuzmanovic et François Coq qui défendaient une ligne clairement souverainiste; et Marine Le Pen en agissant de la même manière avec Florian Philippot qui campait sur des positions semblables.
Dès lors, faute de recouvrer notre souveraineté politique, on ne peut pas dire qu’on soutient les revendications des gilets-jaunes puisque celles-ci ne pourraient être satisfaites tant que la France resterait dans la configuration de l’État maastrichtien.
La souffrance de ce peuple en jaune explose après un quart de siècle de privations imposées à ces laborieux qui n’en peuvent plus de la misère et de la pauvreté qu’on leur inflige au nom des critères de l’Europe, qu’ils soient économiques, fiscaux, monétaires ou écologiques.
Car, dans cette aventure, Macron mène la politique de l’Europe et non celle de la France, ce qui, de facto, lui interdit toute marche de manœuvre politique nationale. Il y a peu, dans Les Terriens du dimanche (2 decembre 2018), Aurélien Taché, député La République en Marche, a dit tout haut ce que Macron pense tout bas: “Le fait de transférer une grande partie de la souveraineté nationale au niveau européen, c’est le cœur de ce qu’on proposera aux élections européennes, ça c’est très clair” -c’est très clair en effet…
Macron prend prétexte de sauver la planète pour serrer la ceinture des pauvres (tout en desserrant celle des riches dispensés d’impôts sur la fortune) afin de les soumettre à la règle maastrichtienne des 3%. Mais il s’agit moins pour lui de sauver la planète que de sauvegarder l’Europe libérale, une espèce en péril -sinon, pourquoi ne pas taxer les supertankers, les avions de ligne, les aéronefs commerciaux, les paquebots de croisière, les entreprises qui polluent, les constructeurs automobiles ayant fraudé sur leurs émissions de carbone, plutôt que l’infirmière qui effectue ses visites en campagne?
Dès lors, quiconque croit pouvoir répondre favorablement aux demandes des gilets-jaunes sans envisager une sortie de l’Europe maastrichtienne ment éhontément: Les Républicains et le Parti Socialiste, La France insoumise et le Rassemblement national, le Modem et le Parti communiste français sont à mettre dans le même sac. Il n’y a donc aucune raison de faire confiance à cette classe politique jacobine, parisienne, mondaine, partidaire qui se trouve à l’origine du malaise qu’elle prétend désormais vouloir combattre… si on l’installe à nouveau au pouvoir! On ne peut créer les conditions du chaos depuis des décennies puis vouloir y mettre fin avec la politique qui a causé ces dégâts!
Par ailleurs, je comprends que les gilets-jaunes aient des réactions épidermiques avec les porte-paroles autoproclamés, qu’ils évincent tel ou tel parce qu’il est journaliste ou bien parce qu’il est encarté dans un parti ou un syndicat, qu’ils réprimandent celui ou celle qui ne s’autorise que de lui-même pour parler au nom des autres: ceux qui ont fait profession de justifier le système depuis un quart de siècle ne sont pas crédibles pour guérir la maladie qu’ils ont consciencieusement inoculée. Qu’ils laissent la place! Qu’un authentique dégagisme voie le jour qui renvoie à la retraite les professionnels de l’État maastrichtien -partis politiques et syndicats, journalistes et intellectuels du système, ainsi que tous les voyageurs de commerce de cet idéal populicide qui a mis tous ces gens dans la rue quand l’épuisement s’est pour eux trouvé maximal.
Que faire? S’il faut éviter la solution jacobine il faut également éviter la solution spontanéiste: du chaos il ne sort que plus de chaos encore, mais jamais un ordre nouveau. Ceux que l’on nomme les “casseurs” et qui signent leurs forfaits avec des slogans sans ambiguïtés, notamment avec des sigles comme celui du “A” dans un cercle qui est clairement la signature anarchiste, ne partagent pas les intérêts de ce petit peuple malheureux. Leur sociologie est celle des urbains cultivés et sur-diplômés, politisés et organisés. La source de leur révolte est bien plutôt dans le gauchisme culturel de Giorgio Agamben ou de Toni Negri (un fervent partisan du “oui” au Traité constitutionnel européen d’ailleurs…), que dans l’impossibilité d’acheter des jouets à leurs enfants ou à leurs petits-enfants au prochain Noël…
J’ouvre une parenthèse pour signaler que j’ai entendu une journaliste commenter le “A dans son cercle” de l’anarchie, tagué sur l’Arc de Triomphe, en disait qu’il était la signature des “antifas”. Parfait! Tout va bien, car ce sont donc des amis politiques des médias du système, puisqu’ils sont censés lutter contre le fascisme casqué, armé, botté, militarisé -celui de Marine Le Pen bien sûr! Or, pour l’heure, s’il est bien des gens armés, casqués, bottés, militarisés, ils semblent bien plutôt se trouver chez ces prétendus antifascistes que du côté des gilets-jaunes dont il est facile de revêtir le vêtement pour commettre des forfaits, d’autant plus que le pouvoir et les médias de l’État maastrichtien n’attendent que cela pour stigmatiser le mouvement.
Cette “anarchie” là n’est pas la mienne. C’est celle de l’idéaliste hégélien Bakounine qui croyait (comme un libéral dans sa candeur…) que la liberté de la révolte accoucherait naturellement de la révolution comme en sortant de la cuisse de Jupiter! Laissez faire les repris de justice et les artistes, les poètes et les fous, les chômeurs et les clochards écrit-il dans L’Empire knouto-germanique, et de leur colère naîtra comme par enchantement un nouvel ordre révolutionnaire! Il faut sacrément ignorer la nature humaine pour penser l’anarchie d’une façon aussi simple, sinon simpliste, pour tout dire infantile ou adolescente… La violence n’est pas accoucheuse de l’Histoire: elle l’est surtout de la violence! L’Histoire est ensuite construction, et l’on peut construire ailleurs sans avoir besoin de détruire ici.
Comment faut-il s’y prendre pour construire ailleurs sans avoir besoin de détruire? En tournant le dos à l’idéalisme allemand du russe Bakounine et de ses émules qui croient aujourd’hui que le pavé lancé sur les forces de l’ordre et l’incendie des voitures, le cocktail Molotov balancé sur les CRS et la fronde pour leur envoyer des boulons, le taguage des bâtiments historiques et le pillage des boutiques de souvenirs, la destruction des vitrines des magasins de luxe ou le ravage des terrasses de café, la barre de fer et la batte de base-ball, tout cela sert à accélérer l’instauration de la justice sociale! C’est une pensée courte, simpliste et simplette, car cette violence ne contribue pas à l’avènement du Grand Soir, mais juste à la riposte violente du pouvoir qui s’en trouve d’autant légitimé qu’il invoque la protection des citoyens, sans parler de ses grandes invocations médiatiques de la République, de la démocratie et de la liberté en danger…
Pour trouver une issue politique à cette insurrection inédite, il faut réactiver quelques propositions du socialisme libertaire de Proudhon: il estimait que la Révolution française avait accouché de beaux principes, certes, bien sûr, évidemment, mais de rien qui soit utile à ceux qui voulaient du pain pour leur famille; il détestait le sang et la Terreur, le Tribunal révolutionnaire et Robespierre, la guillotine et le gouvernement révolutionnaire; il n’aimait pas Marx et avait prévu que son système déboucherait sur un régime autoritaire -ce qui fut le cas quelques décennies plus tard; il n’était pas communiste et refusait d’ailleurs cette idée avec vigueur, car il souhaitait étendre la petite propriété privée au plus grand nombre; il ne se gargarisait pas de grands mots et de belles idées, car ce fils de tonnelier qui fut bouvier savait ce qu’était le peuple, il en venait, au contraire de Marx dont le père était avocat; il a construit son socialisme libertaire de façon pratique et concrète, antiautoritaire et non-violente.
Nulle cité radieuse ou nul lendemain paradisiaque chez lui: il souhaite réaliser un ordre libertaire et, pour ce faire, il invite à une organisation rigoureuse: son anarchie est le contraire du désordre! C’est un autre ordre: celui de la justice. Dans Théorie de la propriété, un ouvrage de sa fin de vie qui fut courte, il théorise cette organisation libertaire et pense la nécessité d’un État libertaire. Pour éviter le double écueil du capitalisme sauvage qui crée les inégalités et l’exploitation, et du socialisme autoritaire qui produit l’oppression et la misère (n’est-ce pas notre actualité?), il propose l’autogestion, le mutualisme, la fédération, la coopération le tout dans l’organisation et sans violence.
L’organisation non-violente : voilà c’est ce que les gilets-jaunes devraient faire pour éviter les écueils qui se profilent: à savoir la récupération par les jacobins et les professionnels de la politique, ou bien le basculement dans le chaos spontanéiste, le tout signifiant à coup sûr la mort de cette énergie insurrectionnelle.
Proudhon ne donne pas les clés du pouvoir aux intellectuels -il ne le faut jamais! Robespierre en était un, Lénine, Staline et Trotski aussi, Mao et Pol-Pot également -il avait étudié à la Sorbonne, aimait Rousseau et Sartre… Il les donne à ceux sur lesquels il doit s’exercer: la démocratie représentative française, chacun l’a constaté depuis des années, ne représente plus que les intérêts d’une bourgeoisie qui a détourné la lettre de la Cinquième République au profit de l’esprit maastrichtien -quinquennat, cohabitation, usage du 49.3, refus de la proportionnelle… Le verrouillage idéologique et politique fait désormais de l’Assemblée nationale et du Sénat deux chambres d’enregistrement de la volonté du chef de l’État. Si ce dernier est au service du peuple, c’est la meilleure des choses; s’il veut le peuple à son service, c’est la pire! Ces deux instances extrêmement coûteuses en impôts perdent leur temps dans d’infinis amendements qui dénaturent les projets afin de parvenir à un statu quo: droite ou gauche, peu importe, il faut que les libéraux de droite et de gauche gouvernent chacun leur tour -Mitterrand & Chirac, Sarkozy & Hollande, puis Macron, qui, peu ou prou, question de style, ont mené la même politique… Pendant ce temps, la droite et la gauche non libérales font de la figuration, ils protestent, ils se font voir et entendre, ils existent médiatiquement, ils tombent la cravate et la veste en estimant qu’ils ont ainsi tout dit, puis roulent carrosse et mènent la belle vie aux frais du contribuable!
Les gilets-jaunes gagneraient à réactiver cette démocratie directe à laquelle Proudhon aspirait: c’est une question de vie ou de mort pour eux car ils sont nombreux, pas forcément là où on le croit, les charognards qui attendent le pourrissement, la décomposition, la fin, la disparition, la mort de ce mouvement sur lequel ils ne peuvent rien. Il n’est qu’à regarder les commentaires de la classe politique, médiatique et intellectuelle…
Concrètement: le principe susceptible d’être activé est celui de la coordination et de la coopération. A l’ère d’internet et des réseaux sociaux, le dispositif est facile à mettre en place. Il permet à la base, sur le lieu de chaque présence des gilets-jaunes, rond-point et route, bretelles d’accès ou parking de supermarché, dépôts ou entrée de magasins, lycées ou usines, villages et communes, de constituer un collectif qui s’exprime là où il est. Ces collectifs doivent se fédérer et ces fédérations doivent se fédérer elles-aussi afin d’élire des représentants. Chaque délégué est un élu soumis au mandat impératif: il porte le message d’un groupe et ne parle pas pour lui; il donne voix au collectif dont il formule la parole: il est le ventriloque du groupe. Là où il est, quand il parle, il doit être vu et entendu par ceux qui, en regard de sa faculté à représenter véritablement, ou pas, lui conserveront ou lui retireront son mandat.
Le principe est simple, la mise en œuvre plus difficile: il ne faut pas sous-estimer les effets pervers de ces logiques -l’activation de la testostérone de quelques-uns qui accèdent à la lumière médiatique et les risques de dérapages; le rabattage du problème politique général sur une histoire particulière, fut-elle émouvante et touchante, concrète et pourtant pédagogique; la stratégie médiatique qui consiste à choisir le moins déluré des gilets-jaunes pour en faire une figure emblématique du mouvement et le mettre en lumière pour générer du discrédit ou de la pitié; le mandat donné à qui n’est pas capable de porter la parole collective intellectuellement ou verbalement, psychologiquement ou humainement; le danger du noyautage par tel ou tel beau parleur qui roulerait en sous-main pour des syndicats ou des partis politiques, sinon pour le pouvoir qui a intérêt à installer le ver dans le fruit -il existe des gens dont c’est d’ailleurs le métier et qui sont depuis toujours payés par l’État pour effectuer ce genre de travail…
Voici donc un dispositif, une machine: elle ne peut fonctionner sans se mettre au service de revendications dignes de ce nom -il faut viser plus de justice sociale. Toutes sont légitimes pourvu qu’elles visent à rendre leur dignité aux victimes de l’État maastrichtien.
Le principe du cahier de doléances est une bonne chose: il faut élire des rédacteurs capables de mettre en mots les revendications esquissées et remontées en réseau sur l’intranet des gilets-jaunes. On néglige trop les leçons données par les cahiers de doléance de la Révolution française: mieux que les États généraux, ils parlaient de choses très concrètes, ce qui est le fond de toute politique digne de ce nom -et comme c’est le cas avec les gilets-jaunes…
Enfin, il ne faut pas se tromper d’adversaires: les blocages qui mettent en péril d’autres travailleurs pour lesquels la vie n’est pas facile non plus, je songe aux petits patrons, aux artisans, aux commerçants, aux employés, aux personnels de santé, et tant d’autres qui relèvent eux aussi d’un genre de condition néo-prolétarienne, ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur. La faillite des gens modestes, la fermeture de petites unités industrielles ou commerciales, de production ou d’artisanat ne sont pas souhaitables. C’est se tromper d’adversaires.
Il faut au contraire s’appuyer sur le savoir-faire technique ou fiscal, commercial ou juridique, intellectuel ou informatique de ces catégories socio-professionnelles afin d’augmenter la puissance du mouvement par l’effet dynamique de son organisation. Des coordinations sont nécessaires afin d’éviter que des travailleurs modestes occasionnent la chute et la mort de travailleurs un tout petit peu moins modestes qu’eux. Dans la logique de la lutte des classe, l’ennemi n’est pas dans le camp des plus ou moins modestes que soi, mais dans celui d’en face où se trouvent les véritables puissants dont la peur et la haine sont palpables. Il y a peu, Emmanuel Macron travaillait dans une banque d’affaires qui est la leur.
A défaut d’organisation, les gilets-jaunes auront été un feu de paille. L’histoire des révolutions l’enseigne -il n’est qu’à lire ou relire La Ferme des animaux d’Orwell: l’énergie rebelle des premiers temps insurrectionnels risque de se faire capter, détourner et renverser par les professionnels de la politique et du pouvoir.
On peut ainsi se référer aux révolutions du Printemps arabe qui, faute d’organisation, de coordination, de programme commun, mais surtout d’unité et, pour tout dire, de fraternité, ont bien mis à bas des régimes tyranniques, mais pour laisser la place à des régimes autoritaires d’un autre style.
Macron en appelle aux corps intermédiaires afin qu’ils invitent les gilets-jaunes au calme -les syndicats, les partis politiques et le patronat. Le masque tombe. Le chef de l’État qui est de moins en moins chef d’un État de plus en plus résiduel, prouve ainsi deux choses: le pouvoir lui échappe et le Président se retourne vers ses alliés naturels que sont les officiels de la représentation du système -les ficelles de la très vieille politique politicienne… Le pouvoir qu’il a perdu se trouve désormais dans la rue. Ce président de la République ne peut plus sortir, il est hué dans la rue, son convoi officiel est bloqué au Puy-en-Velay où il est pourtant venu incognito. Sa légitimité est contestée. Peut-être sont-ils désormais plus nombreux les citoyens qui auraient enfin compris l’utilité d’instrumentaliser la famille Le Pen pendant des années afin de la faire parvenir au second tour tout en la criminalisant, de sorte que l’élection du second tour soit jouée le soir du premier et que, comme par hasard, l’électeur berné ait le choix entre le diable prétendument fasciste et le bon dieu libéral réellement maastrichtien! Ces derniers temps ce genre de bon dieu est subclaquant.
Le roi est nu. La chose est désormais vue et sue. Elle l’est même, sue et vue, de façon planétaire grâce aux télévisions du monde entier. Jupiter a vécu. Qu’on se souvienne de ce que j’ai jadis nommé dans un livre “le principe de Gulliver”: Gulliver peut être terrassée et anéanti par les Lilliputiens. Autrement dit: les nains peuvent avoir raison d’un géant. Disons-le d’une autre façon encore: les gilets-jaunes ont potentiellement les moyens d’abolir “Macron” qui n’est que le faux-nez du système: il suffit pour ce faire d’un programme commun, d’une fraternité d’action, d’une méthode avec une stratégie (que veut-on?) et une tactique (comment s’y prend-t-on pour y parvenir?), enfin d’une volonté.
Le programme commun s’élabore avec les comités fédérés; la fraternité d’action surgit à l’occasion de la mise en place de ces comités; la méthode est celle de la coopération libertaire qui suppose le mandat impératif afin de désigner des représentants, puis une fédération de ces représentants avec une fédération de fédérations afin de disposer d’un comité directeur révocable lui-aussi; la stratégie vise l’alternative à la démocratie représentative par l’instauration d’une démocratie directe; la tactique pour y parvenir consiste à ne rien lâcher dans l’action revendicative, puis à multiplier les actions de façon ciblée, tout en se désolidarisant des violences et en les empêchant. La volonté est là: elle est jaune vif.
Macron qui, non sans arrogance juvénile, voulait tous les dégager et a cru y parvenir semble lui aussi prendre la vague qu’il a initiée. C’est la jurisprudence du boomerang… Ironie du sort, il voulait faire de la politique autrement: ce pourrait bien être le programme de ceux qui ne veulent plus de lui et de ses semblables. Ce si jeune Jupiter nous apparaît dès lors vraiment pour ce qu’il est : vieux, terriblement vieux…
Michel Onfray

Source : Michel Onfray, 06-12-2018
https://www.les-crises.fr/linsurrection-et-apres-par-michel-onfray/

dimanche 5 août 2018

De la royauté aux démocraties "modernes", un continuum antidémocratique par Nicolas Casaux + films de fictions ou documentaires liés à la révolution française / From the monarchy to the "modern" democracies, the undemocratic continuum by Nicolas Casaux + Movies of fictions or documentaries bound connected to the French Revolution

Source : http://partage-le.com/2018/08/de-la-royaute-aux-democraties-modernes-un-continuum-antidemocratique-par-nicolas-casaux/
Vivons-nous en « démocratie » ? Bien sûr que non[1] ! Quelle drôle de question[2], me direz-vous. Cependant, si l’on en croit les médias de masse, les membres du gouvernement, les philosophes et autres intellectuels médiatiques, cela ne fait aucun doute : nous vivons évidemment en démocratie. Pour preuve, leur meilleure justification consiste bien souvent à bafouiller quelque chose signifiant à peu près « parce que c’est le nom du régime politique actuel », ou « parce que les institutions actuelles correspondent à ce que l’on appelle la démocratie », bref, une sorte de tautologie qui suggère que nous vivons en démocratie parce que nous vivons en démocratie. En termes de bluff, un joueur professionnel de poker ne ferait pas mieux, ou pas pire, c’est selon. Un rapide examen des institutions étatiques actuelles nous montre, au contraire, qu’elles sont toutes directement issues de régimes politiques qui n’avaient strictement rien de démocratique, pas même l’ombre d’une prétention.
Commençons par la plus détestée : la police. Pas besoin de recourir à des sources controversées pour découvrir l’histoire séculaire de cette triste institution. Le site web officiel de la police nationale l’explique très bien :
« Au XIVe siècle, la hiérarchie royale s’établit comme suit : prévôt dans les prévôtés (de la taille d’une châtellenie ou fief, une grosse commune rurale d’aujourd’hui), bailli ou sénéchal dans les bailliages ou sénéchaussées (de la taille d’un comté, environ d’un quart de département).
Ils cumulent des pouvoirs d’administration, de police et de justice. Cette hiérarchie est plus tard coiffée par les intendants, que l’on peut apparenter à nos préfets. […]
‘La police consiste à assurer le repos du public et des particuliers, à protéger la ville de ce qui peut causer des désordres’. L’édit que présente Colbert à Louis XIV en mars 1667 résulte de l’évolution des mœurs françaises depuis quelques siècles en matière de sécurité publique. Il envisage une approche globale de la criminalité et constitue l’acte fondateur de la police sous l’ancien régime en clarifiant une situation héritée du moyen-âge [sic].
La charge de lieutenant de police qu’il institue a pour but de créer un pouvoir autonome veillant à la bonne marche de la cité, quelque pression qu’il puisse subir. »
Au passage, il faut souligner un point important. À la lecture de leur formulation de l’histoire de la police, on ne ressent absolument pas — et il n’est jamais suggéré — que la « bonne marche de la cité » constitue l’imposition autoritaire et violente d’un ordre social hautement inégalitaire élaboré par et pour une poignée d’autocrates. Le discours étatique, y compris (manifestement) celui de l’État soi-disant démocratique de notre temps, évite toujours l’autocritique, c’est-à-dire la critique de l’État, même de l’État autoritaire, même de l’État royaliste ouvertement et officiellement antidémocratique d’il y a plusieurs siècles. L’histoire étant écrite par les vainqueurs, cela n’a rien de surprenant. Les descriptions des régimes étatiques du passé — royaumes, empires, etc. — que l’on peut lire dans un certain nombre de manuels scolaires traitant de l’histoire française n’insistent que très rarement sur leurs côtés profondément antidémocratiques, autoritaires, inégalitaires. Le même phénomène de culte du pouvoir fait que des Stéphane Bern — des lèche-bottes des descendants des rois et des reines d’autrefois, des nostalgiques des régimes ouvertement despotiques du passé — bénéficient d’émissions sur les principales chaînes de télévision et, plus généralement, de tribunes dans les médias de masse (radios, journaux) ; que de nombreuses rues portent les noms de nobles, de tyrans et de dictateurs ; que les villes sont parsemées de statues à leurs effigies ; que leurs demeures (palais, châteaux, etc.), jugées dignes d’admiration, deviennent des musées ou des attractions touristiques ; que partout, dans la culture dominante, on parle de ces « grands hommes qui ont fait l’histoire » ou qui « ont fait la France », etc. Ce phénomène découle du principe implicite et inhérent à toute société étatique selon lequel l’État (soi-disant démocratique, ou pas), comme ses dirigeants, doit être respecté, glorifié. Du principe qui fait que le pouvoir glorifie le pouvoir.
Ils sont parmi nous.
Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut comprendre, et retenir, c’est que la police est une création historique de la royauté dont la « démocratie » moderne a (étrangement) hérité.
Le Sénat et l’Assemblée nationale, pour faire simple (on pourrait remonter encore plus loin dans le temps) sont des produits de la révolution bourgeoise de 1789 (« la constitution thermidorienne de 1795 fait naître le Sénat sous le nom de Conseil des Anciens ; il devint Corps législatif sous le Consulat et l’Empire[3] » ; l’Assemblée nationale, quant à elle, est née en 1789 lorsqu’un groupe de bourgeois, les fameux « députés du tiers état », considérant, avec la mégalomanie habituelle des bourgeois, qu’ils représentent « les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation », décident de se proclamer Assemblée nationale). Il s’agit donc là aussi d’institutions créées par et pour des régimes non démocratiques.
Même chose pour les ministères : « Au moment de la Révolution française, les mots ministre et ministère deviennent courants et la Constitution de 1791 en fixe le nombre à six : Justice, Intérieur, Contributions et revenus publics, Marine, Guerre, Affaires étrangères[4]. » Le site du ministère de l’Intérieur le vante sans aucune gêne : « Depuis deux siècles, le ministère de l’Intérieur est au cœur de l’administration française : il assure sur tout le territoire le maintien et la cohésion des institutions du pays. » Il y a deux siècles, parce que c’est Napoléon Bonaparte, ce grand démocrate, qui a créé « ce qui a fait, et fait encore, la force de l’État en France : une administration institutionnalisée, indépendante, professionnalisée, hiérarchisée, rationalisée, nerf de la puissance publique. La politique intérieure de Napoléon s’exerça au travers de cette pyramide solide. À la tête de l’État, l’Empereur confia la direction d’un pan de l’action publique à des ministres[5]. » Là encore, à travers son propre discours, on constate que l’État, loin d’être critique à l’égard des régimes étatiques autoritaires et ouvertement despotiques du passé, se vante d’en être l’héritier direct.
Ainsi, de la tyrannie bonapartiste nous avons aussi hérité la Légion d’honneur, le Code civil, le Conseil d’État, et une bonne partie des structures actuelles de l’État. C’est également sous Napoléon Bonaparte que l’institution scolaire commence à prendre sa forme actuelle. Le site web de la Fondation Napoléon l’explique : « Sous le Consulat, Bonaparte met en place de nouvelles institutions qui parviendront jusqu’à nous, tant elles ont paru conformes aux nécessités de notre pays. » C’est-à-dire que les institutions établies par et pour un dictateur ont « paru conformes aux nécessités de notre pays » supposément démocratique. Simple coïncidence.
D’ailleurs, à propos de Napoléon et de la glorification des despotes des régimes étatiques passés, il faut savoir que la Fondation Napoléon, considérée d’utilité publique [sic], bénéficie d’aides publiques, comme lorsqu’elle a eu pour projet d’éditer la correspondance générale de Napoléon Bonaparte. C’est-à-dire que l’argent des contribuables, l’argent des petites gens — celui des descendants des sujets de l’Empire — est utilisé — par les descendants des dirigeants de l’Empire — pour financer cette fondation qui « se donne pour mission de faire connaître l’histoire du Premier et du Second Empire, et de contribuer à la mise en valeur du patrimoine napoléonien ». Qui se donne pour mission, autrement dit, de glorifier tout ce qui se rapporte à ce tyran sanguinaire, ce meurtrier de masse[6] qu’est Bonaparte. Les Guadeloupéens et les Martiniquais, qui subissent toujours les conséquences de la colonisation et qui, en plus de cela, paient le prix de politiques néocoloniales incroyablement irresponsables — avec l’empoisonnement des terres au chlordécone[7] pour au moins un demi millénaire, parfois qualifié de « Tchernobyl antillais », pour ne donner qu’un exemple — doivent se réjouir du fait que leurs impôts servent à glorifier leur Némésis, le « Bourreau des Antilles », Napoléon Bonaparte.
On rappellera aussi que le régime représentatif actuel est dirigé par un président, autrement dit par un monarque. (Le site web la-couronne est tenu par des illuminés royalistes). De Gaulle a aussi écrit : « Ce qu’il faudrait à ce pays, c’est un roi ».
***
Mais revenons-en à l’imposture démocratique. Un des seuls arguments avancés par ceux qui croient vivre en démocratie consiste à affirmer que l’élection est synonyme de démocratie. Sauf que pas du tout. La « démocratie » (le pouvoir du peuple) n’est pas synonyme de « régime électoral » (la délégation du pouvoir à un petit groupe de gouvernants), au contraire[8].
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Et d’ailleurs, nous pourrions continuer encore et encore. La majorité des institutions qui régissent actuellement notre société sont des produits des régimes tout sauf démocratiques du passé. La duperie est grotesque d’une organisation sociale qui, d’un côté, se proclame radicalement différente (« démocratique ») de celles qui l’ont précédée (royautés, empires, etc.) et, de l’autre, se fonde précisément sur leurs institutions. Et pourtant, il s’agit d’un procédé très commun dans la société marchande. Les commerciaux professionnels de la sphère anglophone parlent de rebranding. Le rebranding est « une stratégie marketing qui consiste à trouver un nouveau nom ou un nouveau symbole pour une marque établie de longue date, afin de lui donner une identité différente, nouvelle, dans l’esprit des consommateurs, des investisseurs, des concurrents et autres acteurs. »
Ce même procédé a d’ailleurs donné naissance au mal nommé « développement durable ». Lorsqu’ils se sont rendus compte que tout ce dont ils faisaient (et font) frénétiquement l’éloge, et qu’ils regroup(ai)ent derrière le concept du « développement », précipitait une catastrophe écologique (et sociale) globale, et quand ils ont réalisé que l’opinion publique commençait à s’en inquiéter, les dirigeants étatiques et corporatistes du monde ont conjointement décidé, après quelques réunions (comme la Conférence de Stockholm), d’employer, à la place du terme « développement », l’expression « développement durable ». Quelle imagination féconde, me direz-vous. Certes, mais là n’est pas l’important. Ce qu’il faut voir, c’est que fondamentalement, rien n’a changé[9]: la planète est toujours en train d’être détruite (mais par la production d’ampoules basse consommation plutôt que haute consommation, de réfrigérateurs ou de téléviseurs A+++ plutôt que E-, de plastique soi-disant biodégradable en plus du pas du tout biodégradable, de véhicules roulant au biodiesel en plus de véhicules roulant au pétrole, etc.). Seule la manière de qualifier ce qui était et ce qui est encore entrepris a changé. D’où la continuation de la catastrophe.
De la même façon, nos « démocraties » modernes sont des rebrandings des régimes autoritaires du passé. Sous son nouveau vernis, l’État reste l’État : une organisation sociale fondamentalement antidémocratique. Seule son appellation a changé.
Nicolas Casaux
Relecture : Lola Bearzatto
P. S. : Je ne prends pas ici le temps de revenir en détail sur ce qu’est une vraie démocratie, je considère que le lecteur comprend qu’il s’agit d’une organisation sociale élaborée par et pour l’ensemble de ses membres, dans laquelle ils ont tous voix au chapitre, etc. Ceux qui voudraient en savoir plus peuvent, par exemple, se procurer l’excellent ouvrage Démocratie, histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France de Francis Dupuis-Déri.

  1. http://partage-le.com/2018/01/8605/ 
  2. https://youtu.be/8Tt9hRY7Uk8 
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9nat_(France) 
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Minist%C3%A8re_fran%C3%A7ais#Historique
  5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ministres_de_Napol%C3%A9on_Ier#La_conception_du_r%C3%B4le_de_ministre_sous_le_r%C3%A8gne_de_Napol%C3%A9on
  6. http://melanine.org/?Douceur-Coloniale 
  7. https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/06/07/scandale-du-chlordecone-aux-antilles-l-etat-a-fait-en-sorte-d-en-dire-le-moins-possible_5311379_3244.html 
  8. https://www.ledevoir.com/lire/370322/la-democratie-trahie-par-l-election
  9. http://partage-le.com/2016/02/cet-insoutenable-mot-de-developpement-par-fabrice-nicolino/ 



La révolution française... une superproduction de plus de 5h... 








La Révolution française est un film historique français de Robert Enrico et Richard T. Heffron sorti en 1989. Le film existe aussi en version plus longue, montée pour la télévision.
Réalisé avec un budget de 300 millions de francs pour accompagner les célébrations du bicentenaire de la Révolution française, le film fut un échec commercial1,2. Il se divise en deux parties :
« Les années lumière » regroupe les événements de 1789 jusqu'à l'assaut des Tuileries, lorsque le roi Louis XVI fut enfermé avec sa famille au Temple, le 10 août1792 ;
« Les années terribles » regroupe les événements du 10 août 1792 à la fin de la Terreur, avec l’exécution de Robespierre.
Le conseiller historique de la série est Jean Tulard, historien spécialiste de la période révolutionnaire.
Les événements relatés dans les deux parties de La Révolution française sont nombreux. Les producteurs ont voulu relever le défi inédit de couvrir l’ensemble de la période révolutionnaire, et donc tous ses principaux événements (ce qui en fait d'ailleurs un film pédagogique, malgré son parti pris clairement dantoniste). L'œuvre passe cependant très vite sur la guerre de Vendée qui n’est mentionnée que quatre fois, notamment par Robespierre et Desmoulins, qui dénonce le massacre d’ « un peuple entier ». Le film se termine sur l’exécution de Robespierre et Saint-Just en 1794 et omet d'évoquer la suite des événements. Toutefois, la Révolution française s'étend jusqu'en 1799, année du coup d'État de Napoléon Bonaparte.
La première partie du film retrace les événements suivants :

La seconde partie du film retrace les événements suivants :
  • Titre : La Révolution française
  • Réalisation : Robert Enrico et Richard T. Heffron, assisté de Frédéric Auburtin
  • Scénario : David Ambrose, Daniel Boulanger, Robert Enrico, Richard T. Heffron et Fred A. Wyler
  • Photographie : François Catonné et Bernard Zitzermann
  • Montage : Anne Baronnet
  • Musique : Georges Delerue
  • Décors : Jean-Claude Gallouin
  • Son : Bernard Le Roux, Jean-Charles Ruault et Claude Villard
  • Effets spéciaux : Georges Démétrau et Émilio Ruiz del Rio
  • Production : Alexandre Mnouchkine
  • Société de production : Les Films Ariane
  • Budget : 300 millions de francs français (45 millions d'euros)
  • Durée du tournage : 6 mois (2 équipes) début du tournage en février 1988
  • Nombre de techniciens : 380
  • Nombre de comédiens : 200
  • Nombre de figurants : 36 000
  • Nombre de costumes : 15 000 et 3000 perruques
  • Durée : 360 minutes
  • Pays : Drapeau de la France FranceDrapeau de l'Italie ItalieDrapeau de l'Allemagne AllemagneDrapeau du Canada CanadaDrapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni
  • Langue : Français. Anglais
  • Format : Couleur
  • Lieu de tournage : Studios de JoinvilleTarascon (prise de la Bastille), Bordeaux (quartier des cordeliers à Paris), Environs de Nevers (Bataille de Valmy), Hôtel de la Marine (Les tuileries), Château de Vaux-le-Vicomte (Versailles), Château de Versailles. Ville de Compiègne (première scène du film et quelques scènes de révolte)

Distribution



Ce sont les propres enfants de Jane Seymour qui interprètent les enfants de la reine Marie-AntoinetteÉdouard Baer, alors inconnu, interprète le furtif rôle d'un pendu.

Tournage[modifier | modifier le code]

Les scènes reconstituant la prise de la Bastille ont été tournées devant le château du roi René à Tarascon.
La bataille de Valmy a été tournée à Huez, près de Bona dans la Nièvre, sur les 20 hectares environ du terrain de Pierre Laporte. Ce tournage a duré une semaine avec 400 soldats volontaires appelés du contingent venus du 7e régiment d'artillerie de Nevers, du 602e régiment de circulation routière de Dijon, du 511e régiment du train d'Auxonne, 30 civils, une quinzaine de chevaux avec autant de cavaliers et l'équipe technique de près de 200 personnes. Le moulin a été reconstitué sur la colline. Les soldats volontaires pour figurer dans le film ont dû se laisser pousser les cheveux et la barbe pour se rapprocher le plus possible de la réalité historique.
Les scènes se déroulant à la prison du Temple ont été tournées au château de Vincennes, et celles présentant les États généraux à Bordeaux.
La scène se déroulant à Nancy a été tournée dans l'enceinte du château de Fontainebleau en novembre 1988 avec des appelés du contingent Élèves Officiers de Réserve de la base aérienne de Villacoublay et des musiciens de la Garde Républicaine. Les costumes ont été faits sur mesure avec essayage dans les anciens studios de "L'Île aux enfants" à Joinville le Pont. Cette scène, qui dure un peu plus de 2 minutes à l'écran, a nécessité 18 heures de tournage, notamment à cause d'une météo capricieuse caractérisée par des éclaircies et des périodes humides. Mario Luracchi était présent sur les lieux pour gérer ses chevaux qui devaient rester immobiles. Des périodes de "dégourdissement" étaient nécessaires.

Autour du film[modifier | modifier le code]

  • La séquence consacrée au 9 thermidor présente une version raccourcie des événements : dans le film, les députés robespierristes ne sont pas arrêtés mais s'enfuient à l'hôtel de ville de Paris. Dans les faits, Robespierre et consorts sont arrêtés, mais relâchés dans un second temps puisqu'aucune prison parisienne ne voulait prendre la responsabilité de les retenir.
  • Le film se termine sur une citation apocryphe de Danton4 :
« Nous avons brisé la tyrannie des privilèges en abolissant ces pouvoirs auxquels n'avait droit aucun homme. Nous avons mis fin au monopole de la naissance et de la fortune dans tous ces grands offices de l'État, dans nos églises, dans nos armées, dans toutes les parties de ce grand corps magnifique de la France.
Nous avons déclaré que l'homme le plus humble de ce pays est l'égal des plus grands. Cette liberté que nous avons acquise pour nous-mêmes nous l'avons affectée aux esclaves et nous confions au monde la mission de bâtir l'avenir sur l'espoir que nous avons fait naître.
C'est plus qu'une victoire dans une bataille, plus que les épées et les canons et toutes les cavaleries de l'Europe et cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout en tout lieu, cet appétit, cette soif de liberté jamais personne ne pourra l'étouffer. »

Éditions en vidéo[modifier | modifier le code]

Le film est sorti en DVD le 11 juin 2009, puis est réédité fin 2010.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise_(film)

Et puis, Robespierre... l'ombre d'un doute 


Sans oublier Danton incarné par Depardieu