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samedi 9 juillet 2022

La cause nucléaire du pont de Kerch

 • Brusquement, la menace d’un affrontement grave impliquant la Russie directement et, indirectement les USA, se fait jour à propos du pont de Kerch (entre la Crimée russe et la Russie continentale). • On parle de menaces d’attaque contre ce pont, qui serait un véritable casus belli pour la Russie. • Le Pentagone, contrairement à son attitude antérieure, serait plutôt offensif et ne cherche pas à freiner les Ukrainiens. • Il s’agit pour beaucoup du reflet d’une situation américaniste et de l’administration Biden bien difficile... • Contributions : dedefensa.org et WSWS.org.

Dans la crise Ukrisis, l’attention des options et hypothèses stratégiques, et éventuellement stratégiques à risque nucléaire, se déplace vers le pont de Kertch, ce pont construit entre la Crimée et la Russie continentale après l’intégration de la Crimée à la Russie en 2014. Le risque d’une extension majeure du conflit jusqu’à la possibilité du nucléaire ne suit pas nécessairement l’évolution de la situation sur le terrain, ou bien la suit inversement à un sens que certains croiraient être proche du terme du conflit en faveur des Russes (plus la situation sur le terrain devient difficile pour le bloc-BAO, ou OTAN-Ukraine, plus le nuage devient menaçant). Quoi qu’il en soit, cette menace s’est renouvelée alors que les Russes bouclent la reconquête du Donbass ; elle est passée assez brutalement, du Nord au Sud, de la Baltique à la Mer Noire.

• Hier (disons, il y a deux semaines), c’était l’exclave de Kaliningrad qui constituait un risque majeur d’extension brutale du conflit vers une dimension continentale avec un sérieux risque nucléaire. Il s’est avéré que la Lituanie se trouvait extrêmement isolée dans sa tentative d’exercer une pression maximale sur la Russie, ni les USA ni l’UE, ni même vraiment la Pologne qui avait bien lu les consignes, ne l’ayant soutenue dans ses exigences maximalistes.

• Aujourd’hui, se font voir et lire les signes que la possibilité d’une gravité au niveau supérieur du conflit est passé au pont de Kersh, entre la Crimée qui est un territoire russe pour Poutine et tous les Russes (et les Criméens, bien sûr), et la Russie continentale. Il y a d’abord une intervention de celui qui est sans doute le plus médiocrement inepte de tous les SACEUR de l’OTAN, le général Breedlove, qui est à 50-80 degrés de QI en-dessous, de gens comme les généraux Norstad, Goodpaster, Rogers, voire Haig, sans compter les trois premiers, les grands anciens que furent Eisenhower, Ridgway et Gruenther. Breedlove est un redoutable combattant de la communication qui méprise les Russes en Ukraine selon les conceptions zeleskiennes, après avoir avoué être complètement déculottés par eux en 2014, en Crimée justement :

« “Nous avons assisté à l'exécution de plusieurs exercices rapides au cours desquels de grandes formations de forces ont été mises en état d'alerte et se sont exercées, puis se sont retirées”, a déclaré [Breedlove]. “Et puis soudain... boum-boum, les voilà en Crimée... avec une force hautement prête, hautement préparée”, a-t-il ajouté. [...]

» “Le général a déclaré qu'il était clair que la Russie avait considérablement amélioré ses capacités depuis la guerre de 2008 en Géorgie. “L'incursion de la Russie en Géorgie [...] n'a probablement pas été la plus douce”, a-t-il déclaré. “À titre de comparaison, l'incursion en Crimée s'est déroulée comme une horloge, en commençant par une déconnexion presque complète des forces de Crimée de leur commandement et de leur contrôle via le brouillage et les cyberattaques, puis un enveloppement complet par les forces russes à l'intérieur de la Crimée.” »

Aujourd’hui, changement complet chez Breedlove. Il recommande d’attaquer le pont de Kerch, qu’il considère comme une “cible légitime”. L’idée d’employer des missiles anti-navires ‘Harpoon’, livrés en nombre limité par le Danemark, pour accomplir cette mission nous semble problématique quant à la puissance destructive, mais après tout Breedlove est de l’USAF et il n’engage par la capacité d’un système d’arme de son service.

« “Le pont Kerch est une cible légitime”, a déclaré Breedlove. “Cela ne me surprend pas du tout que les Russes soient préoccupés par le pont Kerch. Il est incroyablement important pour eux.”

» Maintenant que l'Occident a donné à l'Ukraine des missiles Harpoon, je pense que les Russes ont toutes les raisons de s'inquiéter que l'Ukraine lance une attaque sur le pont. »

Mais Breedlove n’est qu’un hors d’œuvre, auquel on peut rajouter l’arrestation à Hambourg, de deux soldats allemands faisant partie d’un groupe de douze irréguliers qui planifiait une opération clandestine de sabotage du pont de Kerch. Ce qui importe, c’est la réponse lapidaire en apparence, circonstanciée dans la forme indirecte, du porte-parole du Pentagone qui répondait à la question portant justement sur la suggestion de Breedlove : une attaque contre le pont de Kerch est-il ou non exclu pour l’emploi d’armes US fournies à l’Ukraine, en tant que “cible potentielle” ? La réponse en termes pesée, est implicitement positive puisque, pour les USA, la Crimée reste ukrainienne et par conséquent le pont de Kerch l’est, – disons au moins pour moitié ? Aussi, le porte-parole, qui n’est plus l’amiral Kirby, nous dit-il :

« À ma connaissance, il n'y a pas de préclusions concernant les Ukrainiens qui se battent sur leur territoire souverain contre la Russie. »

Le reste de la longue intervention du porte-parole apparaît comme une confirmation indirecte mais appuyée de la déclaration de Stoltenberg selon laquelle l’OTAN, et essentiellement les USA, préparent l’Ukraine pour la guerre depuis « 2015 – oui, 2015  »

Le site trotskiste WSWS.org rapporte aujourd’hui en détail cette séquence, – pour une fois très précis, informatif et incisif, à la différence de la couverture communication décevante d’Ukrisis de ce site, depuis le début des opérations. Il ne fait guère de doute, selon ces déclarations du porte-parole du Pentagone, que le Pentagone justement semble avoir nettement évolué, d’une position très retenue, très prudente sinon hostile à des opérations ukrainiennes défiant la Russie, à une position beaucoup plus offensive. Cela n’est pas exactement affichée, mais cela est implicitement évident, Breedlove ne serait dans ce cas que comme porte-voix et “influenceur” missionné de l’attention de la presseSystème vers une telle possibilité d’attaque, permettant aux militaires US de ne pas repousser cette possibilité sans prendre trop de risque d’une communication trop précise à cet égard..

Or, comme l’explique WSWS.org, une telle opération porte toutes les possibilités d’une extension dramatique du conflit vers un affrontement direct avec la Russie, et avec une possibilité très sérieuse d’un affrontement avec les USA, et de l’usage du nucléaire. WSWS.org rappelle opportunément qu’en avril-mai, la politique officielle US, le Pentagone bien entendu mais aussi le téléprompteur de Biden lui-même, rejetait la possibilité de l’emploi par les Ukrainiens d’armes US vers le territoire russe. Depuis, cette possibilité a été à l’une ou l’autre occasion écornée, notamment lors de tirs de roquettes tirées de systèmes US HIMAT en territoire russe. Mais le pont de Kerch, c’est bien autre chose, beaucoup plus grave, une inévitable “ligne rouge” pour la Russie, qui mettra Poutine dans l’obligation de riposter à mesure.

Quelle est la cause de cette évolution ? WSWS.org conclut par cette observation :

« Le fait que le Pentagone ait publiquement refusé d'exclure une telle action montre clairement l’imprudence et le désespoir absolus qui guident les décideurs américains. »

Cela nous paraît correspondre à une réalité et résumer l’impasse de ce conflit. Dès lors que, d’une façon ou l’autre, il s’agit d’un affrontement entre les USA et la Russie, aucun des deux ne voudra céder contre l’autre. Le durcissement du Pentagone apparaît donc logiquement suscité par les succès russes sur le terrain, en Ukraine, impliquant une possible défaite du camp où ils sont eux-mêmes engagés. Le Pentagone nous rassure : « S’il le faut, les USA fourniront des armes à l’Ukraine pour les années à venir », peut-être pour les décennies, sans doute pour l’éternité...

Face au risque d’une sorte d’enlisement paradoxal, parce qu’enlisement dans la terrible tension de menaces extrêmes pouvant ou devant à un moment ou l’autre se concrétiser en une catastrophe, la véritable tangente qui peut tout changer est un bouleversement intérieur radical. Nous croyons qu’il interviendra bien plutôt aux USA, ce qui est volontairement caché, enterré, maquillé, bidouillé, par une presseSystème-BAO plongée dans un formidable exercice de “cancellation” des mauvaises nouvelles américanistes, et sans doute aussi du mauvais temps pour les vacances...

Comme nous ne cessons de la répéter avec une grande constance, ce sont bien les USA qui se trouvent dans une situation qu’on pourrait qualifier de façon impertinente de “prérévolutionnaire” ; du coup, il nous paraît également fort possible que le durcissement du Pentagone que nous observons vienne directement d’un ordre direct de l’équipe de communication de la Maison-Blanche. L’administration Biden voudrait améliorer sa catastrophique politique étrangère par une affirmation en Ukraine avant les élections législatives de novembre, où le parti démocrate se trouve placé devant la perspective d’une défaite historique, paralysant totalement un exécutif portant déjà le poids d’une politique incohérente sous les ordres d’un président dans un état psychologique et cognitif désatreux.

Le texte de WSWS.org ci-dessous, sous le titre « Le porte-parole du Pentagone refuse d’“exclure” une attaque ukrainienne contre le pont russe de Kerch », est daté du 8 juillet 2022.

dedefensa.org

Source : https://www.dedefensa.org/article/la-cause-nucleaire-du-pont-de-kerch

dimanche 13 février 2022

De Kiev aux Champs-Élysées

 Mon sentiment intuitif est plutôt de porter l’attention sur l’hypothèse qu’une jonction directe est en train de s’opérer entre la crise ukrainienne et la crise ‘Freedom Convoy’ qui se généralise.


12 février 2022 (20H55) – Il est risqué aujourd’hui, par les temps-devenus-fous et par les temps qui courent follement, de suivre quelque prévision que ce soit. Il semble que le mouvement d’évacuation du “personnel non essentiel” des ambassades étrangères à Kiev, initié par les USA d’ailleurs et d’abord, soit vu par certains comme un signe sérieux... Mais qu’est-ce donc que le “sérieux” aujourd’hui ? Impossible de répondre, encore moins de trancher.

Il est vrai que les Russes eux-mêmes, qui avaient d’abord minimisé sinon raillé le départ de leurs “collègues” américanistes, s’y mettent également. Ils ont décidé à leur tour une évacuation partielle, comme l’explique la porte-parole Maria Zakharova, dans une intervention sur ‘Telegram’ :

« “Nous avons conclu que les services diplomatiques américains et britanniques [qui évacuent une partie de leur personnel des ambassades de Kiev] sont peut-être au courant de certaines actions violentes préparées en Ukraine qui peuvent sérieusement compromettre la sécurité”, écrit la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, sur les médias sociaux.

» “Craignant d'éventuelles provocations de Kiev ou de pays tiers, nous avons effectivement pris une décision concernant une certaine optimisation du personnel de nos missions en Ukraine”. »

Atmosphère similaire, donc sentiment convergent, chez le Saker-US, qui reste nécessairement très proche de sources russes dans le domaine de la sécurité nationale. Il nous avertit qu’il sera absent ce week-end mais se tient prêt à se remettre aussi vite que possible à son écran en cas de confirmation et d’accélération des événements.

« Tous les médias occidentaux sont en pleine hystérie à propos d'une attaque russe imminente.  Les ambassades et le personnel non critique sont en train d'être évacués par la plupart des ambassades des colonies américaines dans l'UE (et au-delà, les Japonais sont, apparemment, également en train d'évacuer).  Même si ces mêmes médias nous ont promis une invasion russe pendant des mois, voire des années, cette fois-ci, ils semblent être encore plus hystériques que d'habitude.

» En outre,

» Le ministre des affaires étrangères Lavrov a déclaré que les Anglo-Saxons préparent quelque chose.

» Le chef des services secrets russes, Sergei Naryshkin, a dit la même chose.

» L’armée russe est clairement en état d’alerte maximal. Et pas seulement dans l'est de l'Ukraine.

» Je dirais que les chances d'une provocation anglo-saxonne au cours des prochains jours, voire des prochaines semaines, sont très élevées. »

Il faut noter que ce paroxysme de l’alarme intervient à un moment où sonne une autre alarme qui est peut-être la même, sur le front intérieur, devant l’ampleur que prend le mouvement du ‘Freedom Convoy’, du Canada vers d’autres pays, dont d’autres pays anglo-saxons, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et bien sûr les USA, – et la France bien sûr, avec un petit peu de retard. L’extraordinaire sensibilité, voire la vulnérabilité et l’impuissance de la direction canadienne, et parallèlement la préoccupation pressante du pouvoir du système de l’américanisme, sont fortement mises en évidence par diverses pressions venues de divers officiels US, jusqu’à Biden, pour conseiller fortement au gouvernement canadien d’exercer une répression sévère contre le ‘Freedom Convoy’.

C’est peut-être à cela (“leurs propres problèmes”) que pense la même Zakharova dans un autre message, qui précédait de peu celui qu’on a déjà cité :

« L’hystérie de la Maison Blanche est plus révélatrice que jamais. Les Anglo-Saxons ont besoin d'une guerre. A n'importe quel prix. Les provocations, la désinformation et les menaces sont les méthodes favorites pour résoudre leurs propres problèmes. Le rouleau compresseur de la machine militaro-politique américaine est prêt à écraser la vie des gens. Le monde entier observe comment le militarisme, les ambitions impériales se dénoncent elles-mêmes. Et une brigade volante de propagande médiatique menée par Bloomberg sert tout cela. »

Il y a donc un certain changement d’attitude des Russes face à la crise ukrainienne, les conduisant à prendre plus au sérieux les possibilités soudaines d’aggravation. La situation est évidemment rocambolesque en surface, dans l’interprétation pavlovienne de nos grands esprits, puisque tout ce beau monde évacue l’essentiel de leurs ambassades de crainte d’une “invasion russe”, – y compris les Russes désormais. La question est moins de savoir s’il va y avoir une invasion, que d’envisager une situation qui est train d’échapper à tout contrôle, de quelque façon et dans quelque sens qu’elle aille. La guerre de la communication peut difficilement tenir à un tel paroxysme, justement sans risquer de n’être plus contrôlable, conduisant ainsi à des décisions jusqu’alors écartées ; et cela, insistons sur cet aspect, sans désigner nécessairement de quel côté les choses se précipiteraient.

Mon sentiment intuitif est plutôt de porter l’attention sur l’hypothèse qu’une jonction directe est en train de s’opérer entre la crise ukrainienne et la crise ‘Freedom Convoy’ qui se généralise. La seconde a fait aujourd’hui, sur les Champs-Élysées, sa jonction avec les Gilets-Jaunes, réalisant un joli trou dans l’espace-temps. L’une et l’autre crise ou ‘subcrises’, – l’Ukraine et le ‘Freedom Convoy’, – tendent désormais à exercer une pression convergente sur les psychologies, des perceptions d’instabilité extrême, de possibilité de basculement comme cela est suggéré par le titre d’une analyse de Matt Taibbi : « Justin Trudeau's Ceauşescu Moment » – en référence à la chute du dictateur communiste roumain ; comme si ces deux subcrises, l’Ukraine et le ‘Freedom Convoy’ se réunissaient dans la structure crisique générale s’exerçant contre le Système. “Convergence des luttes”, “convergence des crises [des subcrises]”, etc., on connaît la musique...

Dans ce cas, il est inutile de chercher un vainqueur et un vaincu dans les conceptions et les ambitions nationales, un vainqueur et un vaincu dans les inégalités, dans la morale de circonstance, dans les effets électoraux... Dans ce cas, il importe de suivre la musique, faire monter son jugement au plus haut niveau de la Grande Crise d’Effondrement du Système car c’est bien dans cette perspective que se nouent les affrontements. On s’occupera bien assez l’esprit à tenter d’identifier les positions par rapport aux piètres références dont l’on dispose, au milieu des flots de simulacres, de narrative, jusqu’aux incroyables agitations de Biden dont des parlementaires républicains (ils sont trente) demandent d’urgence un examen médical pour vérifier qu’il ne développe pas les symptômes de la maladie d’Alzheimer.

Les temps-devenus-fous ? Pas seulement “les temps”.

Source : https://www.dedefensa.org/article/de-kiev-aux-champs-elysees