Didier Raoult et Louis Fouché ne seront plus médecins de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) dans quelques semaines.
Pour le jeune anesthésiste-réanimateur qui officiait à l'hôpital de la Conception, c'est le 19 octobre prochain qu'il ne sera plus affecté à cette institution. Son nouveau directeur général, François Crémieux, arrivé le 3 juin dernier (après que la proposition de Jérôme Salomon à ce poste eut suscité une levée de boucliers), a accordé la mise en disponibilité que le docteur Fouché a lui-même demandée le 5 juin dernier.
François Crémieux réaffirme dans une lettre ce qu'il avait dit il y a quelques semaines dans "la Provence", et enfonce le clou en condamnant les propos que le "diplomate" du collectif RéinfoCovid a tenus publiquement : Louis Fouché encourage la population à "entrer en résistance" contre "l’intimidation et le totalitarisme techno-sanitaire". […] Il évoque le besoin "d’action directe" contre les pouvoirs publics et incite par exemple à "dézinguer à la meuleuse" le mobilier urbain.
Le communiqué de l'AP-HM
Le directeur regrette des propos non-conformes à la déontologie de l’AP-HM, de la part du médecin qui avait effectivement tenu ce discours sur Radio Courtoisie, le 4 août dernier. Néanmoins, l'incitation n'était pas aussi explicite que le suggère le communiqué : il s'agissait plutôt d'une allusion, d'un exemple d'activisime qu'il donnait, tout en se réclamant de la "non-violence" qu'il a toujours prônée avec constance depuis son irruption l'an dernier dans la vie publique. Si on peut lui reprocher une certaine ambiguïté ici, il est abusif d'en faire une incitation formelle à la dégradation de biens.
Dans cet entretien, le soignant expliquait également qu’il n’y a aucune communication possible avec les « gens au pouvoir, […] qui sont devenus fous, que vous ne pourrez pas raisonner. » Il se félicitait également que des réseaux de soignants souhaitant faire leur travail correctement se mettent en place.
Louis Fouché a-t-il senti le vent du boulet et "devancé l'appel" ? Ou bien opéré une mise en retrait stratégique pour ne pas s'exposer inutilement ? Il revendique une part de tactique, dans son combat... Nous suivrons les initiatives de celui qui ne se réfugiera probablement pas dans un mutisme définitif.
Dans le même temps, Didier Raoult, qui avançait toutes ses réserves sur la vaccination de masse dans sa dernière vidéo YouTube - apparemment la goutte d'eau... - est lui aussi sur la sellette ; du moins, c'est ce que se sont empressés de raconter le Monde, Libération et d'autres. Approchant de l'âge de la retraite pour son statut de professeur des universités-praticien hospitalier, il s'est fait signifier un refus de poursuivre cette carrière via le cumul emploi-retraite qu'il avait demandé. Un statut courant, qui n'avait rien d'un régime de faveur.
Mais c'est bien son poste de directeur de l'IHU (Institut hospitalo-universitaire) Méditerannée-Infections qui est visé. Les partenaires, notamment les membres fondateurs votant au conseil d'administration, seraient déterminés à le "pousser vers la sortie". François Crémieux, ancien bras droit de Martin Hirsch à l'AP-HP (Paris), avance qu’il y a « un besoin de tourner une page et d’organiser l’avenir de l’IHU pour les vingt ans à venir. […] Qu’il n’est pas raisonnable que l’IHU soit dirigé par quelqu’un qui n’est plus ni praticien hospitalier ni universitaire. » Un prétexe tout trouvé : on comprend sans difficulté que si les décisionnaires, lui et Eric Berton (président de l'université d'Aix-Marseille), avaient voulu qu'il reste à son poste, ils lui auraient permis de jouer les prolongations comme professeur des universités.
Du côté de l'entourage de Didier Raoult, on se refuse à tout commentaire direct, se contentant d'afficher une sérénité de façade et de rappeler que "Didier a anticipé depuis longtemps sa succession", que tout cela était prévu, et qu'il n'est pas encore temps de s'exprimer. Il n'est pas dit qu'il soit si facile à déloger de son poste de directeur. L'homme n'est en tout cas pas de nature à se laisser dicter sa sortie, et a sans doute déjà son schéma en tête. Passera-t-il le témoin à Philippe Parola, son fidèle bras droit ? Ou à une personnalité étrangère, afin de soustraire l'IHU aux querelles franco-françaises ?
En attendant, tout va s'accélérer car c'est dès la fin du mois d'août qu'il devra abandonner ce statut. Et l'AP-HM, insistant lourdement sur sa volonté de reprendre la main, parle d'un appel d'offres en septembre pour trouver un remplaçant au tempétueux microbiologiste. La présidente de l'IHU, Yolande Obadia, proche de Didier Raoult et fidèle de longue date, aura-t-elle vraiment les cartes en main in fine, comme le prévoient les statuts de l'IHU ? La nécessaire pérennité de ce "vaisseau amiral" des maladies infectieuses en France sera à n'en pas douter instrumentalisée à la fois par les adversaires et par les soutiens du professeur marseillais.
Les détracteurs, harceleurs et persifleurs ont peiné à dissimuler leur satisfaction à l'annonce de ce qu'ils voient comme une nouvelle bataille gagnée dans la véritable vendetta qu'ils mènent contre le professeur Raoult. À l'inverse, ses soutiens ont manifesté leur colère devant ce qu'ils perçoivent comme une injustice envers celui qui est devenu, pour le meilleur et pour le pire, l'incarnation à l'excès, de tous les reproches faits aux échecs du pays dans la gestion du Sars-Cov2, dans un sens comme dans l'autre. Par exemple, Elisabeth Bik, adversaire presque obsessionnelle du professeur marseillais, n'a pas tardé à exprimer sa satisfaction, tandis que Florian Philippot clamait son soutien, lançant le hashtag #TouchePasARaoult en tête des tendances sur le réseau Twitter, comme un cri de ralliement des nombreux Français qui ont mis en avant la fidélité de Didier Raoult à "son serment d'Hippocrate", "à la prise en charge des patients..."
Christian Perronne avait été victime de la même chasse aux sorcières. Laurent Montesino et beaucoup d'autres médecins ont été aussi menacés par l'Ordre. Gérard Maudrux expliquait dans son premier debriefing que "les médecins ont peur, ils se taisent". Les médecins de Guadeloupe et Martinique, où l'épidémie flambe, en raison d'un trop faible niveau de vaccination selon les autorités, ont été à leur tour menacés par leur Ordre de sanctions s'ils tenaient des discours sortant des clous officiels. Louis Fouché et Didier Raoult sont donc, même s'il n'y a aucune "sanction" autre qu'un désaveu public symbolique, les suivants sur la liste.
Mais gageons que pour l'un comme pour l'autre, la "fin de partie" annoncée avec triomphalisme par certains (en écho au célèbre titre initial - modifié depuis - de la vidéo du professeur Raoult qui lui fut tant reprochée) n'est pas encore jouée.