Source : http://www.dedefensa.org/article-le_massacre_de_juillet_et_le_temps_de_la_peur_13_07_2015.html
Auteur : Philippe Grasset
Le média en ligne allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (DWN, ou Nouvelles Economiques Allemandes), qui a une réputation de franc-tireur peu conforme aux bonnes mœurs de la presse-Système, fait une analyse de la situation européenne après le furieux et implacable coup de force de “la Secte”, ce week-end contre la Grèce ; et ce coup de force qui doit être considéré d’une façon plus générale, comme à titre d’exemple symbolique et d’avertissement implacable, à la fois contre tous ses États-membres et avec la complicité de tous ses États-membres... Désormais, écrit DWN, la peur a remplacé la confiance dans les relations entre les membres de la zone UE/de l’UE, et «la vie commune en Europe n’est plus déterminée par des contrats [de confiance] mais par la loi de la jungle.»
Martin Schultz, le président (allemand) du Parlement Européen, qui s’est déjà signalé par ses très fortes tendances à envisager une opération de regime change contre la Grèce, déclarait ce matin à la radio allemande Deutschlandfunk que «Bruxelles est sur le fil du rasoir et c’est pourquoi l’Eurozone est devant le risque de se désintégrer». Schultz a insisté sur le caractère “complexe” et surtout “confrontationnel” des négociations de dimanche avec la Grèce, lors des réunions de l’Eurogroupe puis des chefs d’États et de gouvernement. Il y a dans ces déclarations d’un homme qui montre d’une façon étonnamment caractéristique les pulsions tyranniques animant les personnages-Système qui parcourent convulsivement la scène, un constat de cette “confrontation” qui est totalement ambivalent... Nous ne croyons pas une seconde qu’il s’est agi d’un événement classique, avec un vainqueur et ses amis, et le vaincu, comme dans l’occurrence d’une politique brutale, mais d’un événement symbolique monstrueux où même les bourreaux-assassins qui se croient les maîtres sont également gagnés par la peur d’être les victimes du monstre qu’ils servent. Il s’agit d’un épisode marquant du déchaînement du Système dans sa folie surpuissance-autodestruction, – parfaitement et logiquement à l’image du “déchaînement de la Matière” ... Nous n’avons fini de relever les victime en tous genres, déchiquetées de toutes les façons, de ce “massacre de juillet”.
Pour nourrir de diverses réflexions permettant de mieux exprimer ce sentiment qui gagne, on placera ici la synthèse queSputnik.News a faite de l’article du DWN, parce qu’elle rend compte avec réalisme et assez justement, à notre sens, de ce climat de peur qui règne désormais en Europe. (Sputnik.News, le 13 juillet 2015.)
«European creditors have agreed on a deal with Greece, but the existence of the political union in its previous form is out of the question. The EU will split, and the final break is only a matter of time, DWN wrote. Many international observers called the recent EU summit a “humiliation of the Greeks.” The talks which were the longest in the history of the Union diminished all values for which the EU once stood, they said. According to DWN, this is the end of the EU in its previous form — a political union, cherishing mutual trust and democratic principles. The democracy is now becoming a marginal phenomenon. ‘Strong’ states now give ultimatums to ‘weak’ ones in a way that was never done before. [...]
»The imposed economic policies, however, will destroy the Greek economy. The Greek banks will partially collapse, while many savers will lose their money. The policy of austerity has not worked in the past five and a half years, and is unlikely to work now, the newspaper wrote. The consequences for Eurozone countries will be dramatic. The Greek banking panic could in seconds become a European banking panic which would be uncontrollable. The solidarity in the EU is eroding, with countries acting in their own selfish interests. The refugee crisis is likely to become the next failure in the EU, which will have members acting in their own interests and not in the interests of the Union as a whole, the article said.
»According to DWN, Angela Merkel and Wolfgang Schäuble have overnight transformed the EU into an entity that is no longer held together by trust, but only by naked fear. With the signing of the agreement with Greece the nightmare for the EU has begun. Life in Europe is no longer determined by contracts, but by the law of the jungle, the newspaper wrote.»
Il est vrai que l’attaque contre la Grèce, hors de toutes les considérations techniques et même politiques habituelles, est d’abord une attaque contre les principes qui fondent toute vie politique d’une civilisation, c’est-à-dire une attaque d’une violence inouïe ressemblant à un acte d’agression spécifiquement voulu comme barbare contre la souveraineté et la légitimité, contre le principe de l’identité, une attaque contre l’ontologie, contre l’être même, – une nation en l’occurrence, fût-elle affaiblie dramatiquement, appauvrie, réduite à sa propre misère, – mais une nation dont la fulgurance du passé, du soleil de sa pensée à la naissance de la tragédie, était nécessaire à la survivance extrême des derniers restes de notre pauvre et monstrueuse civilisation devenue “contre-civilisation”. La forme et la couleur du forfait qui est une exécution parfaite de l’acte de la forfaiture, sa violence déstructurante et dissolvante, son aveuglement furieux et son nihilisme agressif sont des faits si marquants et si indéniables pour l’esprit qui sait regarder qu’ils touchent au fondement des choses. Effectivement ils transforment le climat général et la peur règne... D’une façon très significative, nous ne pensons pas que cette peur épargne même celui (celle) qu’on aurait tendance à désigner comme le bourreau de la Grèce. Même l’Allemagne a peur, dans tous les cas elle le réalisera très vite, même l’Allemagne est soumise à ce climat de peur.
... Comment la “gentille Union Européenne” qui semblait cette dame puissante et bienveillante favorisant notre destin s’est-elle finalement transformée en une sorte d’orque monstrueux, – notre personnage favori pour symboliser notre situation, – qui répand un climat de peur comme l’on hurle ? Ce mot de “gentille UE” ne nous a pas échappé par dérision, il se révèle comme n’étant nullement une invention, puisqu’un personnage aussi représentatif de ce que le Système peut produire de pauvre et de bas est effectivement capable d’employer de tels termes ; cela témoignant de la surprenante et presque touchante niaiserie qui habite cette sorte de pensée lorsqu’il s’agit de se faire courtisan du Système en s’assurant presque de sa propre innocence, – l’ambiguïté du mot “un innocent” pour désigner le sujet vaut réquisitoire à cet égard... Ce mot, lors de l’émission C dans l’air du 6 juillet, tel que Acrimed.org nous en fait rapport le 13 juillet 2015 : «... Jean-Dominique Giuliani explique doctement : “On saura demain avec les propositions qu’il va faire à l’Eurogroupe puisque finalement, la gentille Union Européenne accepte encore un nouveau round de discussion”.» Effectivement, si des personnages de cette nature, de cette envergure et de cette stature, sont conduits à utiliser de tels termes, c’est que leurs psychologies est si affaiblies que tout est possible, y compris d’avoir pris pour de la gentillesse le visage innommable de l’orque, et de n’y avoir rien compris, absolument rien, finalement travaillant pour que le forfait s’accomplisse dans ce week-end du “massacre de juillet” et ouvre “le temps de la peur”, sans réaliser que ce sort serait aussi le leur, inéluctablement. L’orque monstrueux, on le conçoit aisément selon l’entraînement de la logique qui conduit cet événement informe, peut aussi bien se transformer en minotaure qu’en un Kronos d’infortune.
Il pourrait donc être avancé qu’il s’est produit quelque chose d’irréparable, d’irrémédiable, durant ces deux jours, à Bruxelles, en Europe. Brutalement, notre “contre-civilisation” a affiché et exposé sans la moindre vergogne toutes ses haines, tous ses vices, toutes ses conformations inverties, elle a exposé tout ce qui la condamne définitivement aux yeux de la métaphysique de l’histoire, de la destinée du monde, du sens de l’évolution des choses. L’exceptionnelle, voire lasublime médiocrité de ceux qui se sont rassemblés pour commettre l’acte, témoignent sans aucun doute du fait que nous approchons du terme des choses : lorsque la sublimité se signale aussi résolument dans la mesure de la bassesse, c’est le signe d’un basculement décisif de l’équilibre du monde. Puisque Churchill le disait, quoique dans un sens moins assuré, la formule retrouvée approximativement peut servir ici ... “Ce n’est pas ‘au moins la fin du commencement’, c’est bien le commencement de la fin”. Eh bien, que la bête meure.
Mis en ligne le 13 juillet 2015 à 20H16
Petit supplément... (Je préfère une idée juste de Nigel Farage à une idée fausse de François Hollande...)