Le printemps 2020 restera marqué dans les mémoires. La plupart d’entre nous a dû traverser une crise sans précédent, non pas dans sa gravité sanitaire, question qui reste à discuter et devra l’être, mais dans son impact sur l’ensemble de nos quotidiens. Que nous est-il arrivé ?
Qu’est-ce qui a bien pu faire que nous nous sentions aussi malmenés, comme tout juste sortis d’un tambour de machine à laver ? Après un état de sidération dont l’importance s’est traduite par ce silence, à tous points de vue, qui a frappé notre pays, l’onde de choc qui s’est ensuivie a produit des dégâts profonds. Personne ne sortira indemne de ce champ de ruines dans lequel nous nous réveillons aujourd’hui, qu’il soit économique, social, familial, intellectuel ou émotionnel.
Les focales d’analyse et de réaction peuvent être multiples et les angles d’éclairage très distincts. Pour ce qui me concerne, je crois dans le principe même de vie et de sa capacité de résilience. Nos corps savent cela et sont capables de cicatriser, c’est-à-dire de refermer la plaie. La blessure a existé et la trace reste mais elle ne s’infecte plus. Nos esprits également, quitte à passer par des étapes d’amnésie ou de déni. Mais eux aussi referment la plaie. Cela s’appelle «accepter», voire «pardonner». Le corps a besoin d’un baume, l’esprit a besoin de sens. Nous saurons dépasser cette crise. Cela ne sera pas toujours simple, mais cela sera.
Ce qui est particulièrement intéressant, dans la situation actuelle, c’est de s’appuyer sur ce qui se passe dans nos corps, qui sont une véritable parabole de ce qui se passe dans notre société. Comment comprendre cela ? Nous pouvons nous appuyer sur une logique de type fractale. Si l’on voulait simplifier la notion de fractale, on pourrait dire que c’est une logique qui considère que l’infiniment petit est constitué « à l’identique » de l’infiniment grand. Au-delà de cette référence développée en Occident par Benoît Mandelbrot dans les années soixante-dix, nous sommes en présence d’un concept oriental très ancien, celui de la résonance et d’une logique de similitude entre le macrocosme (infiniment grand) et le microcosme (infiniment petit). Chacun est construit et fonctionne selon des règles et des structures similaires. Il est un miroir, une rémanence, un reflet de l’autre, tant dans sa forme apparente que dans ses mécanismes les plus secrets. C’est ce qui a présidé à l’élaboration des grands principes de la médecine traditionnelle chinoise (M.T.C.), dans laquelle, par exemple, les organismes humains sont des microcosmes de l’Univers.
Dans cette vision du monde, l’ensemble des éléments constitutifs de notre univers sont intriqués et similaires. Les vaisseaux sanguins sont des fleuves et des rivières dans lesquels coule un fluide vital qui irrigue tout le corps, comme l’eau, qui irrigue toute la nature. Chaque organe est associé à une fonction qui le représente. Le cœur est l’empereur (parce qu’il gère le cerveau), l’estomac est l’intendant parce qu’il met les nutriments à disposition (à même d’être assimilés), le poumon est le ministre des Armées (parce qu’il défend et protège, notamment par la peau), le gros intestin est l’éboueur, etc.
Tout comme un pays ou une nation, chaque organisme a besoin de définir des frontières (la peau), d’être défendu (système immunitaire), d’une identité (savoir qui et quoi défendre), d’être nourri (système digestif), d’être géré, dirigé et organisé (cerveau), etc.
Je vais m’appuyer sur cette logique « analogique » pour proposer un éclairage particulier de cette crise qui nous a frappés. Cela va nous permettre de mettre en perspective ce qui nous arrive et d’en tirer, je l’espère, une compréhension et une perspective proactives.
Pour ce faire, revenons un peu sur quelques données.
Ce que nous « savons » de cette crise
Ce que nous savons, a priori, c’est que nous sommes dans une pandémie qui affecte principalement les personnes âgées (plus de 70 % des décès concernent des personnes de plus de 70 ans selon les chiffres officiels) et présentant des facteurs de risques, principalement liés à des pathologies graves, chroniques ou à l’obésité.
La deuxième donnée non négligeable est que le virus, considéré comme responsable n’affecte pas les enfants (de moins de 12 ans) voire, chose étonnante, que les enfants porteurs du virus ne contamineraient, selon les pédiatres, ni les autres enfants ni les adultes.
La troisième donnée est que la symptomatologie constatée est principalement respiratoire (stress respiratoire, hypoxémie), circulatoire (ischémie), inflammatoire et sanguine (thrombose). Selon l’âge du patient ou son terrain (pathologies), les symptômes varient. Chez les personnes âgées (de plus de 75 ans), les symptômes sont principalement pulmonaires. Chez les adultes matures (de 35 à 65 ans) dont l’organisme est engorgé, les symptômes sont plutôt cardio-vasculaires (thromboses, stress cardiaque) et chez les jeunes adultes (de 20 à 35 ans), d’un tempérament inquiet, les symptômes sont plutôt circulatoires (ischémie, acrocyanose).
Le premier constat qui peut être fait, c’est que, en fait, le virus ne semble pas s’attaquer à un organe plus qu’à un autre, mais plutôt à l’organe fragilisé chez le patient. C’est une notion majeure en M.T.C. Ce qui importe, c’est « l’hôte » (le malade) et non « l’invité » (l’agent pathogène). C’est le concept fondamental, applicable à toute pathologie, qui s’appelle « l’hôte et l’invité ». Quelle précision dans une simplicité magnifique, puisque tout est ainsi dit et peut être compris par tous.
Le deuxième constat est que le virus s’attaque au vecteur même de la vie, c’est-à-dire au sang. Il ne s’attaque pas à des organes mais à une fonction de vie (nutrition, vitalisation, épuration, information). Il ne s’agit donc pas d’une agression envers un organe cible, mais plus brutalement d’une agression envers la vie elle-même, envers ce qui la véhicule, la nourrit, l’informe, l’entretient, la répare, l’anime. Le virus commet un véritable attentat terroriste en nous, qui génère une réponse violente. L’hypothèse posée par de nombreux médecins est d’ailleurs celle d’un « choc cytokinique » (également appelé « orage cytokinique »). Pour faire simple, il s’agit d’une violente réaction immunitaire face à un agresseur dont l’importance est totalement surévaluée. Les défenseurs instinctifs du corps (lymphocytesT, macrophages) libèrent une quantité phénoménale et disproportionnée de cytokine, une protéine participant à la défense du corps. Cela se traduit par une très forte inflammation pouvant avoir des conséquences graves voire létales. Fièvre, inflammation, thrombose, ischémie, stress respiratoire, tous ces symptômes, consécutifs à un choc cytokinique, sont les mêmes que ceux constatés avec le virus actuel, comme ce fut observé pour le SRAS, la grippe H5N1, etc. Le virus provoque en fait une sur-réaction, totalement disproportionnée à sa dangerosité, pouvant être fatale, et ce d’autant plus que l’organisme touché est fragilisé, vieillissant ou saturé, engorgé. À titre anecdotique, il est intéressant de signaler que le choc cytokinique fut étudié au début des années quatre-vingt-dix, suite à des problèmes de réactions immunitaires consécutives à des greffes. On a appelé cela « la maladie du greffon contre l’hôte »… Beau clin d’œil envers la M.T.C., non ?
Il est maintenant important de savoir que, selon les principes de la M.T.C, ces différentes symptomatologies s’expriment selon un ordre particulier qui s’appelle « le cycle de révolte ». Cet enchaînement est très particulier car c’est en fait celui de la mort, selon cette médecine. En effet, selon elle, ce qui permet à la vie d’exister et de se développer de façon équilibrée, c’est la capacité de « contrôle interne » de l’organisme. Ce contrôle est celui qui régule les fonctions de vie en nous. C’est par exemple, physiologiquement parlant, le rôle permanent du système immunitaire. Son premier rôle, bien avant la défense face à d’éventuelles agressions venant de l’extérieur, est la régulation de l’interne, tant sur le plan physique que psychique. C’est lui qui détruit par exemple toutes les cellules qui « dérapent » en nous (cancer). C’est lui qui régule toutes les pensées ou émotions toxiques en nous (dépression). Il est le gardien du temple.
Une mutinerie intérieure
Le système de contrôle interne est essentiel car il préside à la vie (dynamisme) et à son équilibre (système immunitaire). Or, c’est là que le virus attaque. C’est lui qu’il tente de faire voler en éclat en le violant, en le violentant, en le conduisant à la sur-réaction que j’ai évoquée précédemment. Et cette sur-réaction devient ce que l’on appelle une « révolte » en M.T.C. Le système de contrôle « bugge et s’inverse ». Tout explose, comme dans une mutinerie… Le ministre des Armées (le poumon) sur-réagit, contraint, étouffe le corps (la société) qu’il prétend défendre. Ses armées (lymphocytes T et macrophages) ne protègent plus, mais empêchent la vie de circuler par contrôle excessif (spasmes, thromboses, etc.).
Le « contrôle » qui se délite et se retourne contre celui qu’il est censé protéger, dans les traditions extrême-orientales, c’est le cycle de la mort ! Celui dans lequel, après le feu dévastateur, il ne reste que des cendres. Il n’y a plus de vie, plus de souffle, plus d’aspiration. Tout ne peut que retourner à la terre, au terreau originel, pour tenter de devenir un engrais futur.
Or tout ceci ne nous parle que de la crise actuelle. Comme nombre d’entre vous l’ont perçu, plus ou moins clairement, quelque chose est mort lors de cette crise. Il ne reste plus que des cendres de ce que nous avons été, individuellement et collectivement. C’est l’âme de chacun qui a été blessée, salie ou trahie. Ce que nous ferons de cela sera déterminant. Car les cendres peuvent être un engrais merveilleux, à la condition qu’on les accueille, qu’on les accepte et qu’on leur donne le temps de faire leur office. Elles nettoient, grattent, purifient, expurgent quand on s’en sert comme il convient. On les utilise d’ailleurs encore parfois quand on veut, par exemple, nettoyer un vieux linge ou un vieil objet ou se laver les dents.
Cet accueil ne sera possible que dans un corps et une âme cicatrisés. C’est un chantier de restauration de cathédrale, aussi vaste que celui de Notre-Dame. La blessure de mort a généré un élan de vie. Répondons présent. Nous en avons besoin pour nous-même, pour nos proches, pour ceux qui dépendent de nous et pour tous ceux qui auront besoin de nous.
Un incroyable clin d’œil
L’incroyable clin d’œil que nous adresse le virus, c’est ce qui se passe avec les enfants de moins de 10-12 ans ! Aucun biomécaniste médical ne donne de raison au fait qu’ils ne sont ni contaminés, ni contagieux ! Et même si la communication de service cherche des cas de par le monde pour dire le contraire, c’est un fait pur et simple. Alors, comment et pourquoi est-ce possible ?
On peut poser une réflexion sur cette question. Quelle différence existe-t-il entre un enfant de moins de 10-12 ans et un adulte ? Une seule : la maturité sexuelle ! Qu’est-ce à dire ? Que conclure ? Serait-ce parce que les enfants sont encore dans un rapport « sincère » à la vie et qu’ils l’accueillent comme telle ? Serait-ce que la maturité sexuelle, qui crée le « désir pulsion », rend l’être « intéressé » et jouisseur, alors que l’enfant semble sans intention de posséder l’autre ? Tout au plus tente-t-il de le séduire. Mais c’est par besoin d’exister et d’être reconnu et non par besoin de posséder et de se rassurer. L’enfant « donne » alors que bien souvent l’adulte « investit ». Certains textes de notre tradition nous disent « heureux les simples d’esprit… ». Ce sont sans doute nos « âmes d’enfants » qui peuvent entendre et comprendre cela.
Toutes ces idées sont des hypothèses, des questions, des invitations personnelles à réfléchir. Mais nous en avons tant besoin, pour renaître un peu indemnes de tout cela.
Quel sens donner à cette crise ?
Cette vaste question peut être éclairée, par principe d’analogie, par ce qui s’est passé dans nos corps. Nous avons vu précédemment la mécanique physiologique de cette crise. Alors revenons maintenant au principe « macrocosme/microcosme ». Nos corps sont des projections de ce que sont les sociétés dans lesquelles nous vivons. Et réciproquement.
Et là, le constat est choquant. Les sociétés les plus frappées ont été les sociétés « vieillissantes », engorgées et tétanisées par l’idée de la mort. Sur-nourries, boulimiques et obèses de consommation, habitées par des citoyens anesthésiés et drogués de matraquages médiatiques, excitées par les fréquentes réactions hystériques émotionnelles de tel ou tel groupe d’individus, rongées par l’incohérence informationnelle et les injonctions incessantes de toutes les castes intellectuelles, etc. : le tableau est terrible. Nous étions totalement arrivés dans cette phase évoquée par saint Augustin dans son Sermon sur la chute de Rome. La gangrène signait l’échéance tant redoutée.
C’est ici que le virus a frappé. Il n’avait pas besoin d’être aussi dangereux que cela. Une pichenette peut faire chuter un colosse s’il a des pieds d’argile. Et c’est ce qui s’est passé. La vie nous avait pourtant alertés me semble-t-il. Nombre de signes avant-coureurs étaient pourtant apparus que nous n’avons pas voulu voir (tension économique = tension corporelle, colère sociale = colère individuelle profonde, attentats = violence individuelle, etc.).
Alors la pandémie a été mondiale, signature au combien moqueuse à propos de la mondialisation omnipotente de nos économies. La globalisation et ses effets de masse ont produit leurs effets, par un effondrement de masse interne. La propagation ne pouvait qu’être mondiale. Le virus a réalisé un véritable attentat terroriste sur nos organismes engorgés, comme dans nos sociétés, le terrorisme politique l’a fait. Il a su lui aussi s’immiscer dans nos failles et se servir de nos peurs. Nos modes de vie nous ont rendus lourds, fragiles et peureux. Nous ne savions plus respirer. Ils ont étouffé nos âmes et nous ont fait oublier que nous sommes des « enfants du Ciel », avant d’être ceux de la Terre.
La réaction sociétale et institutionnelle à la crise fut exactement similaire à celle de nos corps. En croyant protéger les corps, on a bafoué les êtres, on les a avilis et rendus honteux d’eux-mêmes. En fabriquant la peur, on a induit la soumission. Terrorisés par des hypothèses gratuitement alarmistes et un flot informationnel anxiogène, on a généré un véritable « choc cytokinique » sociétal. En provoquant la chute des économies, on a induit la dépendance. Cette réaction a été d’une violence inouïe, vis-à-vis des individus, des citoyens, et ses effets délétères seront les mêmes que ceux d’un choc cytokinique. Ils seront sans doute fatals pour certains et les blessures seront profondes pour tous.
C’est ici que vient s’inscrire cet éclairage particulier que j’évoque dans mes formations et dans certains de mes ouvrages. Il s’agit de la « balance sécurité/liberté ». De la même façon que, selon la M.T.C., nous oscillons en permanence entre le Yin et le Yang, nous oscillons également entre la sécurité et la liberté. Et la M.T.C. de rajouter que le positionnement entre les deux pôles Yin/Yang n’est ni une fatalité ni un hasard, mais un choix consécutif à notre positionnement de vie (comportements, modes alimentaires, émotions, pensées, etc.). Et bien, il en est exactement de même pour les pôles liberté/sécurité. Entre ces deux pôles extrêmes, se situe le curseur de notre choix de vie.
Parmi les grandes tensions qui perturbent l’humanité, l’équilibre entre le besoin de liberté et le besoin de sécurité est fondamental. Il participe en effet au ressenti de paix, de juste place et de potentiel d’épanouissement. Or il est important de comprendre, et de faire comprendre à chacun, que cet équilibre est un choix. Ce n’est en aucun cas une fatalité. Ce que l’on peut constater la plupart du temps, c’est que les individus s’installent petit à petit dans leur vie, dans un équilibre entre les deux dont ils n’ont pas conscience. Le quotidien, les habitudes, la facilité, la recherche du confort de l’instant, les injonctions de nos sociétés, la peur de la mort, réelle ou symbolique, etc. sont autant de raisons à cela. Toujours est-il que chaque déplacement de notre curseur intérieur vers la sécurité l’éloigne inexorablement du pôle « liberté ». Chaque déplacement de ce même curseur vers la liberté, l’éloigne inexorablement de la sécurité. Le choix de chaque position du curseur implique l’acceptation du coût qu’il signifie.
La difficulté réside dans le fait que ce positionnement n’est pas neutre ou simplement superficiel. Il rentre en effet en résonance avec des archétypes profonds, à la fois « historiques » et biologiques. Sur le plan « historique », nous sommes en présence du grand conflit qui se perpétue depuis l’aube des temps entre les nomades et les sédentaires. Sur le plan biologique, c’est le conflit « cerveau droit/cerveau gauche ».
La seule façon de « maîtriser » ce positionnement de curseur, c’est la pleine conscience à ce qui est et ce qui nous meut. Et cette pleine conscience est un travail, une exigence, un devoir à soi et aux autres. La période que nous venons de traverser l’a mise à mal. Mais le temps devenu disponible et le retour à soi imposé ont été une opportunité sans pareille de la retrouver.
Quelles issues ?
Alors que faire maintenant ? Comment sortir de ce tsunami et « replacer le curseur » ? Je crois sincèrement qu’il n’y a pas d’autre issue que celle de la résilience. Ce n’est pas simple, mais c’est inéluctable, au risque sinon de se faire emporter par des tumeurs mémorielles. Mais comment faire ? Comment transformer nos vécus pour les rendre si ce n’est acceptable, a minima assimilables ?
C’est un défi, c’est un choix, c’est une décision. Rien ne se fera sans nous. Il nous faudra accepter de regarder en quoi nous avons plus ou moins participé à tout cela. Il va nous falloir accepter la part qui est la nôtre dans ce qui se passe. Il va nous falloir mettre en perspective ce que cette crise, et en particulier le confinement, nous ont permis de faire et de vivre.
Ce n’est sans doute pas simple, et ce d’autant moins si la situation nous a mis en état de survie économique. Mais c’est nécessaire. Cette période nous a renvoyés face à nous-même. Elle a brutalement stoppé la « course à l’échalote » dans laquelle beaucoup d’entre nous étaient. Elle a stoppé les burn-out en préparation, mis en lumière les équilibres familiaux et de couple, permis de redécouvrir les siens, donné le temps de la réflexion et des questions essentielles, montré parfois le pire, mais aussi bien plus souvent le meilleur de chacun, etc.
Cette crise a stoppé l’hyperactivité générale. Les rythmes de vie se sont, de facto calmés, ralentis. Les pans de silence potentiels, s’ils n’ont pas été occupés par les chaînes d’info en continu, ont laissé de la place à quelque chose, au plus profond de nous.
Cette mise en perspective est essentielle au potentiel de résilience, parce que c’est elle qui nous permet de redresser la tête pour regarder devant. C’est elle qui donne la force de cicatriser et de reconstruire, en tirant les leçons de ce qui a été. C’est elle qui fera de nous des « héros qui ont su dépasser l’épreuve ».
Alors oui, il nous faut accepter de cicatriser ! Ne nous trompons pas, cicatriser n’est pas oublier, c’est refermer la plaie. Mais la trace reste et elle peut devenir un fait d’armes. J’ai l’habitude de dire à certains patients, que « ce qui magnifie la blessure, c’est la façon de la réparer ».
Pour cela, un art, venu du Japon peut nous aider. Il s’agit du Kintsugi (金継ぎ), qui signifie « jointure en or ». Cet art est particulièrement étonnant pour nous. Il va au-delà de ce fameux « repentir » (correction ou modification) que l’on connaît en peinture. Le Kintsugi est l’art de réparer les céramiques précieuses qui ont été fendues, voire brisées. Au Japon, en effet, lorsqu’une céramique de valeur est brisée, au lieu de dissimuler la cassure en tentant de la restaurer, on la met en avant. Tout l’art de l’artisan est de réparer la brisure en la mettant en valeur, comme une cicatrice de héros blessé au combat. On montre combien la céramique en question a affronté le temps ou les différents lieux et propriétaires. Pour cela, on répare la faille avec de l’argile, magnifiée par de la feuille d’or. Ces petites fêlures dentelées, toutes les petites brisures aléatoires, deviennent ainsi des fragments d’or dont l’esthétique est incomparable. Ce qui a été un événement accidentel, voire une catastrophe pour la céramique d’origine, en devient une valorisation, au point même que pour certaines d’entre elles, cela en a augmenté la valeur marchande.
La cicatrice d’or de la crise que nous venons de traverser, c’est la remise de l’être au centre de notre perspective de vie. Nous ne le percevons peut-être pas encore, mais c’est inéluctable. Rien ne pourra nous ramener en arrière. De nombreux comportements reviendront peut-être et sans doute, mais il sera difficile d’être dupes. Le caractère vain de beaucoup de nos attitudes ne pourra plus être dénié. La verticalité va réapparaître dans nos vies. C’est en tous cas ce que je souhaite et pense.
Michel Odoul est le fondateur de l’Institut français de shiatsu, praticien et formateur de cette discipline depuis 1986. Conférencier, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages qui font référence dans le domaine des « médecines douces », dont le best-seller Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi et récemment, Dis-moi comment aller chaque jour de mieux en mieux. Il a développé le concept de « Psycho-énergétique », dans lequel il reconstitue les liens corps/esprit. Il répond ainsi à la question du sens et de la symbolique des maux du corps qui deviennent des mots de l’âme. Pour en savoir plus, voir : shiatsu-institut.fr et sa page Facebook.