vendredi 7 février 2025

"Nous possèderons Gaza" : Trump a-t-il trahi Netanyahou? | Idriss Aberkane en direct


Il n'a jamais été aussi important de se faire sa PROPRE opinion. Car les signaux envoyés durant la dernière rencontre Trump-Netanyahou n'ont jamais été aussi contradictoires. Une première partie au langage corporel dominant-dominé absolument limpide en faveur de Netanyahou, puis ce moment, durant la prise de parole de Donald Trump, où il lâche un petit "We'll own it" en parlant de Gaza, qui semble faire complètement tiquer Benjamin Netanyahou, ce que plusieurs rédactions indépendantes comme celle du Times of India (plutôt pro-israélien d'ailleurs) ou l'excellente chaîne "Defense Politics Asia" n'ont pas manqué de remarquer. Mais peut-on seulement souligner un détail aussi mineur pour analyser l'avenir géopolitique de la Bande de Gaza? On fait le point

Trump et la “Riviera-sur-Gaza”

 Source : https://www.dedefensa.org/article/trump-et-la-riviera-sur-gaza

• Trump a rencontré Netanyahou en visite à Washington (premier chef de gouvernement à voir Trump). • La rencontre a été extrêmement amicale et ponctuée de déclarations ou propositions originales sinon d’une grande ‘Fantasy’ de la part de Trump : transfert massif des populations palestiniennes, transformation de Gaza en une “Riviera du Moyen-Orient”, etc. • Ou bien l’on prend cela pour du comptant et l’on s’interroge sur l’état mental de Trump ou bien l’on cherche “le plan” qui a poussé à cette intervention. • Deux réponses : Mercouris et Larry Johnson.

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Beaucoup, dont nous sans doute, ont songé, mardi, au moins pendant un moment en écoutant ou lisant les propos de Trump : “Voilà qu’il recommence !”. C’était une façon de parler de l’annonce imprévue, inattendue et inédite de Trump sur Gaza, lors d’une conférence de presse commune avec Netanyahou qui s’est déplacé à Washington pour être le premier chef de gouvernement à rencontrer le nouveau président.

Donc, l’on parlait de concert de choses bien connues de tous, et Trump venait d’annoncer, tout de go, qu’il aimerait bien voir une grande partie sinon la totalité de la population palestiniennes transportée vers des pays arabes. Le menu était goûteux et les chancelleries arabes commentaient, c’est le cas de le dire, à chanceler de stupéfaction et de colère.

On donne la parole au fidèle ‘Breitbart.News’, désormais accrédité à la Maison-Blanche au même titre qu’aux glorieux titres de référence, – NYT, WSJ, WashPost...

« Le président Donald Trump a déclaré mardi que les États-Unis prendraient le contrôle de Gaza et retireraient les débris, les tunnels et les explosifs laissés là par le Hamas après la guerre avec Israël, ajoutant qu’il voyait l’Amérique prendre une “position de propriétaire à long terme”.

» Trump a déclaré : “Les États-Unis prendront le contrôle de la bande de Gaza, et nous ferons du travail avec elle aussi. Nous l’aimerons et serons responsables du démantèlement de toutes les bombes dangereuses et autres armes sur le site… et nous nous débarrasserons des bâtiments détruits [et] créerons un développement économique qui fournira un nombre illimité d’emplois et de logements”. »

Trump a précisé que les USA développeraient l’économie de Gaza, « en envoyant des troupes si nécessaire ». Quelques heures plus tard, le nouveau ministre de la défense a répondu aux journalistes qui l’interrogeaient sur le fait de savoir si l’on enverrait des troupes, que la question était loin, très loin de se poser, tandis que la porte-parole de la Maison-Blanche adoptait elle aussi cette position. Cette petite contradiction amicale fait partie du scénario qui, avec Trump, vira franchement à la promotion de vacances vers un paradis exotique :

« Il a qualifié le potentiel de Gaza d’“incroyable”, mais a déclaré que le contrôle palestinien de Gaza “ne fonctionnera jamais”. Il a ajouté : “Il faut tirer les leçons de l’histoire… Nous avons l’occasion de faire quelque chose de phénoménal… la Riviera du Moyen-Orient.”

» Il a déclaré qu’il envisageait que “les peuples du monde” y viendront et y vivront, ajoutant : “Je pense que vous ferez de [Gaza] un endroit international incroyable. Je pense que le potentiel de la bande de Gaza est incroyable. Et je pense que le monde entier, les représentants du monde entier seront là”. »

A une remarque d’un journaliste sur la souveraineté de la Palestine, donc la légalité de la présence des USA, Trump a répondu à-la-Kamala, par une “salade de mots” où l’on distinguait “stabilité”, “sécurité” et le reste. Netanyahou, lui, a répondu par une remarque historique qui fait s’interroger sur le fait de savoir s’il était au courant :

« Cette idée est quelque chose qui pourrait changer l’histoire et elle mérite d’être prise en considération. »

Version Mercouris

Consultons maintenant nos sources les plus sérieuses et les plus solides. Mercouris, par exemple : comme ses confrères indépendants mais sérieux, il estime évidemment que ce projet (essentiellement le déplacement des populations) n’en est pas un, qu’il est infaisable, etc. Il appuie ses propos sur des confidences de Alastair Crooke, lors d’une récente table ronde avec Alastair Crooke et Glenn Diesen.

«  Alastair Crooke ayant été informé par un membre du cabinet israélien que la suggestion de relocaliser toute la population de Gaza hors de Gaza et de la déplacer ailleurs entraînerait un énorme déplacement de population, qui aurait été coordonné entre le bureau de Netanyahou et Donald Trump lui-même, de sorte que c'est dans une certaine mesure une mise en scène entre les deux... [...]

» Je ne suis pas ici pour excuser ce que dit Donald Trump, mais je pense que Donald Trump et ses responsables comprennent parfaitement que cet exercice de déplacement massif de toute la population de Gaza est impossible… Voilà donc ce que je pense.

» Je pense que Trump a peut-être mis à rude épreuve une partie du soutien de ses partisans de la ligne dure pro-israélienne au sein de l'administration par les mesures qu'il a prises dans les semaines précédant l'investiture, le refus de frapper l'Iran, l'insistance sur le cessez-le-feu à Gaza qui a, comme je l'ai dit, révélé à quel point le Hamas est toujours aux commandes. Trump est également conscient que la position de Netanyahou en Israël ne tient plus qu'à un fil. Encore une fois, Alastair Crooke a déclaré que Netanyahou est gravement malade, qu'il a un problème cardiaque, qu'il est également très déprimé par l'échec de Gaza à obtenir une victoire militaire, une victoire militaire concluante sur le Hamas, qu'il fait l'objet de critiques et d'oppositions importantes en Israël même, et que Trump est en train de lancer une bouée de sauvetage à Netanyahou, qu'il semble soutenir la politique à long terme de Netanyahou visant à déplacer, à expulser toute la population de Gaza et à ramener Gaza entièrement sous contrôle israélien. Trump fait cela pour stabiliser la position de Netanyahou en Israël et empêcher l'effondrement de son gouvernement.

» Du point de vue de Trump, cela accomplit deux choses, premièrement, cela évite une crise politique en Israël qui aurait pu se produire si le gouvernement de Netanyahou s'était effondré et Trump ; et deuxièmement, bien sûr, cela lie Netanyahou encore plus à Trump lui-même... Cela signifie aussi pour Alastair Crooke. que Netanyahou dépend désormais essentiellement pour sa survie politique du soutien de Donald Trump, de sorte que l'équilibre des pouvoirs entre Netanyahou et la présidence américaine a basculé de manière décisive en faveur de la présidence américaine. Voilà ce qui se passe, je pense, et cela peut signifier que Trump continuera à résister à toute demande de Netanyahou d'une frappe contre l'Iran. »

Version Johnson

Une autre appréciation, ou plutôt une appréciation complémentaire, nous est donnée par Larry Johnson. Par rapport à Mercouris, il intervient 12 heures plus tard (à peu près), alors que le grandiose projet de la Riviera-sur-Gaza de Trump nous est connu. Son explication est plus complète, mais elle va tout à fait dans le même sens que celle de Mercouris.

Johnson prend ses précautions pour la présentation du cœur de son sujet. Il met en évidence la préparation minutieuse de l’équipe Trump par rapport à l’aspect burlesque de son propos, tel que dit par l’intéressé, et même lu avec attention sur un document (« Nous avons l’occasion de faire quelque chose de phénoménal… la Riviera du Moyen-Orient. [...] Tous les peuples du monde y viendront... »). Comme Mercouris et même s’il prend ses précautions, Johnson prend Trump au sérieux...

« En gardant cela à l’esprit, permettez-moi de suggérer une autre façon d’analyser ce qu’il a dit à propos de la prise de contrôle de Gaza lors de la conférence de presse de mardi avec Netanyahou. Premièrement, il lisait un script. Cela signifie qu’il avait été rédigé et vérifié à l’avance, très probablement avec Michael Waltz en tête. Deuxièmement, alors que beaucoup ont interprété ses remarques comme une manière de plaire aux sionistes, le langage qu’il a utilisé était tout le contraire. Il n’a pas dit que Gaza appartenait à Israël. Il a déclaré que les États-Unis devraient prendre le contrôle de Gaza et superviser la reconstruction. Cependant, il n’a pas proposé de plan spécifique pour y parvenir et a clairement indiqué que quelqu’un d’autre que les États-Unis paierait la facture de la reconstruction. Trump accepterait-il une offre saoudienne de reconstruire Gaza avec ses fonds ? Je pense que oui, mais cela ferait probablement partie d’un accord plus large visant à ressusciter les accords d’Abraham.

Il est vrai que Netanyahou a publiquement adopté le plan de Trump, mais en annonçant cette proposition Trump a rendu presque impossible pour Netanyahou d’abandonner l’accord de cessez-le-feu, du moins la deuxième phase, ce qu’il aurait promis au ministre des Finances Smotrich de faire. Si les sionistes décident de lancer une nouvelle offensive contre les Palestiniens de Gaza, ce serait une gifle directe à Trump.

Scott Ritter m’a rappelé, lors de la table ronde avec Danny Haiphong, les remarques insensées et insultantes de Trump à l’égard de Kim Jong-Un qui ont précédé ses négociations en face à face avec Kim. C’est une tactique de négociation classique de Trump – la grandiloquence et les insultes d’emblée suivies de diplomatie et de négociation d’accords. Est-ce le plan de Trump pour recadrer la question palestinienne ? Je pense que c’est une possibilité. Je peux aussi me tromper (et je suis sûr que beaucoup d’entre vous me le feront savoir).

La rhétorique enflammée de Trump à l’égard de l’Iran semble également être un autre exemple de sa routine de “good cop, bad cop”. Steve Witkoff négocierait avec les Iraniens sur ordre de Trump. Je pense qu’il est très probable que l’Iran, malgré les informations de presse qui affirment le contraire, ne cherche pas à se doter de l’arme nucléaire, principalement en raison du traité de sécurité signé avec la Russie le 17 janvier. Si Witkoff réussit à élaborer un accord avec l’Iran, Trump pourra alors affirmer que son approche de dur à cuire a créé les conditions qui ont rendu cet accord possible. »

Trump, ou le puzzle

C’est le problème avec Trump, et c’est le grand problème avec Trump en grande forme : il donne toujours deux versions d’une opération ou d’un événement. La plus forte, grandguignolesque, menaçante, furieuse, semblable au Trump qu’on déteste ou qu’on caricature, au Trump qui est complètement fou s’il n’est pas fasciste ; et puis l’autre, presque en même temps, presque parallèlement, où la véritable négociation se fait vraiment et sans menace réciproque, où l’on s’y retrouve beaucoup mieux.

Il faut convenir que Mercouris et Johnson sont assez expérimentés et diplomates dans l’âme pour chercher une version qui rencontre leur façon d’être qui s’appuie sur la logique des situations. Il faut aussi convenir que l’inverse, la version des menaces folles et enfiévrées, n’est vraiment pas convaincante, surtout lorsqu’on constate chaque jour les effets de la préparation intense que Trump a faite avec son équipe depuis l’élection, pour justement agir aussitôt installé avec une audace qui n’a d’égale que la minutie de la préparation. C’est ce que Johnson signifie lorsqu’il fait remarquer en premier, comme un facteur fondamental :

« Premièrement, il lisait un script. Cela signifie qu’il avait été rédigé et vérifié à l’avance, très probablement avec Michael Waltz en tête. »

D’autre part et pour un autre propos d’une extrême importance, cette façon de procéder de Trump introduit en permanence un énorme élément de désordre. Chaque fois, nous retrouvons notre Trump insupportable, “complètement fou s’il n’est pas fasciste”, ce qui relance la hargne des antitrumpistes. Bientôt, les trumpistes, même s’ils ne le sont que de raison et pas de conviction (cas de Mercouris et de Johnson, sinon du nôtre), reprennent l’avantage. Ni les uns ni les autres ne perdent rien pour attendre la prochaine pièce, – farce-bouffe d’un côté, sérieux comme un ‘king of the deal’ de l’autre.

Et encore, et pourtant, rien ne peut nous assurer tous que nous ayons complètement raison, ni complètement tort. La double face de Trump comme tactique de négociation est un formidable élément du développement du chaos qui alimente bien entendu la GrandeCrise. A notre sens, un seul domaine échappe à cette loi du chaos-selon-Trump : son opération intérieure contre le Système, qui est autre aspect, complémentaire et essentiel, de la GrandeCrise. Là, nous sommes dans le dur du dur, et encore plus si les trois derniers de son cabinet, les trois joyaux que sont Robert Kennedy Jr., Tulsi Gabbard et Kash Patel, sont confirmés par le Sénat comme l’évolution semble de plus en plus y mener.

 

Mis en ligne le 6 février 2025 à 18H15

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