jeudi 28 avril 2022

Aventure en Ukrisis

 

29 avril 2022 (04H30) – L’annonce est passée, si l’on peut dire, comme une lettre à la poste, venue de deux ministres sans grande gloire ni prestige. Ni Blinken (Secrétaire d’État), ni Austin (secrétaire à la défense) ne sont des pointures exceptionnelles dans le marigot intellectuel de ‘D.C.-la-folle’. Austin, par exemple, – mais il sera notre héros principal de cette page du ‘Journal’, – est assez mal considéré au sein de la communauté de sécurité nationale, du côté des militaires. Voici ce qu’en dit la langue acérée de l’ancien officier de la CIA Larry Johnson, qui est beaucoup plus à l’aise pour exprimer ses humeurs sarcastiques et informées sur son site ‘sonar21.com’ que sur celui du colonel Pat Lang

« Dieu merci, nous avons des géants militaires comme le secrétaire à la défense Lloyd Austin, qui a été promu pour des raisons autres que ses réalisations militaires (des amis militaires qui ont servi avec lui sur des théâtres de guerre le décrivent charitablement comme un “stupide trou du cul” [‘dumb-ass’]), en charge de notre défense nationale. Si je me souviens bien, il a quitté l’armée pour se faire du méga-fric, en travaillant pour l'un des plus grands entrepreneurs de défense du Pentagone [Raytheon], en l’aidant à engranger de nouveaux contrats de défense. Rien de corrompu là-dedans, d’accord ? »

Ces derniers jours, c’est donc Austin qui a tenu la vedette du système de la communication russophobe ces derniers jours. C’est lui qui, à deux reprises, a annoncé que le “but de guerre“ désormais était purement et simplement l’élimination (la “cancellation”) de la Russie et l’élimination (la “cancellation”) de Poutine. Somme toute, je ne devrais pas être étonné puisque Austin a été nommé à son poste pour marquer et opérationnaliser par sa couleur (afro-américaniste sans aucun doute) et son engagement wokeniste sans faille l’immersion des forces armées US dans la ‘Cancel Culture’. Par conséquent, on ne peut s’étonner qu’il soit le porte-parole de la “cancellation” du duopole Russie-Poutine, comme déjà annoncée par errement révélateur par son président en ballade à Varsovie. (Biden refuse toujours par prudence du fait de sa vigueur de langage d’aller à Kiev malgré la cour empressée de Zelenski dans ce sens ; Varsovie est le plus loin qu’il puisse faire.)

Je cite ici un de nos textes récents, nous avertissant : « Jusqu’au dernier Ukrainien », et décrivant lestement la démarche à Kiev du duo Blinken-Austin :

« L’Ukraine est un acteur accessoire, qui est là pour servir d’outil principal à cette stratégie, et qui en subira bien entendu les conséquences (“Jusqu’au dernier Ukrainien”). Le but est simplement la réduction de la Russie à sa plus impuissante expression, ce qu’on appelle la ‘cancellation’ (‘to cancel’) de la Russie, La doctrine nouvelle du wokenisme à l’échelle globale est entièrement respectée. »

Tout cela a pris rapidement, sinon instantanément comme allant de soi, l’allure d’une doctrine officielle de l’administration Biden, et donc des États-Unis. Nous parlons bien de “cancellation” de la Russie en tant que pays souverain, superpuissance et ainsi de suite, donc de son anéantissement (et non de son “néantissement” puisqu’elle existe encore avant d’être bientôt réduite à “rien”, de devenir “néant” aux yeux du bloc-BAO). Karine Bechet-Golovko nous expliquait la chose le 26 avril, pour que nous comprenions bien de quoi il retourne :

« La publication de ce matin dans le NYT est d'une tonalité encore plus guerrière que d'habitude, et ce après le passage de Blinken et Austin à Kiev. [...]

» Et ce durcissement de la ligne est formulé par le NYT dans sa première phrase des annonces du jour :

» “Dans un changement majeur, les États-Unis ont durci leur message sur la guerre en Ukraine hier, affirmant que l'objectif américain n'était pas seulement de contrecarrer l'invasion russe, mais aussi d'affaiblir la Russie, afin qu’elle ne puisse plus mener une telle agression militaire nulle part”. »

Le même  jour (lundi 25 avril) et visite impérative bouclée chez Zelenski, ces messieurs embarquaient à Kiev dans leur aéroplane commun et confortable, qui ferait escale à Ramstein Air Force Base, en plein cœur de l’Allemagne, pour y déposer Austin accueillant mardi une réunion “de guerre”, qui a été instituée depuis comme mensuelle, d’une quarantaine de ministres de la défense des pays engagés dans la croisade de cancellation de la Russie. Avant ce déplacement, l’on apprit que Lavrov avait évoqué le risque grave que le conflit en Ukraine puisse conduire à un conflit thermonucléaire (depuis, Poutine a répété cet avertissement), selon ce qu’il en serait de l’engagement des USA déjà largement en cours :

 « [Lavrov] a également averti l’Occident de ne pas minimiser les risques “sérieux” et “réels” d'un conflit nucléaire si les États-Unis continuent à s'ingérer en Ukraine.

» “Je ne voudrais pas élever artificiellement ces risques. Beaucoup voudraient le faire. Mais le danger est sérieux, réel. Et nous ne devons pas le sous-estimer”, a déclaré Lavrov. »

Au moment d’embarquer dans l’aéroplane des deux ministres, Austin, qui avait donc parlé dans le sens qu’on a vu et qui évoquait un “engagement” américaniste indirect important, fut l’objet de quelques questions pressantes sur le risque d’un conflit nucléaire. Il s’exclama aussitôt qu’il s’agissait d’une perspective “impensable”, qu’il fallait absolument écarter, que les adversaires nucléaires avaient sans nul doute une responsabilité commune en la matière. Bref, il sembla bien qu’il considérait la question comme incongrue et il ne fit même aucun commentaire particulier sur le fait de la déclaration de Lavrov ; les deux puissances devaient, d’une commune démarche, écarter ce risque “impensable” de l’affrontement nucléaire.

D’autres responsables US, surtout les plus hauts gradés certes, réagissent dans le même sens. Le général Milley, président du Comité des Chefs d’état-major, disait, parallèlement à Austin, que la Russie « payerait le prix » de son initiative (“opération militaire spéciale”, “agression”, “invasion“, “riposte”, les qualificatifs sont divers et renvoient à des “réalités parallèles”). En même temps, il confirma qu’il ne pouvait être question d’un conflit nucléaire et ne nous apprit rien de nouveau sur l’absence de communications téléphoniques avec les chefs militaires russes, qui ont été l’objet de tant de préoccupations de la part des chefs militaires à Washington et poussa le Pentagone à écarter toute initiative pouvant inquiéter les Russes. Manifestement, il ne voit aucune contradiction entre ceci (“Moscou doit payer, sinon être “canceller”) et cela (“il ne faut pas inquiéter Moscou à cause du risque nucléaire”).

C’est là en vérité, qu’on arrive à un point d’inflexion remarquable. Cette préoccupation du risque d’un conflit nucléaire a toujours été quelque chose de courant et d’impératif, et d’un commun accord tacite, chez les militaire et autres chefs des deux grandes puissances nucléaires, et cela depuis la fin des années 1950. Elle a toujours été  évidemment accompagnée d’assurances communes de restrictions très strictes dans l’action, lorsqu’il y avait un risque de confrontation directe, y compris au plus bas niveau opérationnel et bien loin du nucléaire, de crainte que l’on escalade très vite vers ce risque catastrophique.

Et voilà qu’aujourd’hui, cette retenue ne semble plus exister du côté des USA. C’est ce qu’Alastair Crooke nomme « la logique de l’escalade ». Il la décrit, en mettant dans le jeu les Européens de l’UE/de Bruxelles, comme des illuminés  emportés dans l’euphorie affectiviste exaltée de la croisade humanitariste des ‘valeurs’ (“les ‘valeurs’, combien de têtes nucléaires ?”), – en observant, Crooke, combien tout cela s’appuie sur des simulacres divers (le ‘Russiagate’, dix fois confirmé et enquêté comme n’ayant absolument rient de russe et tout de Hillary-Clintonien) :

« Le problème stratégique, cependant, est double : Premièrement, la fenêtre pour un plan B de désescalade via un accord politique en Ukraine est passée. C’est tout ou rien maintenant (à moins que Washington ne plie). Deuxièmement, bien que dans un contexte légèrement différent, l’Europe et l’équipe Biden ont choisi de faire monter les enjeux en flèche :

» La conviction que la vision libérale européenne risque d’être humiliée et méprisée si Poutine venait à “gagner” s’est installée. Et dans le nexus Obama-Clinton-État profond, il est inimaginable que Poutine et la Russie, toujours considérés comme manipulateurs du Russiagate par de nombreux Américains, puissent l’emporter.

» La logique de cette énigme est inexorable : l’escalade. »

Comment aborder et expliquer cela, mis à part les labyrinthes kafkaïens qu’on nous offre depuis des décennies sur les vastes plans hégémoniques, les Grands Jeux, les complots et les grandes manœuvres. Je ne me contenterais pas non plus du minable « Poutine n’osera pas » (monter au nucléaire) des neocons, eux qui sont la parfaite illustrations du néant intellectuel encombré de citations straussiennes (Leo Strauss) de ces premières décennies du XXIème siècle, – des néantcons si l’on veut faire le malin... On sait combien je suis absolument attentif à la psychologie, comme le processus essentiel accouchant la bêtise totale comme on dit “guerre totale”, qui est la marque de nos “temps-devenus-fous”  (« On a trop négligé de considérer le rôle de la bêtise dans l’histoire, comme le notait Raymond Aron »), – la psychologie et toutes ces sortes de choses, comme Crooke lui-même suggère :

« Le fait d’éviter l’escalade représente un tel défi pour la psyché missionnaire américaine de leadership mondial que la prudence innée de Biden ne suffira peut-être pas à vaincre l’élan en sa faveur. Le Washington Post rapporte déjà que “l’administration Biden fait fi des nouveaux avertissements russes contre la fourniture aux forces ukrainiennes d’armes plus perfectionnées et d’un nouvel entraînement – dans ce qui semble être un risque calculé que Moscou n’intensifie pas la guerre”. »

Je crois qu’il faut aller encore plus loin, en s’appuyant sur les deux caractères inédits de la psychologie de l’américanisme qu’il m’arrive si souvent de mettre en évidence après les avoir identifiés : le binôme “inculpabilité-indéfectibilité”, à l’aide duquel nous disions déjà (en octobre 2015) : « Ils ne céderont jamais aux Russes ». Il faut aller à cette confidence que Dick Cheney fit en 2002 à l’ambassadeur de France en partance de son poste, à propos de la psychologie de l’américanisme, qui mélange tous les paradoxes ; la psychologie de l’américanisme dont il se faisait inconsciemment le représentant à la fois le plus terrorisé et le plus rempli à craquer d’hybris de motel à bon marché, changée ou plutôt hypertrophiée jusqu’au paroxysme de l’ivresse-folie par un événement [9/11] dont tant de gens, enquêteurs et complotistes, gens de bonne foi ou non, disaient et disent qu’il avait trempé dans son organisation... ; paroxysme de l’ivresse-folie qui n’a plus quitté la psychologie de l’américanisme depuis, qui n’a fait qu’enfler jusqu’à l’actuel et final paroxysme du paroxysme :

« Nous rappelons ce mot du vice-président Cheney, dit à l’ambassadeur français aux USA qui venait le saluer avant de quitter ses fonctions, en novembre 2002 : “Vous autres, Européens, vous n'imaginez pas l'ampleur de l’effet qu’a produit sur nous l'attaque du 11 septembre”. Cheney se trompait, certes, avec le naturel borné de son intelligence fermée au reste du monde, en cantonnant le fait de cette rupture au système de l’américanisme ; sans réaliser que cette rupture était promise à s’étendre à toutes les directions du bloc BAO, parce qu’il s’agit du Système et non des USA, et que le bloc BAO est l’émanation politique du Système… Mais il énonçait surtout, et justement par contre mais toujours inconsciemment, un paradoxe extraordinaire si on considère le propos à la lumière du long terme et de l’évolution des évènements. Lui, Cheney, avait certainement désiré l’attaque comme moyen de mobilisation (c’est le fameux “nous avons besoin d’un Pearl Harbor” des neocons, également exprimé par Rumsfeld à des parlementaires le matin même de l’attaque du 11 septembre 2001) ; sans doute y avait-il été impliqué d’une façon ou d’une autre, soit pour son organisation, soit pour son absence de réactions par rapport aux avertissements nombreux. Mais ce qu’il annonçait in fine à l’ambassadeur français n’était pas le changement de la psychologie américaine en général et étendue prioritairement à la population dans le sens d’une terrorisation de cette psychologie, mais la rupture de la psychologie américaniste de la direction du Système, effectivement dans ce cas, dans le sens de la terrorisation de cette psychologie. »

C’est en rappelant tous ces éléments que je voudrais enfin émettre mon hypothèse finale concernant le comportement US en Ukrisis, prenant des risques considérables jusqu’à la possible confrontation d’un Ukrisis nucléaire où ils sont loin (les américanistes) d’être les plus forts, et leur force impérative pour clamer qu’une telle confrontation n’aura pas lieu. L'illogisme fou de la situation, la folie maniaque de la mortelle contradiction sont verrouillés comme autant de caissons étanches de ‘Titanic’ (voir plus loin et plus profond).

Je crois que la psychologie de l’américanisme, qui est un phénomène résolument collectif avec des effets individuels absolument catégoriques, affectant particulièrement et massivement la caste dirigeante washingtonienne avec tous ses satellites, présente une capacité extraordinaire de cloisonnement grâce à la bouillie hypertrophiée terreur-hybris grâce à l’action du binôme “inculpabilité-indéfectibilité” qui manie ici en les mélangeant hors de tout intérêt pour le fait de la mortelle contradiction mortelle, la terreur affreuse de voir menacée par d’autres (les “méchants”) la vertu morale de l’inculpabilité et l’hybris triomphant de la certitude de la victoire (sur les “méchants”) de l’indéfectibilité. Elle est capable
d’une part de prendre tous les risques contre les Russes, parce que les Russes sont ce qu’ils sont, qu’ils sont sur leur route, qu’ils sont ennemis de leur culture éminemment vertueuse, qu’ils prétendent bien imprudemment à la puissance militaire, que ce sont des moujiks puants qui ne comprennent rien à Hollywood et à MacDonald, et ainsi de suite ; elle est capable
d’autre part d’assurer qu’aucun conflit nucléaire n’est pensable parce que les deux partenaires stratégiques, – les USA [directeurs de conscience en l’espèce] et la Russie, tiens !, – en savent les risques et le prix inimaginables, et qu’ils se retiendront, qu’ils n’oseront pas, qu’ils s’arrêteront au bord du gouffre, etc. (surtout les Russes, hein, que l’on pourra ainsi envahir et réduire en poussières et en paix).

... Et je crois qu’entre les deux ‘elle est capable”, il n’y a plus de connections. Les portes étanches de la psychologie de l’américanisme sont fermées à double tour, un  peu comme les caissons étanches du ‘Titanic’, qui le rendaient insubmersibles, – oh, on n’arrête pas le Progrès ! Ainsi, Washington peut foncer en plein risque du nucléaire en Ukrisis, évidemment avec les demeurés de l’UE à ses basques, sans prendre en compte le risque du nucléaire.

C’est un peu effrayant de penser cela, qui par ailleurs a la beauté rhétorique d’expliquer comment ces gens, – ceux de ‘D.C.-la-folle’, complètement immergés dans une communication “de dingue” qui joue un rôle absolument majeur dans la dé-connection de leurs psychologies, – sont en fait complètement “dingues”, eux aussi. Mais il existe tout de même quelques pare-feux possibles devant l’hypothèque nucléaire, par exemple cette capacité des hypersoniques russes de frapper le territoire US en stratégique conventionnel...

Mais bon, je me promets de poursuivre cette exaltante et rassurante exploration dans un prochain numéro, assez rapidement hein ! Car vous savez bien, fidèles lecteurs, que le ‘Titanic’ a coulé, non pas parce que les portes verrouillées entre les caissons étanches-entre-eux ont foiré, mais parce que l’iceberg a déchiré la coque sur la longueur de plusieurs caissons, qui se sont remplies d’eau en une masse d’un poids suffisant pour déséquilibrer la chose en faisant basculer son centre de gravité. Et le ‘Titanic’ qui coule a bien plus de chance, dans mon imagerie symbolique, de représenter l’effondrement par en-dedans du Système que la solution expéditive de l’holocauste nucléaire.

Source : https://www.dedefensa.org/article/aventure-en-ukrisis

L'OTAN nous conduit-elle à la 3e Guerre mondiale ?

Parmi quelques réflexions interpellantes : une guerre aurait aussi l'avantage, pour les cerveaux malades qui nous dirigent, de porter l'attention du peuple ailleurs que sur leurs exactions diverses et variées.


 ALEXANDRE JUVING BRUNET 2022

Décryptons ensemble les enjeux des semaines à venir.

jeudi 28 avril 2022 - L'amnésie occidentale

 

Ce qui est répété en boucle depuis 2 mois par la bien pensance occidentale et dans un lavage des cerveaux hallucinant, c'est que "la Russie a commencé la guerre en Ukraine le 24 février 2022". 

"Mais merde !" serais-je tenté de dire "rappelez-vous !" :

  • Cette guerre a été annoncée au sommet de Bucarest en 2008 par l'OTAN - qui définit la Russie comme son ennemi - lorsque les USA, prévoient d'intégrer dans leur alliance militaire l'Ukraine et la Géorgie frontalières de la Russie,
  • Cette guerre a été tentée une première fois en 2008 avec l'offensive précipitée de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, laquelle a été immédiatement repoussée par les forces russes protégeant leurs populations russes.
  • Cette guerre a été déclarée sur le Maïdan en 2014 par un coup d'Etat orchestré et financé par les USA pour mettre en place un pouvoir ukrainien fantoche et ouvertement russophobe jusqu'à lancer une guerre locale contre les russes du Donbass.
  • Cette guerre est devenue régionale en 2022, quand Washington refuse les revendications sécuritaires de Moscou pour sa zone frontalière et que Kiev, gavée d'armements occidentaux, s'apprête à lancer une deuxième offensive contre le Donbass.
  • Et cette guerre deviendra mondiale parce que les dirigeants et les populations occidentalisées amnésiques préfèrent suivre servilement une stratégie belliciste mondialiste qui en plus leur est suicidaire plutôt que de reconquérir indépendance et conscience européennes.  

Car ce qui caractérise les occidentaux c'est bien cette amnésie chronique qui leur est injectée par les idéologies successives les asservissant depuis 2000 ans, que ce soit à l'occasion d'une nouvelle religion, économie, conquête, politique, découverte et jusqu'au nouvel événement qui semblent effacer des mémoires les précédents, qui pourtant l'ont souvent provoqué. 

Et cette amnésie, organisée par la doxa dominante mondialiste, s'appuie aujourd'hui sur une hypnose médiatique capable de conduire les foules européennes occidentales, autant que leurs responsables devenus laquais à une hystérie collective. Cette amnésie autant que cette hystérie se révèlent toutes les deux adoratrices du nouveau monothéisme, celui de la Marchandise qui instrumentalise les rêves des "Droits de l'Homme", de la "Démocratie", du 'Droit International". tout en les dogmatisant pour cacher leurs réécriture et détournement au profit d'une ploutocratie mondialiste amorale. 

En avril 2014 j'écrivais que la guerre déclenchée dans le Donbass était l'étape paroxysmique d'une expansion agressive de l'OTAN entamée au lendemain de l'effondrement de l'URSS (qui avait au moins l'avantage d'imposer un équilibre des forces), et que l'apathie des européens face à la tragédie ukrainienne déroulait un tapis rouge à la troisième guerre mondiale. A l'époque, beaucoup ont ri, d'autres se sont moqués, certains ont même insulté mes analyses de modeste veilleur de la vieille Europe guettant le retour inévitable de cet inévitable chaos majeur vers lequel les idéologies communautaro-élitistes l'entraînent depuis plus de 1000 années.

Aujourd'hui, il semble que la sidération se soit emparée des occidentaux suite à l'expansion pourtant logique de ce conflit local du Donbass en guerre régionale, mais tout comme la peur peut faire réagir au delà des capacités connues ou au contraire tétaniser les consciences et les corps, les occidentaux restent amorphes devant l'arrivée du chaos ou pire l'appellent de leurs soutiens à une internationalisation de cette guerre russo-ukrainienne commanditée au delà de l'océan par des fous cupides.

Alors qu'il y a quelques semaines, certains politiciens reconnaissaient que la crise ukrainienne était des plus belligènes et liée à l'hégémonie de l'OTAN aux ordres d'un Nouvel Ordre Mondial voulant briser le non alignement économique de la Russie, son indépendance idéologique et sa position stratégique internationale, depuis le 24 février la quasi totalité d'entre eux sont revenus dans le chœur des esclaves psalmodier les anathèmes russophobes officiels. Et tous ceux qui pensent différemment deviennent pour la bien pensance manichéiste les pestiférés du Monde !

Et l'amnésie d'éclore toujours et encore de la graine de l'hystérie dans le jardin de la servilité occidentale. Mais heureusement il existe encore quelques responsables politiques libres à travers le Monde à rappeler la Vérité à la face des esclaves de la Marchandise :

Ecoutez ce discours magistral du député Shaik Emamà 
au Cap, à l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud, !

Nietzsche, ce grand penseur de l'Europe, avait prophétisé à l'entrée des idéologies mortifères occidentales dans l'ère des folies industrielles: « L'Europe ne se fera qu'au bord du tombeau » rappelant le destin cyclique inévitable de l'Histoire du Monde tout comme il l'est de la vie terrestre.  

L'Occident et ses historicités linéaires fantasmées (religieuses, économiques, idéologiques) a jeté un voile opaque à la fois sur l'ordre naturel des cycles mais aussi sur la longue mémoire européenne afin d'imposer aux peuples ses manichéismes hégémoniques. De l'assassinat d'Hypatie d'Alexandrie à l'incarcération de Julian Assange, l'obscurantisme des pensées uniques dominantes se succédant depuis 2000 ans, mène, de dictatures en hégémonies, les peuples au bord d'un abîme pourtant tellement connu des Anciens qu'ils l'immortalisèrent dans les mythes fondateurs de notre civilisation.

Prenons l'exemple de l'antagonisme ontologique porté par les dieux Apollon et Dionysos, protecteurs des arts, pour le premier, solaire et immobile, pour le second, terrestre et mouvant mais que le génie grec a su utiliser, comme les maîtres-bâtisseurs utilisent l'opposition des arcs-boutants, pour élever la sagesse humaine. Et cette opposition mythologique qui , immortalisant des histoires humaines, inaugure la tragédie attique nous rappelle la nécessité vitale de transformer l'antagonisme des apparences en dualité de l'existence  et sublimée par la rencontre de la force et de la volonté dans une harmonie des contraires. 

C'est le grand héritage de ce paganisme hellénique que d'avoir su mettre en pensée pour l'avenir nos plus belles valeurs civilisationnelles.

Aujourd'hui la confrontation qui nous conduit vers un nouvel abîme est celle qui oppose ce monde multipolaire de l'héritage mesuré (Métis) au monde unipolaire du désir illimité (Hubris), laquelle me semble n'être que la continuité contemporaine de cette Tragédie éternelle, exacerbée aujourd'hui par la vision bipolaire d'un Homo Oeconomicus se prenant pour un dieu.

"Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire" a martelé ce même Friedrich Nietzche en soulevant le voile obscurantiste jeté sur nos sagesses antiques. 

Mais comment faire entendre cette raison aux masses post-modernes déconscientisées par des millénaires de dictature d'une pensée unique protéiforme, asservies par des siècles pouvoirs absolutistes et  des décennies de consumérisme individualiste obsessionnel ?

Il semble que seul un chaos mondial soit en mesure de réveiller les consciences de ces peuples amnésiques et hypnotisés par les crétins et des fous qui les enivrent de leurs fantasmes et croyances manichéistes jusqu'au delirium tremens suicidaire...

Mais n'est ce pas aussi un autre enseignement de cette sagesse commune oubliée, que tout chaos est autant souffrance que naissance et le temps du Ragnarök est peut-être venu pour en finir avec ce monde à la dérive comme nous l'enseignent dans l'edda des scandinaves le poème Völuspá (§45):

"Les frères se battront
Et se mettront à mort,
Les parents souilleront
Leur propre couche ;
Temps rude dans le monde,
Adultère universel,
Temps des haches, temps des épées,
Les boucliers sont fendus,
Temps des tempêtes, temps des loups,
Avant que le monde s'effondre ;
Personne
N'épargnera personne"

Et puisque la mémoire et la raison de l'Etre ont été bannis des coeurs par la folie de l'Avoir, le feu du dieu Surtr (ou de tout autre paladin des apocalypses) achèvera de détruire (enfin) cette "nef des fous" si pertinemment décrite au XVe siècle par l'alsacien Sébastien Brandt. 

Alors les Ases et les hommes qui survivront au crépuscule des dieux pourront bâtir un nouveau monde autour de leur mémoire enfin protégée...

Erwan Castel 


PS: ne pensez-pas que ma pensée est pessimiste... au contraire elle est mue par cette foi (qui n'est pas croyance) en l'ordre de la Nature et cet "optimisme de la Volonté", lesquels m'invitent toujours à une vision collective et lointaine à laquelle je sacrifie sans hésiter mes futiles ambitions, intérêts ou désirs personnels,

6 commentaires:

  1. Merci Erwan pour cette belle mise au point. Ce monde , celui des occidentaux est perdu. La folie et la peur ont gangrené les esprits, je le vois tout autour de moi. Tout comme pour la "plandémie" il ne reste aucun bon sens ni discernement. Mais jamais je ne baisserais les bras et je mourrais debout pour sauver mes enfants et petits enfants. Que la foi tout comme la vôtre guide à jamais mes pas.

    Répondre
  2. En philosophie, ceux qui ne croient pas à une eschatologie (l'esprit du monde) s'appellent les libéraux... c'est la pensée anglaise. La pensée dominante justement varie en fonction des rapports de production: production mondialisée, pensée mondialiste.
    "Les droits de l'homme sont le panier supérieur de l'aliénation" Marx

    Mais la mort de la Mort sera aussi celle du Capital, elle ne se vend pas car elle est l'aliénation primordiale, mère de toutes les idéologies, de tous les ersatz d'immortalité: ligné, cité, nation, âme, lutte des classes etc. La contradiction dialectique du narcissique ultime, et de la bourgeoisie, pas essence apolitique. L'Avoir est justement l'ersatz de l'oublieux de l'Être, mais n'est rien face à l'Être là pour la mort de la Mort.

    "Prométhée est le vrai dieu des grecs." Vernant

    Poutine a parlé du transhumanisme, comme de l'IA. les chinois, en bons archéo-futuristes, sont très en pointe sur les bébés ogm au QI de 200... Ils ont fait l'utérus artificiel, reste à Poutine de faire des série de clones de belles russes.

    Nietzsche disait que l'homme était justement ce sous-animal qui ne vit pas dans le présent mais tjrs ds une vérité eschatologique, comme consolation. C'est justement bobo le branleur de supermarché qui jouit pour oublier qu'il est mortel qui est le gogochon vrai animal de Nietzsche. Le vrai occidental, le vrai humain est celui de la volonté de puissance, son dieu est Prométhée pas le Caddie. En quoi le fasciste et le communiste se rejoignent contre le libertaire écolo.










    Répondre
  3. Très belles paroles. J'essaierai de garder votre optimisme, malgré les jours sombres qui nous attendent.

    Répondre
  4. ! Ils prendront vos diamants et vous donneront de l'acier.
    pris de folie, perdu comme eux,
    Et tous ces fous ont pris le large, ne laissant rien de plus à ajouter.
    ! Ils disent que vous êtes magnifiques et qu'ils vous laisseront toujours entrer, mais les portes ne sont jamais ouvertes à l'Enfant qui ne porte aucune trace de péché!
    prends le large "

    Répondre
  5. Merci pour votre parole et votre regard !
    J'ajouterai, à ces citations des paroles des anciens, une troublante ressemblance symbolique entre ce qui se passe dans notre siècle et au moins une histoire célèbre de l'Ancien Testament, la Tour de Babel. J'y vois comme un nouveau cycle : nous parlons la "même langue" mondialement, certains de notre monde nous ont poussé et poussent encore à "viser trop haut", de manière inhumaine et surhumaine, et nous en redescendrons divisés, en ne nous comprenant plus par les mots.
    Aucun pessimisme intérieur pour moi aussi, la foi en la Nature et le courage m'anime !
    Respect, Solidarité, Liberté
    Pauline H

    Répondre
  6. La densité de votre réflexion nous rappelle tristement notre éloignement constant de la plénitude existentielle ainsi que de la difficulté collective à évoluer. Il est superflu d'en rajouter à un texte aussi cohérent et homogène tant l'ensemble des éléments de connaissance y sont réunis. Merci encore une fois pour votre partage en temps d'écriture réfléchie qui permet à quelques lecteurs et lectrices si éloignés physiquement autour de notre planète en péril de se retrouver spirituellement dans cet espace. Olya

  7. Source : https://alawata-rebellion.blogspot.com/2022/04/lamnesie-occidentale.html#comment-form

la revue de presse du 26 avril 2022. P%tain 5 ans !!