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lundi 11 janvier 2016

A propos des Dominants / About the Dominant

source : http://michelcollon.info/A-propos-des-Dominants.htmlRobert Charvin

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8 janvier 2016
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En France et en Europe, l'idéologie dominante est le confusionnisme : on n'admet pas la structuration de classe, assimilée à une obscénité intellectuelle archaïque. Bourdieu a été l'objet de toutes les agressions pour avoir tenté d'établir une « anthropologie globale » de la classe dirigeante ! Il est en effet des sujets qu'il convient de ne pas aborder !



Les dominants entendent s’octroyer à eux-mêmes le droit de s’auto-analyser... avec l’indulgence qui s’impose. A défaut, la connaissance de ce phénomène essentiel qui est le consentement inconscient que les individus accordent au monde qui s’impose sans bénéfice pour eux, risque de conduire à la critique de la domination !

L’air du temps conduit à s’apitoyer (sans faire grand chose pour autant) sur la pauvreté extrême. Une « classe moyenne » sans frontière engloberait la grande majorité de la population ; au mieux, on la subdivise en une « upper middle class » et une « lower middle class ». Elle est idéalisée : la « moyennisation » d’ensemble permettrait l’épanouissement de la démocratie, en dépit du constat que la démonstration contraire a été faite dans les années 1930-1940 avec le ralliement aux divers fascismes des classes moyennes. Malgré aussi l’appui qu’elles apportent dans les pays du Sud où elles sont apparues aux régimes autoritaires qui leur offrent quelques privilèges (dans la Tunisie de Ben Ali, dans l’Égypte de Moubarak et dans les diverses dictatures que l’Amérique du Sud a connu, au Chili, par exemple).

== Pour comprendre le fonctionnement et les contradiction de notre société, il est pourtant indispensable de savoir qui la dirige et qui en profite effectivement. L’approche de la classe dominante est prudente et discrète. Le simple fait de noter qu’elle est très restreinte et d’analyser ses composantes relève de la subversion ! Ce petit monde est constitué des milieux d’affaires, des hauts fonctionnaires et des politiciens des sommets de l’État et de quelques personnalités médiatisées de toutes disciplines. Ces dominants sont en osmose, proches d’une caste à la fois diverse et homogène. Cette petite communauté est opaque pour tout le reste de la population : on ne connaît pas ses revenus réels ; on n’imagine pas son mode de vie, on ignore les moyens qu’elle emploie pour se pérenniser. Vouloir la rendre transparente (ce qui est un désir rare, car on préfère ausculter avec moins de risque la pauvreté) est assimilé à une agression politique destructrice de l’ordre public et qualifié de populisme anti- élitiste ! Les relations public-privé, argent-pouvoir politique et médias, clés des « réussites » individuelles « doivent » échapper à la transparence et donc à tout contrôle. La corruption (de formes variées) qui y règne échappe souvent aux procédures judiciaires qui s’enlisent faute de détenir les clés probantes. Il est difficile d’en pénétrer la réalité profonde.

Ce petit « complexe politico-médiatico-affairiste » est en effet surarmé. Il a la maîtrise de l’argent, ce qui lui permet d’en acquérir toujours davantage (sauf accident) et d’acheter les hommes qui lui sont utiles ; il dirige les communications, ayant acquis les grands médias, ce qui lui permet de formater les esprits, de fabriquer les leaders, de fixer « l’ordre du jour » et le vocabulaire du débat politique et de faire pression sur leurs comparses au sein de leurs monde ; il produit le droit (sauf exception) et l’interprète à son gré, grâce à ses juristes de cour (les vrais « intellectuels de marché »), et malgré les juges qu’il ne cesse de dénoncer les qualifiant de « rouges », ce qu’ils sont pourtant si rarement !

Tout en ayant pris ses distances vis-à-vis du catholicisme, il conserve des relations solides avec les institutions religieuses. Si la foi est tiède (le laxisme dans le domaine du sexe et de tous les plaisirs est sans borne), le respect affiché vis-à-vis du Pape et de l’Église reste « utilisable », notamment en période de crise. La caste dirigeante veut conserver la capacité de se couvrir de quelques oripeaux de spiritualité.

== On s’étonne que le parcours de nombreuses personnalités soit un cheminement de gauche à droite et pratiquement jamais l’inverse ; on ne saisit pas pourquoi toute victoire progressiste soit rapidement suivie d’un échec et d’une régression générale (Front Populaire, Libération, 1981, etc.) ; on assimile difficilement le fait que toute pensée critique est ultra minoritaire, sauf en d’exceptionnelles périodes. On est surpris de la faiblesse des opposants à ce système pourtant oligarchique.

Le plus surprenant est ailleurs. Il est dans l’existence permanente, malgré tout, d’une action contestataire et d’une réflexion anti-système vivante, alors qu’il est même difficile de savoir quel est le véritable adversaire des droits et du bien-être de la grande majorité ! Cette survie, évidemment insatisfaisante, a toutefois d’autant plus de mérite que les forces de droite et celles de la « gauche » social-démocrate créent une confusion croissante, mêlant leur programme et leur pratique au point qu’ils deviennent indistincts. Ce « mixage » délibéré, résultat de leur échec respectif, vise à la fois à satisfaire le monde des affaires et de séduire le « petit peuple ». Le grand écart et la dissimulation du réel ainsi provoqués ne dérangent aucunement les « partis de gouvernement », même s’ils perdent en route de nombreux adhérents (dont souvent ils n’ont que faire). Le résultat est un brouillard profond jeté sur la vie sociale et politique, conduisant à un discrédit du politique, à un abstentionnisme massif et croissant et à l’extension d’un esprit néo-fasciste dans la population, comme en témoignent les succès du F.N. La progression du F.N dérange davantage la droite (qui tente de lui ressembler) que la social-démocratie. Obsédés d’élections, les socialistes espèrent faire du F.N le principal adversaire au détriment de la droite classique. Ils ne se privent pas cependant d’envisager la possibilité d’une coalition « droite-gauche », qui est d’ailleurs en voie de réalisation locale.

== Ce qui caractérise la pratique constante des dominants, c’est la concentration de tous leurs efforts sur la seule tactique. Qu’il s’agisse de rivalités personnelles, de concurrences claniques, de luttes de partis, les dominants n’ont pas pour arme une stratégie ou un système de valeurs, quoiqu’ils disent. Ils ont simplement la maîtrise de toutes les procédures concevables : leur seule fin, qui est de se pérenniser, se trouve dans le meilleur usage possible des manipulations de toutes natures. A tous les récits, à toutes les idéologies, aux croyances, ils opposent la tactique !

== Cette classe dirigeante parce que dominante, vivant sur une autre planète que celle du reste de la population, a une haute considération pour elle-même et un grand mépris pour ceux qui n’appartiennent pas à cette « élite » autoproclamée. Tous ses membres se sentent les « meilleurs » et se considèrent « irremplaçables » : l’autorité leur appartient naturellement. Ces « Importants », de premier choix, se sont convaincus, comme l’était hier la noblesse d’Ancien Régime, qu’ils sont seuls à pouvoir manier le gouvernail dans tous les domaines, particulièrement dans l’économie. Mais ce ne sont pas tous des héritiers. Nombreux sont des aventuriers du système, style Tapie, qui ont « réussi » à se rapprocher des grands groupes, de type Bolloré ou Bouygues. Le petit monde politique néo-conservateur ou social-démocrate regorge de ces petits « prodiges » dont les sommets de la caste dirigeante ont besoin. Les « mal-nés » qui ont pour seule conviction de profiter à fond du système et qui ont le sens du vent dominant, s’ils savent donner des gages, sont distingués au milieu de la masse des dominés de la « France d’en-bas ». La politique professionnelle est aujourd’hui l’équivalent du rôle que jouaient l’armée et l’Église pour les cadets sans terre de l’aristocratie d’autrefois ! L’origine « populaire » peut être même un atout : ils peuvent « plaire » plus facilement, même s’ils font tout pour s’éloigner du peuple dont ils sont issus ! Ils ont le choix pour leur carrière d’opter pour les différentes droites ou pour la fausse gauche (ce qui n’engage à rien), en restant prêts à se reconvertir si nécessaire pour adhérer à la mouvance la plus rentable. L’opportunisme est leur boussole : elle indique les « valeurs » à la mode qu’il faut promouvoir et surtout les intérêts qu’il ne faut pas égratigner ! Demain, des éléments « frontistes » et « patriotes », évidemment, pourront aussi servir, s’ils n’ont pas d’exigences anti-néo-libérales !

L’aristocratie italienne, malgré son mépris pour les « chemises noires », a conclu un accord avec Mussolini ! Tout comme l’industrie lourde et l’essentiel de la bourgeoisie allemande se sont liées au nazisme hitlérien (après l’élimination du courant « national et socialiste » préoccupé réellement de social). Le patronat français n’était pas à Londres, durant les années 1940-1944, mais à Vichy : il ne s’est manifesté ni contre la Gestapo ni contre la Milice. Il faisait des affaires ! Rien n’exclut demain en France et ailleurs une « recomposition » politique, fédérant tous les courants encore divergents ayant pour trait commun de n’être pas contre le système, c’est-à-dire le capitalisme financier : les castes dirigeantes ont pour tradition de s’accommoder de tous les régimes pourvu qu’ils ne remettent pas en cause leurs privilèges et leur domination. Elles savent rendre la monnaie de la pièce !

== Les castes dominantes pour diriger ont aussi besoin d’ « experts » et d’ « intellectuels » qu’il s’agisse hier d’un « grand » comme Raymond Aron ou d’un « petit » style Zemour ! Aucun système ne peut en effet se passer de ces agents de légitimation.

La lecture de ce qui se produit dans la société ne peut être laissée à la spontanéité des consciences individuelles. Il convient de les « guider » vers les analyses ne remettant rien en cause, y compris en usant de la fausse monnaie intellectuelle sur le marché des idées ! C’est ainsi qu’il faut doctement expliquer que les Français ne sont ni racistes ni xénophobes, malgré les « apparences », à la différence de tous les autres peuples de la planète. Il faut persuader, par exemple encore, que la croissance permet de réduire le chômage quasi-mécaniquement et que la lourdeur du Code du Travail est un obstacle majeur à l’embauche, ce qui exige beaucoup de talent ! Il faut entretenir un « techno-optimisme » fondé sur la croyance que les nouvelles techniques règlent tous les problèmes, y compris sociaux, ce qui rend inutiles les révolutions. Il faut légitimer l’hostilité aux Russes qui sont mauvais par nature, communistes ou pas, incapables qu’ils sont de comprendre la bienfaisance de l’OTAN ! A la différence des États-Unis, champions du monde de la démocratie et de l’ingérence humanitaire, y compris en Irak, qu’il est convenable de toujours admirer, malgré Guantanamo et les trente mille crimes annuels (souvent racistes).

Nombre de journalistes, de juristes et surtout d’économistes (surtout ceux des organismes privés) se bousculent pour offrir une crédibilité au système moyennant leur médiatisation lorsqu’ils ont un peu de talent, donc un certain impact sur l’opinion.

La classe dirigeante n’a besoin en effet que d’une pensée « utile » à court terme, c’est-à-dire ajustée à la logique économique du système mais capable aussi de faire croire qu’il peut satisfaire tout le monde.

L’intellectuel de cour n’a qu’à se couler, en l’enrichissant, dans la pensée commune venant d’en-haut sans faire plus d’écart personnel qu’il n’en faut pour se démarquer des autres et manifester un « quant à soi », ayant la vertu de faire croire au pluralisme. Sa panoplie est standard dans le vide idéologique et l’infantilisme préfabriqués par les grands médias :
Il doit toujours se placer à l’intérieur du système, évalué comme indépassable. Il doit écarter toute recherche des causes aux problèmes qui se posent et se satisfaire d’une analyse descriptive des faits, car toute cause profonde révélée est subversive. Par exemple, l’approche de la pauvreté et du sous-développement doit éviter la recherche de leurs origines.

En tant qu’ « expert », il n’a pas besoin de penser si ce n’est à ce qu’il a intérêt à penser s’il veut rester « expert ». Il n’est chargé que d’expliciter à posteriori les décisions prises « en haut », quitte à renouveler son argumentaire, compte tenu de « l’usure » des explications précédentes. C’est d’ailleurs ce savoir-faire qu’on lui enseigne essentiellement à l’ENA, dans les écoles de commerce et les facultés de droit, chargées de la reproduction de la pensée unique.

Il doit être aussi « moralisateur » : à défaut de pouvoir invoquer la légalité et le droit « trop objectifs » (sauf le droit des affaires concocté par les intéressés eux-mêmes). L’intellectuel de service doit user à fond de « l’humanitarisme-mode ». Il permet de tout justifier, y compris la guerre (« juste », évidemment) et la politique de force, selon les opportunités. Cela offre de la « dignité » aux pratiques les plus « voyous » !

Il doit convaincre que la démocratie se résume à la désignation élective des dirigeants soigneusement pré-sélectionnés par « l’élite » et que toute autre interprétation de ce système politique est d’inspiration marxiste, ce qui est jugé évidemment totalement dépassé.

Enfin et surtout, il doit pratiquer le culte de l’Entreprise, « source de toutes les richesses », agent vertueux de la concurrence « libre et non faussée », au service de l’intérêt général, en particulier des salariés.

Le discours dominant est ainsi globalement affabulateur ; il n’a qu’une visée tactique : séduire, faire diversion, faire patienter, diviser, rassembler, selon les circonstances. Il n’aide pas à comprendre. Il manipule. Il y réussit. Grâce à ses capacités à rebondir sans cesse en sachant prendre le vent.

Dans l’histoire contemporaine, la « pensée » conservatrice a été anti-républicaine avant d’être éminemment républicaine ; elle a été belliciste avant d’être pacifiste et collaborationniste (avec les nazis) puis interventionniste aujourd’hui ; elle a été férocement antisémite avant de devenir pro-israélienne et anti-arabe ; elle a été colonialiste puis promotrice du droit des peuples (contre l’URSS) mais anti-souverainiste (avec l’Europe).

Les néo-conservateurs et la social-démocratie d’aujourd’hui font mieux encore. Ils révèrent les États-Unis (surtout les « Sarkozistes » et les « Hollandais »), comme puissances tutélaires, championnes du renseignement contre leurs alliés ; ils dénoncent Daech, mais pactisent avec ses financiers (argent et pétrole obligent !) et ses inspirateurs (Arabie Saoudite, Qatar) ; ils transfigurent l’Europe des affaires en un vaste projet de paix et de prospérité (malgré ses 20 millions de chômeurs). Dans l’ordre interne, ils applaudissent Charlie et dans le même temps, licencient des humoristes et les journalistes « dangereux » de leurs médias ; ils donnent toujours raison au Médef et toujours tort à la CGT. Ils dénoncent le FN mais lui font une publicité constante. Ils sont pour la démocratie et les libertés, mais tout autant pour un « État fort », comme l’écrit Juppée, capable de les réduire ! Grâce au terrorisme imbécile, ils peuvent instrumentaliser la peur pour leur seul profit !

En dépit du simplisme chaotique de ces positions, les victoires idéologiques s’accumulent. Les dominants subissent parfois des défaites (comme celle du référendum sur le projet de « Constitution » européenne de 2005), mais elles sont rares. Pour les néo-socialo-conservateurs, perdre la guerre contre les dominés est impensable. Tout le jeu est de « s’arranger » entre soi et tous les moyens sont bons !

Le « modèle » étasunien s’impose, qui combine conformisme et diversité, esprit libéral (à New-York) et autoritarisme raciste (au Texas), laxisme et rigorisme, obscurantisme (avec les sectes) et culte de l’innovation, etc.

Les dominants, à quelques cas particuliers près, en réalité, ne font pas de politique ; ils font des affaires et ils font carrière. Il peuvent être tout à la fois, parce que tout ce qui ne relève pas de leur petit monde leur est indifférent:ils peuvent faire dans le « démocratisme » ou dans la violence et la torture (comme durant la guerre d’Algérie). Indifféremment.

Neuilly et le « tout Paris », mobilisés par la course à l’argent, par l’auto-congratulation permanente et les « renvois d’ascenseur » nécessaires, sont loin de toute réalité concrète qui fait le quotidien du plus grand nombre. Comme l’écrit Tomaso de Lampedusa, ils sont prêts à tout, la liberté ou le fascisme, afin que « tout change pour que rien ne change » d’essentiel : leur propre fortune et leur place dans la société.

Ils mêlent dans la société tous les archaïsmes mâtinés de pseudo-modernité : ils font la promotion du « risque » qu’ils ne courent pas, de la peur dont ils ont les moyens de se protéger, du refuge identitaire, dont ils se moquent par esprit cosmopolite, du repli sur la vie privée et l’individualisme, dont ils sont les seuls à pouvoir réellement jouir.

== Nul ne sait l’heure et les modalités de « l’atterrissage » de cette « France d’en-haut ». La prise de conscience de l’échec global de cette oligarchie est une perspective très vraisemblable, tant leur système est à la fois absurde, inéquitable et intellectuellement pitoyable. Mais, disposant de tous les moyens face à ceux qui n’ont pratiquement rien, les dominants peuvent encore prospérer un temps indéterminé, mais en usant de plus en plus de la force brutale. Dans l’attente active que les peuples tournent la page en se mettant au clair sur leur propre volonté, Victor Hugo revient en mémoire : « l’Histoire a pour égout des temps comme les nôtres ».

Janvier 2016
Robert Charvin
Source : Investig’Action

samedi 21 février 2015

Omerta sur la face cachée de notre mode de vie «moderne» / Omerta on the dark side of our "modern" lifestyle

Source : http://lesakerfrancophone.net/omerta-sur-la-face-cachee-de-notre-mode-de-vie-moderne/

Par Paul Matthews – Le 22 janvier 2015

ON EN PARLE: TÉMOIGNAGES

Nouveau chapitre de dissonance cognitive: quand bio rime avec nimbyism* et pensée unique [1]

*Néologisme construit sur l’acronyme anglais NIMBY [Not In My Backyard: pas dans mon arrière-cour], refus de voir installer des projets collectifs gênants dans son environnement proche, bien qu’utiles à la communauté.

«La plume est plus forte que l’épée» [2]

Connue depuis la Haute Antiquité, la sagesse de la maxime ci-dessus semble avoir échappé à Jean-Pierre Camo, directeur d’un mensuel gratuit – mais plein de publicité tapageuse – et disponible dans un assez grand nombre de magasins et points de vente des produits issus de l’agriculture biologique en France.

En effet le numéro 254 de Biocontact (février 2015) affiche sur sa couverture, l’auto-satisfaction d’une consommatrice plutôt bien nourrie en compagnie de l’omniprésent sigle des occidentaux va-t-en guerre – un Je suis Charlie – sur fond noir, à l’instar du drapeau d’un prétendu État islamique en Irak et Syrie.

Comme dans la quasi-totalité des tribunes des médias populaires, l’édito sur la page trois fait preuve d’un suivisme bien pensant exemplaire. Pourquoi cette poussée de culture politiquement correcte – du bla-bla-bla  – qui obscurcit une réalité géopolitique et la possibilité d’une guerre civile qui se trame en France? [3]

Alors que Philippe Val, Caroline Fourest et Fiametta Venner ont vendu le choc des civilisations à la gauche [sociétale, Note du Saker] [4], voici quelques perles d’analyse de ce billet de soutien inconditionnel à Charlie Hebdo …

«Une caricature a vocation de moquer, certes, mais aussi, d’un simple coup de crayon, de faire passer un message plus profond. Faisant fi des tabous [les croyances des autres, Note du Saker] Charlie détonne dans la grisaille médiatique ambiante dans laquelle baigne une presse trop conventionnelle, trop retenue. Quelle chance de vivre dans un pays où la presse d’opinion circule librement! C’est pourquoi Biocontact aussi est Charlie. Imaginez une dictature où la presse dite bio serait interdite en raison de ses prises de position subversives sur la santé et l’environnement […] Aujourd’hui la base citoyenne n’attend plus sa becquée comme un oisillon, elle réfléchit. […] Heureusement la presse alternative, dont Biocontact (depuis un quart de siècle en ce qui nous concerne), permet la diffusion d’informations à contre-courant de la pensée officielle…» CHARLIE, C’EST VOUS, C’EST NOUS.

Un slogan comme Je suis Charlie produit davantage du bruit que du sens. Mais ceux qui arborent une telle formule doivent l’assumer. Surtout si l’on revendique le statut d’une publication dite alternative. Or comme nous le montre la photo et l’article du Réseau Voltaire du 25 janvier 2015 [5], les 56 chefs d’État et de gouvernement rassemblés en marge de la manifestation du 11 janvier 2015 à Paris, dans une rue adjacente au cortège, ont posé devant les caméras avant de retourner chez eux. Cependant, sur la base de ces images, ils ont été présentés comme leaders d’une manifestation géante à laquelle ils ne se sont jamais joints en réalité. En plus de cette mise en scène, on est en droit de s’interroger sur l’émergence de l’immonde «Je suis Charlie»-business [6] et sur la rapidité avec laquelle ces millions de pancartes ont été imprimées, suivies de la marée de T-shirts, boutons, badges, bracelets, porte-bonheurs, bagues, tabliers etc.

La question posée est donc autant politico-médiatique que commerciale. Car par voie de récupération, les manifestants ce jour-là, en France notamment, cautionnaient – en leur sein et pour certains à leur insu – la présence virtuelle parmi eux d’un criminel de guerre en la personne du Premier ministre d’Israël.


Paris, dimanche 11 janvier 2015
Comme bien d’autres, Biocontact relaie de manière irréfléchie un message de conformisme inquiétant. Étant donné le besoin de respecter le travail de paysans tout à fait honorables et éthiques dans leur démarche, depuis quand l’agriculture biologique a-t-elle les comptes à rendre à un supposé consensus?


Doit-elle défendre l’axe du bien et vouer aux gémonies tous ceux qui refusent de s’aligner sur une fiction certifiée authentique par le chœur grec des bellicistes grand public? A ma connaissance nul n’a sondé la filière bio pour connaitre son opinion sur une position extrémiste qui semble vouloir dire malheur aux vaincus (vae victis). En outre tel serait l’avis de l’homme politique Daniel Cohn-Bendit [7], pour qui la provocation, la vraie, la seule acceptable à ses yeux, ce serait de taper sur ceux qui ont le pouvoir. L’humoriste Guy Bedos [8], quant à lui, n’est pas le seul à ne pas trouver drôle un Charlie Hebdo devenu le porte-étendard d’une liberté d’expression aussi bête que méchante et aussi nihiliste que despotique.

Les assassins takfiris – soutenus à leurs heures perdues par Israël, les USA, et d’autres pays de l’OTAN – dont la France et le Royaume Uni – et les monarchies du Golfe sont clairs dans leur volonté d’instaurer la charia et un califat dans le monde musulman. En même temps, quelle finalité faut-il attribuer à la complaisance autoritaire d’une partie des peuples européens incapables de renvoyer dos-à-dos l’action terroriste du 7 janvier 2015 à Paris et le véritable fonds de commerce d’un journal considéré sadique plutôt que satirique [9] par le politologue américain Norman Finkelstein? Lui-même fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie et des camps de concentration de Maidanek et d’Auschwitz, critique sans détour des incohérences de l’industrie médiatique française, il établit des parallèles entre ces images stéréotypées et dégradantes des musulmans et de leur prophète Mahomet publiées par Charlie Hebdo et les caricatures abjectes des juifs par le journal nazi Der Stürmer. Ce qui a valu a son directeur, Julius Streicher, d’être étranglé à mort par pendaison le 16 octobre 1946, après avoir été torturé, jugé et condamné à Nuremberg pour ses écrits antisémites [10].


Des détenus de Guantanamo au camp X-Ray, 11 janvier 2002
Non, je ne plaisante pas. Personne n’a le monopole de la souffrance. Nous sommes en droit de critiquer une proportion importante de la population française, contente de voir son gouvernement et ses médias semer l’islamophobie et la haine de l’Autre pour faire observer le respect tyrannique des valeurs occidentales destinées à humilier en priorité les musulmans. La raison? «Le dieu de la Raison étant le dieu de tous les dieux […] C’est sur cette base que les caricaturistes européens illuminés font, en jubilant, ces dessins [dont personne n’a noté le caractère scatologique systématique, Note du Saker] qui offensent rien de moins qu’un milliard et demi de personnes dans le monde.» [11]

Bientôt peut-être ce sera le tour des chrétiens orthodoxes, afin d’isoler encore plus la Russie depuis la chute de l’USSR [12] et l’éclatement de la Yougoslavie – planifié, lui-aussi, par les stratèges occidentaux? A-t-on vu ou entendu Monsieur le directeur de la publication Biocontact s’indigner devant l’un de ces massacres en série perpétrés et pilotés par Washington sous l’égide de l’Otan ? Pourquoi son journal n’a-t-il pas pris soin de condamner la dérive génocidaire israélienne? Le dernier bain de sang à Gaza faisant 2 147 morts côté palestinien, dont 500 enfants? Sans oublier les 13 journalistes tués au combat. [13] Quant à l’épuration ethnique pratiquée en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, que nenni. Idem les atrocités commises en masse au Donbass, où les pertes civiles et militaires, seraient respectivement de l’ordre de 5 000 et 50 000 selon les estimations. Avec, en rab, plus d’une dizaine de journalistes occis ou enlevés et torturés par les putschistes de Kiev. [14]

Pour les citoyens avertis, l’attaque meurtrière au 10 Rue Nicolas-Appert 75011 [adresse de Charlie Hebdo] est un retour de flamme ou un coup monté [15]. Afin d’accomplir deux choses: diviser pour mieux régner et préparer le terrain pour un Patriot Act à la française. En tout cas, le mépris flagrant du droit international ne sert pas le bien commun. Sous couvert des guerres humanitaires, l’Occident avec sa politique R2P (responsabilité de protéger), a créé un gadget juridique pour renverser, ou au moins contrôler, les gouvernements des nations riches en ressources. En réalité, la R2P signifie le droit de piller une planète de plus en plus exsangue.

Mens sana in corpore sano est une citation extraite de la dixième Satire de Juvénal. On la traduit ainsi: un esprit sain dans un corps sain. Si rien n’interdit aux Gentils [16] d’absorber des aliments conformes aux lois diététiques dites kascher, (c’est-à-dire aptes ou convenables à la consommation pour les croyants juifs et n’importe qui peut prendre goût à la cuisine, à la pensée et à la culture juive, sans le contexte religieux et le respect de son enseignement spirituel), l’exercice n’a pas beaucoup de sens.

De la même façon, une alimentation issue de l’agriculture biologique est capable de nourrir aussi bien les gens qui réfléchissent – donc qui seraient doués de sapience et de compassion – que les moutons de Panurge et nombrilistes de tout poil. Or, sous sa forme actuelle, le message colporté par Biocontact est plutôt fidèle aux préceptes de l’hasbara [17] cher à Bibi (alias Benyamin Netanyahou) et à ses acolytes peu recommandables. C’est-à-dire qu’une partie très importante de la vérité est cachée pour des raisons machiavéliques. Sans éthique au sens large, sans réaction de la part des citoyens avisés, le bio risque de devenir la propriété exclusive des Bobos friqués et qui, eux, se foutent de l’intérêt général, comme ils se gaussent de l’importance de disposer de médias non-alignés et d’une véritable liberté d’expression. [18]

Paul Matthews

Notes


Le Cardinal de Richelieu tenant une épée. Illustration de H. A. Ogden, 1892
[1] «Grâce surtout à Hollywood et aux émules d’un cinéma violent et crypto-fasciste caractérisé par des personnages joués souvent par Clint Eastwood, la dissonance cognitive et la culture du mensonge ne sont pas près de s’estomper … ».

L’État Profond : Un héroïsme cent pour cent americain? L’envers du décor Par Paul Matthews le 25 janvier 2015


[2] Ce proverbe ancien, repris par plusieurs personnages célèbres – dont Fray Antonio de Guevara, Shaikh Abu al-Fazal ibn Mubarak, William Shakespeare, Robert Burton, Thomas Jefferson et Napoléon Bonaparte – est attribué à l’origine au sage assyrien-araméen qui est le héros du Roman d’Ahiqar. Cette œuvre littéraire originaire de Mésopotamie antique  été rédigée en araméen aux environs du dernier siècle de l’empire assyrien, soit le VIIe siècle av. J.-C. Ahiqar est donc très connu dans les traditions de l’Antiquité proche-orientale, puisqu’il est mentionné dans des textes juifs et grecs antiques.

[3] Ce que prévoit l’armée française contre les banlieues en cas de risques de troubles, 11 janvier 2015.
Charlie Hebdo accélère la montée de l’islamophobie en France par Ramin Mazaheri – Le 11 février 2015 – Source Press TV
«Le spectacle de soldats lourdement armés au coin des rues et d’énormes mesures de sécurité nous dit qu’en échange de la liberté d’offenser tout le monde et n’importe qui – excepté les puissants – la France a conclu un marché de dupes et pactisé avec le diable». Marche du 11 janvier et conséquences ? Pacte avec le diable ou marché de dupes par Paul Matthews – le 21 janvier 2015

[4] Vendre le choc des civilisations à la gauche par Cédric Housez, 30 août 2005

[5] «Je suis Charlie» De quoi ont peur les politiques et les journalistes français? par Réseau Voltaire, 25 janvier 2015

[6] L’émergence d’un funeste business « Je suis Charlie » sur le Web Le Monde.fr, 09 janvier 2015

[7] Quand Cohn-Bendit qualifiait les dirigeants de Charlie Hebdo de cons et de masos, 8 Janvier 2015

[8] Guy Bedos tire à boulets rouges sur Charlie hebdo, 11 Octobre 2012
Guy Bedos : Les caricatures de Mahomet ne me semblaient pas être une urgence, 19 janvier 2015
Guy Bedos s’explique sur son Qu’ils crèvent à propos de Charlie Hebdo, 13 janvier 2015

[9] «Lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, ce qu’ils ont déclaré à propos des Amérindiens, c’est qu’ils étaient vraiment barbares, parce qu’ils marchaient tout nus. Les femmes européennes portaient alors trois couches de vêtements. Puis ils sont venus en Amérique du Nord et ont décrété que les Amérindiens étaient arriérés parce qu’ils marchaient tous nus. Et maintenant, nous marchons tout nus, et nous proclamons que les musulmans sont arriérés parce qu’ils portent tant de vêtements. Pouvez-vous imaginer quelque chose de plus barbare que cela ? Exclure les femmes qui portent le voile?» Faisant référence à l’interdiction du voile dans les emplois de service public français promulguée en 2004 Norman Finkelstein poursuit son analyse.

«La satire authentique est exercée soit contre nous-mêmes, afin d’amener notre communauté à réfléchir à deux fois à ses actes et à ses paroles, soit contre des personnes qui ont du pouvoir et des privilèges. [ … ] Mais lorsque des gens sont misérables et abattus, désespérés, sans ressources, et que vous vous moquez d’eux, lorsque vous vous moquez d’une personne sans-abri, ce n’est pas de la satire [ …] Ce n’est rien d’autre que du sadisme. Il y a une très grande différence entre la satire et le sadisme. Charlie Hebdo, c’est du sadisme. Ce n’est pas de la satire. La communauté désespérée et méprisée d’aujourd’hui, ce sont les musulmans, a-t-il déclaré, évoquant le grand nombre de pays musulmans en proie à la mort et à la destruction, comme c’est le cas en Syrie, en Irak, à Gaza, au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen». Norman Finkelstein : Charlie Hebdo n’est pas satirique, il est sadique.
Traduction des extraits en français par sayed7asan

[10] «Julius Streicher fut pendu par la technique du Short Drop (petite chute, provocant une mort par strangulation) plutôt que par la technique normale du Long Drop (grande chute, devant provoquer la rupture des vertèbres cervicales et donc la mort instantanée). On accusa le bourreau de l’armée américaine John C. Woods, anti-nazi viscéral, d’avoir intentionnellement saboté cette exécution. Ce dernier fut relevé de ses fonctions peu de temps après». http://fr.wikipedia.org/wiki/Julius_Streicher.

[11] Pourquoi Charlie Hebdo m’offense autant que les terroristes par Jiwan Kshetry, 15 janvier 2015

[12] One million Muslims and Orthodox Christians in the streets of Grozny, 20 janvier 2015

[13] «Le bilan est glaçant: en 50 jours, l’opération militaire israélienne sur Gaza, perpétrée entre le 8 juillet et le 26 août 2014, a tué 2101 Palestiniens dont 493 enfants, 253 femmes et 714 hommes civils, indique une infographie de l’AFP établie au 27 août à partir des chiffres de l’UNOCHA, le bureau de coordination pour les affaires humanitaires des Nations Unies». Le dernier bilan de la guerre à Gaza fait état de 500 enfants tués sur 2 100 victimes palestiniennes (INFOGRAPHIE), 29 juillet 2014
‘Mostly civilians’: Probe into Gaza homes strikes finds 60% of deaths non-militants 14 février 2015

[14] In the line of fire: Journalists killed and abducted in Eastern Ukraine 14 août 2014
Les néo-nazis ukrainiens entraînés par les États-Unis par Manlio Dinucci, 10 février 2015

[15] Un 11-Septembre français? Qui a commandité l’attentat contre Charlie Hebdo? Par Réseau Voltaire,  7 janvier 2015

Fiasco France: Lie to Me Once (updated) Posted by Gordon Duff,  11 janvier 2015

BBC News calls Charlie Hebdo a false flag … Posted by Kevin Barrett, 18 janvier 2015

[16] «Gentils, du latin Gentiles (les «nations»), est la traduction habituelle de l’hébreu Goyim, nations, qui finit par désigner les non-juifs. […] Dans la mythologie basque, les Gentils, Jentils ou jentilak étaient les peuples pré-chrétiens, qui auraient disparu avec l’apparition du christianisme selon la légende de Kixmi ...».http://fr.wikipedia.org/wiki/Gentils_(religion).

[17] Hasbara (סברה) est un mot hébreu qui signifie littéralement explication ou éclaircissement. Ce terme est utilisé par Israël et les groupes pro-israéliens pour désigner des opérations de communication et de propagande qui cherchent à défendre le point de vue et la politique de l’État d’Israël auprès de l’opinion publique internationale. Le ministère des Affaires étrangères israélien propose ainsi à la diaspora juive des cours en ligne de hasbara. (Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Hasbara).

[18] Peut-on aller vers un monde multipolaire malgré l’hégémonie dans les médias ? par Roberto Quaglia,11 février 2015

«Les États qui luttent contre l’impérialisme n’ont probablement pas suffisamment conscience de l’importance de disposer de médias non-alignés. Pourtant, à l’évidence, Russia Today, Press TV, TeleSur et al-Mayadeen défendent plus la liberté que ne peuvent le faire d’autres armes. Car c’est bien d’armes dont il s’agit. [… ] Il y a déjà quelques cas de médias non alignés d’excellente qualité et dont l’ambition est une audience globale; les plus connus sont Russia Today et Press TV. Mais tout cela n’est rien comparé à ce tsunami permanent audio et vidéo de tous les médias alignés qui se répand 24h sur 24 autour du globe. Russia Today prévoit d’ouvrir des chaines en français et en allemand. C’est un progrès, certes, mais loin d’être suffisant. Cela ne dérange pas vraiment les USA que des pays fassent du business sans eux, mais ils commencent à s’énerver quand ces pays utilisent une autre monnaie que le dollar pour leurs affaires, et ils deviennent vraiment fous de rage quand d’importants réseaux d’information non alignés apparaissent sur l’échiquier des médias. Ce qui est assez singulier, vu que la liberté de la presse est un point central de la mythologie moderne états-unienne. Mais toute source d’information non alignée sur les USA frappe de fait leur monopole sur la réalité. C’est la raison pour laquelle ils doivent absolument diaboliser leurs compétiteurs et les faire passer pour des antiaméricains, voire pire. Pourtant, bien souvent, les journalistes ou les réseaux d’information non alignés sont juste une réalité non états-unienne, et pas nécessairement antiaméricaine. Mais du point de vue des hégémonistes US, toute information non états-unienne est par définition antiaméricaine, puisque la persistance de leur Empire repose essentiellement sur leur monopole de la réalité perçue. Souvenez-vous de la phrase de Karl Rove ...» :

«Nous sommes un empire maintenant et, quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Pendant que vous étudiez cette réalité – judicieusement, comme vous le voudriez – nous pouvons également agir à nouveau, pour créer d’autres réalités nouvelles, que vous pouvez étudier aussi – et c’est comme ça que les choses vont se passer. Nous sommes les acteurs de l’histoir … Et vous, vous tous, vous serez laissés à vous contenter d’étudier ce que nous faisons.» Reality based community Karl Rove 2004.

USA, Europe, LuxLeaks : Le grand marché des inégalités 

dimanche 15 février 2015

Affaire Charlie. Nous sommes tous des hypocrites / Charlie fusses. We are all hypocrites

Source : http://www.les-crises.fr/nous-sommes-tous-des-hypocrites/
Auteur : Pacôme Thiellement
Date : 15/02/2014


Par Pacôme Thiellement, essayiste et réalisateur français
Bienvenue dans un monde de plomb
Nous sommes tous des hypocrites. C’est peut-être ça, ce que veut dire « Je suis Charlie ». Ça veut dire : nous sommes tous des hypocrites. Nous avons trouvé un événement qui nous permet d’expier plus de quarante ans d’écrasement politique, social, affectif, intellectuel des minorités pauvres d’origine étrangère, habitant en banlieue.
Marche citoyenne et républicaine
Nous sommes des hypocrites parce que nous prétendons que les terroristes se sont attaqués à la liberté d’expression, en tirant à la kalachnikov sur l’équipe deCharlie Hebdo, alors qu’en réalité, ils se sont attaqués à des bourgeois donneurs de leçon pleins de bonne conscience, c’est-à-dire des hypocrites, c’est-à-dire nous. Et à chaque fois qu’une explosion terroriste aura lieu, quand bien même la victime serait votre mari, votre épouse, votre fils, votre mère, et quelque soit le degré de votre chagrin et de votre révolte, pensez que ces attentats ne sont pas aveugles. La personne qui est visée, pas de doute, c’est bien nous. C’est-à-dire le type qui a cautionné la merde dans laquelle on tient une immense partie du globe depuis quarante ans. Et qui continue à la cautionner. Le diable rit de nous voir déplorer les phénomènes dont nous avons produits les causes.
À partir du moment où nous avons cru héroïque de cautionner les caricatures de Mahomet, nous avons signé notre arrêt de mort. Nous avons refusé d’admettre qu’en se foutant de la gueule du prophète, on humiliait les mecs d’ici qui y croyaient – c’est-à-dire essentiellement des pauvres, issus de l’immigration, sans débouchés, habitant dans des taudis de misère. Ce n’était pas leur croyance qu’il fallait attaquer, mais leurs conditions de vie. À partir de ce moment-là, seulement, nous aurions pu être, sinon crédibles, du moins audibles.
Pendant des années, nous avons, d’un côté, tenus la population maghrébine issue de l’immigration dans la misère crasse, pendant que, de l’autre, avec l’excuse d’exporter la démocratie, nous avons attaqué l’Irak, la Libye, la Syrie dans l’espoir de récupérer leurs richesses, permettant à des bandes organisées d’y prospérer, de créer ces groupes armés dans le style de Al Quaïda ou de Daesch, et, in fine, de financer les exécutions terroristes que nous déplorons aujourd’hui. Et au milieu de ça, pour se détendre, qu’est-ce qu’on faisait ? On se foutait de la gueule de Mahomet.
Il n’y avait pas besoin d’être bien malin pour se douter que, plus on allait continuer dans cette voie, plus on risquait de se faire tuer par un ou deux mecs qui s’organiseraient. Sur les millions qui, à tort ou à raison, se sentaient visés, il y en aurait forcément un ou deux qui craqueraient. Ils ont craqué. Ils sont allés « venger le prophète ». Mais en réalité, en « vengeant le prophète », ils nous ont surtout fait savoir que le monde qu’on leur proposait leur semblait bien pourri.
Nous ne sommes pas tués par des vieux, des chefs, des gouvernements ou des états. Nous sommes tués par nos enfants. Nous sommes tués par la dernière génération d’enfants que produit le capitalisme occidental. Et certains de ces enfants ne se contentent pas, comme ceux des générations précédentes, de choisir entre nettoyer nos chiottes ou dealer notre coke. Certains de ces enfants ont décidé de nous rayer de la carte, nous : les connards qui chient à la gueule de leur pauvreté et de leurs croyances.
Nous sommes morts, mais ce n’est rien par rapport à ceux qui viennent. C’est pour ceux qui viennent qu’il faut être tristes, surtout. Eux, nous les avons mis dans la prison du Temps : une époque qui sera de plus en plus étroitement surveillée et attaquée, un monde qui se partagera, comme l’Amérique de Bush, et pire que l’Amérique de Bush, entre terrorisme et opérations de police, entre des gosses qui se font tuer, et des flics qui déboulent après pour regarder le résultat.
Alors oui, nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les victimes d’un storytelling dégueulasse, destiné à diviser les pauvres entre eux sous l’œil des ordures qui nous gouvernent. Nous sommes tous des somnambules dans le cauchemar néo-conservateur destiné à préserver les privilèges des plus riches et accroître la misère et la domesticité des pauvres. Nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les auteurs de cette parade sordide. Bienvenue dans un monde de plomb.
Source : Les Mots Sont Importants, 13/01/2015

vendredi 13 février 2015

Affaire Charlie. La prise en otage des enseignants ou l’instrumentalisation de l’école publique / Charlie fusses. The taken hostage of the teachers or the instrumentalization of the public school


Auteur : Saïd Bouamama
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Date : 30 janvier 2015

Source : http://michelcollon.info/La-prise-en-otage-des-enseignants.html

Il est fréquent d’imputer à l’école publique la réparation des dégâts que les politiques économiques libérales produisent. Plus de trois décennies de paupérisation, de précarisation, de destruction des services publics, ont eu des effets catastrophiques sur la vie quotidienne des classes populaires (et plus récemment sur celui des couches moyennes). Et l’on voudrait dans ce contexte que l’école puisse être un « sanctuaire » protégé des bruits et nuisances d’un environnement social en crise multiforme.

Les orientations que le gouvernement vient d’adopter comme conclusion de son analyse sur les attentats meurtriers qui ont endeuillé notre pays ajoutent de nouvelles responsabilités et tâches aux enseignants. Ils ne sont plus seulement responsables de l’échec, du décrochage scolaire et du chômage par la préparation insuffisante au marché de l’emploi, mais également d’une citoyenneté et d’un civisme « insuffisant » des élèves, d’un apprentissage défaillant de la « laïcité », de la méconnaissance des « principes républicains » et de l’irrespect des symboles nationaux, notamment.

Minute de silence ou l’injonction à s’émouvoir sur commande

Le jeudi 8 janvier, tous les établissements scolaires étaient appelés à organiser une minute de silence. Le jeudi 15 janvier, j’animais une journée de réflexion avec un groupe de mères de familles de la ville de Blancs Mesnil. L’affluence était plus importante que d’habitude et la minute de silence fut bien sûr abordée. Ce sont d’abord les mères ayant des enfants en maternelle qui ont exprimé leur incompréhension, leur sidération et leur colère. L’organisation d’une minute de silence était facultative pour les maternelles et obligatoire pour les collèges et les lycées. Le contexte national, l’instrumentalisation politique de l’émotion, la surabondance d’images médiatiques, les discours sur la responsabilité de l’école, ont poussé de nombreuses sections maternelles à mettre en place ce moment de « recueillement ». « Mon petit est rentré en disant qu’il a dû rester longtemps sans parler », « Le mien m’a demandé si les fous allaient encore tirer sur des innocents », « Il m’a dit avec une mine triste que Charlie était mort », « A moi elle a dit que des messieurs tuent les enfants et que c’est pour ça qu’on est triste », etc. Heureusement, de nombreux enseignants de maternelle ont eu des réactions plus appropriées à l’âge de leurs élèves :

« Mais quand les enfants ont entre 2 ans et demi et 6 ans, que faire ? Que dire ? Quelle attitude adopter ? Sont-ils trop jeunes pour entendre ce qu’il s’est passé ? C’est ce que pensent six des huit directeurs et directrices d’école maternelle que Le HuffPost a contactés ce jour à Paris, Marseille, Reims et Lyon. Tous sont touchés par les événements de la veille et prennent très à cœur cette demande du Président de la République, même s’ils ne vont pas pouvoir y répondre. "Ils sont trop petits vous savez", confirme la directrice d’une école maternelle du 13e arrondissement de Paris. "La minute de silence, nous allons l’organiser mais entre adultes, nous nous réunirons dans la salle des maîtres dans la journée." Même avis à Reims, où l’enseignante de petite section que nous interrogeons assure, "en tant qu’adulte, on diffère cette minute de silence à ce soir pendant notre réunion pédagogique, mais avec les enfants, ce n’est pas possible, ils sont trop petits ». (1)

Il ne s’agit pas, bien entendu, de considérer nos petits enfants comme coupés de la société et des drames de la vie sociale. Les bruits du monde leur parviennent, surtout avec la place qu’a pris la télévision dans le quotidien de nombreuses familles. Ils sont percutés par les images aussi nombreuses qu’inutiles quand survient une catastrophe ou un attentat. Ils sentent et absorbent la peur, l’angoisse, l’indignation des adultes qui les entourent. Le besoin de l’enfant est dans ce contexte d’avoir des adultes disponibles pour répondre aux inquiétudes, au besoin éventuel de parler, aux interrogations parfois difficiles à formuler. Exactement l’inverse d’une minute de silence. Voici ce qu’en pense l’association nantaise de psychologues et psychomotriciens des « Pâtes au Beurre » :

« L’enfant n’est pas un adulte en miniature mais un adulte en devenir et ses capacités d’assimilation sont différentes des adultes". Pour exemple un enfant de classe maternelle n’est pas en mesure de rendre hommage par une minute de silence : le silence c’est l’immobilité, l’absence de liens verbaux et c’est très anxiogène pour un jeune enfant ; de même de nombreux enfants d’âge primaire témoignent à la TV « que des gens ont été tués parce qu’ils dessinaient ». Il est important de se rappeler que l’expression privilégiée des enfants c’est le dessin, un langage à part entière qui soutient leur pensée et accompagne l’expression de leur vie intime. Qu’ils puissent penser que dessiner tue n’est pas constructif . » (2)

A partir des classes de primaire la minute de silence est obligatoire et prend donc la signification d’une injonction à s’émouvoir sur commande. La réaction de nombreux élèves était prévisible. Il faut vraiment être coupé des milieux populaires pour être surpris des centaines d’insubordinations qui ont eu lieu. Ce que les médias et les hommes politiques ont rapidement qualifié de « dérapages » est en fait l’agglomérat de plusieurs éléments : des provocations liées à l’âge des élèves, des réactions à une injonction, le refus d’une soumission, des élèves qui « ne se sentent pas Charlie », d’autres qui estiment que l’indignation est à géométrie variable, notamment. La seule réponse pédagogique possible à ces points de vue divergents est le débat contradictoire, l’argumentation, la réponse aux méconnaissances qui se révèlent... En lieu et place de quoi, la ministre de l’éducation nationale déclare :

« Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les "Oui je soutiens Charlie, mais", les "deux poids, deux mesures", les "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ?" Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs . » (3)

L’obligation de se taire, de ne pas se questionner, de ne pas dire ce que l’on pense, etc., comme méthode pour défendre la liberté d’expression, telle est l’orientation pédagogique de notre ministre. Cela ressemble beaucoup plus à une discipline militaire qu’à une démarche pédagogique. Une telle approche est une véritable prise en otage des enseignants surtout quand elle s’accompagne de mesures de répression contre les élèves qui ont exprimé une autre opinion que celle décrétée par la ministre. L’encouragement à la délation de la ministre suivi de poursuites en justice d’enfants et d’adolescents pour « apologie du terrorisme » renforce le décalage entre les enseignants et les élèves, déjà trop important du fait de nombreux facteurs.

La relation de confiance entre l’école et les classes populaires n’est pas une donnée acquise une fois pour toute. Elle a été ces dernières années fragilisée par l’inégalité sociale et les discriminations que reproduit notre système scolaire. Elle a été ébranlée par le culturalisme de nombreuses explications sur l’échec scolaire des enfants (du débat sur la soi-disant démission des parents (4) à celui sur les facteurs culturels de l’échec ) (5) qui sonne pour les parents comme une insulte et une mise en indignité. La loi sur le foulard de 2004 et les débats qui l’ont accompagnée a creusé encore plus fortement le fossé. Le simple fait que de nombreux parents aient pu prêter l’oreille aux délires de la soralienne Farida Belghoul lors de la journée de retrait scolaire en janvier 2014 est un analyseur de la distance grandissante entre enseignants et une partie des classes populaires. Voici ce qu’en disait la sociologue Nacira Guénif Souilamas :

« Depuis des années, il existe de la part de certains parents migrants une méfiance envers l’école. Cette institution ne leur semble faite ni pour eux, ni pour leurs enfants. Beaucoup ont un parcours scolaire fait d’échecs : mauvaises notes, incompréhension de ce qu’on attend d’eux. Stéréotypes sur leurs enfants forcément différents, orientation précoce vers des filières sans avenir,... Les malentendus peuvent être multiples. C’est une défiance qui s’est jouée dans le temps : ces histoires scolaires à répétition qui s’échangent entre familles ont largement affaibli l’image de l’école dans les familles migrantes . » (6)

La répression actuelle des « dérapages » suscite d’ores et déjà un nouveau sentiment d’injustice, y compris auprès des élèves qui ont accepté la minute de silence ou qui « ont été Charlie » mais qui ne comprennent pas ce qui arrive à leurs petits camarades. Un enfant de 8 ans a ainsi été convoqué par les services de police pour « apologie du terrorisme » sur dénonciation et plainte du directeur d’une école de Nice . (7) La ministre de l’éducation ne trouve rien de mieux que de féliciter le directeur et l’équipe enseignante à l’origine de la délation : "Je le dis avec force, non seulement cette équipe a bien fait de se comporter ainsi, mais son travail de suivi, et pédagogique et social, est une œuvre utile et je l’en remercie ". (8) Si le record d’âge est ici battu, les cas se comptent par dizaines pour les adolescents. Le gouvernement a beaucoup parlé de guerre ces dernières semaines, il s’agissait en fait d’une guerre contre nos enfants, dans laquelle on veut transformer les enseignants en supplétifs.

En mettant les enseignants en porte à faux vis-à-vis de leurs élèves, en encourageant la délation, la ministre et le gouvernement qu’elle représente, brisent la relation de confiance nécessaire à la relation pédagogique. Comment être légitime demain dans la prétention à éduquer à l’esprit critique ? Comment susciter une parole avec une telle expérience de négation de la subjectivité des élèves ? Comment parler de citoyenneté et prétendre l’enseigner avec un tel déni ? Discipline militaire ou relation pédagogique : il faut choisir.

L’instrumentalisation des enseignants

De même qu’il y a eu instrumentalisation de l’émotion suscitée par les attentats, il y a aujourd’hui instrumentalisation des « dérapages » lors de la minute de silence, pour imposer un contrôle social et idéologique des élèves. Les mesures rendues publiques le 22 janvier 2015 dans le cadre de la « Grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République » sont significatives de ce contrôle souhaité. On y retrouve pêle-mêle : « renforcer la transmission des valeurs de la République » (mesure 1) ; « rétablir l’autorité des maîtres et les rites républicains » (mesure 2) ; « un nouvel enseignement moral et civique » servant de base à un « parcours citoyen » (mesure 3) ; etc. (9)

Au-delà de chacune des mesures, l’implicite de l’ensemble du document est idéaliste. Il ne s’agit pas de s’attaquer aux causes matérielles de l’échec scolaire et du désespoir d’une partie de notre jeunesse, mais d’inculquer les visions dominantes de la laïcité, de la citoyenneté, de la discipline, entre autres. Nous sommes en plein comportementalisme, cette approche pédagogique basée sur le couple « stimulus-réponse », impliquant une forme de conditionnement et de dressage, où la place de l’élève peut se résumer comme suit :

« L’apprenant, quant à lui, reste encore passif, mais en s’efforçant tout de même de déduire quels comportements sont attendus et souhaitables, ou pas, de sa part… En pareil cas, il s’agit surtout pour lui de démontrer « qu’il a bien compris les consignes » . » (10)

Il s’agit donc de « transmettre les valeurs de la république » comme si elles n’étaient pas polysémiques. Transmettre la valeur « liberté » ? : celle de la classe dominante ne reconnaissant pas de limites à la liberté d’entreprendre et d’exploiter comme nous le rappelle une nouvelle fois la loi Macron ou celle des classes populaires luttant pour que la liberté se traduise en droits concrets pour tous ?

Transmettre la valeur « égalité » : celle de la classe dominante la limitant à l’égalité devant le vote ou celle des classes populaires étendant l’égalité à toutes les sphères de la vie sociale ? L’égalité des chances des dominants ou l’égalité des conditions des classes populaires ?

Transmettre la valeur « fraternité » : celle de la classe dominante appelant à la fraternité entre l’exploiteur et l’exploité ou celle des classes populaires appelant à une fraternité s’incarnant dans l’organisation sociale (retraite par répartition, assurance maladie universelle, etc.) ?

Quant à la laïcité, on peut s’attendre au pire lorsque l’on a en tête la sur-idéologisation dont elle a été l’objet depuis au moins la loi d’interdiction du foulard à l’école en 2004. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la nécessité de débattre des valeurs politiques au sein de notre école, mais bien de distinguer le débat de l’inculcation, l’approche contradictoire du dressage, l’incitation à la réflexion de l’endoctrinement.

Les enseignants n’ont décidemment rien à gagner aux nouveaux rôles que l’on veut leur faire jouer. L’absence de réactions des grandes organisations syndicales à cette mobilisation ministérielle est plus qu’inquiétante. Il est urgent qu’elles se démarquent de l’image de l’enseignant garde-chiourme que le gouvernement veut imposer.

L’explicite répressif

La grande mobilisation ministérielle ne se contente pas de poser des objectifs. Elle impose également des éléments de méthode : « compréhension et célébration des rites républicains et des symboles de la république (hymne national, drapeau, devise) » (mesure 2), « règles de civilité et de politesse, mais aussi la Charte de la Laïcité seront expliquées aux élèves et à leurs parents » (mesure 2), etc. Nous ne sommes pas loin d’une nouvelle mission civilisatrice des élèves et de leurs parents confiée aux enseignants. Vis-à-vis des récalcitrants, il est prévu de généraliser le fichage et la répression, expérimentés à propos de la minute de silence :

« Tout comportement mettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité du maître fera l’objet d’un signalement systématique au directeur d’école ou au chef d’établissement, d’un dialogue éducatif associant les parents d’élèves et, le cas échéant, d’une sanction. Aucun incident ne sera laissé sans suite . » (11)

Le résultat poursuivi par une telle conception de l’enseignement et de l’enseignant, utilisant comme méthode la moralisation, la délation et la répression, est la production d’un citoyen obéissant, soumis, acceptant son sort et se mettant au service de son Etat. Le programme de Najat Vallaud-Belkacem n’est pas sans rappeler celui d’un des pères de l’école publique François Guizot qui décrivait les instituteurs comme suit en 1883 : « La foi dans la Providence, la sainteté du devoir, la soumission à l’autorité paternelle, le respect dû aux lois, au prince, aux droits de tous, tels sont les sentiments que l’instituteur s’attachera à développer ». Bien sûr pour mener à bien une telle mission, l’instituteur doit lui-même être obéissant : « Les devoirs de l’instituteur envers l’autorité sont plus clairs encore et non moins importants. Il est lui-même une autorité dans la commune ; comment donc donnerait-il l’exemple de l’insubordination ? Comment ne respecterait-il pas les magistrats municipaux, l’autorité religieuse, les pouvoirs légaux qui maintiennent la sécurité publique ?  ». (12) Simplifions : un bon élève comme un bon enseignant obéit et respecte la hiérarchie sociale.

La troisième république, une fois sortie de la frayeur que lui a causée la commune de Paris, ne fera que « laïciser » l’exigence de soumission en la complétant par un nationalisme belliqueux contre « l’ennemi allemand » et un colonialisme « civilisateur ». Il est vrai qu’aujourd’hui encore les guerres dans lesquelles est engagée la France appellent une société d’ordre, une restriction des libertés et une discipline de caserne. Il n’est pas étonnant dans ce cadre que le programme du gouvernement rappelle la troisième république : chauvine, colonialiste et moraliste.

Notes :
1. Sandra Lorenzo, Minute de silence : dans les maternelles, la consigne embarrasse de nombreux directeurs d’école, HuffPost, 8 janvier 2015.
2. Charlie Hebdo. Après le choc, trois soirées pour en parler avec des psys, http://lespatesaubeurre.blogspot.fr/, consulté le 28 Janvier 2015 à 21 h 58.
3.Najat Vallaud-Belkacem, questions au gouvernement du 14 Janvier 2015, http://www.dailymotion.com/video/x2..., consulté le 28 Janvier à 22 h 56.
4. Benoît Falaize, Elsa Bouteville, L’essentiel du prof d’école, L’Etudiant et éditions Didier, Paris, 2011.
5. Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Paris, Éditions du Seuil, 2010.
6. Nacira Guénif Souilamas, Le monde du 30 janvier 2014. 7. Libération du 28 Janvier 2015.
8. Libération du 29 janvier 2015.
9. Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, http://cache.media.education.gouv.f..., consulté le 29 janvier 2015 à 19 h 34.
10. Bernard Lamailloux, Construire et animer une session de formation, Dunod, Paris, 2014.
11. Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République (mesure 2).
12. François Guizot, Lettre aux instituteurs primaires, 28 juin 1883, http://www.lalettredesparents.com/s..., consulté le 29 janvier à 23 h 22.
Source : Investig’Action

lundi 12 janvier 2015

Affaire Charlie : Pas d'unité nationale, avec aucun fauteur de guerre / Charlie fusses: no national unity, with no warmonger

jan102015


Source : http://www.les-oc.info/2015/01/pas-dunite-nationale-avec-aucun-fauteur-de-guerre/

Au-delà de l’émotion suscitée par cette horrible assassinat, nos pensées vont d’abord vers les parents et amis des victimes, dont beaucoup furent des compagnons de luttes et de résistance contre cette société mortifère.
Cet attentat renoue avec les méthodes fascistes de la terreur, en niant le droit à l’existence et à l’opinion de l’autre. Nous devons combattre toutes les formes de violences totalitaires, qu’elles soient d’origine religieuses, politiques, militaires ou étatiques .
Car les buts de ces politiques de terreur sont clairs : restreindre la liberté d’expression, dresser les communautés les unes contre les autres, dans une prétendue « guerre de civilisation ».
Comment d’ailleurs ignorer que l’une des causes de la radicalisation de certains jeunes, c’est la politique néo-colonisatrice des pays occidentaux, qui, en provoquant des conflits armés pour conforter leur approvisionnement en matières premières et énergies fossiles, suscite une réaction de haine contre l’injustice qui frappent les peuples dominés. Conflits qui permettent à notre industrie de l’armement de conserver son leadership.
L’abandon de cette jeunesse dans des quartiers ghetto où seuls les prédicateurs ont encore une présence, alors que l’ensemble des services publics a déserté (ainsi que les militants !), ne peut que renforcer ce sentiment de révolte .
La haine n’est pas défendable, la démocratie, si !
Faisons attention que les communautés musulmanes ne deviennent pas les prochaines victimes de cette « unité nationale » guerrière. Nous devons au contraire mettre en évidence les responsabilités de nos gouvernements et non pas défiler derrière leurs chefs de file, comme s’ils n’avaient aucune responsabilité dans la situation actuelle.
Pour défendre une presse libre et indépendante, les Objecteurs de Croissance réaffirment que ce n’est pas d’unité dont nous avons besoin mais de la diversité culturelle et cultuelle des communautés sur notre territoire. Il ne faut ni stigmatiser les populations immigrées, ni laisser les fascistes installer la terreur dans ces populations, ni laisser nos états renforcer leur arsenal répressif ou criminaliser des mouvements sociaux.
Nous faisons nôtre la déclaration de Fabian Stang, maire d’Oslo, après la tuerie de l’Île Utøya perpétrée par le néo-nazi Anders Breivik en 2011 (69 morts parmi les jeunesses socialistes norvégiennes) : « Nous allons punir le coupable. La punition, ce sera plus de générosité, plus de tolérance, plus de démocratie. »
La coopérative du MOC (Mouvement des Objecteurs de Croissance)

 Une commentaire à “Pas d’unité nationale, avec aucun fauteur de guerre”

  1. Communiqué d’une partie d’IdF décroissance :
    « Quand on a vendu son âme au Qatar et à l’Arabie Saoudite, qu’on ne s’étonne pas d’en payer le prix. » Roland Jaccard
    « L’unité nationale » n’a jamais servi qu’à faire la guerre, masquer les antagonismes sociaux et préparer une société aux ordres. Et l’on entend déjà Valérie Pécresse, et des socialistes qui veulent un équivalent français du « patriot act » américain !
    Mais les antiproductivistes que sont les décroissants n’ont pas à marcher au pas.
    Nous n’avons rien à faire dans un cortège derrière le PS, l’UMP, derrière des partis
    libéraux, à la solde des Banques, de la Grande Distribution, des Multinationales et des lobbies
    financiers. Le Parti socialiste, la « gauche française », fait du sociétal et a abandonné l’analyse de la société et la question des rapports de pouvoir et d’argent. Cette gauche vend la France en pièces aux pays de l’OPEP : voir le Qatar et l’Arabie Saoudite et leurs connexions en France.
    Nous n’avons rien à faire dans un cortège derrière Merkel, Hollande, qui sais-je encore ?
    Car la Décroissance politique ne veut pas de leur monde.
    Respect pour les morts, pour Cabu, Wolinski et les autres, hommes et femme (je pense aussi
    à Elsa Cayat, dont on a peu parlé) pétris de talent et d’esprit.
    Morts pour la liberté de conscience et la liberté de la presse que nous défendons. Morts d’avoir été dépassés par ce qu’ils avaient déclenché. Mais morts debout, en combattants de la Liberté.
    La liberté d’une presse réellement indépendante, hors du pouvoir de l’argent : on sait que « Charlie » avait des problèmes de trésorerie…
    Mais rappelons – pour mémoire- les dernières orientations éditoriales de « Charlie », surtout depuis
    le passage de Philippe Val dans ce journal libéral-libertaire : une orientation de plus en plus
    pro-israëlienne, à la solde de l’OTAN, et avec des dessins malheureux quand des musulmans furent assassinés en Egypte.
    Respect pour les morts, oui, trois fois oui à la liberté de la presse, et résistance face à cette connerie monstrueuse qu’est l’intégrisme islamique.
    Mais nous, Décroissants, ne devons pas nous laisser entraîner par un émotionnel qui va redonner un crédit à un pouvoir politique qui n’en a plus, qui va justifier de nouveaux moyens pour une guerre ou pour plus de sécurité intérieure, suite à une politique internationale à la remorque de l’OTAN : la déstabilisation d’Etats-nations (comme la Libye ou l’Irak), Etats qui s’opposaient au dépeçage de l’Afrique par les Occidentaux, la déstabilisation d’Etats-Nations qui restaient le meilleur rempart contre l’islamisme. Et l’on sait par exemple que les islamistes se sont servis dans le stock d’armes de la Libye massacrée par l’OTAN et les forces françaises.
    La France paye ce qu’elle a semé. Ce qu’elle a semé, pour des matières premières, de l’énergie, pour
    rester dans la course à la croissance. Cette croissance qui ne reviendra pas.
    Nous n’irons pas à cette grande mascarade demain, mais nous irons, comme nous le pourrons, rendre hommage aux morts de « Charlie ». Du reste, nous étions déjà, dès le premier soir, Place
    de la République.
    Michel Culus. Christian Ghiotti Objecteurs de Croissance. Candidats aux dernières européennes sur la liste « IdF décroissance »