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lundi 19 septembre 2022

« Croissance / décroissance, et si nous n’étions pas obligés de choisir ? » L’édito de Charles SANNAT

Source : https://insolentiae.com/croissance-decroissance-et-si-nous-netions-pas-obliges-de-choisir-ledito-de-charles-sannat/

 Mes chères impertinentes, chers impertinents,

Cette semaine je vous propose de réfléchir à la décroissance !

A la première réflexion la « décroissance » semble une évidence pour répondre aussi bien aux défis climatiques, qu’à celui de la raréfaction des ressources naturelles, sans oublier celui de préserver le vivant et la biodiversité.

Pourtant, sous cette évidence se cache une vérité qui l’est nettement moins.La croissance c’est la vie. De la croissance des êtres vivants, animaux comme végétaux, qui ne naissent jamais finis, mais à finir en passant par l’expansion de l’univers qui n’est jamais rien que la croissance du cosmos, il n’y a pas de vie sans croissance.

Il n’y a pas de processus de création sans croissance.

Alors, les choses sont nettement plus nuancées et complexes que ce que l’on veut bien nous faire croire.
Non seulement la décroissance ne doit pas être une évidence, mais encore plus, la décroissance ne doit pas devenir notre objectif de vie, car, pour faire croître notre spiritualité, ce n’est pas une décroissance forcée qu’il faut, mais bien une simplicité volontaire.

Je partage avec vous ici quelques pensées que je vous invite à partager avec le plus grand nombre, car c’est un sujet fondamental, essentiel pour les années qui viennent et l’avenir communs de tous nos enfants.

Ici, encore une fois, aucune vérité absolue, mais des pistes de réflexions pour prendre de la hauteur et anticiper ce qui pourrait arriver. Des pistes pour réfléchir et penser !

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu.

Préparez-vous !

Charles SANNAT

vendredi 26 juin 2020

Célébrons Litha et le solstice d'été


Le solstice d'été est indéniablement mon moment préférée de l'année. Toute cette période d'Avril à Juin, la croissance vers la lumière, la nature qui s'éveille et explose, les odeurs, les lumières, les couleurs qui naissent. Tout est propice à la création, à la contemplation et à la bienveillance. J'aime célébrer Litha et sa magie. Chaque année je profite intensément de cet instant pour me regorger d'énergies et danser dans les fleurs. J'ai pour l'occasion crée cette vidéo au format un peu spécial, qui je l'espère vous plaira et vous portera dans la magie de cet instant. * Le jour le plus long lorsque le Soleil est le plus fort et la Terre est fertile et abondante * Extrait de Witch Crafting ❀ Restez Libres et Sauvage ! ❀ www.orlanepaquet.net ----------------------------------------------------------- ❀ Mon insta : https://www.instagram.com/orlane_paquet/ ❀ Mon Facebook : https://www.facebook.com/orlanepaquet... ❀ Twitter : https://twitter.com/libreetsauvage ❀ Tipeee : https://fr.tipeee.com/libre-et-sauvage Musique : Venkatesananda.

mercredi 20 décembre 2017

Et si c'était ça, la clé du bonheur ? / And if it was that, the key of the happiness?

La Lettre de Xavier Bazin

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Chers amis,
Parmi toutes mes lettres, voici celle qui vous a le plus touché en 2017, de loin (462 commentaires incroyables d'enthousiasme !).
Un immense MERCI à vous tous, chers amis, chers lecteurs - c'est vous qui m'insufflez l'énergie qui m'anime !
Joyeux Noël et excellentes fêtes à tous,
Xavier Bazin 



Et si c’était ça, la clé du bonheur ?


Cher(e) ami(e) de la Santé,

C’est une leçon de vie qui restera toujours gravé dans ma mémoire.

C’était en Tanzanie. Je revenais des gorges d’Olduvai, considérées comme le berceau de l’humanité… car c’est là où tout a commencé pour nous, hominidés !

Encore sous le coup de cette charge symbolique, je me dirigeai vers mon deuxième objectif de la journée : la rencontre avec les Massaï.

Les Massaï sont un des tout derniers peuples au monde à vivre selon les coutumes et traditions de leurs ancêtres – et cela, depuis des milliers d’années !

Semi-nomades, ils migrent chaque année au Kenya lorsque la saison sèche frappe la Tanzanie. Ils emmènent alors leurs troupeaux de vaches, chèvres et moutons… et, arrivés à destination, ils reconstruisent entièrement leur village.

Ce jour-là, j’ai eu la chance d’être accueilli par le fils du chef du village. Il me conduisit dans sa « maison », une sorte d’igloo fait de boue, de bouse de vache et de branchages.

Et c’est dans cet espace minuscule, au confort plus que rudimentaire, qu’il me fit cette confidence qui me laissa sans voix.

Lui, le guerrier massaï qui me faisait face, était diplômé de l’Université de Dar es Salam, la capitale économique de Tanzanie !

  • Mais, mais… lui-dis-je, n’avez-vous pas eu la tentation de rester en ville ? 
  • Jamais de la vie, me sourit-il avec un enthousiasme et une sincérité désarmante. Je suis beaucoup plus heureux ici ! 
Cet homme avait goûté pendant plusieurs années au confort de la vie moderne… et pourtant, pour rien au monde il n’aurait renoncé à la vie massaï, rythmée par la tradition, les lois de la nature et la cadence des saisons.

Comment est-ce possible ? Qu’avait-il compris du bonheur qui m’échappait totalement ?

La réponse, je crois, est que notre vie moderne n’a pas que des bons côtés : elle comporte aussi des pièges cruels et difficiles à déjouer… sauf si l’on nous en donne les clés !

Premier piège : l’abondance

Le confort est un bienfait incontestable… mais il ne fait jamais le bonheur.

Des psychologues l’ont montré de façon frappante en étudiant des gagnants du loto : ces « heureux élus » vivent quelques mois d’euphorie… mais au bout d’un an environ, ils reviennent presque toujours à leur niveau de bonheur d’avant.

Ils ont beau avoir une grande maison, une voiture de luxe et un confort matériel incomparable avec leur vie d’avant, ils ne sont pas plus heureux. Pour une raison simple : ils s’y sont habitués.

En fait, il nous est très difficile de nous réjouir d’une source de bonheur si elle est là tous les jours. On finit par trouver cela normal et on n’y pense plus.

On oublie qu’avoir deux jambes pour marcher est une chance énorme… jusqu’au jour où l’on se fracture la cheville.

Les psychologues appellent cela « l’habituation hédonique » : c’est notre tendance à tenir pour « acquis » tout ce que nous avons.

Et sur ce point, les sociétés traditionnelles ont un avantage.

Là-bas, manger à sa faim, boire à sa soif, survivre aux caprices de la nature n’est jamais totalement garanti. Ils en retirent donc un bonheur quotidien plus profond et durable.

Voici comment l’agriculteur et écrivain Pierre Rabhi parle de la petite communauté algérienne de son enfance :
« Ici, l’existence s’éprouve d’une manière tangible. La moindre gorgée d’eau, la moindre bouchée de nourriture donne à la vie sur fond de patience toujours renouvelée, une réelle saveur. On est prompt à la satisfaction et à la gratitude dès lors que l’essentiel est assuré, comme si un jour vécu était déjà un privilège, un sursis». [1]
Avec l’abondance, au contraire, on risque toujours de ressembler à ces enfants gâtés… qui ne réalisent pas la chance qu’ils ont… et qui n’arrêtent pas d’en réclamer davantage

Plutôt que de penser à ceux qui n’ont pas leur chance, ils trépignent de ne pas posséder ce que leurs camarades viennent d’avoir.

Voilà pourquoi la course à l’accumulation des richesses ne conduit jamais au bonheur ! Car il y aura toujours autour de nous quelqu’un de mieux loti, que l’on pourrait jalouser.

Et c’est une pente d’autant plus dramatique qu’il n’y a rien de plus précieux dans la vie d’un être humain que d’entretenir des relations saines et profondes avec ses semblables.

Deuxième piège : la solitude

Tout le monde le sait, intuitivement : le plus grand trésor qu’il nous est donné d’avoir sur cette terre, c’est l’amour et l’affection qui nous lie aux autres.

Cela a même été prouvé scientifiquement, grâce à l’incroyable « étude de Harvard », commencée en 1938 et encore poursuivie aujourd’hui. 

Depuis 80 ans, des chercheurs examinent minutieusement le parcours de vie de plus de 700 Américains diplômés à la fin des années 1930. Chaque année, ils réalisent avec eux des interviews approfondies et examinent leurs bilans de santé.

Aujourd'hui, leur conclusion est sans appel : ce qui rend heureux et en bonne santé, ce n’est ni l’argent, ni le succès… mais le fait de nouer des relations étroites, amicales ou amoureuses ! [2]

Selon le Dr Waldinger, qui a dirigé les recherches :
« La conclusion la plus nette que nous pouvons tirer de cette étude de 75 ans est celle-ci : de bonnes relations nous maintiennent heureux et en bonne santéC’est tout. »
Le problème, malheureusement, c’est que la modernité ne nous y aide pas vraiment !

Les Massaï, eux, n’ont aucun effort à faire : de leur naissance à leur mort, ils ne sont jamais seuls. Ils jouissent d’interactions permanentes avec les membres de leur village, qui n’est autre qu’une grande famille de 150 personnes environ.

Dans nos sociétés modernes, au contraire, on peut choisir de passer toute la journée derrière un écran de télévision et d’ordinateur, sans jamais sortir de chez soi…

Or la solitude n’est pas seulement liée au malheur : elle est aussi la cause directe d’un état de santé dégradé : mort prématurée [3], déclin cognitif [4], crise cardiaque. [5]

Et malheureusement, les « amis virtuels » que nous offre la technologie (Facebook…) ne sont pas d’un grand secours. Rien ne remplace le contact face à face, yeux dans les yeux. [6]

Les nouvelles technologies sont décidément à double tranchant. Si vous n’y prenez pas garde, elles peuvent même vous entraîner dans le dernier grand piège de notre temps :

Troisième piège : la vitesse

Il suffit de passer quelques minutes au cœur d’une grande ville pour en faire l’expérience : bruits, feux rouges, voitures, passants, panneaux publicitaires, vitrines : notre état de conscience est interrompu sans arrêt par un flux ininterrompu de stimulations.

Et avec les nouvelles technologies, c’est encore pire : sonneries, SMS, emails, tweets… notre esprit est sollicité et interrompu en permanence.

Le problème est que notre cerveau n’est pas du tout fait pour cela. C’est au contraire le meilleur moyen de le faire dépérir !

Car notre bien-être dépend en grande partie de notre capacité à être attentif : c’est lorsque nous sommes réellement présents à ce que nous faisons que nous sommes le plus heureux.

Or la sur-stimulation de notre temps détraque notre attention et entraîne notre cerveau dans un tourbillon incessant. Il est incapable de fixer son attention… et en ressort lessivé !

Mais la bonne nouvelle, c'est que ce piège-là, comme les deux autres, possède son antidote !

Ils peuvent tout à fait être déjoués par des solutions simples et faciles à suivre !

Cultivez la simplicité avec ce mantra secret

Et cela commence par un maître mot, la simplicité.

Cultiver la simplicité, ou la sobriété, c’est aller à l’essentiel. Comme dans une vieille maison, il est important de faire le tri… et se débarrasser du superflu et des distractions.

C’est renoncer à l’accumulation de biens matériels dont nous n’avons pas besoin. C’est jouir des plaisirs simples de la vie en y étant pleinement présent.

Être « simple d’esprit », ce n’est pas être stupide, bien au contraire.

C’est fuir les complications et les distorsions de la vie moderne pour mieux embrasser une vie sobre, profonde et authentique.

Ce n’est pas évident, bien sûr. Comme le rappelle le Pr Kabat Zinn :
« Il est tellement facile de regarder sans voir, d’écouter sans entendre, de manger sans rien goûter, de ne pas sentir le parfum de la terre humide après une averse, et même de toucher les autres sans être conscient des émotions que l’on échange » [7] 
Heureusement, il existe des exercices pratiques qui nous aident à revenir à l’essentiel.

L’un d’entre eux est le « mantra secret », révélé par le philosophe Matthieu Ricard :
« Voici le mantra qu’un maître tibétain a recommandé. C’est le mantra le plus secret qu’on puisse imaginer, je me demande même si j’ai la permission de le partager avec vous. Le voici : « je n’ai besoin de rien ». 

Répétez-le dix fois de suite. Vous verrez, on se sent si bien ! »
Voilà le premier pas vers le bonheur : réaliser qu’on n’a pas besoin d’avoir « toujours plus » pour être heureux.

Musclez votre esprit, entraînez le à la sérénité

Mais cela ne suffit pas, évidemment.

Si on le laisse à lui-même, notre cerveau se compare, jalouse, rumine… et ce ne sont pas les sur-stimulations permanentes du monde moderne qui l’aident à se calmer !

Voilà pourquoi il est crucial de muscler notre cerveau dans la durée pour l’habituer au calme et à la satisfaction du moment présent.

Et pour y réussir, je ne connais pas meilleure pratique que la méditation en pleine conscience.

Ne soyez surtout pas intimidé par ce terme de « méditation ». C’est beaucoup plus simple et « terre à terre » qu’on ne le croit : il s’agit uniquement de s’arrêter quelques secondes ou quelques minutes dans sa journée, et de se concentrer sur l’instant présent.

Écouter votre cœur battre, sentez votre respiration, faites un « scan corporel » en essayant de ressentir chacun de nos membres (jusqu’à vos doigts de pieds).

Cela peut être éprouvant, au départ. Car il est très difficile d’empêcher notre esprit de « vagabonder » ! On est en permanence obligé de se rappeler à l’ordre (avec bienveillance) et d’en revenir à la concentration sur le moment présent.

Mais quelle récompense, lorsque vous faites l’effort !

Pas seulement pour ces moments de grâce où vous goûtez soudainement à une autre expérience du monde et de vous-même…

…mais surtout pour les effets de long terme de cette pratique pour retrouver la sérénité au quotidien.

Réduction du stress, de l’anxiété, des problèmes cardiaques, des douleurs chroniques, des troubles du sommeil… on ne compte plus les bienfaits de la méditation, prouvés scientifiquement. [8]

Mantra secret, méditation… ajoutez à cela quelques exercices de gratitude et vous serez comblé :

Soyez reconnaissant de ce que vous avez

J’ai consacré une lettre complète aux vertus thérapeutiques du sentiment de gratitude, et aux études scientifiques récentes qui en montrent les éclatants bienfaits pour notre santé.

Mais la gratitude est beaucoup plus qu’un médicament : c’est l’antidote le plus puissant de la modernité… parce qu’elle nous pousse à nous comparer à ceux qui ont moins, plutôt qu’à ceux qui ont plus.

Et c’est si simple ! Voici comment faire, si vous voulez profiter de ses bienfaits :

Dès le matin, au réveil, prenez quelques secondes pour réaliser la chance que vous avez.

Vous auriez pu vous réveiller aveugle, sourd ou paralysé… mais non, votre cœur bat tranquillement, vous respirez sans difficulté, vous avez bien vos deux jambes, vos deux bras et une tête bien faite.

Vous avez la chance d’avoir un toit au-dessus de votre tête. Vous avez l’eau courante, l’électricité à toute heure de la journée, un ordinateur qui vous permet de vous connecter à des informations passionnantes.

Vous vivez dans un pays libre. Vous avez des yeux pour admirer la beauté de ce qui nous entoure.

Maintenant, allez un cran plus loin : soyez reconnaissant de tout ceci. Dites merci. Exprimez votre gratitude.

Si vous être croyant, c’est facile : il vous suffit de remercier le Créateur. Si vous ne l’êtes pas, vous pouvez vous contenter de remercier « la vie » pour tous ses bienfaits.

Essayez de réaliser que ce qu’il y a de positif dans votre vie, vous le devez au moins en partie à quelqu’un d’autre : à vos parents qui vous ont donné la vie, et à tous ceux qui l’ont influencé, etc. Remerciez-les en pensée.

Vous êtes malade, vous souffrez, vous traversez des épreuves ? Faites tout de même l’effort de remercier la vie pour ce qu’elle vous apporte de positif. Des chercheurs ont montré que la gratitude est efficace y compris chez des victimes d’une maladie dégénérescente et incurable. [9] 

Voilà, après ces quelques secondes de gratitude, vous pouvez à présent vous lever et bien commencer la journée.

Et le soir venu, juste avant de dormir, prenez à nouveau une à deux minutes.

Cette fois, pensez (ou, mieux encore, notez dans un carnet !) à tout ce qui vous est arrivé de positif dans la journée, et exprimez votre reconnaissance à ceux qui l’ont facilité.
« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur ; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries », disait joliment Marcel Proust.
Et bien sûr, tout au long de la journée, pensez bien à remercier chaleureusement tous ceux qui vous rendent service. Ne considérez jamais rien comme « donné » – par exemple, n’hésitez pas à remercier votre conjoint d’avoir cuisiné… même s’il le fait depuis 30 ans !!

La magie de la gratitude est de nous lier plus étroitement aux autres. Elle nous pousse à la bienveillance envers celui qui nous a rendu service… qui se sentira d’autant plus proche de vous qu’il recevra un « merci » !

Cultivez la simplicité, la sérénité et la gratitude… et vous verrez que l’amour sera décuplé dans votre cœur et celui de votre entourage.

Et c’est bien cela, le plus important dans la vie.

Bonne santé !

Xavier



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lundi 4 novembre 2013

Associations de lutte contre la pauvreté et simplicitaires : ensemble vers une autre société ?/Associations struggling against poverty and voluntary simplicity : together towards another society ?


18 mars 2013
« Pour vous, c’est facile : vous jouez aux pauvres. Pour nous, la simplicité est involontaire et notre vie est très compliquée ». « Vous n’avez pas beaucoup d’argent, c’est injuste. Mais pourquoi achetez-vous le smartphone dernier cri et un home-cinéma ? » Entre ceux qui survivent avec trop peu et ceux qui veulent vivre avec moins, y a-t-il un dialogue possible, hors des clichés et des a priori ? Assez (ou trop) riches et trop pauvres, avons-nous quelque chose à faire ensemble pour construire une société plus juste pour nous et nos enfants ? Tentative de réponses.

En octobre 2010, Vivre Ensemble invitait deux économistes à se mettre à l’écoute des membres de plusieurs associations namuroises[1]. Objectif : tenter de jeter des ponts entre deux mondes, celui de la précarité, de la pauvreté et celui de la simplicité volontaire. Elena Lasida[2] et Christian Arnsperger[3] ont donc écouté des personnes en situation de pauvreté et d’autres qui travaillent avec elles, avant de faire part de leurs réflexions lors d’une soirée ouverte au public[4].

Durant cette rencontre est apparu clairement le fossé qui sépare les uns et les autres : on ne se connaît pas ou pas bien, donc on a tendance à juger a priori, d’après le peu que l’on sait. D’un côté, les « trop peu » : « ils parlent de simplicité, et nous nous sommes dans la complication extrême au quotidien, pour manger, dormir, faire valoir nos droitsSavent-ils ce que c’est que devoir choisir entre payer un ticket de bus pour aller dormir chez un proche et acheter un sandwich pour apaiser sa faim ? Leur démarche leur attire la reconnaissance sociale, voire l’admiration, et nous ne recevons que mépris ou, au mieux, indifférence.  Nous ne voulons pas nécessairement avoir plus pour le fait d’avoir plus : nous voulons la justice, l’accès à nos droits. »
Passer sa vie à lutter pour survivre ne permet pas plus d’exister vraiment que de s’étourdir en consommant jusqu’à l’écœurement.
De l’autre, les « trop » : si certains connaissent des personnes en situation de pauvreté, notamment à travers les associations, et lient automatiquement simplicité volontaire et justice sociale, d’autres s’en tiennent à la dimension écologique et individuelle de la démarche. Ces derniers souhaitent réduire leur consommation pour diminuer leur empreinte écologique et pour en tirer un mieux-être – ralentir, mieux savourer l’instant, les choses simples… – sans prendre en compte les injustices sociales engendrées par le modèle qu’ils contestent.

Le soir, les deux intervenants ont redit l’importance de lier simplicité volontaire et justice sociale. Tout comme dans le développement durable, l’environnement, l’économie et le social sont inséparables. On peut y ajouter la dimension spirituelle ou existentielle, dans la mesure où ce projet d’une société plus juste qui nous mobilise implique de repenser de fond en comble nos relations aux autres, à l’environnement et aux biens de consommation. Il nous faut aussi trouver ou retrouver un sens à notre vie : passer sa vie à lutter pour survivre ne permet pas plus d’exister vraiment que de s’étourdir en consommant jusqu’à l’écœurement. Une révolution est à faire – Edgar Morin dirait une métamorphose – qui ne peut se dispenser d’une interrogation personnelle, existentielle.

Avancer ensemble ?

Que l’on ait « trop » ou « trop peu », y a-t-il moyen d’avancer ensemble vers une société plus juste ? Malgré le fossé qui les sépare, les associations de lutte contre la pauvreté et les adeptes de la sobriété volontaire[5] ont déjà cet objectif en commun : une société où chacun ait assez. Assez pour vivre dignement, pour jouir de ses droits, et pas trop, pour ne pas être esclave de l’avoir et pour laisser une planète vivable à nos descendants. Pour avoir une vie pleinement humaine[6].

Pour cela, deux chantiers peuvent, nous semble-t-il, être travaillés simultanément, et de préférence même ensemble, par les associations de lutte contre la pauvreté et ceux que nous appellerons les simplicitaires. Tout d’abord, celui du collectif ; ensuite, celui de la démarchandisation.

1. Le collectif

Le collectif est important à deux titres. Tout d’abord, parce qu’il constitue en soi une résistance au modèle capitaliste qui, lui, tend à séparer, individualiser, mettre en concurrence. C’est sa force, c’est son arme.

Les travailleurs sont mis en concurrence, au niveau national comme au niveau mondial. Contrats à durée déterminée, chômage, (menaces de) délocalisations… la peur de perdre son emploi affaiblit les solidarités syndicales et tire les droits des travailleurs vers le bas, chez nous comme dans les pays où les entreprises vont s’installer, à la recherche de coûts de production et de régimes fiscaux avantageux.

Les consommateurs sont mis en concurrence entre eux. C’est surtout vrai pour les enfants et les jeunes, qui « doivent » porter des vêtements de marques (de certaines marques, bien chères le plus souvent) pour ne pas être l’objet de railleries et d’humiliations à l’école. Mais les adultes ne sont pas épargnés : certaines publicités utilisent d’ailleurs explicitement ce besoin d’avoir « mieux que le voisin » pour obtenir la reconnaissance sociale. Essayez de vendre d’occasion un téléviseur à tube cathodique, même récent… Hors de l’écran plat (et géant), point de salut ! La publicité est à cet égard un acteur clé du capitalisme et un levier fondamental sur lequel il faut agir.

Le capitalisme est anti-solidaire

Les laissés-pour-compte de la croissance sont isolés également : chacun est responsable de sa situation, qu’elle soit bonne ou mauvaise. « D’autres y arrivent, pourquoi pas vous ? »  Nous sommes dans une société où l’on encense les parcours individuels, a fortiori s’ils démarrent « de rien ». Individualiser, cela signifie notamment nier que les difficultés que vivent les chômeurs ou les bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS) ont aussi et souvent d’abord des causes sociales, politiques. Cela induit que le salut est dans l’initiative individuelle, pas dans les solidarités collectives ou même interpersonnelles (voir encadré).


Le collectif constitue en soi une résistance au modèle capitaliste.
La solidarité sanctionnée

Le statut cohabitant est un exemple de mesure qui empêche les solidarités interpersonnelles de fonctionner. Instauré dans les années 80 pour réaliser des économies dans le domaine de la sécurité sociale, il consiste à attribuer à une personne qui vit avec une autre personne une allocation de chômage ou un revenu d’intégration moindre qu’à une personne qui vit seule. Bien sûr, cette dernière doit assumer avec un unique revenu des frais qui peuvent être partagés en cas de cohabitation : loyer, chauffage, électricité, voiture éventuelle… Dans les faits, non seulement cela pénalise les femmes, majoritairement concernées par cette mesure, mais cela empêche également les solidarités : deux chômeurs qui veulent louer ensemble un logement se verront pénalisés (ce qui n’est pas le cas de deux salariés…). Un chômeur ou un bénéficiaire du RIS qui veut accueillir chez lui un ami sans-abri risque d’être sanctionné également… Conséquences : des couples se séparent (fictivement d’abord) et louent une chambre (et sa boîte aux lettres) pour garder un revenu suffisant pour vivre (« pas pour s’enrichir inconsidérément, précise Christine Mahy[7],simplement pour survivre »). Autant de logements qui ne sont plus libres pour des personnes qui en auraient besoin ; autant de situations difficiles à vivre pour un couple, qui mènent parfois à une vraie rupture, source de nouvelles précarités économiques…


Les personnes qui vivent des difficultés, notamment financières, doivent porter – souvent dans un grand isolement – la lourde charge de la culpabilité. Or, l’Etat les met dans une situation impossible : le montant du RIS est de 770,18€[8] et le seuil de pauvreté se situe à 973€/mois. Ca veut dire qu’on demande aux gens d’être actifs, autonomes et responsables de leur devenir en les maintenant sciemment sous le seuil de pauvreté.
Le travail social aussi s’individualise : si l’on compare des assistants sociaux qui ont commencé à travailler dans les années 70 à d’autres récemment diplômés, on constate que la dimension collective et critique n’est plus systématiquement présente dans le programme d’études de ces derniers, ou en tout cas pas suffisamment (cela varie en fonction de la sensibilité de l’école et des enseignants). Même présente, cette dimension collective suffit de moins en moins à contrer la lame de fond de la responsabilisation – voire de la culpabilisation – individuelle qui déferle sur nos sociétés.  De plus en plus, le travail social est vu comme un « coaching », assorti d’une bonne dose de contrôle, censé aider les gens à s’adapter à un système qui, lui, n’est pas remis en question. « Quand on sortait de l’école sociale, on avait une idée très claire de notre rôle. Nous étions des agents de changement de la société. On se posait des questions. Aujourd’hui, le métier est vu de façon beaucoup plus individuelle. On fait son travail et c’est tout», constate une assistante sociale[9].

Même l’écologie s’individualise : on promeut les gestes individuels (fermer le robinet, éteindre les lumières inutiles, isoler sa maison, etc.) mais on omet de parler de l’inévitable réduction collective et globale de la consommation énergétique de nos sociétés. Dans son livre « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme », le journaliste Hervé Kempf illustre cette individualisation de l’écologie par l’exemple de l’association « Planète éolienne ». Celle-ci avance qu’une éolienne d’un mégawatt peut fournir de l’énergie à 1000 foyers français. Mais elle ne prend en compte dans son calcul que la consommation domestique : elle oublie que les gens travaillent dans une entreprise qu’il faut aussi chauffer et éclairer, qu’ils font leurs courses dans des supermarchés voraces en énergie, qu’ils utilisent les transports en commun, qu’ils achètent des produits qui ont consommé de l’énergie autant pour leur fabrication que pour leur transport, etc. Si l’on englobe cette consommation collective en divisant la consommation totale du pays par le nombre d’habitants, on arrive non pas à 1000 foyers mais à 117 !

Le collectif : une force pour l’individu et pour la société

Réhabiliter le collectif, le vivre au quotidien dans nos associations ou dans nos groupes, c’est donc déjà sortir un peu du carcan imposé par le système capitaliste. Une deuxième raison de le mettre en valeur, c’est la force qu’il donne, aux gens comme aux revendications.


Pour les personnes en situation de pauvreté, qui souffrent souvent d’un grand isolement social, rejoindre une association est parfois une question de survie
Beaucoup d’associations en font leur principe d’action. Qu’entend-on par collectif ? On pourrait dire : une place pour chacun dans un projet / chacun apporte quelque chose au projet. Le collectif n’exclut personne, il est ouvert à tous, et il permet à chacun de participer au projet commun, d’y devenir créateur. La dimension collective ne gomme pas l’individu. Au contraire, elle lui donne une reconnaissance et une existence sociale absolument indispensables.

Pour les personnes en situation de pauvreté, qui souffrent souvent d’un grand isolement social[10], rejoindre une association est parfois une question de survie : « Le jardin m’a sauvé », déclare Filippo au sujet du jardin collectif de l’association La Rochelle (Roux, Hainaut). Ancien jardinier, il ne peut plus exercer son métier en raison de son état de santé et des nombreux problèmes qu’il a connus. « Ici, j’ai trouvé de l’humanité comme jamais, renchérit Laura, de la même association. On vous regarde comme un être humain, on ne vous fait pas sentir que vous êtes aidé ». « Ici, on se tracasse pour nous, si on ne vient pas on nous téléphone pour nous demander ce qui se passe. On est solidaire, on forme un groupe, comme une famille. Et ça, on ne trouve nulle part ailleurs », affirme quant à lui Christian, apprenant en alphabétisation au CIEP de Namur. « Couleur café m’a rendu l’envie de vivre, continue Bruno, de Malmedy. J’étais dans la dépression, je croyais que j’allais finir dans un asile. » Dans cette maison de quartier, Bruno transmet son savoir en ferronnerie à des demandeurs d’asile qui apprennent du même coup un peu de français ; il anime un atelier de pyrogravure.


On voit ici comme on est loin d’une relation aidant/aidé, à sens unique. Dans les associations, chacun est accueilli comme il est, avec ses fragilités mais aussi avec ses richesses qui ne tardent pas à émerger et à servir des projets communs. Qui aurait dit d’Alain, à l’époque sans-abri assis sur le trottoir, qu’il organiserait un jour un tournoi de volley au sein de sa maison de quartier ? Notre société manque cruellement de lieux où l’on est bienvenu sans condition, où l’on rencontre d’emblée de la bienveillance et de la chaleur humaine. Où, grâce à cela, le « maillon faible » d’aujourd’hui aidera demain les autres à avancer.

Et si le collectif est le credo de bien des associations, ce n’est pas seulement par générosité, pour « remonter le moral des pauvres » : le collectif est aussi beaucoup plus efficace que l’aide individuelle.« Quand on crée des liens, qu’on participe à un projet commun, ça aide à se mettre en route dans d’autres domaines (logement, emploi,…) », explique Françoise Laboureur, de la maison médicale « Les Arsouilles » (Namur). Les CPAS et autres dispositifs d’aide sociale devraient s’en rendre compte, eux qui individualisent de plus en plus l’accompagnement.
Au niveau de la société, la sécurité sociale et la fiscalité qui la finance sont les piliers de la solidarité collective, solidarité sans laquelle il ne peut y avoir de société digne de ce nom. Or, que promeuvent les tenants du capitalisme radical qui prévaut aujourd’hui ? Moins de protection sociale (le minimum pour la survie et le reste à charge des individus, comme dans le modèle anglo-saxon), moins de fiscalité !

On l’a dit et cela tombe sous le sens, l’action politique est beaucoup plus efficace quand elle est collective : non seulement par l’effet du nombre, mais aussi de la diversité. Les Réseaux de lutte contre la pauvreté[11] regroupent des responsables d’associations de différents secteurs, mais aussi des personnes qui vivent la pauvreté. L’expérience et les propositions de ces dernières sont précieuses pour que les concertations organisées avec les élus débouchent sur des mesures qui soient vraiment efficaces, parce qu’elles tiendront compte des réalités vécues sur le terrain.

Le collectif : pas sur le mode « club » !

Le collectif n’est pas absent, loin s’en faut, du mouvement de la simplicité volontaire. Les groupes d’achats communs ou solidaires, les jardins partagés, les réseaux d’échanges de services en sont la preuve. Moins de biens, mais aussi et peut-être surtout plus de liens[12] ! Mais il faut être vigilant : le collectif n’est pas automatiquement incluant. Pour être membre d’un club de sport, il faut être en état de pratiquer un sport, il faut payer une cotisation, avoir l’équipement,… Certains groupes de simplicité volontaire ont tendance à devenir des « clubs » où l’on se retrouve entre amis d’un même milieu, où l’on échange ses petits trucs et astuces, où l’on se félicite mutuellement de ses « bonnes pratiques ». Le « plus de liens » ne doit pas se limiter à un cercle confortable et mettre au second plan du même coup le reste de la société et ses enjeux !


Certains groupes de simplicité volontaire ont tendance à devenir des « clubs » où l’on se retrouve entre amis d’un même milieu…
Beaucoup d’associations ont à cœur de s’ouvrir sur leur quartier, sur le reste de la population. C’est la maison de quartier La Rochelle, citée plus haut, qui fait pression sur la commune pour aménager les rues pour plus de sécurité pour les piétons ; qui organise des activités dans la bibliothèque communale ; qui ouvre son jardin collectif à tous les habitants du quartier. Ce sont des associations comme Le Miroir Vagabond qui proposent des projets collectifs culturels (parades des lanternes) qui rassemblent les gens d’un territoire et non d’un groupe social. C’est Couleur Café qui, au cœur de Malmedy, met en route des dynamiques de quartier, avec la maison des jeunes… C’est le Bar à soupe qui crée du lien social à Comblain-au-Pont en proposant un bol de soupe durant le marché hebdomadaire, etc.

Recréer des réseaux qui transcendent les groupes sociaux, culturels, économiques, c’est donner moins de prise au capitalisme destructeur de solidarités. Cela permet d’abord de se connaître et de se rendre compte que, « pas assez » et « trop », nous sommes tous sur le même bateau et que nous avons un objectif commun. C’est aussi se donner plus de force pour revendiquer un autre mode d’organisation sociale.
« Chacun, chaque groupe, pourrait dans son coin réaliser son bout d’utopie. Il se ferait sans doute plaisir, mais cela ne changerait pas grand-chose au système, puisque sa force découle du fait que les agents adoptent un comportement individualiste. (…) Les alternatives pourraient même le renforcer, en palliant l’affaiblissement, organisé par les capitalistes, des tâches protectrices de l’Etat, le rendant de ce fait supportable. (…) Il faut une conscience commune, des solidarités de lutte, des relais politiques »[13].

Un nouveau mode de vie

Le collectif est de toute façon un « incontournable » de la société de demain : pour réduire notre empreinte écologique, nous devrons moins consommer, donc moins produire. Si l’on ne veut pas réduire de façon draconienne notre confort quotidien, il faudra nous orienter vers des biens collectifs : utiliser à plusieurs des véhicules, de l’électroménager, des outils, des lieux. Cela se fait déjà : transports en commun, location de vélos en ville, covoiturage, voitures partagées (ex. : Cambio),  habitat groupé… Cette tendance est appelée à prendre le dessus sur la sacro-sainte notion de propriété privée. Pour le dire autrement : « La modernité est dorénavant plus dans l’intelligence de la relation sociale organisée autour de l’objet que dans l’objet lui-même »[14].


1. La démarchandisation

Venons-en à présent au deuxième chantier sur lequel associations de lutte contre la pauvreté et adeptes de la sobriété volontaire peuvent travailler ensemble : la démarchandisation (néologisme utilisé faute de mieux).
Tout le monde le sait ou le sent : dans le capitalisme, tout s’achète et tout se vend. Jeunes (et moins jeunes) s’achètent la reconnaissance de leurs pairs grâce à des marques de vêtements ; les parents qui en ont les moyens et le besoin achètent la réussite scolaire de leurs enfants, pas en soudoyant les enseignants, mais en payant des coaches et des professeurs particuliers ; on achète un peu de temps libre en payant une aide-ménagère pour le nettoyage et le repassage… Au niveau global, voyons comment les semences, les plantes médicinales, les gènes même sont brevetés et doncmarchandisés. Pratiquement tout dans notre vie est passé au filtre de la valeur marchande.
Comment regardons-nous par exemple les personnes qui ne sont pas impliquées fortement dans le duo « production/consommation » ? Celles qui sont au chômage, les femmes au foyer, les malades ? Celles qui n’assurent pas par leur travail leur autonomie financière ? Comme des personnes en marge, assistées, faibles, pas vraiment intégrées dans la société, voire paresseuses…

Je consomme donc je suis ?

Or, cette marchandisation nous piège, car elle nous amène à considérer que nous n’existons que dans la mesure où nous consommons. C’est ce qui nous définit. Comme l’écrit François Brune, nous mangeons trois fois par jour, pourquoi ne nous appelle-t-on pas des mangeurs, mais des consommateurs[15] (voir encadré) ? Parce que, dans le système capitaliste, nous devons consommer toujours plus pour absorber une production qui doit être toujours croissante, sous peine de récession et de chômage. Comme le dit Hervé Kempf, tous nos besoins sont associés à des achats : par exemple, le besoin de mobilité naturel à l’être humain devient besoin de se déplacer en voiture, le besoin d’information nécessaire à toute vie communautaire devient besoin de télévision, puis de télévision en couleur, puis d’écran plat de plus en plus grand, le besoin de communiquer devient le besoin de GSM, puis de Smartphone, etc.
« C’est que nous sommes, dit-on couramment, dans une société de consommation. Mais attention à cette expression dont on ne perçoit plus l’implication : il ne s’agit pas d’une expression simplement descriptive (société où l’on consomme). Il s’agit d’une définition prescriptive.

(…) Ainsi, chaque fois qu’on appelle un citoyen “ consommateur ”, fût-ce dans les études les plus “objectives”, on ne se contente pas de photographier sa réalité sous l’angle de la consommation : on lui rappelle que c’est là sa destination, son essence d’acteur social, sa vocation. [16]»

Comment, à la lumière de ces réflexions, ne pas comprendre un peu mieux les « folies » que se permettent certaines personnes en situation de pauvreté, au risque parfois de déséquilibrer leur budget pour longtemps ? Alors que la possession de certains biens apparaît comme le seul moyen d’obtenir, pour soi ou ses enfants, des miettes de reconnaissance sociale ? Peu ou prou, nous sommes tous pris dans cette logique. Mais les personnes qui vivent la pauvreté devraient avoir la force d’y résister, sous prétexte qu’elles ont un budget serré, a fortiori s’il s’agit d’une allocation sociale.
C’est pourquoi les simplicitaires – et les citoyens qui ont des revenus suffisants pour vivre et non pour survivre – doivent se garder de « faire la morale » à ceux qui consomment de façon apparemment inconsidérée au regard de leurs moyens. On ne peut pas demander aux personnes pauvres d’être plus fortes que le reste de la population face aux tentations consuméristes. La simplicité volontaire ne concerne pas les populations qui vivent dans la pauvreté. Elle restera un « luxe de riches » tant qu’il y aura des pauvres.

Christian Arnsperger en arrive même à affirmer que la sobriété volontaire ne doit pas se généraliser dans l’état actuel des choses. Car si la consommation baisse massivement, la production suit, les entreprises licencient et font faillite, le chômage explose et il n’y a plus d’argent pour payer les allocations de chômage. En effet, l’argent qui finance la sécurité sociale provient des impôts sur les bénéfices des entreprises : les impôts qu’elles paient directement et ceux que paient les travailleurs sur leur salaire (ce dernier étant une partie du bénéfice des entreprises).

Le mouvement de la simplicité volontaire met l’accent sur la qualité plutôt que sur la quantité. Il faut creuser cette notion et mettre en pratique(s) dans la vie quotidienne individuelle et collective cette idée que l’existence sociale et le bonheur ne passent pas par la quantité de biens mais par la qualité des liens…

Travail = emploi salarié ?

Démarchandiser nos vies implique notamment la remise en question du travail salarié ou indépendant comme unique façon reconnue de participer à la société. Peut-on encore aujourd’hui accéder à une reconnaissance sociale et finalement existentielle hors du travail salarié ou indépendant ? Le travail bénévole a longtemps été totalement ignoré dans les statistiques alors qu’il constitue un apport économique fondamental dans de nombreux secteurs. Dans les associations, nombreuses sont les personnes qui ont des compétences professionnelles : Bruno est ferronnier, Filippo est jardinier, Jean-Paul est cuisinier, sans compter les hommes et les femmes qui débarquent dans notre pays avec des qualifications parfois élevées mais qui ne peuvent les faire reconnaître, faute du papier ad hoc. Pour des raisons diverses (manque de papiers, assuétudes, accidents, problèmes de santé, dépression…), ces personnes ne peuvent pas/plus faire valoir leurs compétences sur le marché du travail. Elles ne répondent pas à ses exigences sans cesse croissantes.


Démarchandiser nos vies implique notamment la remise en question du travail salarié ou indépendant comme unique façon reconnue de participer à la société.
Jean-Paul, par exemple, a de sérieux problèmes de dos qui l’empêchent de rester debout des heures durant devant ses fourneaux. Il pourrait travailler quelques heures par semaine – ce qui lui laisserait du reste le temps de suivre son traitement de kinésithérapie-, mais personne ne veut ou ne peut l’embaucher dans ces conditions. Il est donc condamné à l’inaction, alors qu’il ne demande qu’à sortir de chez lui et à se rendre utile.
Le travail que réalisent les gens dans les associations (jardinage collectif, théâtre, seconde main, cuisine…) est un plus pour la société en termes de santé physique et mentale (tout bénéfice pour la sécurité sociale), de cohésion sociale, de sécurité,…

Celui-ci a en plus le mérite de faire entrer dans une relation gratuite, où l’on donne un peu de soi-même, de ses talents, ce que chacun, riche ou pauvre, peut faire ! Etre toujours du côté de ceux qui reçoivent, c’est le lot de beaucoup de personnes qui vivent dans la pauvreté. Mais pour exister, on doit aussi pouvoir donner, être utile, participer… c’est une question de dignité.
Les associations de lutte contre l’exclusion pratiquent pour la plupart cette démarchandisation, même quand elles tentent d’insérer les personnes dans le circuit économique. On admet que des personnes ne soient pas en mesure d’occuper un emploi en bonne et due forme et qu’elles puissent quand même avoir une existence sociale, une utilité pour la collectivité.


Du côté de la simplicité volontaire, la démarchandisation marche aussi ! Donneries, trocs en tout genre (vêtements, légumes semences), réseaux d’échanges de savoirs et de services. Ces derniers existent aussi dans le monde associatif de lutte contre la pauvreté. Ils peuvent être des lieux où l’on efface les différences socio-économiques. Mais le sont-ils souvent ?
Démarchandiser, c’est réinjecter de l’humanité dans notre vie et nos relations, à l’inverse du capitalisme qui déshumanise et isole : les humains deviennent des ressources, voire des marchandises, des statistiques, des facteurs de production.

CONCLUSION

Nous avons dit au début de cette analyse (voir note 2) que nous choisissions le terme « simplicité volontaire » plutôt que « décroissance ». Cette dernière est sujette à controverses pour différentes raisons. D’abord, l’idée même de décroissance fait peur, tant nous sommes imprégnés du dogme de la croissance comme passage obligé vers la prospérité. Ensuite, nous l’avons dit également en citant Christian Arnsperger, une décroissance n’est actuellement pas souhaitable au niveau « macro ». De plus, la croissance induit une idée de changement quantitatif. Or, celui-ci ne sera pas possible sans des changements qualitatifs préalables. Changements de l’organisation sociale et économique, changements dans nos modes de vie (habitat, transports…) mais aussi changements individuels : à ce niveau, ce qui doit d’abord et surtout décroître, c’est l’emprise du capitalisme sur nos vies. Car c’est le capitalisme qui nous fait désirer consommer toujours plus pour exister, parce qu’il a infiltré les moindre recoins de notre existence. « On ne revendique pas le pouvoir de vivre, mais le pouvoir d’achat, parce qu’acheter, c’est vivre ».[17]
Il répond, par les objets et la consommation, à nos questions existentielles avant même que nous ayons le temps de nous les poser. Se poser des questions sur la consommation, décider de consommer moins, ralentir un peu, c’est dégager du temps et de l’énergie pour penser, notamment. Une activité qui n’est guère prévue au programme capitaliste et que la publicité a pour mission d’éradiquer une fois passé le souffle d’air chaud à l’entrée du supermarché. La publicité sollicite tous nos sens et ravive nos pulsions les plus primaires[18], mais elle doit surtout nous empêcher de réfléchir.


« La finalité de notre projet de société, au-delà de l’accès aux biens, devrait donc être la création commune ; que chacun puisse sentir qu’il fait partie d’un projet d’ensemble ». (Elena Lasida)
Contester ce modèle consumériste aliénant, c’est aussi refuser que l’avoir toujours plus ne soit quelque chose d’enviable pour ceux qui ont moins de moyens. Car « la classe supérieure définit le mode de vie de son époque », rappelle Hervé Kempf, citant l’économiste du 19e siècle Veblen[19]. Ce dernier constatait que « toute classe est mue par l’envie et rivalise avec la classe qui lui est immédiatement supérieure dans l’échelle sociale, alors qu’elle ne cherche guère à se comparer à ses inférieures, ni à celles qui la surpassent de très loin ». Dit plus simplement, « l’exemple vient d’en-haut » (le « haut » étant ici évidemment uniquement une question de niveau de revenus)… Le lecteur tirera lui-même les conclusions qui s’imposent en matière de consommation.

(Re)découvrir que le collectif – au sens d’être reconnu par ses congénères comme participant à un projet, à une création commune – est la source d’une satisfaction bien plus profonde que la surconsommation… Expérimenter que ce qui est le plus essentiel à une vie pleinement humaine ne peut se traduire en (et s’obtenir seulement par des) montants sonnants et trébuchants… Les personnes en situation de pauvreté et les simplicitaires ont donc tout à gagner à se rencontrer, à se parler pour mieux se connaître et pour approfondir ensemble ces deux vastes chantiers.

Un article d’Isabelle Franck, publié par Vivre Ensemble Éducation

[1] Luttes, solidarité, travail ; La maison médicale « Les arsouilles » ; le groupe de théâtre-action «  Les grains de sel » ; le groupe Alphabétisation du CIEP, l’entreprise de formation par le travail Le Perron de l’Ilon (Restauration).
[2] Economiste et théologienne, Institut catholique de Paris.
[3] Economiste, UCL.
[4] Voir « Pauvreté subie, simplicité choisie : à la recherche d’un nouveau vivre ensemble », analyse 2010/04, Vivre Ensemble. Voir www.vivre-ensemble.be
[5] Sobriété choisie, simplicité volontaire – et inversement… nous utiliserons les deux termes, en évitant celui de décroissance, porteur de trop d’ambigüités et de controverses.
[6] Voir Christian Arnsperger, L’homme économique et le sens de la vie, Textuel, 2011, p.17
[7] Présidente du Réseau belge de lutte contre la pauvreté et Secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté.
[8] Au 1/9/2011, pour une personne isolée.
[9] Voir « Travailleur social : acteur de changement ou panseur de plaies ? », Analyse 2010/10,www.vivre-ensemble.be
[10] Un isolement plus dur à supporter, selon eux, que la pauvreté matérielle.
[11] Réseau belge : www.bapn.be; Réseau wallon : www.rwlp.be .
[12] En référence au titre du livre d’Emeline de Bouver : « Moins de biens, plus de liens. La simplicité volontaire, un nouvel engagement social », Ed. Couleur Livres, 2008.
[13] H. Kempf, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, p.121-122.
[14] Id., p.125

[15] Lire cet excellent article « La société des mangeurs » sur :http://www.reajc.be/fr/IMG/html/mangeurs.html
[16] Ib.
[17] H. Kempf, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, p. 55.
[18] Lire à ce sujet « La pub ou l’anticulture », Paul Ariès, notamment ici :http://www.casseursdepub.org/index.php?menu=doc&sousmenu=anticulture
[19] Dans « Comment les riches détruisent la planète ».