Dans cette affaire, il y a deux éléments à distinguer :
l'avenir de l'industrie aéronautique et le dialogue social
Concernant l'avenir de cette industrie, dans un contexte de pic du pétrole (notamment), de pollutions diverses et de capitalisme débridé, je ne me fais guère d'illusions.
Et ce n'est pas du jus d'algue qui va résoudre le problème.
Concernant le dialogue social, la parole est à Mélenchon.
Et à Roberto Boulant
Prédateurs !
Bien que hautement justifiée et naturelle, la saine colère des personnels d’Air France est sans doute une réponse émotionnelle inappropriée.
Pour au moins trois raisons :
1- Parce qu’il ne s’agit plus de lutter contre un adversaire patronal dans un rapport de forces plus ou moins symétrique, et dans un cadre législatif recherchant un niveau de dissensus social le plus bas possible. La haute finance a conquis Bercy, et il suffit pour s’apercevoir que le consensus républicain n’est plus à l’ordre du jour, de lister le bric-à-brac libéral contenu dans la loi de l’ancien banquier M. Macron : limitation du rôle des prud’hommes, affaiblissement du code du travail, accroissement du travail du dimanche et de nuit, déréglementation de diverses professions, privatisation des aéroports et filialisation de centres hospitaliers universitaires. Sans oublier pour le pays organisateur de la COP 21, l’assouplissement des normes environnementales…
2- Parce que la dissymétrie des rapports de force entre transnationales et syndicats, rend illusoire toute victoire dans la sauvegarde des emplois. Ne peuvent plus exister que des combats de retardement, c’est-à-dire des combats désespérés sans nul perspective de victoire.
3- Parce que le dieu Marché, celui de l’argent fou, tient les gouvernements dans sa main. Faut-il encore rappeler les contre-vérités du candidat François ‘mon-ennemi-c’est-la-finance’ Hollande, ou le fait que M. Valls ne représente qu’une infime minorité d’un parti lui-même minoritaire ? Mais peu importe pour ces gens la légitimité, la légalité leur suffit. Pour voler dans tous les médias au secours de la direction d’Air France, mais également comme le permet maintenant la loi sur le renseignement, pour déployer une armada de mesures de surveillance, sous le très flou concept de ‘préservation des intérêts économiques français’. Sans doute serait-il sain aux personnels d’Air France de prendre en compte l’éventualité d’un espionnage par l’État, de tous leurs échanges électroniques…
Le tableau est donc clair, nous ne sommes plus dans une lutte contre des adversaires idéologiques, dans le cadre de lois républicaines favorisant à minima un certain équilibre des forces. Nous sommes maintenant dans une logique d’écrasement systématique des travailleurs, à qui il n’est donné aucune chance de se défendre.
Je sais que le terme est à la mode, mais pour le coup, il s’agit bel et bien d’un changement de paradigme : le vieil adversaire défendant ses intérêts de classe s’est mué en prédateur ! Il considère maintenant les ‘sans-dents’ comme une espèce différente, par nature inférieure !
C’est en cela, comme le prouve cette hallucinante vidéo, que la colère est inadaptée à cette inédite situation tactique. Ça n’est pas la vieille morgue ou le mépris de classe qu’il faut lire dans la non réponse à l’appel au dialogue… mais plutôt la totale absence d’empathie face à l’objet ‘petit personnel’.
L’absence de toute charge émotionnelle d’un prédateur face à sa proie !
Et nous voilà livrés à la sidération. Comment sauvegarder la paix civile puisque le dialogue social n’existe plus que dans les discours ? Comment lutter contre le dieu Marché, celui qui valorise plus une compagnie naine du low-cost, qu’un géant comme Air France ? Comment accepter l’idée que son propre gouvernement puisse favoriser Qatar Airways en lui octroyant des créneaux supplémentaires sur nos aéroports, alors que les standards sociaux de cette compagnie sont si bas ?
C’est la sécession des riches et leur contrôle des politiques macro-économiques qui nous conduisent tout droit au chaos.
Et dire que ces fous pensent pouvoir contrôler ce qui en sortira. Comme si nous n’apprenions jamais rien…