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mercredi 2 novembre 2022

Un mystérieux assassinat - 2 Novembre 2022

 

source : https://www.chroniquesdugrandjeu.com/2022/11/un-mysterieux-assassinat.html

Il y a quarante-sept ans jour pour jour mourrait assassiné Pier Paolo Pasolini, l'un des plus célèbres cinéastes italiens de l'après-guerre. Quel peut bien être le rapport avec le Grand jeu ? se demanderont ceux qui n'ont pas lu le livre de votre serviteur. Il y a pourtant visiblement un lien, où se mêlent or noir, attentat, URSS, services secrets, pipeline et guerre froide :

Quand le Grand Jeu sent le pétrole, la CIA n’est jamais loin… Le 27 octobre 1962, Enrico Mattei, flamboyant directeur de l’ENI, la compagnie italienne des hydrocarbures, meurt dans un mystérieux accident aérien, vraisemblablement causé par l’explosion d’une bombe à bord de son avion près de Milan. Il s’était fait connaître en proposant des accords très avantageux pour les pays producteurs de pétrole, négociant souvent un partage des bénéfices à 50/50. Jusqu’ici, le Moyen-Orient était exploité sans vergogne par les majors anglo-saxonnes, regroupées en un cartel qui ne disait pas son nom : les Sept Sœurs.

C’est dans un vénérable château écossais, lors d’une partie de chasse au coq de bruyère, qu’eut lieu le 28 août 1928 un véritable partage du monde. Lors de ce Yalta pétrolier, les dirigeants de la Royal Dutch-Shell, de la Standard Oil (future Exxon) et de l’Anglo-Persian (BP), ensuite rejoints par Chevron, Texaco, Mobil et Gulf Oil, s’accordèrent sur les zones d’exploitation, les prix, le transport. Ce pacte secret laissait dans l’ignorance la plus totale les pays producteurs, dont la fonction se résumait en une phrase : fournir, sans poser de questions, du pétrole abondant et bon marché. Trente ans plus tard, avec ses propositions révolutionnaires, Mattei compromet gravement le monopole des Sept Sœurs et menace, in fine, le contrôle des flux énergétiques mondiaux par Washington.

Il aggrave son cas en se rendant, en pleine Guerre froide, à Moscou où il négocie un accord d’importation de pétrole soviétique et la construction d’un pipeline. Il prophétise la fin prochaine du monopole américain sur le précieux naphte, provoquant l’ire de l’Otan et des États-Unis. La CIA commence alors à le surveiller de très près tandis que la pression diplomatique s’accentue sur les autorités italiennes. Les projets de l’ENI sont présentés comme une « grave menace à la sécurité de l’Occident », petite phrase très familière à nos oreilles : ce sont mot pour mot les termes employés de nos jours [2020, ndlr] à propos du gaz russe…

Fait intéressant, la politique de Mattei provoque en Italie un examen de conscience national que nous connaissons bien aujourd’hui, à l’heure où les sanctions européennes contre la Russie, décidées par et pour Washington, coûtent très cher au Vieux Continent. En 1960, une grande partie de l’industrie transalpine se sent en effet bridée par l’allégeance de Rome à l’Occident, qui l’empêche de faire des affaires : la "protection" américaine se double d’une vassalité qui interdit de commercer librement avec les adversaires du suzerain. Par ses ouvertures, Mattei pourrait entraîner derrière lui une partie des milieux d’affaires italiens voire européens.

Le point crucial reste cependant l’or noir et l’obsession américaine de contrôler la géopolitique du pétrole par le biais des Sept Sœurs et de leurs cousines occidentales. Le patron de la compagnie soviétique d’hydrocarbures, un certain Gurov, résume alors parfaitement la situation : « L’exploitation pétrolière est le fondement de l’influence politique occidentale dans le tiers-monde, de ses alliances et de ses bases militaires. Si ce fondement se fissure, c’est l’édifice tout entier qui commencera à chanceler puis à s’écrouler. » La CIA a-t-elle assassiné Enrico Mattei ? Nous ne le saurons peut-être jamais, d’autant que le condottiere s’était fait des ennemis par ailleurs. Une chose est sûre : après la mort de son charismatique président, l’ENI change totalement de cap et se range sagement derrière l’hégémonie anglo-saxonne.

L’histoire ne s’arrête pas là. En 1975, le célèbre écrivain-cinéaste Pasolini est retrouvé sauvagement assassiné sur une plage. Très vite, les enquêteurs estiment impossible la thèse du tueur solitaire si opportunément arrêté et ils s’étonnent de l’intrusion des services secrets dans le cours de leurs investigations. Ces doutes sont confirmés par de récentes publications. En 1975, Pasolini met la dernière main à son roman Pétrole, pour lequel il avait longuement enquêté sur la mort de Mattei et la disparition, en 1970, d’un journaliste, De Mauro, qui travaillait lui aussi sur l’attentat. Bien qu’amputé d’un chapitre mystérieusement disparu, l’ouvrage paru à titre posthume met en cause les services secrets et Eugenio Cefis, successeur de Mattei à la tête de l’ENI et membre de la loge P2.

Cette loge, sorte d’État dans l’État, rassemble le gotha italien jusqu’à son démantèlement dans les années 1980, suite à plusieurs scandales retentissants. Députés et ministres, banquiers, journalistes influents, magistrats, chefs des services secrets, industriels ou officiers supérieurs s’y côtoient allègrement et, dans ce marigot de corruption et de népotisme, les liens avec la CIA ou la mafia sont notoires. Un livre récent établit le lien entre les trois assassinats et affirme que Pasolini et De Mauro ont payé de leur vie leur trop grande curiosité dans l’affaire Mattei, l’homme qui avait fait trembler la suprématie pétrolière américaine.

mardi 19 juillet 2022

Les VRAIES RAISONS de la GUERRE


 


💸Le lien pour financer le Canard : https://www.helloasso.com/association... 🔎 Transparence de la tréso : https://www.youtube.com/watch?v=ZLCe3... 🦕 Basé sur des articles du @Le Monde diplomatique paru en juin : "Qui gagne la guerre de l’énergie ?" : https://www.monde-diplomatique.fr/202... "Washington maître du jeu" : https://www.monde-diplomatique.fr/202... 💨 Et d'un article de @Le Vent Se Lève qui reprend les articles du diplo : https://lvsl.fr/embargo-sur-le-petrol... 🦆 Nos vidéos pour comprendre ce bazar : Notre master classe : https://www.youtube.com/watch?v=8lLdA... Crise de la Faim : https://www.youtube.com/watch?v=Msvab... Role des USA dans la guerre : https://www.youtube.com/watch?v=054j_... Notre dernière RDP internationale : https://www.youtube.com/watch?v=ziaR6... 🤗 NOUS SOUTENIR : Tipeee : https://fr.tipeee.com/lecanardrefract... Paypal : contact@lecanardrefractaire.org Chèque : Le canard réfractaire - 22 rue des ponts Saint Michel - 22200 Guingamp Virement : ASSOC. LE CANARD REFRACTAIRE, FR76 1220 6010 0056 0237 2561 039, AGRIFRPP822, FR7612206010005602372561039 📰 Sources : https://docs.google.com/document/d/1I... 00:00 : 1 - Introduction 01:42 : 2 - USA, pic pétrolier et schyste 07:17 : 3 - GNL 11:29 : 4 - Le miracle Ukrainien 16:52 : 5 - Le naufrage Européen 22:19 : 6 - Le cas Russe et Chinois 29:14 : 7 - Une victoire Etésunienne ? 34:50 : 8 - Conclusion 40:28 : 9 - Ouverture

vendredi 29 janvier 2021

Le coronavirus et la pandémie pétrochimique

 Par Dmitry Orlov – Le 18 janvier 2021 – Source Club Orlov

Je me demande à quel moment il deviendra évident pour une fraction critique de la population que le problème auquel s’attaquent les fermetures, les verrouillages, les couvre-feux et diverses autres mesures de contrôle prétendument épidémiques, qui sont en réalité des mesures de suppression de la consommation, n’est pas épidémiologique mais pétrochimique, motivé par la nécessité de réduire la consommation de pétrole de manière systématique et symétrique ? Après tout, cela m’est déjà apparu comme une évidence. Se peut-il que je sois vraiment seul ? Permettez-moi de vous donner un indice.

Pour revenir un peu en arrière, du point de vue du capitalisme transnational, le monde est là simplement pour lui fournir des ressources et des services à partir desquels il peut générer des profits. Sa vision du monde naturel montre un déficit mental frappant : une incapacité à voir les limites. Tant qu’il ne les rencontre pas, il ne peut tout simplement pas les voir et suppose que les ressources sont infinies. Et lorsqu’il se heurte à ces limites, il traite invariablement le problème comme un problème financier et jette de l’argent en l’air pour le régler, qui peut généralement être imprimé par une banque centrale convenablement coopérative. Il est évident qu’il considère la presse à imprimer comme une autre ressource inépuisable, comme en témoigne la longue série de poussées d’hyperinflation dans les pays du monde entier.

Ainsi, lorsqu’en juillet 2008, le prix du pétrole a atteint près de 150 dollars le baril, on a automatiquement supposé que le problème n’avait rien à voir avec l’épuisement des ressources mais était entièrement dû au manque d’investissement dans l’industrie pétrolière. Comme le pétrole des puits de pétrole conventionnels sur terre se raréfiait, le système a jeté d l’argent dans le forage en mer, dans les sables bitumineux, dans la fracturation hydraulique et d’autres ressources relativement plus coûteuses, l’imprimant à volonté selon les besoins. Certes, l’augmentation des investissements a fini par entraîner une augmentation de la production et un marché pétrolier saturé, mais le fait que l’augmentation des investissements soit devenue nécessaire avait tout à voir avec l’épuisement des ressources : les ressources qui pouvaient être produites le moins cher étaient les premières à être produites et les premières à être épuisées. De plus, l’effet de l’augmentation des investissements est temporaire ; comme la rouille, l’usure ne dort jamais, et à un certain moment, le niveau de dépenses nécessaire pour maintenir la production devient impossible à maintenir.

Avançons rapidement jusqu’en août 2019, lorsqu’il s’est soudainement avéré que les instruments de la dette fédérale américaine, que l’on pensait auparavant aussi bons que l’or, ne pouvaient plus être utilisés comme garantie pour les prêts au jour le jour entre banques sans payer des intérêts exorbitants. À peu près au même moment, il est devenu évident que la poursuite de la production américaine de pétrole de schiste, qui a permis aux États-Unis de redevenir pendant un bref instant le premier producteur mondial de pétrole, est non seulement un gaspillage net d’argent, mais s’épuise aussi trop rapidement pour être soutenue. La chute de la production de pétrole aux États-Unis et les réductions de production prétendument volontaires de l’Arabie saoudite (dont les champs sont énormes mais très anciens) ont fait de la Russie le producteur pivot, capable de contrôler les prix du pétrole à sa guise. Pire encore, les Russes construisent furieusement des usines pétrochimiques et autres parce qu’ils prévoient d’arrêter d’exporter du pétrole et de se tourner vers la fabrication et l’exportation de produits à valeur ajoutée. Par exemple, ils prévoient de s’emparer d’un tiers du marché mondial du plastique polyéthylène.

Comme le niveau de la consommation de pétrole détermine directement le niveau de l’activité économique globale, si l’on ne peut ni produire ni acheter plus de pétrole, il faut réduire la consommation de pétrole. Une fois que cette prise de conscience a été faite, vers décembre 2019, les conseils d’administration des grandes corporations et leurs sous-fifres supposés élus démocratiquement dans les gouvernements nationaux occidentaux se sont tournés vers la suppression de la consommation publique par l’imposition de contrôles sociaux. Une merveilleuse solution provisoire a été trouvée sous la forme d’un virus de la grippe pas particulièrement mortel. Les frontières ont été fermées et des mesures de confinements ont été imposées, ce qui a entraîné l’arrêt du tourisme et d’une grande partie du secteur des services. Alors que la crise économique s’aggrave, des souches mutantes de ce virus de la grippe pas particulièrement mortel sont découvertes dans le monde entier et sont utilisées pour justifier de nouvelles restrictions à la consommation dans les pays qui manquent de ressources financières et physiques pour continuer à fonctionner comme avant.

Cette stratégie est de plus en plus difficile à vendre au grand public, car les chercheurs du monde entier découvrent que les raisons d’imposer des contrôles sociaux ne sont pas justifiables en tant que mesures de santé publique. Aucune preuve n’a été montrée que la fermeture des écoles et des cours de récréation a affecté le cours de l’épidémie. Aucune preuve n’a été trouvée que des individus asymptomatiques (c’est-à-dire en bonne santé) sont capables de propager le virus. On ne peut pas non plus prouver que les « lockdowns » (une forme de peine de prison américaine pour enfermer les détenus dans leur cellule pour leur propre protection) ont été efficaces. Le test PCR couramment utilisé produit de nombreux faux positifs qui le rendent au mieux trompeur en tant que test de dépistage pour une population majoritairement saine, et au pire un peu de technologie politique : le paramètre Ct du test PCR peut être utilisé comme un bouton pour régler le nombre prévu de résultats faux positifs.

Les preuves ne sont pas encore concluantes, mais il semble probable qu’il sera finalement prouvé que le port du masque par des individus en bonne santé (maintenant appelés « asymptomatiques ») fait plus de mal que de bien en incubant et en aidant à la propagation des bactéries. La réponse à l’apparition de ces résultats de recherche a été d’imposer des contrôles stricts sur les médias sociaux, en essayant d’arrêter la propagation de ces idées subversives, et en essayant de supprimer les manifestations et les émeutes des personnes qui s’opposent à être opprimées de cette manière, parce que l’information fuite.

Enfin, permettez-moi d’expliquer pourquoi les fermetures, confinements, couvre-feux et diverses autres mesures de contrôle prétendument épidémiques, qui sont en réalité des mesures de suppression de la consommation, sont motivées par la nécessité de réduire la consommation de pétrole de manière symétrique. Environ la moitié de chaque baril de pétrole est transformée en essence, utilisée dans les voitures et autres petits moteurs ; l’autre moitié est transformée en distillats – diesel, carburéacteur, combustible de soute pour les navires et mazout de chauffage. Pour que l’industrie pétrolière continue à fonctionner sans heurts, à rester rentable et à éviter l’accumulation de stocks invendus, la destruction de la demande pour ces deux types de produits doit être symétrique ; ainsi, il faut trouver un équilibre entre empêcher les gens de prendre l’avion (économie de kérosène) et empêcher les gens de se rendre au travail en voiture (économie d’essence). Le mécanisme par lequel ces problèmes logistiques de l’industrie pétrolière sont traduits en déclarations de sécurité publique prétendument motivées par des raisons médicales reste un mystère. Si, à un moment donné, quelqu’un divulgue un modèle informatique qui permet de régler les boutons de confinement, de fermeture des entreprises, de couvre-feu et de fermeture des frontières afin d’ajuster et d’équilibrer la consommation d’essence et de distillats de pétrole, alors nous aurons notre arme du crime.

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone





lundi 25 novembre 2019

Géopolitique : Moscou en roue libre





Il est des périodes bénies des Dieux où tout ou presque fonctionne, où les fondamentaux géopolitiques et l'événementiel concordent pour aller dans la direction voulue. C'est ce qu'est en train de vivre le Kremlin. Une flopée de bonnes nouvelles pour Moscou, soigneusement cachées par notre chère MSN, a en effet fleuri ces derniers temps...
En Ukraine, le rapprochement entre le nouveau président et la Russie, que nous avons évoqué à plusieurs reprises, inquiète les officines médiatiques occidentales. Le nom d'Igor Kolomoiski n'est pas inconnu des lecteurs de nos Chroniques : autrefois grand argentier des bataillons nationalistes, il avait au fil du temps mis de l'eau dans son bortsch, comme en mai dernier où, dans un discours remarqué, il se lâchait en diatribes contre le FMI et les Occidentaux : « C'est votre jeu, votre géopolitique. Vous n'en avez rien à faire de l'Ukraine. Vous voulez atteindre la Russie et l'Ukraine n'est qu'un prétexte. »
Il a remis ça il y a dix jours, au grand dam du New York Times qui s'en étrangle de rage : « Les Russes sont plus forts, nous devons améliorer nos relations avec eux. Les gens veulent la paix et une bonne vie, ils ne veulent plus être en guerre. Et vous, Américains, vous nous forcez à être en guerre, sans même nous en donner les moyens. Vous [l'UE et l'OTAN] ne nous aurez pas, il n'y a aucun intérêt à perdre du temps en discussions vides. Les prêts du FMI pourraient facilement être remplacés par des prêts russes. Nous prendrons 100 milliards de dollars de la Russie, je pense qu'elle serait ravie de nous les donner aujourd'hui (...) S'ils sont intelligents avec nous, nous irons du côté des Russes. Leurs tanks seront positionnés près de Varsovie, votre OTAN chiera dans son froc et devra acheter des Pampers. » Clair et sans ambages...
On ne peut tout à fait exclure un coup de pression vis-à-vis de l'empire pour obtenir plus d'argent, mais le ton et le fait que ces sorties commencent à se répéter ne trompent pas. Le "paradis" post-maïdanite est un merdier sans fond qui en a dégrisé plus d'un. Aux Russes de faire effectivement preuve d'intelligence ; six ans après le putsch US, ils disposent d'une fenêtre afin de récupérer l'Ukraine en douceur ou, du moins, de la neutraliser durablement. Les discussions actuelles sur l'or bleu entre Gazprom et Naftogaz pourraient éventuellement servir ce dessein.
Puisque l'on parle énergie, le moins que l'on puisse dire est que ça gaze pour Moscou. Le Turk Stream en est aux derniers réglages et les premiers flux gaziers devraient circuler le mois prochain... au moment même où, de l'autre côté de l'Eurasie, le Sila Sibirii entrera en fonction. Deux gazoducs sinon rien, et c'est soudain l'échiquier de Brzezinski qui se met à trembler.
Il se passe des choses extrêmement intéressantes en Asie du Sud-est, symbolisant à merveille la lente mais sûre passation de pouvoir entre l'empire américain déclinant et la multipolarité menée par la Russie. Sur l'exemple du Vietnam, le fougueux président philippin Duterte a profité de son voyage à Moscou, début octobre, pour inviter Rosneft à s'établir en Mer de Chine méridionale afin d'y explorer les richesses énergétiques.
On connaît l'importance de ces zones maritimes dans le Grand jeu :
En mer de Chine méridionale, la dispute tourne autour de deux archipels inhabités mais stratégiquement de la plus haute valeur : les Paracels et surtout les Spratleys, également revendiqués par le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Brunei et le gouvernement chinois nationaliste de Taïwan. En mer de Chine orientale, on se rappelle la dangereuse querelle sino-japonaise des îles Senkaku/Dyaoshu, culminant en 2012-2013 mais toujours latente.
Si les journaux ont narré l'événement, certains faisant même parfois un effort pour "comprendre" la situation, analysant la lutte pour le contrôle de l'une des routes maritimes les plus stratégiques du globe, la toile de fond est malheureusement totalement occultée. Elle explique pourtant tout...


Une carte vaut parfois tous les discours. Nous sommes évidemment en plein Grand jeu, qui voit la tentative de containment du Heartland eurasien par la puissance maritime américaine. Les disputes territoriales autour des Spratleys, des Paracels ou des Senkaku/Dyaoshu ne concernent pas une quelconque volonté de mettre la main sur d'éventuelles ressources énergétiques ou routes stratégiques, ou alors seulement en deuxième instance. Il s'agit avant tout pour le Heartland, la Chine en l'occurrence, de briser l'encerclement US et de s'ouvrir des routes vers le Rimland et vers l'océan, exactement comme la Russie le fait sur la partie ouest de l'échiquier avec ses pipelines et ses alliances de revers.
La lutte de Pékin contre Washington dans les mers de Chine a pour effet secondaire d'effrayer les autres pays riverains qui, s'ils n'ont pas d'appétence particulière pour l'aigle américain, ne veulent pas non plus voir le dragon débouler jusqu'à eux. C'est notamment le cas du Vietnam ou des Philippines, et nous en revenons à Duterte : ses appels du pied à Rosneft sont une manière de contrer la convoitise chinoise.
Mais là où les choses prennent une tournure étonnante, c'est que c'est désormais à la Russie et non plus aux Etats-Unis qu'on fait appel. Fut un temps pas si lointain où n'importe quel président philippin aurait encouragé Exxon ou une autre major anglo-saxonne à prospecter ces mers, avec l'US Navy pour sécuriser le tout. L'empire a vécu et c'est maintenant vers Moscou que les regards se tournent.
Les Russes engrangent les dividendes d'une politique qui, bien loin des effets de com' à l'occidentale, ne transige ni sur ses valeurs ni sur ses alliés, tout en ne fermant la porte à personne (Iraniens, Saoudiens, Palestiniens ou Israéliens passent par exemple leur temps à Sochi). Il y a quatre ans, nous résumions cette approche par une parabole quelque peu exotique :
La pensée russe en matière de stratégie extérieure fait penser à un rhinocéros qui dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit, avançant lentement mais fermement, inexorablement, et finissant par mettre tout le monde d'accord.
De fait, à l'opposé des simagrées américains qui suscitent le doute y compris parmi les composantes impériales, l'inamovible ours russe inspire la confiance. On l'a vu en Syrie, on le voit maintenant jusqu'en Asie du Sud-est.
Reste à savoir quelle sera la réaction du Kremlin qui, assurément, prendra la chose avec des pincettes. Contrarier la Chine est en effet hors de question. La symbiose entre les deux poids-lourds eurasiatiques est telle que Stratfor va jusqu'à évoquer l'Entente cordiale du début du XXème siècle entre la France et l'Angleterre, assez solide pour survivre aux deux guerres mondiales. Début octobre, Poutine a même lâché une bombe lors de la seizième édition du toujours intéressant Club Valdaï : « Nous sommes en train d’aider nos collègues chinois à créer un système d'alerte précoce pour la défense antimissile. Cela va fondamentalement, drastiquement muscler la défense de la République populaire. Aujourd’hui, il n’y a que les États-Unis et la Russie qui disposent de ce type de système. »
De quoi mettre encore plus sur les nerfs les stratèges de Washington, déjà passablement inquiets du partenariat sino-russe. Les kriegspiel simulés du Pentagone se terminent invariablement par une déculottée américaine face à l'une ou l'autre de ses bêtes noires et Foreign Policy s'alarme : avec leurs nouvelles technologies (dont les fameux missiles hypersoniques), Russes et Chinois mettent fin à deux siècles d'American way of war, basé sur l'attaque à partir de points invulnérables.
Pour en finir sur les questions d'armement, Vladimirovitch vient de lever un (petit) coin du voile sur la mystérieuse explosion du 8 août sur une base militaire du grand Nord russe : les scientifiques tués travaillaient à une arme "sans équivalent". Si l'hypothèse de plusieurs observateurs se révèle juste, il s'agit du développement d'un missile à propulsion nucléaire, c'est-à-dire un projectile à portée illimitée car mû par un moteur dit éternel. « Une autonomie qui pourrait lui permettre de prendre des trajectoires inattendues, de faire des détours et de sortir des schémas de déplacement prévisibles », comme l'explique un spécialiste de l'université de Princetown. Les Américains s'y étaient bien essayé dans les années 60 mais avaient, devant l'inextricable complexité de la chose, rapidement abandonné le projet...
En Iran, Moscou est également vue comme une planche de salut. Décision de se passer du SWIFT pour les échanges inter-bancaires en septembre, accords commerciaux avec l'Union Economique Eurasienne en octobre, prêt de quelques milliards à l'Iran en novembre. La Russie, dont la santé financière insolente ravit d'ailleurs jusqu'à Wall Street, fait tout pour maintenir son allié à flot et pourrait peut-être en être récompensée dans les énormes projets pétroliers du South Pars.
Or noir toujours au Venezuela, qui a vu sa production bondir de manière étonnante en octobre. Le Kremlin n'y est évidemment pas étranger, comme nous l'expliquions il y a deux mois :
Washington sanctionne les exportations de pétrole de Caracas ? Qu'à cela ne tienne : Rosneft est devenu le principal acquéreur d'or noir du Venezuela (40% en juillet, 66% en août) et fait office d'intermédiaire entre sa compagnie nationale (la PDVSA) et ses acheteurs internationaux, notamment indiens et chinois. Le géant russe abandonne de plus en plus le dollar, le monde continue d'acheter du pétrole vénézuélien, le gouvernement légal de Caracas continue de recevoir des dividendes ô combien précieux et les sanctions impériales sont contournées...
Le pauvre auto-proclamé en est tout retourné. Celui qui se voyait devenir président par la grâce de Bolton n'y arrive décidément plus, ses appels à manifester étant une suite de flops retentissants :
À peine une centaine de personnes ont manifesté lundi à Caracas contre le président socialiste Nicolas Maduro, à l’appel du chef de l’opposition Juan Guaido, qui peine à mobiliser. Malgré les drapeaux jaune, bleu et rouge du Venezuela, les slogans, ou les panneaux affichant des messages comme « Rue sans retour », le cœur n’y est plus. « On n’arrive à rien avec ça », se lamente Antonio Figueroa, en référence aux rassemblements contre le chef de l’État. Samedi, quelque 5000 personnes, selon l’AFP, ont manifesté dans les rues de Caracas, soit bien moins que les dizaines de milliers de personnes que Juan Guaido réunissait juste après s’être proclamé président par intérim le 23 janvier.   
On imagine les dents grincer du côté de Washington, qui voit désormais ses manigances presque systématiquement et partout contrées par l'ours. Comme si cela ne suffisait pas, le sommet Russie-Afrique, le premier du genre, a marqué tous les esprits. Il y a un mois, quarante-trois chefs d'Etat et de gouvernement ont fait le déplacement de Sochi, qui devient une véritable plaque-tournante mondiale. Si aucune annonce majeure n'a été faite, le sommet a été un succès diplomatique indéniable et symbolise l'entrisme russe sur le continent auquel on assiste depuis quelques années, y compris dans le pré carré français comme en Centrafrique.
Europe, Asie, Moyen-Orient, Amérique latine, Afrique... Défendant bec et ongles ses alliés, retournant ceux de l'empire, profitant de l'inexorable reflux américain, le provoquant parfois, jouant habilement de la diplomatie, de l'énergie ou de la guerre, Moscou donne le la de la politique internationale et se pose de plus en plus en patron.

source : http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2019/11/moscou-en-roue-libre.html

mardi 6 juin 2017

[crise du Qatar - Noël au Kremlin] Qatarsis et métastases par Obsevatus geopoliticus / [ Crisis of Qatar - Christmas at the Kremlin] Qatarsis and metastases by Obsevatus geopoliticus

source : http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2017/06/qatarsis-et-metastases.html


7 Juin 2017 , Rédigé par Observatus geopoliticusPublié dans #Moyen-Orient#Etats-Unis#Chine#Pétrole#Russie
Notre bon vieux Moyen-Orient ne changera donc jamais. Rebondissements, renversements, retournements de veste... une vraie telenovela brésilienne.
La grande affaire très commentée de ces derniers jours est la mise au ban du Qatar par l'Arabie saoudite et ses quelques affidés de circonstance. Si c'était dans les tuyaux depuis une bonne semaine, c'est un véritable séisme dans la région, les précédentes querelles n'ayant jamais conduit à une rupture des relations diplomatiques.
La situation s'aggrave d'heure en heure. Les ports sont interdits à tout bateau en provenance ou à destination du Qatar, les ressortissants de chacun ont quelques jours pour faire leurs valises, tous les postes-frontière sont fermés et l'espace aérien de plusieurs pays a été interdit aux avions de Qatar Airways qui passent désormais au-dessus de l'Iran :
Point culminant dans la brusque escalade, l'Arabie saoudite vient s'envoyer un ultimatum de 24 heures comprenant dix conditions et un risque de guerre, quoique improbable, n'est plus écarté. Diantre, comment en est-on arrivé là ?
D'abord un coup d'oeil sur les pays qui viennent de rompre avec Doha : outre Riyad, l'on trouve principalement l'Egypte, Bahreïn et les Emirats Arabes Unis. Point commun : ces pays sont excédés du soutien qatari bien réel aux Frères musulmans, à la pointe rappelons-le des "printemps arabes" libyen, égyptien et syrien.
Pour le reste, c'est une auberge espagnole qui mêle allègrement farce et réalité. Oui, le Qatar a soutenu l'Etat Islamique et Al Qaeda en Syrak comme nous l'avons montré à plusieurs reprises sur ce blog ; mais voir les Saoudiens l'en accuser est à pleurer de rire étant donné qu'ils ont fait exactement la même chose. L'ex-vice Joe Biden s'était d'ailleurs cru obligé de le reconnaîtrepubliquement :
Oui, le Qatar a paradoxalement de bonnes relations avec l'Iran, ce qui passe très mal à Ryad mais aussi à Bahreïn (en proie au printemps chiite passé sous silence dans la MSN occidentale). De même, le Qatar voit d'un mauvais oeil le front américano-israélo-saoudien qui se met en place. Mais est-ce suffisant pour expliquer la soudaine crise ? Sans doute pas, car c'est un véritable noeud gordien auquel nous avons affaire...
Beaucoup ont fait le rapprochement avec la récente visite de Trump en Arabie saoudite et, de fait, le Donald semble confirmer la chose via une nouvelle tempête de tweets :
Durant mon récent voyage au Moyen-Orient, j’ai déclaré qu’il ne pouvait plus y avoir de financement de l’idéologie radicale. Les dirigeants ont pointé du doigt le Qatar – regardez ! Tous les éléments dans le financement de l’extrémisme religieux pointent vers le Qatar. C'est peut-être le début de la fin de l'horreur du terrorisme.
Le Seoud s'achèterait une virginité à peu de frais tandis que le soutien au djihadisme international serait officiellement (et hypocritement) réduit, ce qui ne peut que plaire au président américain qui n'a jamais varié sur ce sujet (c'est bien le seul...) Une entente Washington-Ryad, donc ?
Cependant, beaucoup d'éléments ne collent pas... Cette crise tue dans l'oeuf le projet d'OTAN arabe évoqué par le Donald il y a quinze jours. Soit il aime se tirer des balles dans le pied (pas impossible), soit il n'est pas réellement derrière cette rupture.
Le Qatar accueille la principale base US au Moyen-Orient ; le Pentagone ainsi que le Département d'Etat sont loin d'être aussi ravis que leur commandant en chef. Par le biais de son porte-parole, le Pentagone a d'ailleurs remercié le Qatar et refusé de commenter les déclarations trumpiennes. Quant à Tillerson, il est bien embarrassé, qui appelle les membres du Conseil de Coopération du Golfe à "rester unis". Le Donald vient d'ailleurs de mettre de l'eau dans son coca, peut-être "fortement conseillé" par son entourage, et a appelé le Seoud pour tenter d'apaiser la situation.
Car le CCG est la pierre angulaire de l'empire américain dans la région - un peu comme l'UE en Europe - et il est aujourd'hui au bord du gouffre. Après le Brexit, le Qatarxit ? A Washington, les stratèges impériaux ne doivent pas être aux anges... Le Koweït et Oman ont en tout cas refusé de suivre leurs collègues et de rompre leurs relations avec Doha, ce qui fissure encore un peu plus le CCG.
Autre élément qui ne cadre pas : la Chine serait en train de modifier ses contrats pétroliers avec Riyad pour payer ses importations d'or noir en yuans, coup terrible porté à la puissance américaine. Le fidèle lecteur ne sera pas surpris, nous en annoncions la possibilité il y a deux ans:
Une chose demeurait, stoïque et inébranlable : le pétrodollar. Saddam avait bien tenté de monter une bourse pétrolière en euros mais il fut immédiatement tomahawkisé. Kadhafi avait lancé l'idée mais les bombes libératrices de l'OTAN tombaient déjà sur Tripoli avant qu'il ait eu le temps de passer un coup de fil. Les stratèges américains pouvaient dormir du sommeil du juste, leurs charmants alliés pétromonarchiques du Golfe resteraient le doigt sur la couture du pantalon.
Sauf que... Une info extrêmement importante, donc passée inaperçue dans la presse française, est sortie il y a quelques jours. La Russie et l'Angola ont dépassé l'Arabie saoudite comme premiers fournisseurs de pétrole à la Chine. Chose intéressante d'après les observateurs, c'est le fait que la Russie (encore ce diable de Poutine !) accepte désormais les paiements en yuans chinois qui a motivé ce changement tectonique. D'après un analyste, si l'Arabie veut reprendre sa part de marché, il faudrait qu'elle commence à songer sérieusement à accepter elle aussi les paiements en yuans... c'est-à-dire mettre fin au pétrodollar.
Et là, cela risque de poser un sérieux dilemme aux Saoudiens : faire une croix sur leur prééminence pétrolière mondiale ou faire une croix sur le pétrodollar au risque de voir les Américains le prendre très mal et éventuellement fomenter un changement de régime.
On imagine mal dans ces conditions une brusque entente américano-saoudienne contre le Qatar... D'autant plus que les contrats des ventes tant vantées d'armes commandées par le Seoud - 110 milliards avait assuré le Donald - ne seraient que "du vent" selon un expert.
Dans cette confusion, le sultan est un peu perdu. Curieusement muet ces derniers jours, il a multiplié les contacts téléphoniques avec Riyad, Doha, Koweït et... Moscou (il semble ne plus pouvoir rien faire sans Poutine depuis quelques mois). Il est finalement sorti de sa réserve pour critiquer les sanctions contre son allié qatari. C'était le minimum syndical : l'AKP tendance Frères musulmans pouvait difficilement rester longtemps silencieuse devant l'offensive contre son "parrain", ce qui pousse d'ailleurs le principal parti d'opposition à réclamer une stricte neutralité turque dans cette affaire.
En réalité, Erdogan est bien embêté : en sus de la base américaine, le Qatar abrite une base turque et un accord de défense existe entre les deux pays prévoyant le soutien d'Ankara si la petite pétromonarchie est attaquée. Le sultan n'aurait jamais imaginé que ce puisse être par l'Arabie saoudite !
Deux piliers du pétrodollar et soutiens du djihadisme en conflit, CCG en crise, Turquie ballotée, Etat profond US divisé... Il faut prendre la rupture saoudo-qatarie pour ce qu'elle est : une énième convulsion du "camp du Bien", un émiettement supplémentaire de l'empire.
Il n'en fallait pas plus à CNN pour accuser... les hackers russes ! Audiard nous avait prévenu : les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. Derrière cette nouvelle dégénérescence de la presstituée se cache tout de même une réalité : c'est Noël au Kremlin, qui se garde toutefois de tout triomphalisme.
Il est vrai qu'une coopération, paradoxale elle aussi, existe entre Moscou et Doha, tant sur le plan énergétique (ne pas oublier que le Qatar est entré dans le capital de Rosneft il y a quelques mois) que militaire, malgré les différends - et le mot est faible - sur le dossier syrien. Les ouvertures qataries vers l'Iran sont également bien vues par l'ours. D'un autre côté, les relations se réchauffent doucement avec l'Arabie saoudite et le tout-puissant ben Salman a rendu une petite visite en Russie une semaine après le voyage de Trump et une semaine avant la crise actuelle (a-t-il informé Poutine de ce qui se tramait ?)
Officiellement donc, le Kremlin ne prend pas position. Mais si un coin durable peut être enfoncé entre l'axe américano-saoudo-israélien et la paire turco-qatarie, c'est du pain béni pour Moscou ainsi que pour Téhéran.

source : http://www.chroniquesdugrandjeu.com/2017/06/qatarsis-et-metastases.html

mardi 21 février 2017

[Absurdité de la guerre : prise de conscience] Trois vidéos pour illustrer un esprit contestataire et la dénonciation de la guerre / [Nonsense of the war: awareness]Three videos to illustrate an anti-authority spirit and a termination of the war

Source : https://wikileaksactu.wordpress.com/

Dans ce post, nous vous présentons un choix de vidéos sur le thème de la dénonciation de la guerre. Le point commun entre toutes ces vidéos, c’est que le montage a été réalisé en mêlant les images d’événements historiques marquants avec de la musique, des chansons dont les paroles traduisent le plus souvent une dénonciation de la guerre ou du système qui engendre les inégalités, les injustices, les conflits, dont sont victimes les sociétés humaines. Ces vidéos datent d’époques différentes, mais le message est toujours le même aujourd’hui: dénoncer la guerre dans ce qu’elle a de plus absurde, les victimes civiles, l’aveuglement des armées, les guerres pour le pétrole déguisées sous le nom de « guerre contre le terrorisme ». A chaque guerre, ce sont des générations entières qui meurent. Aujourd’hui, de telles vidéos pourraient-elles encore avoir un impact sur la conscience humaine, pour que les milliers de gens qui protestent, par exemple, contre Donald Trump dans plusieurs pays, se mettent plutôt à protester contre la guerre au Yémen, ou contre d’autres guerres dans le monde? Pourquoi si peu de mobilisations massives contre la guerre?
« Bullets » d’Archive (vidéo de Zunamkiagna)
"Bullets" du groupe ArchivePour commencer, notre vidéo préférée (qui a déjà fait l’objet d’un article sur ce blog). Il s’agit d’une vidéo réalisée avec des images de la guerre en Irak. Celle qui nous parle le plus, étant donné la proximité des événements. Il est difficile de ne pas avoir vu au moins une de ces images dans les médias occidentaux (qui montrent George Bush, l’armée américaine, la chute de Saddam Hussein, les prisonniers irakiens, etc). Les images parlent à tous et rappellent aussi les révélations WikiLeaks sur l’Irak, mais entrent d’autant plus en résonnance avec les paroles de la chanson qui a été choisie pour illustrer la vidéo. La chanson est celle du groupe Archive, un groupe britannique (de rock progressif), qui d’après Wikipedia, sort l’album « Controlling Crowds » dont est issue la chanson en mars 2009. Le titre lui-même pourrait sembler militant: « controlling crowds » ou « en contrôlant les foules », n’est-ce pas ainsi d’ailleurs que les foules sont menées inexorablement vers la guerre, parce que nous sommes d’une certaine manière tous contrôlés par le discours des hommes politiques, par le discours officiel des médias, etc? Les paroles de la chanson ont une raisonnance forte avec la vidéo, même si le groupe Archive n’en est pas à l’origine: comment ne pas penser dès les premières lignes à ce soldat américain parti faire la guerre en Irak et « qui a cette violence sous la peau » (« underneath my skin there is a violence »), mais qui de manière tout aussi absurde peut considérer la beauté d’un ciel qui explose au milieu des balles et des bombes (« bullets are the beauty of the blistering sky », dit le refrain). Soldat coupable des crimes qu’il commet, ou simplement ignorant parce qu’il a obéi aux ordres sans réfléchir, ou impuissant face à des événements internationaux qui le dépassent? Les paroles se confrontent aux images, comme si deux mondes s’affrontaient, mais l’un et l’autre tout aussi absurdes: l’absurdité de la guerre.
« The 4th Branch » d’Immortal Technique

Une autre vidéo qui nous a plu par son message pacifique et révolutionnaire est une vidéo du groupe Immortal Technique, classé dans la catégorie « Rap politique ». On retrouve un montage vidéo semblable à celui de la vidéo précédente, avec des images reprises des médias et des actualités, mêlées à d’autres images de protestations dans les rues, de bombes qui explosent dans le ciel, de parades militaires, symboles religieux, etc. La chanson utilisée dans cette vidéo vient d’un album sorti en novembre 2003, d’après Wikipédia, ce qui peut expliquer pourquoi ici les paroles de « The 4th branch » évoquent la guerre en Irak et Saddam Hussein: « Ils ont bombardé des innocents, tout en essayant d’assassiner Saddam; Lorsque vous lui avez donné ces armes chimiques pour aller en guerre contre l’Iran » (« They bombed innocent people, tryin’ to murder Saddam; When you gave him those chemical weapons to go to war with Iran »). Le texte fait aussi mention de « Guantanamo Bay », de « violations des droits de l’homme » et du « terrorisme ». On a donc une résonnance directe entre la vidéo qui montre des images de guerre et les paroles écrites pour dénoncer la guerre, ou en tout cas, semblant vouloir faire passer ce message contestataire. On retrouve aussi l’idée du contrôle de masse, l’idée que l’humanité suit aveuglément les actualités, la politique, sans se questionner. Depuis cette chanson datée de 2003, il y a eu sans doute un réveil politique avec des mouvements comme Anonymous, Occupy Wall Street, etc. Pour autant, gardons à l’esprit le message de la chanson: « C’est comme le MK-ULTRA, qui contrôle ton cerveau; Penser de façon suggestive, c’est ce qui fait changer la perspective de ta pensée » (« It’s like MK-ULTRA, controlling your brain; Suggestive thinking, causing your perspective to change ») et « Arrêtez de laisser les grands médias raconter des mensonges à vos enfants » (« stop letting corporate news tell lies to your children »). De telles vidéos contestataires s’adressent à notre conscience et à notre inconscient, par le pouvoir des mots et des images qui y sont exposés.
Lien de la vidéo: https://youtu.be/GSfk0wLs4EE
« Holiday in Cambodia » de Dead Kennedys
Pour finir, une troisième et dernière vidéo, « Holiday in Cambodia » de Dead Kennedys, un groupe de musique américain (classé « anarcho-punk »). Il nous sera plus difficile d’en parler, étant donné que la vidéo date d’une autre époque (mai 1980). Mais le message contestataire et anti-guerre est tout aussi évident, comme l’explique Wikipedia: « La chanson est une attaque contre l’étudiant américain stéréotypé, moralisateur et privilégié. Ses paroles offrent une vision satirique des jeunes américains aisés et intransigeants, un tel mode de vie contrastant avec la dictature génocidaire des Khmers Rouges, menée par Pol Pot (représenté sur l’étiquette du single original et mentionné dans les paroles), qui est responsable de la mort de quelque deux millions de personnes au Cambodge entre 1975 et 1979. »

Lien de la vidéo: https://youtu.be/KRwUlLahpiI
De telles vidéos sont nécessaires pour permettre une prise de conscience dans le monde: prendre conscience que la guerre ne mène qu’au chaos, que la majorité des victimes de la guerre sont des victimes civiles y compris des enfants, que ceux qui s’enrichissent dans ces guerres ne sont pas les mêmes que ceux qui combattent dans ces guerres, et que les soldats qui participent aux combats sont aussi le plus souvent victimes de ces guerres, car certains sont blessés, handicapés à vie, et parfois souffrent de troubles psychiques bien des années après être revenus dans leur pays, tandis que d’autres y ont laissé leur vie. Ce sont de beaux messages qui ont été adressés contre la guerre dans ces vidéos, même si les images sont parfois violentes. Un militant indigné m’a dit, un jour, que l’art nous détourne du combat politique, de la réalité, mais dans ce type de vidéos, l’art est aussi capable de rejoindre le combat politique en libérant nos esprits et en nous montrant la vérité.
Texte CC-BY-SA