lundi 12 septembre 2022

Une autre lecture du conflit en Ukraine par M. François Asselineau


 


François Asselineau, fondateur et président de l'UPR, candidat à l’élection présidentielle parle de la guerre en Ukraine et des racines du conflit qui date du 2014.

Y a-t-il un pilote dans l'avion ? 12 Septembre 2022

https://www.chroniquesdugrandjeu.com/2022/09/y-a-t-il-un-pilote-dans-l-avion.html

Le réveil est brutal en Russie où la grogne monte tandis que l'étranger proche commence à s'agiter.

Les conséquences de la défaite de Kharkiv pourraient largement dépasser son importance militaire intrinsèque. Cela tient sans doute à ce que, après avoir été biberonnés pendant des mois aux éléments de langage du Kremlin et vécu dans le déni le plus complet (le forum du blog en a lui aussi été le témoin), beaucoup ouvrent enfin les yeux sur l'état réel des choses.

Toute proportion gardée, cela rappelle l'offensive du Têt en 1968 lors la guerre du Vietnam. Pendant des années, les généraux américains avaient assuré que tout allait according to plan, que les opérations suivaient leur cours et que l'ennemi était au bord de la défaite.

En quelques heures, les raids vietcongs sur une centaine de villes firent voler en éclats les piles de beaux graphiques et de statistiques qui certifiaient d'une prochaine victoire US. Et si les assaillants finirent par être repoussés et décimés, l'essentiel était ailleurs. Le public américain se rendait soudain compte que cette guerre ne serait jamais gagnée. Les déclarations optimistes passées furent ridiculisées, la crédibilité de l’administration s’effondra.

Sans aller jusque-là dans le cas qui nous concerne, il y a néanmoins comme un frémissement de Têt en Russie.

Le premier à dégainer a été Kadyrov, qui s'est dit stupéfié des "performances" russes et a promis d'aller « expliquer la situation réelle sur le terrain » aux dirigeants si « aucun changement de stratégie n'est apporté. »

Comme beaucoup, il doit se demander si l'aviation russe s'est mise en grève et les satellites d'observation partis en vacances. Les Himars américains ont visiblement fait beaucoup de bien à l'armée ukrainienne mais on se demande comment de telles bêtes ont pu être tranquillement acheminées sur le front. Poutine avait averti que tout convoi d'aide militaire occidentale serait immédiatement bombardé : était-ce une énième parole en l'air ? (Il semble les accumuler depuis février).

Dans une de ces émissions typiquement russes où l'on discute guerre et stratégie, une très inhabituelle fronde a éclaté, plusieurs intervenants critiquant vertement la stratégie mise en place. Des millions de téléspectateurs ont dû se pincer en voyant ça...

Plusieurs élus municipaux de Saint-Pétersbourg et de Moscou ont adressé une lettre officielle à la Douma, appelant publiquement au départ de Vladimirovitch du pouvoir. Les justifications sont intéressantes car il ne s'agit point ici des habituelles récriminations des libéraux pro-occidentaux. Ce serait même le contraire : mentionnant les pertes, la progression de l'OTAN vers l'Est et la situation économique, les signataires accusent Poutine de haute trahison, rien que ça.

En Ukraine, il est impossible de connaître l'état d'esprit des populations russophones mais le signal envoyé est assurément désastreux. Ceux qui n'ont pas eu la chance de s'échapper de la région vont être en proie à la vindicte des détachements d'Azov. Désormais, les habitants vont y réfléchir à deux fois avant d'apporter leur soutien aux nouveaux occupants...

Quant au comportement de l'armée russe, qui se sauve en laissant les civils à leur sort alors qu'elle était entrée en Ukraine au prétexte précisément de défendre ces mêmes civils, il est parfois férocement critiqué.

C'est le moment que choisit l'Azerbaïdjan pour rouvrir les hostilités en bombardant plusieurs villes arméniennes. Difficile évidemment de croire aux coïncidences. Profitant de l'affaiblissement de la Russie en Ukraine et de sa réticence à ouvrir un second front (alors qu'elle y est obligée en vertu du traité de l'OTSC), Bakou avance ses pions.

Et d'aucuns murmurent à nouveau sur la "mollesse" dont aurait fait preuve Poutine il y a deux ans, même si la réalité caucasienne ne simplifiait pas les choses. A l'époque nous écrivions à propos de l'attaque azérie sur le Karabagh :

Cela commence à poser un sérieux problème au Kremlin en terme d'image. Si le traité de défense liant Moscou et Erevan ne concerne que l'Arménie stricto sensu et non le Nagorno Karabagh, c'est maintenant une région historiquement arménienne qui est attaquée et non quelques territoires tampon à peu près déserts.

Le prestige croissant dont a bénéficié la Russie ces dernières semaines en Arménie risque de retomber au fil de l'avance turco-azérie dans le cœur de cette terre si passionnément revendiquée par les Arméniens. Et, malgré sa neutralité, elle ne gagnera aucun crédit en Azerbaïdjan qui n'a pour l'instant d'yeux que pour ses chers ottomans...

Les mauvaises langues commencent déjà à murmurer que Poutine a une nouvelle fois été "trop gentil" avec le sultan, même si le Kremlin est en réalité prisonnier de son respect des traités et du droit international dans cette affaire inextricable.

Plus que la difficile position de Moscou à ce moment-là, c'est surtout son effacement ensuite qui a intrigué alors que l'Azerbaïdjan multiplie les provocations depuis deux ans (bombardements ponctuels, destruction du patrimoine arménien du Karabagh censé être gardé par la force d'interposition russe etc.)

Que ce soit au Caucase ou maintenant en Ukraine, l'ours envoie toute une batterie de signaux de faiblesse qui ne passent pas inaperçus. Notamment au Kazakhstan, autre zone stratégique pour le Heartland.

Alors qu'il doit tout à Poutine après la tentative de putsch de l'hiver dernier, le président Tokaïev a, depuis, partiellement pris la tangente. Effrayé par le "coup de force" du 24 février qui a envoyé des ondes de choc dans tout l'espace post-soviétique et bouleversé la donne entre les composantes de l'ex-URSS, il ne sait plus trop à quoi s'en tenir.

Il n'a pas dû être rassuré par un message - vite effacé ensuite mais le mal était fait - de Dmitri Medvedev sur les réseaux sociaux, suggérant qu'après l'Ukraine l'ours allait tourner son regard vers le nord du Kazakhstan. Au passage, l'on reste rêveur devant cette incroyable bévue de Medvedev, à l'image d'une direction russe qui semble être dans un état second depuis six mois (menaces nucléaires à répétition de Poutine, coups de colère du diplomate en chef Lavrov etc.)

Mais revenons à nos plaines kazakhes. Profitant de l'enlisement russe en Ukraine, Tokaïev prend ses distances, suivant peut-être en cela sa population, très remontée contre le voisin du nord. Il a refusé de recevoir une distinction russe lors d'une rencontre avec Vladimirovitch, amplifié ses relations avec la Turquie (partenariat stratégique, coopération dans le renseignement militaire), refusé de reconnaître les Républiques du Donbass, laissé des villes décorer leurs avenues de drapeaux ukrainiens tandis que son pays participe à certaines sanctions occidentales. Au début de l'année, Nour-Soultan était dans la main de Moscou ; on mesure la dégringolade en quelques mois...

Ukraine, Caucase, Asie centrale, tous les éléments semblent se retourner contre la Russie. Le fiasco de Kharkiv va-t-il avoir un effet démultiplicateur, créer un effet domino ?

 ## Dernière heure ##   L'Arménie a officiellement demandé l'assistance de Moscou face à l'Azerbaïdjan. Si Bakou ne rentre pas très vite dans le rang, la Russie se retrouve devant le choix suivant :

  • refuser d'aider l'Arménie, ce qui violerait tous ses engagements et lui ferait perdre toute crédibilité internationale
  • accepter et se retrouver dans une deuxième guerre alors qu'elle est déjà en difficulté dans la première

La reine est morte, mais les retraites sont en sursis et l'économie sous respirateur


 


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lundi 12 septembre 2022 - Une tempête russe va s'abattre sur l'Ukraine

 source : https://alawata-rebellion.blogspot.com/2022/09/une-tempete-russe-va-sabattre-sur.html

Bombardement russe de la centrale électrique de Pavlograd

Depuis l'échec de la stratégie initiale des opérations spéciales russes en Ukraine qui avait tout misé sur la vitesse et le choc pour faire plier le pouvoir de Kiev, la "seconde phase opérationnelle" entamée en avril dans le Donbass sur la base d'écrasements d'artillerie et d'assauts urbains est arrivée à sont tour au bout de ses succès tactiques (Marioupol, Popasnaya, Severodonetsk, Lisichansk...) et ce jusqu'à voir aujourd'hui l'initiative opérative passer du côté ukrainien (appelons un chat un chat et un échec un échec). 

Le temps de changer le format stratégique des opérations militaires russes en Ukraine est arrivé et la contrainte par une puissance mesurée doit maintenant passer le relais à une destruction par une puissance démultipliée. pour répondre à l' "otanisation" exponentielle des forces ukrainiennes.


Merci de rester à la fois réaliste et confiant 

En attendant j'observe les passions s'échauffer au milieu des derniers événements du front et je rappelle ici qu'il convient en toutes circonstances de savoir raison garder et surtout de ne pas écouter, dans la tempête faisant craquer la mature, les émotifs qui depuis leurs salons soit jouent à l'autruche propagandiste en se cachant la tête dans les communiqués officiels et psalmodiant "tout va très bien Madame la marquise" soit écoutent les trompettes défaitistes sonnant au milieu des ruines de leurs fantasmes et s'arrachent les cheveux en gémissant "Pizdiet !" (c'est foutu).

En préambule de cet article, et avec un profond respect, je laisse la parole au Président de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadirov, qui affiche depuis toujours dans ses paroles (certes dans un style un peu fanfaron) et dans ses actes, à la fois sa fidélité totale sans courtisanisme au président Poutine mais aussi une liberté de penser sans autosuggestion, et qui toutes les deux ont forgé au fil de ses années mises au service de la Grande Russie sa réputation méritée de Commandeur.
 

Voici ce qu'à dit Ramzan Kadyrov concernant le retrait russe des secteurs de Balaklaïa, Koupiansk et Izioum :

"Moi, Ramzan Kadyrov, je vous déclare officiellement que toutes ces villes seront rendues. Nos gars sont déjà là. 10 000 autres combattants sont prêts à partir.

Dans un avenir proche, nous atteindrons Odessa, vous verrez des résultats concrets.

Je ne suis pas un stratège, comme au ministère de la Défense. Mais des erreurs ont été commises. Je pense qu'ils en tireront des conclusions. Quand vous dites la vérité en face, vous ne l'aimez peut-être pas. Mais j'aime dire la vérité. Nous avons parlé avec les commandants sur les fronts.

Dommage que rien n'ait été dit pendant plusieurs jours. Il est clair que les gens n'étaient pas préparés à cela. Nous parlons toujours de notre travail.

Si aujourd'hui ou demain des changements ne sont pas apportés à la conduite d'une opération militaire spéciale, je serai obligé de contacter les dirigeants du pays afin de leur expliquer la situation sur terre. Elle est très intéressante, « géniale » je dirais.

Le fait que plusieurs villages et villes leur aient été abandonnés présente plusieurs avantages. Nous n'avons pas fait de publicité, mais nous avons une tâche particulière. Nos gars se sont levés et ont commencé leur travail.

Dans un avenir proche, nous rencontrerons les commandants militaires, nous leur expliquerons ce qu'est le patriotisme. Les patriotes ne devraient pas être offensés si quelqu'un a fait quelque chose de mal. Nous devons rassembler les gens.

Je sais une chose. La Russie gagnera. Les armes de l'OTAN seront supprimées grâce à l'esprit de nos combattants. A notre venue les ennemis tremblent déjà des mains et des pieds."

Ramzan Kadyrov

Au lendemain de la percée ukrainienne réalisée sur Koupiansk et Izioum, et qui sera certainement aussi éphémère qu'elle fut audacieuse, les forces russes ont engagé visiblement depuis 2 jours une radicalisation de leurs opérations offensives sur l'ensembles des fronts, de Kharkov à Kherson. A commencer par une intensification des bombardements stratégiques et un élargissement de leurs cibles aux centres énergétiques critiques ukrainiens.

Reste à savoir combien de temps faudra t-il à Moscou pour inverser la vapeur de cette stratégie du "trop trop tard" appliquée jusqu'ici.

1 / Intensification des bombardements stratégiques

Au cours des dernières 24 heures, tandis que des dizaines de brigades d'assaut convergent vers le front russo-ukrainien, une pluie de missiles de croisière russes s'est abattu sur les principaux centres stratégiques ukrainiens :

Départ de missiles "Kalibr" russes tirés depuis un sous marin

Destruction russe d'un dépôt de munitions à Voznesensk

Destruction russe d'un autre dépôt de munitions à Kramatorsk

2 / Déploiement de nouvelles unités d'assaut

Une armée a beau avoir la meilleure artillerie, les meilleurs blindés ou la meilleure aviation, ces forces ne resteront toujours que des appuis car, dans les batailles et depuis toujours ce c'est l'infanterie qui apporte à son peuple les lauriers de la victoire. 


En ce moment, l'Etat-Major russe réorganise son dispositif et l'articulation de ses unités avec l'arrivée de renforts conséquents et parmi eux de nombreuses unités d'assaut entrainées aux combats les plus difficiles. Profitant d'avoir évoqué Ramzan Kadyrov en préambule et pour illustrer ses paroles avec ses actes, je donnerai ici pour exemple les renforts envoyés par la République de Tchétchénie sur le front russo-ukrainien: 

A Grosny, rassemblement des renforts 
en partance pour le front russo-ukrainien

La République tchétchène a levé 3 nouveaux bataillons de 560 personnes chacun et 1 régiment de forces spéciales spécial de 1500 combattants, tous en route vers le front Avec ces 3180 professionnels supplémentaires formés à toutes les missions de combat il y aura sous peu sur le front du Donbass parmi les forces alliées 2 régiments "Akhmat" (Nord et Sud) et plusieurs bataillons tchétchènes pour emmener les assauts sur les bastions ukrainiens.


3 / Destructions des centres socio-économiques critiques 

Mais la "nouveauté" dans ces frappes russes intensifiées brutalement, c'est qu'elles ont ciblé dans toute l'Ukraine des centrales électriques, plongeant les populations ukrainiennes dans l'obscurité et les coupant de tous les réseaux de communications ou de distribution à régulation électrique..

Le 10 septembre j'écrivais ici"Il est probable qu'au cours des prochains jours ces bombardements stratégiques russes, non seulement s'intensifient mais s'étendent aux infrastructures critiques de l'Ukraine comme les ponts sur le Dniepr, les centrales énergétiques, les ports et aéroports de commerce, afin de paralyser la vie socio-économique du pays et les ressources qui alimentent l'effort de guerre et aident à l'acheminement des aides militaires occidentales, des troupes et leur logistique sur le front". 

Destruction russe d'une centrale électrique à Kremenchug

Une centrale électrique est un objectif stratégique, n'en déplaise à ces propagandistes hallucinés qui ne connaissent absolument rien ni à l'art de la guerre ni à l'éthique du journalisme qu'ils prétendent incarner, mais qui donnent à tout bout de leur vanité et sur un ton péremptoire des leçons à l'entour et leurs fantasmes d'adolescents attardés en prétendant, par exemple comme Néant la bien nommée, que  "la Russie ne bombardera pas les centrales électriques pour ne pas se mettre à dos la population ukrainienne" (vidéo du 11 septembre à 15'24") et que tous ceux qui pensent le contraire sont des "débiles" et des "crétins".

Le réseau électrique d'un pays, dès lors qu'il est en guerre, devient de facto une cible pour son ennemi, au même titre que ses dépôts de carburant, ses ponts, ses centres de télécommunications, ses terminaux portuaires et aéroportuaires etc... L'électricité est devenue vitale dans tout conflit moderne, car elle alimente les réseaux ferroviaires (notamment en Ukraine) qui acheminent la logistique militaire et les unités vers le front, alimentant les usines d'armement mais aussi les réseaux téléphoniques et Internet, les radars... et jusqu'aux batteries des drones d'observation sans oublier la machinerie de la propagande..

Quand tous les jours des soldats meurent sur le front, le confort socio-économique de la population de l'ennemi ne pèse pas lourd dans la balance des objectifs militaires et, tant que la vie des personnes civiles ne participant pas directement à l'effort de guerre n'est pas intentionnellement menacée, détruire les réseaux électriques est acceptable et souvent nécessaire. De plus, déconnecter les grandes villes (et à la veille de la période hivernale) est la méthode soft pour faire fuir une partie de la population et ainsi paralyser l'économie d'un pays qui sont tous deux le socle moral de l'armée au combat. La centrale électrique c'est donc un objectif commun aux  guerres militaire, économique et psychologique. 

Il faudra un jour que Néant réfléchisse un minimum au lieu de sortir ses conneries (comme de dire avec Brayard depuis 2015 que je suis espion, voleur, déserteur criminel...) car maintenant, selon ses propres mots (même vidéo à 16'37"), l'armée qui détruit les centrales électriques (en l'occurrence l'armée russe) "martyriserait" la population ! Plus ca va, plus ces propagandistes de papier deviennent contre productifs.

Destruction russe d'une centrale électrique à Kharkov

Destruction russe d'une centrale électrique à Dnipropetrovsk

Ce sont quasiment toutes les grandes villes d'Ukraine qui ont été plongées dans le noir par ces destructions de centrales électriques critiques par l'armée russe:

Kharkov, Odessa, Pavlograd, Nikolaïev, Poltava, Zaporodje, Dnipropetrovsk, Kremenchug, Kramatorsk, Zmiev, Dergachev, Sumy... pour ne citer que quelques unes des villes ukrainiennes déconnectées.

Marat Bashirov, responsable politique russe a commenté ces bombardements des centrales électriques ukrainiennes ainsi: 

"L'Ukraine est plongée dans le XIXe siècle. S'il n'y a pas de système énergétique, il n'y aura pas d'armée ukrainienne. Le fait est que le général Volt est venu à la guerre, suivi du général Moroz ("moroz" signifie gel) »

Destruction russe d'une autre centrale électrique à Kharkov 


4 / Intensification des ripostes tactiques alliées

Après avoir cédé à l'offensive ukrainienne sur le front de Kharkov, pour éviter leurs encerclements, les forces alliées ont depuis le 11 septembre entamé des ripostes violentes grâce notamment aux premiers renforts envoyés en urgence sur les secteurs de Koupiansk et Izioum dont les quartiers Est sont toujours à priori tenus par elles. 


Sur les fronts de Kharkov et Kherson, où se déroulent les attaques ukrainiennes les plus importantes, à l'instar des bombardements stratégiques sur les arrières ukrainiens, on peut observer une augmentation drastique des destructions massives opérées par les forces alliées sur les positions ennemies, et qui chaque jour augmentent leurs pertes un peu plus.

Sur le secteur de Balaklaïa, conquis par les
ukrainiens le 9 septembre, l'artillerie russe 
a engagé des frappes de saturation de zone
sur les concentrations blindées ennemies, ici
avec des lance roquettes incendiaires TOS 1

Près de Koupiansk les russes utilisent de
plus en plus leurs armes spéciales comme
ici les roquettes incendiaires 9M22S tirées
par le Lance Roquette Multiple de 122mm
"Grad" qui brûlent les zones ciblées à 2000° 

Ailleurs la situation sur le front continue à s'exacerber sous les pressions offensives des  forces ukrainiennes qui sont réalisées un peu partout, qu'elles soient gesticulations ou attaques réelles. Ainsi au lendemain de l'offensive réussie vers Koupiansk et Izioum, les forces ukrainiennes sont repérées accumulant de nouvelles unité d'assaut par exemple devant Liman (Front Nord) devant Vougledar (Front Ouest) et devant Kherson (Front Sud), Et parfois de ces mouvements blindés naissent des attaques comme celle menée sur Peski, le village récemment libéré par les milices républicaines au Nord de Donetsk et qui a subi et repoussé un assaut mécanisée ukrainien le 10 septembre.

Peski

Peski était un point d'appui important du bastion ukrainien d'Avdeevka. Repris par les miliciens de la République Populaire de Donetsk (principalement le 11ème régiment "Vostok" et le bataillon "Somali") ce village est devenu un saillant à partir duquel les forces alliés peuvent progresser au Sud Ouest vers Krasnogorovka un autre point d'appui ennemi, au Nord vers Pervomaïske et les routes d'approvisionnement ukrainiennes et au Nord-Est vers Avdeevka.

Rappel cartographique de la situation sur le secteur de Peski

Les ukrainiens qui se sont repliés sur la ligne Pervomaïske-Vodiane-Opitnoe, probablement excités par leur succès sur le front Nord, ont tenté de reprendre Peski dans un assaut frontal et complètement suicidaire.

Assaut ukrainien sur Peski avec des chars de 
combat et des BMP, stoppés par un tir de barrage
de l'artillerie et une contre attaque républicaine 

Les forces républicaines ont d'abord laissé entrer les 2 compagnies mécanisée et motorisée ukrainiennes ainsi que des chars d'appui dans le découvert au Nord du village avant de déclencher sur eux des tirs de barrage et antichars, puis une contre attaque. Les ukrainiens ont battu en retraite laissant sur le terrain de nombreux tués et blessés ainsi que 2 chars et 2 BMP détruits.

Vougledar

D'autres secteurs du front allié sont sous la menace de nouvelles attaques ukrainiennes: Liman et Lisichansk, au Nord et à l'Est de Slaviansk, encore Peski au Nord de Donetsk, mais aussi Vougledar entre Donetsk et Volnovakha sur le front Sud de la République Populaire de Donetsk.

Vougledar est un point d'appui ukrainien important sur lequel s'appuie la ligne de front au Sud de Donetsk. Si cette dernière venait à être percée par les forces de Kiev, ces dernières menaceraient la ville de Volnovakha sur la route menant à Marioupol et déstabiliseraient la ligne de front au Sud de Zaporodje.

Pour ne pas répéter l'erreur attentiste de Balaklaïa des unités d'artillerie alliées ont été envoyées en renforts sur ce secteur pour casser les concentrations ukrainiennes préparant une offensive.

Tirs de barrage sur les concentrations blindées
ukrainiennes arrivant sur le secteur de Vougledar

En conclusion

Il ne sert plus à rien de se voiler la face, car les derniers événements du front démontrent que les forces ukro-atlantistes ont réussi à opposer aux opérations spéciales initiales une résistance honorable car dopée par des aides occidentales pour le moment illimitées En freinant puis en reprenant même l'initiative, les forces ukrainiennes ont mis en échec la stratégie de contraindre rapidement leur gouvernement  qui avait été envisagée en février 2022.

Car factuellement l'OTAN, via son proxy ukrainien, est entrée en guerre contre la Russie !

Et cette stratégie belliciste occidentale - qui est sacrificielle pour l'Ukraine - va provoquer maintenant un engagement brutal des forces russes (que les occidentaux hypocrites qualifieront sans nul doute de disproportionné comme celui répondant à l'agression de leur précèdent proxy géorgien en 2008).

Et cela vient de commencer !

Après la destruction des matériels ukrainiens, mais aussitôt remplacés par les ressources militaro-industrielles des pays de l'OTAN, les forces russes vont désormais devoir détruire les ressources humaines de l'armée ukrainiennes que l'OTAN ne pourra remplacer sans entrer officiellement en guerre contre la Russie et donc risquer une escalade nucléaire. 

Cependant il ne faut pas oublier que l'Ukraine est un grand réservoir humain soutenu par quelques perfusions officieuses de volontaires venant de Pologne, des pays baltes, de Roumanie etc, et la saigner jusqu'à ce qu'elle capitule peut prendre du temps. Aujourd'hui la Russie est encore forcée par cette stratégie mortifère occidentale à aller plus loin dans l'escalade militaire. 

Dans cette guerre tragique, les occidentaux, enivrés par leur puissance technologique et leur arrogance idéologique ont oublié que si les armes "up to date" peuvent parvenir à une parité des forces matérielles, ce sont en revanche les qualités humaines, la volonté et la capacité de résilience qui font la différence sur le champ de bataille. Et comme les ukrainiens sont aussi des slaves capables de résilience et de combativité, il faut donc que la Russie, qui combattait jusqu'ici à 1 contre 3, rééquilibre le rapport des forces humaines à son avantage pour sécuriser son futur et faire triompher l'idée d'un monde multipolaire et ouvrir le retour d'un paix durable en Europe.

La claque que les forces alliées ont pris sur le front de Kharkov est donc "in fine" positive car elle achève de réveiller l'Ours et la conscience d'une mission existentielle dans le coeur de tous les peuples de la Grande Russie.

Il ne faudra pas que les occidentaux et leur proxy ukropithèque pleurent au milieu des frimas du général Hiver ou des ruines de Kiev, car le Président Poutine les avait prévenu début juillet qu'ils étaient en train de mettre le cap sur une tempête russe 


Moralité:

La Russie est toujours poussée par l'OTAN vers l'escalade 

On observe en Ukraine, en depuis 20014 cette stratégie occidentale classique qui consiste factuellement à provoquer des conflits mais à en faire endosser la responsabilité juridique par une Russie obligée existentiellement de réagir. Ainsi de l'ingérence occidentale sur le Maïdan provoquant le retour référendaire de la Crimée vers la Russie, Ainsi du sabotage permanent des accords de Minsk dans le Donbass provoquant l'intervention militaire russe pour crever l'abcès ukrainien....

Dans cette même stratégie perverse, les aides pléthoriques de l'OTAN ont mis en échec le format des opérations spéciales russes en Ukraine qui ne se voulaient que contraignantes, forçant aujourd'hui la Russie à monter encore d'un cran et passer vers des objectifs clairement orientés vers la destruction massive du potentiel ukrainien.

Mais quand les occidentaux et leur laquais kiévien comprendront-ils qu'ils ne pourront jamais vaincre l'âme russe ?

Erwan Castel

lundi 12 septembre 2022 A Kharkov, l'OTAN entre en guerre : soit la Russie change de stratégie, soit elle disparaît comme pays souverain

 source : https://russiepolitics.blogspot.com/2022/09/a-kharkov-lotan-entre-en-guerre-soit-la.html#more


Cela fait longtemps que les guerres ne se déclarent plus dans les règles de l'art, elles se font. C'est ainsi que l'OTAN a directement et personnellement conduit l'offensive de Kharkov, ce qui marque la fin objective de la prudente "Opération militaire spéciale" pour la Russie. A moins que les dirigeants actuels pensent que la bataille de Stalingrad ait pu être une opération très spéciale. Le recul aussi rapide que significatif de l'armée russe dans la région de Kharkov, qui signe ainsi sa première grande défaite militaire depuis très longtemps, doit être analysée. Dans une guerre, les batailles se perdent, mais il est fondamental d'en tirer les leçons - pour ne pas perdre la guerre. Quelques éléments politiques d'analyse.

Hier, l'armée russe est quasiment sortie de la région de Kharkov, gardant encore un petit territoire à l'Est de la région et tentant de stabiliser le front sur la rive gauche de la rivière Oskol. Les villes importantes comme Balakeia,  Koupiansk ou Izium sont repassées sous contrôle ukrainien (et les répressions ont commencé malgré l'évacuation des civils). Ainsi, le front revient aux portes du Donbass d'un côté et débarque de l'autre à la frontière russe (région de Belgorod), suite à la perte de la ville frontalière de Volchansk.


Le ministère russe de la Défense, après un long silence de plus de deux jours, déclare furtivement qu'il s'agit d'un "repli stratégique"  :

"Russian troops that operate near Balakleya and Izyum to be redeployed for reinforcement at Donetsk direction in order to reach preestablished objectives of special military operation"

Difficile de trouver une formulation qui aurait provoqué une réaction plus négative. Les gens n'apprécient pas d'être pris pour des imbéciles et peuvent perdre confiance. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les bulletins d'information étaient suivis avec assiduité, car les gens y croyaient. Et la population y croyait, car ils annonçaient aussi les défaites et les reculs. Et ainsi, justement, ils laissaient entendre que tout serait mis en oeuvre pour reprendre le territoire. Or, la communication désastreuse du ministère de la Défense laisse entendre derrière ces "maladresses communicationnelles" une faiblesse politique impardonnable : on laisse la région de Kharkov pour mieux protéger le Donbass. Juste une question en passant :

  Et qui vous dit, avec cette logique, qu'il vous sera alors plus facile de défendre le Donbass, voire ensuite la Russie ? 

Contrairement à ces déclarations, l'on a immédiatement eu Kadyrov, lui, remontant le moral des troupes, comme il se doit, et promettant que tout serait fait pour reprendre le territoire, pendant que Peskov déclare que le Kremlin n'a aucun commentaire à faire, puisque cela ressort du ministère de la Défense. Il est vrai que justement ces jours-là une grande réunion avec Poutine avait lieu concernant le développement du tourisme intérieur, les plages de Sotchi étant surchargées. L'on retrouve aussi Medvedev, tout frais dans son nouveau rôle, mais étonnamment résistant depuis février, déclarant que tous les buts seront atteints et s'en tient mordicus à la capitulation de l'Ukraine. 

Et l'on retrouve enfin des paroles de vérité, et donc de courage, venues de DNR. Eux ne font pas de la comm, ils font de la politique, ils défendent leur terre et communiquent dessus. C'est la différence et cela se sent. Le vice-ministre de la communication de DNR, Danyil Bezsonov, reconnaît la perte de la ville stratégique d'Izium en ces mots courageux :

"Oui, nous avons quitté Izyum, ainsi que d'autres villes de la région de Kharkov. Bien sûr, c'est mauvais. Bien sûr, c'est le résultat d'erreurs de haut commandement.

Mais il n'est pas nécessaire de chercher des significations cachées là-dedans. Il ne s'agit pas de négociations, ni de trahison. On se bat juste du mieux qu'on peut. À tous les niveaux. Quelque part mieux, quelque part pire."

Quelques remarques intermédiaires : il ne s'agit pas d'un retrait stratégique, mais d'une défaite ; une défaite due à des erreurs de commandement, c'est-à-dire qui pose des questions systémiques d'évaluation de la situation et de position politique, et oblige à s'interroger sur la longue réforme de l'armée, selon les recommandations globalistes, de ces 20 dernières années.

"L'essentiel est d'admettre ses erreurs et d'en tirer les bonnes conclusions. Mais il faut reconnaître ses erreurs et ne pas parler d'un plan astucieux pour attirer des Ukrainiens naïfs et sûrs d'eux dans le chaudron de Voronej. (...)

L'encerclement du groupe russe à Izyum aurait été un désastre. D'un point de vue militaire,  la décision de se retirer est absolument correcte dans les circonstances merdiques actuelles."


La décision est bonne, mais comment en est-on arrivé à devoir prendre une décision aux conséquences aussi mauvaises, parce que toute autre eût été encore pire ? C'est bien à question qu'il faut réfléchir.

Il faut absolument ici noter l'implication directe de l'OTAN dans cette bataille de Kharkov, ce qui explique la première déroute de l'armée russe. 

"Volchansk est occupé par les troupes de l'OTAN. Exactement comme ça et rien d'autre. L'on écrit à partir de là-bas, qu'il n'y a pratiquement pas de nazis ukrainiens dans la ville. Beaucoup de noirs et d'anglophones. Exactement la même situation dans Cossack Lopan."

Et les combats sont dirigés par des officiers de l'OTAN, selon les interceptions de communications. D'ailleurs, le NYT publie lui-même un article confirmant la direction de l'armée ukrainienne par l'OTAN et la préparation de l'offensive avec le renseignement américain cet été. Et n'oublions pas cette nouvelle technique, celle de la sur-utilisation des "mercenaires". Personne n'a vu leur contrat, personne ne sait s'il s'agit réellement de mercenaires (la quantité ici est quand même surprenante) ou s'il s'agit d'une implication directe - mais discrète - des militaires des pays membres de l'OTAN sous couvert de mercenariat. Comme cela été justement remarqué dans la région de Kharkov :

"Il y a des mercenaires dans les rangs des unités des forces armées ukrainiennes, qui sont actuellement impliquées dans la région de Kharkov. Ce sont des citoyens des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et d'autres pays membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord. Ils sont pas seulement dans les formations de combat des Forces armées ukrainiennes, ils commandent la bataille dans les unités, qui sont en action offensive"

Donc, l'OTAN est bien entrée en guerre contre la Russie à Kharkov. Sans déclarer la guerre, mais la faisant. Ce qui rend la tâche beaucoup plus difficile à la Russie. Car comment réagir ? Et c'est une question stratégique que les élites dirigeantes devront régler rapidement, s'ils ne veulent pas avoir à régler la question de la capitulation  - de leur capitulation. Les conséquences seraient fatales pour eux personnellement, puisque le sort de Milosevic ou de Hussein leur est déjà réservé, comme on l'a appris sur LCI :

Et surtout, la Russie n'y survivrait pas - comme entité étatique. Des voix se lèvent déjà dans l'opposition radicale pour "décoloniser la Russie", c'est-à-dire achever le processus commencé en 1991 de démembrement de ce (trop) grand pays millénaire. Les Ukrainiens, de leur côté, s'emballent et le Secrétaire du Conseil national de sécurité, Alexeï Danilov, parle, je cite, d'une "capitulation totale de la Russie et de sa nécessaire démilitarisation avec l'aide de nos partenaires occidentaux". Et de préciser :
"Notre tâche est de faire en sorte que la Russie n'ait même pas le désir de penser qu'elle peut attaquer ses voisins, en particulier de la manière dont elle l'a fait par rapport à notre pays"

Dans ce contexte, hier, Macron téléphone à Poutine et entre dans le jeu de la "capitulation douce et raisonnable " : 

"À cette occasion, il a condamné la poursuite des opérations militaires russes en Ukraine et a rappelé son exigence qu’elles cessent au plus vite, que s’engage une négociation et que soient rétablies la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine."

Le soir même, l'armée russe a réagi et pour la première fois a réellement touché des infrastructures stratégiques avec des missiles depuis les eaux de la mer Noire et de la Caspienne. Ainsi, les centrales électriques de Kharkov et Zmiev dans la région de Kharkov, la centrale de Pavlograd dans la région de Dniepropetrovsk et la centrale thermique de Krementchoug dans la région de Poltava ont été touchées. Plusieurs régions sont restées en partie sans électricité, les trains ont été stoppés, le métro à Kharkov aussi et internet a bugué. L'électricité a été aujourd'hui partiellement rétablie, puisque l'armée russe n'a touché qu'une partie de la capacité énergétique de l'Ukraine. 

Hier soir aussi, le discours médiatique commençait à changer. Soloviev déclarait que les gens attendaient une réaction forte de l'armée russe. Sur la chaîne Telegram "Poutine v Telegram" l'on annonçait un changement radical de la stratégie de l'armée russe désormais. Espérons que cette fois-ci, cela ne s'arrêtera pas à la communication, avec quelques vidéos officielles montrant des blindés roulant sur des routes.

Pour terminer ce texte déjà très long, je voudrais faire quelques remarques générales et politiques. Et donc poser certaines questions, dérangeantes, délicates, parfaitement inconfortables, mais indispensables, sans prétendre être exclusives :

  1. Quels sont les buts de la Russie ? Lors du lancement en février de l'armée russe, il a été annoncé que l'Ukraine devait être dénazifiée et démilitarisée. Or, derrière ces concepts très larges, flous et à géométrie variable, aucun but concret, ni méthode n'ont été fixés. Et cela s'est vu avec les changements de stratégies trop fréquents, qui montrent surtout une absence de stratégie ferme, mais une tendance à la réaction. La Russie, qui avait maîtrisé l'ordre du jour en lançant très rapidement ses forces en février, a perdu l'initiative presque immédiatement avec les négociations et différents "gestes de bonne volonté". Cette indécision chronique des élites russes, menaçant de toucher les centres décisionnels sans le faire, parlant de dénazification sans oser assumer un changement de pouvoir à Kiev, parler de démilitarisation sans mettre hors-services les cibles stratégiques, parlant toujours de sa volonté militaire tout en acceptant toutes les négociations possibles et contre-productives (île des Serpents, blé, centrale de Zaporojié) a été utilisée contre elle. De plus, l'été a été largement mis à profit par l'OTAN pour mettre au point une offensive, quand Choïgu annonçait à Poutine dès la fin mars, que les principaux objectifs avaient été atteints. Il est urgent que la Russie détermine réellement quels sont ses buts à moyen et long terme, comment elle envisage le territoire ukrainien, quel pouvoir doit être installé sur quel territoire. Et ces décisions ne doivent pas être situatives, c'est-à-dire "en réponse à". La stratégie doit être établie fermement pour obliger la partie adverse à s'adapter à elle - et non l'inverse.
  2. Quelle est la volonté politique des élites russes ? Le positionnement des élites politiques en Russie reste toujours un sujet d'inquiétude, car si la partie globaliste est plus ou moins muselée actuellement, elle est toujours en place et détient une capacité décisionnelle, qui non seulement est disproportionnée par rapport à sa légitimité politique intérieure, mais va à l'encontre de l'intérêt national dans ce contexte géopolitique. Et dans des moments difficiles, cela joue sur la capacité de réaction du pays, l'affaiblit fortement dans ses rapports internationaux stratégiques. Cette guerre doit se gagner militairement sur le territoire ukrainien, mais elle doit également se gagner par la déglobalisation du pays, ce qui passe obligatoirement par un remaniement des élites. L'on voit jusqu'à présent les conséquences dans tous les mécanismes globaux de négociations, dans lesquelles la Russie est entraînée de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur avec la volonté d'une partie des élites dirigeantes de faire partie de ce système global et non pas de le remettre en cause. Or, les élites globalistes sont passées au combat contre la Russie, elles utilisent la prédisposition intérieure de ces petits soldats idéologiques pour cela. La Russie ne peut avoir sa place dans le système global, les événements sont allés beaucoup trop loin, nous ne sommes pas en 2014. Sans une réelle prise de conscience de cela, l'hésitation et l'auto-tromperie sont des armes utilisées pour discréditer les élites dirigeantes russes dans leur unité et effriter leur légitimité, donc leur pouvoir.
  3. Peut-on encore parler sérieusement "d'Opération militaire spéciale", quand il s'agit d'une guerre conventionnelle ? La Russie est focalisée sur la "guerre hybride", comme s'il s'agissait d'une nouveauté. Tout conflit armé conventionnel s'est toujours accompagné, au minimum depuis la modernité, d'une dimension politique, économique et communicationnelle. Il a toujours été voulu d'amoindrir les capacités économiques de l'adversaire, la propagande de guerre a toujours existé avec les guerres, la déstabilisation de la situation politique aussi, seules les méthodes varient en fonction des progrès technologiques, mais il est une erreur de se focaliser sur la dimension communicationnelle pour autant. La communication se nourrit du réel et l'offensive de Kharkov le montre, pour ceux qui avaient encore un doute. Diffuser massivement sur toutes les chaînes Telegram des images d'unités militaires en mouvement, ne fait pas gagner une bataille. Par ailleurs, le vocable "opération spéciale" semble renvoyer aux opérations militaires menées en Syrie, par exemple. Des opérations ponctuelles, conduites en partenariat avec l'armée régulière nationale sur un territoire étranger. Or, l'Ukraine n'est pas la Syrie. Si la Russie a décidé finalement d'intervenir en Ukraine, c'est justement parce qu'elle considère la terre ukrainienne comme historique russe, comme la sienne. C'est une guerre de libération nationale, de décolonisation pour reprendre l'expression à la mode, ou sinon il valait mieux continuer à avaler des couloeuvres. C'est indigeste, mais certains pays vivent très longtemps avec des indigestions chroniques. Certes, ils vivent très mal, il n'en reste pas grand-chose en fin de compte, mais ils ne remarquent même pas leur disparition. La disparition politique de la France, malheureusement, en est le parfait exemple. La couloeuvre en est arrivée à remplacer le cassoulet dans les menus à l'Elysée. Mais pour revenir à la Russie, qui a eu le mérite de réagir en février pour éviter cette chute fatale, elle doit accepter et reconnaître le caractère conventionnel de cette guerre. Mais il est vrai que du coup, elle doit remettre en question les réformes néolibérales d'amaigrissement de l'armée, et de l'Etat en général, conduites depuis une vingtaine d'années. Dans les véritables guerres, l'Etat a besoin en plus de la technologie, d'une véritable armée professionnelle, d'hommes et de tanks, une armée qui soit par ailleurs autonome, donc sans abuser des contrats privés et des civils. 
  4. Pourquoi la Russie ne peut pas se permettre une mobilisation générale maintenant ? Pour autant, dans le configuration actuelle, une mobilisation générale serait une erreur. Tout d'abord, parce que la structure de l'armée russe aujourd'hui ne semble pas apte à gérer cette masse (formation, équippement, logistique, etc.). Mais surtout, parce que cela mettrait la Russie dans une position de faiblesse par rapport aux pays de l'OTAN. Ils sont entrés, certes, physiquement sur le champ de bataille et sont de facto devenus parties au conflit, mais formellement ils ne sont pas en guerre contre la Russie, il n'y a pas de mobilisation. Dans tous les cas, la Russie est dans une position déséquilibrée par rapport à eux, car elle, elle doit reprendre, protéger et administrer un territoire et une population, eux peuvent simplement détruire pour repousser et écraser autant que possible - ce qui nécessite moins d'hommes et plus de technologies, même s'ils approvisionnement largement le champ de bataille en hommes aussi. Dès le début, la Russie a joué à juste titre la carte de la normalité - la vie en Russie, pour les gens, doit rester "normale". Pourtant, il serait bon de ne pas en abuser, car sans l'acceptation d'un véritable patriotisme (qui fait manifestement peur à une partie des élites dirigeantes, tant qu'elles n'ont pas pris de décision stratégique quant au territoire ukrainien), il sera difficile de ne pas provoquer une rupture au sein même de la société, ce qui serait fatal au pays. Pour l'instant, l'unification de l'armée (qui joue au post-modernisme avec l'armée "privée" Wagner et ses unités, les bataillons de Kadyrov présentés séparément, les différentes chapelles combattantes) et le renforcement du nombre de militaires professionnels (qui a déjà été modestement annoncé) sont une priorité.
La défaite de la Bataille de Kharkov doit libérer la capacité de penser et de concevoir un avenir propre au pays. C'est par la déglobalisation des esprits, qu'une véritable victoire sera possible. Retrouver sa liberté et assumer ses décisions, c'est le meilleur moyen de soulever le peuple et de l'avoir derrière soi. Alors, la Russie est invincible.