• Brusquement, la menace d’un affrontement grave impliquant la Russie directement et, indirectement les USA, se fait jour à propos du pont de Kerch (entre la Crimée russe et la Russie continentale). • On parle de menaces d’attaque contre ce pont, qui serait un véritable casus belli pour la Russie. • Le Pentagone, contrairement à son attitude antérieure, serait plutôt offensif et ne cherche pas à freiner les Ukrainiens. • Il s’agit pour beaucoup du reflet d’une situation américaniste et de l’administration Biden bien difficile... • Contributions : dedefensa.org et WSWS.org.
Dans la crise Ukrisis, l’attention des options et hypothèses stratégiques, et éventuellement stratégiques à risque nucléaire, se déplace vers le pont de Kertch, ce pont construit entre la Crimée et la Russie continentale après l’intégration de la Crimée à la Russie en 2014. Le risque d’une extension majeure du conflit jusqu’à la possibilité du nucléaire ne suit pas nécessairement l’évolution de la situation sur le terrain, ou bien la suit inversement à un sens que certains croiraient être proche du terme du conflit en faveur des Russes (plus la situation sur le terrain devient difficile pour le bloc-BAO, ou OTAN-Ukraine, plus le nuage devient menaçant). Quoi qu’il en soit, cette menace s’est renouvelée alors que les Russes bouclent la reconquête du Donbass ; elle est passée assez brutalement, du Nord au Sud, de la Baltique à la Mer Noire.
• Hier (disons, il y a deux semaines), c’était l’exclave de Kaliningrad qui constituait un risque majeur d’extension brutale du conflit vers une dimension continentale avec un sérieux risque nucléaire. Il s’est avéré que la Lituanie se trouvait extrêmement isolée dans sa tentative d’exercer une pression maximale sur la Russie, ni les USA ni l’UE, ni même vraiment la Pologne qui avait bien lu les consignes, ne l’ayant soutenue dans ses exigences maximalistes.
• Aujourd’hui, se font voir et lire les signes que la possibilité d’une gravité au niveau supérieur du conflit est passé au pont de Kersh, entre la Crimée qui est un territoire russe pour Poutine et tous les Russes (et les Criméens, bien sûr), et la Russie continentale. Il y a d’abord une intervention de celui qui est sans doute le plus médiocrement inepte de tous les SACEUR de l’OTAN, le général Breedlove, qui est à 50-80 degrés de QI en-dessous, de gens comme les généraux Norstad, Goodpaster, Rogers, voire Haig, sans compter les trois premiers, les grands anciens que furent Eisenhower, Ridgway et Gruenther. Breedlove est un redoutable combattant de la communication qui méprise les Russes en Ukraine selon les conceptions zeleskiennes, après avoir avoué être complètement déculottés par eux en 2014, en Crimée justement :
« “Nous avons assisté à l'exécution de plusieurs exercices rapides au cours desquels de grandes formations de forces ont été mises en état d'alerte et se sont exercées, puis se sont retirées”, a déclaré [Breedlove]. “Et puis soudain... boum-boum, les voilà en Crimée... avec une force hautement prête, hautement préparée”, a-t-il ajouté. [...]
» “Le général a déclaré qu'il était clair que la Russie avait considérablement amélioré ses capacités depuis la guerre de 2008 en Géorgie. “L'incursion de la Russie en Géorgie [...] n'a probablement pas été la plus douce”, a-t-il déclaré. “À titre de comparaison, l'incursion en Crimée s'est déroulée comme une horloge, en commençant par une déconnexion presque complète des forces de Crimée de leur commandement et de leur contrôle via le brouillage et les cyberattaques, puis un enveloppement complet par les forces russes à l'intérieur de la Crimée.” »
Aujourd’hui, changement complet chez Breedlove. Il recommande d’attaquer le pont de Kerch, qu’il considère comme une “cible légitime”. L’idée d’employer des missiles anti-navires ‘Harpoon’, livrés en nombre limité par le Danemark, pour accomplir cette mission nous semble problématique quant à la puissance destructive, mais après tout Breedlove est de l’USAF et il n’engage par la capacité d’un système d’arme de son service.
« “Le pont Kerch est une cible légitime”, a déclaré Breedlove. “Cela ne me surprend pas du tout que les Russes soient préoccupés par le pont Kerch. Il est incroyablement important pour eux.”
» Maintenant que l'Occident a donné à l'Ukraine des missiles Harpoon, je pense que les Russes ont toutes les raisons de s'inquiéter que l'Ukraine lance une attaque sur le pont. »
Mais Breedlove n’est qu’un hors d’œuvre, auquel on peut rajouter l’arrestation à Hambourg, de deux soldats allemands faisant partie d’un groupe de douze irréguliers qui planifiait une opération clandestine de sabotage du pont de Kerch. Ce qui importe, c’est la réponse lapidaire en apparence, circonstanciée dans la forme indirecte, du porte-parole du Pentagone qui répondait à la question portant justement sur la suggestion de Breedlove : une attaque contre le pont de Kerch est-il ou non exclu pour l’emploi d’armes US fournies à l’Ukraine, en tant que “cible potentielle” ? La réponse en termes pesée, est implicitement positive puisque, pour les USA, la Crimée reste ukrainienne et par conséquent le pont de Kerch l’est, – disons au moins pour moitié ? Aussi, le porte-parole, qui n’est plus l’amiral Kirby, nous dit-il :
« À ma connaissance, il n'y a pas de préclusions concernant les Ukrainiens qui se battent sur leur territoire souverain contre la Russie. »
Le reste de la longue intervention du porte-parole apparaît comme une confirmation indirecte mais appuyée de la déclaration de Stoltenberg selon laquelle l’OTAN, et essentiellement les USA, préparent l’Ukraine pour la guerre depuis « 2015 – oui, 2015 »
Le site trotskiste WSWS.org rapporte aujourd’hui en détail cette séquence, – pour une fois très précis, informatif et incisif, à la différence de la couverture communication décevante d’Ukrisis de ce site, depuis le début des opérations. Il ne fait guère de doute, selon ces déclarations du porte-parole du Pentagone, que le Pentagone justement semble avoir nettement évolué, d’une position très retenue, très prudente sinon hostile à des opérations ukrainiennes défiant la Russie, à une position beaucoup plus offensive. Cela n’est pas exactement affichée, mais cela est implicitement évident, Breedlove ne serait dans ce cas que comme porte-voix et “influenceur” missionné de l’attention de la presseSystème vers une telle possibilité d’attaque, permettant aux militaires US de ne pas repousser cette possibilité sans prendre trop de risque d’une communication trop précise à cet égard..
Or, comme l’explique WSWS.org, une telle opération porte toutes les possibilités d’une extension dramatique du conflit vers un affrontement direct avec la Russie, et avec une possibilité très sérieuse d’un affrontement avec les USA, et de l’usage du nucléaire. WSWS.org rappelle opportunément qu’en avril-mai, la politique officielle US, le Pentagone bien entendu mais aussi le téléprompteur de Biden lui-même, rejetait la possibilité de l’emploi par les Ukrainiens d’armes US vers le territoire russe. Depuis, cette possibilité a été à l’une ou l’autre occasion écornée, notamment lors de tirs de roquettes tirées de systèmes US HIMAT en territoire russe. Mais le pont de Kerch, c’est bien autre chose, beaucoup plus grave, une inévitable “ligne rouge” pour la Russie, qui mettra Poutine dans l’obligation de riposter à mesure.
Quelle est la cause de cette évolution ? WSWS.org conclut par cette observation :
« Le fait que le Pentagone ait publiquement refusé d'exclure une telle action montre clairement l’imprudence et le désespoir absolus qui guident les décideurs américains. »
Cela nous paraît correspondre à une réalité et résumer l’impasse de ce conflit. Dès lors que, d’une façon ou l’autre, il s’agit d’un affrontement entre les USA et la Russie, aucun des deux ne voudra céder contre l’autre. Le durcissement du Pentagone apparaît donc logiquement suscité par les succès russes sur le terrain, en Ukraine, impliquant une possible défaite du camp où ils sont eux-mêmes engagés. Le Pentagone nous rassure : « S’il le faut, les USA fourniront des armes à l’Ukraine pour les années à venir », peut-être pour les décennies, sans doute pour l’éternité...
Face au risque d’une sorte d’enlisement paradoxal, parce qu’enlisement dans la terrible tension de menaces extrêmes pouvant ou devant à un moment ou l’autre se concrétiser en une catastrophe, la véritable tangente qui peut tout changer est un bouleversement intérieur radical. Nous croyons qu’il interviendra bien plutôt aux USA, ce qui est volontairement caché, enterré, maquillé, bidouillé, par une presseSystème-BAO plongée dans un formidable exercice de “cancellation” des mauvaises nouvelles américanistes, et sans doute aussi du mauvais temps pour les vacances...
Comme nous ne cessons de la répéter avec une grande constance, ce sont bien les USA qui se trouvent dans une situation qu’on pourrait qualifier de façon impertinente de “prérévolutionnaire” ; du coup, il nous paraît également fort possible que le durcissement du Pentagone que nous observons vienne directement d’un ordre direct de l’équipe de communication de la Maison-Blanche. L’administration Biden voudrait améliorer sa catastrophique politique étrangère par une affirmation en Ukraine avant les élections législatives de novembre, où le parti démocrate se trouve placé devant la perspective d’une défaite historique, paralysant totalement un exécutif portant déjà le poids d’une politique incohérente sous les ordres d’un président dans un état psychologique et cognitif désatreux.
Le texte de WSWS.org ci-dessous, sous le titre « Le porte-parole du Pentagone refuse d’“exclure” une attaque ukrainienne contre le pont russe de Kerch », est daté du 8 juillet 2022.
dedefensa.org
Source : https://www.dedefensa.org/article/la-cause-nucleaire-du-pont-de-kerch