"Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement" BOUDDHA; Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." MARTIN LUTHER-KING; "Veux-tu apprendre à bien vivre, apprends auparavant à bien mourir." CONFUCIUS ; « Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir ». SOLJENITSYNE
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dimanche 1 avril 2018
lundi 17 août 2015
Dmitry Orlov - Donc, vous dites que vous ne voulez pas de révolution ? / Dmitry Orlov - Thus, you say that you do not want revolution?
Source : http://lesakerfrancophone.net/donc-vous-dites-que-vous-ne-voulez-pas-de-revolution/
Par Dmitry Orlov – Le 21 juillet 2015 – Source cluborlov
Au cours des derniers mois, nous avons été forcés de témoigner sur une farce humiliante qui se déroule en Europe. La Grèce, qui avait d’abord été acceptée dans l’Union monétaire européenne sous de faux prétextes, aux prises avec des niveaux excessifs de dette, puis paralysée par l’imposition de l’austérité, a finalement fait quelque chose : les Grecs ont élu un gouvernement qui a promis de faire bouger les choses. La plate-forme du parti Syriza avait fait les promesses suivantes, qui étaient tout à fait révolutionnaires dans leur esprit.
Mettre un terme à l’austérité et remettre l’économie grecque sur le chemin de la reprise.
Augmenter la taxe sur le revenu à 75% pour tous les revenus de plus de 500 000€, adopter une taxe sur les transactions financières et une taxe spéciale sur les produits de luxe.
Réduire radicalement les dépenses militaires, fermer toutes les bases militaires étrangères sur le sol grec et se retirer de l’Otan. Mettre fin à la coopération militaire avec Israël et soutenir la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967.
Nationaliser les banques.
Adopter des réformes constitutionnelles visant à garantir le droit à l’éducation, les soins de santé et l’environnement.
Tenir des référendums sur les traités et autres accords avec l’Union européenne.
Parmi ceux-ci, seul le dernier point a été réalisé : on a eu droit à un référendum qui a exprimé un retentissant «Non!» à l’UE à la demande de plus d’austérité et du démantèlement et de la vente d’actifs publics grecs. Mais peu a été finalement fait car les résultats de ce référendum ont été ignorés.
Mais les problèmes ont commencé avant cette date. Après avoir été élus, les représentants de Syriza sont allés à Bruxelles pour négocier. Les négociations se sont déroulées généralement comme ceci : Syriza faisait une offre ; les fonctionnaires de l’UE la rejetaient, et faisaient progresser leurs propres revendications pour plus d’austérité ; Syriza faisait une autre offre, et les fonctionnaires de l’UE la rejetaient de nouveau et faisaient progresser leurs propres exigences pour encore plus d’austérité que lors du dernier tour ; et ainsi de suite, tout au long du processus jusqu’à la capitulation grecque. Tout ce que les fonctionnaires de l’UE avaient à faire pour forcer les Grecs à capituler, c’était d’arrêter le flux d’euros vers les banques grecques. Quels révolutionnaires ! Ça donnait l’impression d’un caniche qui essaye de négocier pour avoir un peu plus de croquettes dans son plat, si son maître le veut bien. Stathis Kouvelakis (un membre de Syriza) résume la position du gouvernement grec: «Voici notre programme, mais si nous constatons que sa mise en œuvre est incompatible avec le maintien de l’euro, nous l’oublierons.»
Ce n’est pas comme si les révolutions ne se produisaient plus. Oublions la Grèce, parlons juste d’un autre pays où il y a une révolution plutôt réussie qui se déroule pendant que nous parlons : ce qui était le nord de l’Irak et la Syrie est maintenant contrôlé par le régime révolutionnaire diversement connu sous les noms d’ISIS / ISIL / Daesh / califat islamique. Nous pouvons dire que c’est une véritable révolution en raison de son utilisation de la terreur. Tous les révolutionnaires dignes de ce nom utilisent la terreur et ce qu’ils disent généralement, c’est que leur terreur est une réponse à la terreur de l’ordre préexistant qu’ils cherchent à renverser, ou la terreur de leurs ennemis contre-révolutionnaires. Et par terreur, je veux dire assassinat de masse, expropriation, exil et prise d’otages.
Juste pour que vous me compreniez bien, permettez-moi de souligner d’emblée que je ne suis pas un révolutionnaire. Je suis un observateur et commentateur sur toutes sortes de choses, y compris les révolutions, mais je choisis de ne pas y participer. Restant un observateur et un commentateur, je suis supposé rester en vie, et mon programme de longévité personnelle appelle à ne pas être trop proche d’une révolutions parce que, comme je viens de le mentionner, les révolutions impliquent d’assassiner en masse.
Bon vieil oncle Jo. Les enfants l’aimaient.
Dans le cas de la révolution française, ça a commencé avec Liberté-Egalité-Fraternité puis on a rapidement commencé à guillotiner. La révolution russe de 1917 reste l’étalon-or pour les révolutions. Là, grâce à l’oncle Jo, ce qu’on appelé la terreur rouge a continué, encore et toujours, faisant des millions de morts. Mao et Pol Pot font également partie de ce panthéon révolutionnaire. La révolution américaine ne fut pas du tout une révolution, parce que les esclavagistes, sponsors génocidaires de la piraterie internationale sont restés au pouvoir sous la nouvelle administration. En février 2014, le putsch en Ukraine n’a pas non plus à être considéré comme une révolution ; ce fut un renversement violent du gouvernement légitime, imposé de l’extérieur, et l’installation d’un régime fantoche géré par les Américains ; mais, comme dans les colonies américaines, le même gang de voleurs, les Ukrainiens oligarques, continue de voler ce pays aveugle comme avant. Mais si les voyous nazis de Secteur droit prenaient le dessus et tuaient les oligarques, les représentants du gouvernement à Kiev et leurs donneurs d’ordres du département d’État des États-Unis / CIA / Otan, pour ensuite procéder à une campagne de terreur brune dans tout le pays, alors je pourrais commencer à appeler cela une révolution.
* * *
Le fait d’assassiner en masse n’est pas automatiquement la marque d’une révolution : vous avez juste à noter qui va se faire tuer. Si les morts se composent en majorité de bénévoles, de recrues, de mercenaires, ainsi que de beaucoup de civils ordinaires, cela ne fait pas une révolution. Mais si les morts comprennent un bon nombre d’oligarques, des PDG de grandes entreprises, des banquiers, des sénateurs, des membres du Congrès, des fonctionnaires, des juges, des avocats d’affaires, des officiers militaires de haut rang, alors, oui, ça commence à ressembler à une véritable révolution.
En plus de grosses flaques de sang jonchées de cadavre de hauts représentants de l’ancien régime, une révolution exige aussi une idéologie, pour corrompre et pervertir. En général, l’idéologie que vous avez est celle qui vous a servi à faire la révolution. Il va de soi que si vous ne disposez pas d’une idéologie, ce n’est pas vraiment une révolution. Par exemple, les colons américains en 1775 n’avaient aucune idéologie, seulement quelques exigences. Ils ne voulaient pas payer des impôts à la couronne britannique ; ils ne voulaient pas entretenir les troupes britanniques ; ils ne voulaient pas de limites à la traite des esclaves ; et ils ne voulaient pas de restrictions sur les profits de la piraterie en haute mer. Cela ne fait pas une idéologie ; c’est juste une simple et vieille histoire de cupidité. Avec les révolutionnaires ukrainiens, leur idéologie revient à quelques déclarations très basiques, «l’Europe est merveilleuse» et «Russes, allez vous faire f…». Cela ne vaut pas une idéologie en soi ; le premier point est un vœu pieux ; le second, une simple bigoterie.
Prenons l’exemple de ISIS / ISIL / Daash / califat islamique : ils sont islamistes, et l’idéologie qu’ils corrompent et pervertissent est l’islam, avec sa loi de la charia. Comment ? Les lettrés de l’Islam ont beaucoup aidé avec ce top-ten des arguments compilés ici :
Il est obligatoire de considérer les Yézidis. comme des Gens du Livre.
Il est interdit dans l’islam de refuser aux femmes leurs droits.
Il est interdit dans l’islam de forcer les gens à se convertir.
Il est interdit dans l’islam de défigurer les morts.
Il est interdit dans l’islam de détruire les tombes et tombeaux des prophètes et des compagnons.
Il est interdit dans l’islam de nuire ou de maltraiter des chrétiens ou des Gens du Livre.
Le djihad dans l’islam est une lutte purement défensive. Il est interdit sans une bonne cause, un but clair et de bonnes règles de conduite.
Il est interdit dans l’Islam de tuer des émissaires, des ambassadeurs et des diplomates – de plus, il est interdit de tuer les journalistes et les travailleurs humanitaires.
La loyauté envers son pays est permise par l’islam.
Il est interdit dans l’islam de déclarer un califat sans consensus de tous les musulmans.
Mais, comme le dit la célèbre formule de Lénine: «Si vous voulez faire une omelette, vous devez être prêt à casser quelques œufs.» Et si vous voulez faire une révolution, alors vous devez être prêt à pervertir votre idéologie. Ces lettrés islamistes qui s’exclament avec impatience «Cela n’est pas l’islam ! L’islam est une religion de paix et de tolérance» ont raté ce point : l’idéologie de ISIS / ISIL / Daesh / califat islamique est encore l’islam mais un islam révolutionnaire.
L’exemple de l’ISIS / ISIL / Daash / califat islamique est connecté au sujet de la Grèce, parce que c’est un exemple contemporain de ce qu’est vraiment une révolution, et elle se déroule dans un pays proche de la Grèce. Mais l’idéologie de Syriza n’est pas l’islam, c’est le socialisme et, philosophiquement, ses membres sont marxistes. Donc un meilleur exemple à suivre pour Syriza serait d’arrêter soudainement d’être les caniches pathétiques de l’Europe et d’endosser le manteau des intrépides révolutionnaires héroïques, ceux qui ont fait la bonne vieille révolution russe de 1917.
* * *
Comme je l’ai mentionné, l’un des outils les plus importants de la révolution est la terreur. En Russie, la terreur révolutionnaire a été appelée la terreur rouge, qui, selon les révolutionnaires, se pose en opposition à la terreur blanche du régime impérial russe, avec son fanatisme raciste (les juifs n’étaient acceptés dans aucune grande ville), ses nombreuses formes d’oppression, certaines majeures, d’autres rampantes, et une corruption endémique. Une caractéristique intéressante de la révolution russe est que la terreur a commencé plusieurs années avant l’événement.
Arrêtons-nous un instant pour nous demander pourquoi la terreur révolutionnaire est nécessaire. Une révolution est un changement radical dans la direction de la société. Laissée seule, la société tend à aggraver ses pires tendances au fil du temps : les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres, la police devient plus oppressante, le système judiciaire devient plus injuste, le complexe militaro-industriel produit du matériel militaire toujours moins efficace pour toujours plus d’argent, et ainsi de suite. C’est une question d’inertie sociale : la tendance des objets est de voyager en ligne droite en l’absence d’une force agissant de biais par rapport à la direction de son mouvement. La formule pour cette quantité de mouvement est :
p = mv
où p est la quantité de mouvement, m est la masse et v la vitesse.
Pour opérer un changement de cap radical, les révolutionnaires doivent appliquer une force luttant contre l’inertie sociale. Pour rendre cela possible avec leurs moyens limités, ils peuvent faire deux choses: réduire v, ou réduire m. Réduire v est une mauvaise idée : la révolution ne doit pas perdre son propre élan. Mais la réduction de m est, de fait, une bonne idée. Maintenant, il se trouve que, en ce qui concerne la dynamique sociale, la plus grande partie de la masse qui lui donne corps réside dans les têtes de certaines catégories de personnes : les responsables gouvernementaux, des juges et des avocats, des policiers, des officiers militaires, des gens riches, certains types de professionnels et ainsi de suite.
Le reste de la population pose beaucoup moins de problèmes. Supposons que certains révolutionnaires démontrent que
ils n’ont pas à se soucier de payer des impôts (parce les biens des riches seront confisqués)
la médecine et l’éducation sont maintenant libres
ceux qui ont des dettes peuvent cesser de payer et deviennent automatiquement propriétaires de leurs biens immobiliers de façon unilatérale
les locataires sont maintenant automatiquement propriétaires de leur lieu de résidence
les employés sont automatiquement actionnaires majoritaires dans leurs entreprises
ils doivent remplir une demande s’ils veulent une parcelle gratuite (nouvellement libérée) de terre à cultiver
il y a une amnistie générale et leurs proches qui ont été enfermés reviennent à la maison
des cartes de rationnement sont émises pour s’assurer que personne n’aura plus jamais faim
les sans-abri vont pouvoir s’installer chez ceux dont les résidences sont considérées comme indûment spacieuses
ils sont maintenant leur propre police et sont chargés de patrouiller dans leurs quartiers avec les gardes révolutionnaires disponibles en secours, et si des autorités non révolutionnaires, qu’elles soient les anciens policiers ou les anciens propriétaires, venaient déranger l’un d’eux, alors ces traîtres et ces imposteurs feraient face à la justice révolutionnaire expéditive, sur place.
La plupart des gens ordinaires penseraient que c’est une très bonne affaire. Toutefois, les représentants du gouvernement, de la police, des officiers militaires, les juges, les procureurs, les gens riches dont les biens doivent être confisqués, les mandataires sociaux et les actionnaires, ceux qui vivent sur les grasses retraites d’entreprise ou du gouvernement, etc., penseraient sans doute autrement. La solution révolutionnaire est de les prendre en otage, les envoyer en exil, et, pour faire un exemple sur les plus récalcitrants, les tuer. Cela réduit considérablement m, permettant aux révolutionnaires d’effectuer des changements drastiques sur le cours des choses alors même que v augmente. J’ai compilé cette liste parce qu’elle serait très facile à vendre, comme une confiserie, une évidence. Mais je manque du désir incontrôlable de casser des œufs et de l’appétit insatiable pour les omelettes. Comme je le disais, je ne suis pas un révolutionnaire, juste un observateur.
Dans la perspective de la révolution russe, de 1901 jusqu’à 1911, il y eu 17 000 de ces victimes. En 1907, le nombre moyen était de 18 personnes par jour. Selon les registres de la police, entre février 1905 et mai 1906, il y avait parmi les personnes tuées :
8 gouverneurs
5 vice-gouverneurs et autres administrateurs régionaux
21 chefs de police, chefs de municipalités et gardiens
8 officiers de police de haut rang
4 généraux
7 officiers militaires
79 huissiers de justice
125 inspecteurs
346 agents de police
57 gendarmes
257 agents de sécurité
55 membres du personnel de service de la police
18 agents de sécurité de l’État
85 employés du gouvernement
12 membres du clergé
52 agents ruraux du gouvernement
52 propriétaires fonciers
51 propriétaires et gestionnaires d’usines
54 banquiers et hommes d’affaires
Bonne vieille Zinka Institutrice, révolutionnaire, assassin
De toute évidence, ces actes terroristes doivent avoir eu un effet non négligeable dans l’adoucissement de la cible, ce qui rend le gouvernement plus facile à renverser. Ce ne fut pas un accident, mais une question de politique révolutionnaire bien articulée. Le concept de terreur rouge a été introduit par Zinaida Konoplyannikova, une institutrice rurale qui, fut la première sur le radar de la police pour être athée, elle a plus tard été reconnue coupable de terrorisme pour le meurtre d’un général-major bien connu, à bout portant. Lors de son procès en 1906, elle a dit ceci : «Le Parti [socialiste-révolutionnaire] a décidé de contrer la terreur du gouvernement blanc, vraiment sanglant, par la terreur rouge…» Elle a été exécutée par pendaison la même année, à l’âge de 26 ans .
Après la révolution, la terreur rouge est devenue la politique du gouvernement. Voici la réponse de Lénine, interrogé par les membres du parti communiste à propos de ses méthodes barbares: «Je raisonne sobrement et de façon catégorique : qu’est ce qui est mieux ? Emprisonner quelques dizaines ou centaines de provocateurs, coupables ou innocents, agissant consciemment ou inconsciemment, ou perdre des milliers de soldats et de travailleurs ? La première solution est la meilleure. Qu’ils m’accusent de tous les péchés mortels et violations de liberté, je plaide coupable, mais que les intérêts des travailleurs gagnent.»
Grand-père Lénine chantant une mélodie, Grandpa Trotsky jouant avec fougue de l’accordéon
Trotsky a produit une définition particulièrement croustillante de la terreur rouge. Il l’appelle «une arme à utiliser contre une classe sociale qui a été condamnée à l’extinction, mais ne veut pas mourir».
Les estimations du nombre exact des victimes de la terreur rouge varient. Robert Conquest a affirmé qu’entre 1917 et 1922, les tribunaux révolutionnaires ont exécuté 140 000 personnes. Mais l’historien O.B. Mozokhin, après une étude exhaustive des données disponibles dans les archives du gouvernement, n’en a pas trouvé plus de 50 000. Il a également noté que les exécutions étaient l’exception plutôt que la règle, et que la plupart des personnes exécutées ont été condamnées pour des actes criminels plutôt que politiques.
Mais ce ne fut rien en comparaison de ce que Staline a déclenché plus tard. Le fondement idéologique de la terreur stalinienne était «l’intensification de la lutte de classe pour l’aboutissement de la construction du socialisme», qu’il articule au plénum du Comité central en juillet 1928. Selon sa logique, l’URSS était économiquement et culturellement sous-développée, entourée par des États capitalistes hostiles, et tant qu’il restait la menace d’une intervention militaire étrangère dans le but de rétablir l’ordre bourgeois, seule la destruction préventive des restes des éléments bourgeois pourrait garantir la sécurité et l’indépendance de l’URSS. Ces éléments comprenaient des policiers, des responsables gouvernementaux, le clergé, les propriétaires fonciers et les anciens hommes d’affaires. Le pic de la répression stalinienne a eu lieu en 1937 et 1938. Au cours de ces deux années 1 575 259 personnes ont été arrêtées, dont 681 692 ont été abattues.
Vous pouvez être pardonné en voyant en Staline un meurtrier psychopathe, parce qu’il l’était certainement, mais plus important encore, il était un chef compétent, et suffisamment impitoyable, pour prendre la tête d’un État révolutionnaire. Pour un régime révolutionnaire, tuer trop de gens est rarement un problème, mais en tuer trop peu peut facilement se révéler fatal. Pour jouer la sécurité, un révolutionnaire doit toujours pencher du côté de l’assassinat. Cette attitude tend à envahir toute la pyramide du pouvoir : si vous donnez à Staline un mémorandum recommandant que 500 prêtres soient fusillés, Staline va rayer 500 au crayon et mettre 1000 en rouge, alors il vaut mieux trouver 500 autres prêtres à tuer, ou le nombre deviendra 1001, avec vous compris.
Cette garantie de la sécurité et de l’indépendance semble tenir la route. Après tout, il y a une invasion subséquente par un État bourgeois capitaliste hostile (Allemagne en 1941) et l’ordre bourgeois a été temporairement rétabli sur les territoires occupés. Mais il ne restait plus personne pour inciter à la rébellion contre-révolutionnaire, ailleurs en URSS, parce que la plupart des prétendus contre-révolutionnaires étaient morts.
Bien sûr, cela a pris la forme d’un terrible tribut pour la société. Voici ce que Poutine avait à dire au sujet de la terreur rouge :
Pensez aux otages qui ont été abattus pendant la guerre civile, la destruction de la totalité des strates sociales des membres du clergé, des paysans prospères, des Cosaques. Ces tragédies sont récurrentes dans l’histoire de l’humanité. Et ces idéaux initialement séduisants mais finalement vides, finissent toujours par être élevés au-dessus de la valeur principale, la valeur de la vie humaine, au-dessus des droits et des libertés de l’homme. Pour notre pays, ce fut particulièrement tragique, parce que l’échelle était colossale. Des milliers, des millions de personnes ont été détruites, envoyées dans des camps de concentration, tuées, torturées à mort. Et celles-ci étaient principalement des gens qui avaient leurs propres opinions, qui n’avaient pas peur de les exprimer. C’étaient les personnes les plus efficaces, la fleur de la nation. Même après de nombreuses années, nous sentons l’effet de cette tragédie sur nous-mêmes. Nous devons faire beaucoup, de sorte que ce ne soit jamais oublié.
Étant donné que le prix est si élevé, ce serait peut-être mieux après tout, si nous étions juste assis tranquillement, autorisant les riches à devenir plus riches tandis que les pauvres deviennent plus pauvres, regardant nonchalamment l’environnement complètement détruit par les industriels capitalistes dans leur poursuite aveugle du profit, et éventuellement recroquevillés sur nous même, pleurant sur notre sort pour un au-revoir avant de mourir ? Bonne chance pour vendre cette idée aux jeunes têtes brûlées radicalisées qui n’ont rien à perdre, sauf peut-être vous, si vous arrivez à vous mettre en travers de leur chemin pendant qu’ils changent le monde ! Non, la révolution est là pour rester, et l’une de ses principales armes est la terreur. Peu importe la façon dont nous nous souvenons, l’anéantissement des éléments contre-révolutionnaires sociaux est amené à se reproduire.
* * *
Pour en revenir à la Grèce et à Syriza : si ce parti n’était pas seulement une version particulièrement mielleuse de caniche pro-UE mais un parti révolutionnaire réellement honnête, prêt à faire ce qu’il faut ? Comment pourrait-il agir différemment ? Et quel serait le résultat ?
Eh bien, une chose qui vient à l’esprit immédiatement est qu’ils ne devraient pas essayer de rester dans une zone Euro qu’ils chercheraient à détruire. La solution est simple : pas de zone Euro, pas de dette en Euro, pas de problèmes. Il y a un principe général implicite : ne jamais accepter la responsabilité de ce que vous ne pouvez pas contrôler. Parlant d’expérience, supposons que vous invitiez un plombier pour réparer vos toilettes, et que le plombier constate que les toilettes ont été bricolées de multiples façons par un amateur incompétent. Dans cette situation, le geste professionnel à faire pour le plombier est de supprimer complètement ces toilettes. Maintenant, la solution devient simple : installer de nouvelles toilettes.
Voici une ou deux choses faciles que la Grèce pourrait avoir enclenchées à la place de vaines tentatives de négociation :
1. Annoncer immédiatement un moratoire sur tous les remboursement de la dette, en prenant comme position que la Grèce n’a pas de créanciers légitimes au sein de la zone euro, tout n’étant que fraude financière au plus haut niveau. Après quelques mois, les fausses entités financières de renflouement qui transforment magiquement les dettes pourries de la zone euro en titres notés AAA (car elles sont garanties par les gouvernements de la zone euro) seraient obligées de radier la dette grecque. En retour, les gouvernements de la zone euro, très affaiblis, rechigneraient au refinancement de leurs budgets nationaux, montrant au monde que leurs garanties ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Il s’en suivrait une implosion obligataire. Peu de temps après, l’euro disparaîtrait, et avec lui, toute la dette de la zone euro.
2. Lancer l’impression d’Euros sans l’autorisation de la banque centrale européenne. En cas d’accusation de faux, il faudrait rendre la falsification plus difficile à détecter en changeant la lettre à l’avant du numéro de série de Y (pour la Grèce) à X (pour l’Allemagne). Puis inonder la Grèce et le reste de la zone euro avec ces billets théoriquement faux (mais techniquement parfaits). Comme la valeur de l’euro dégringolerait, instituer un rationnement de la nourriture et émettre des cartes de rationnement. Convertir finalement les euros maintenant dévalués et avilis en une drachme récemment réintroduite et rétablir des liens commerciaux avec les anciens pays désormais libérés de la zone euro en utilisent les accords commerciaux basés sur le troc et les swaps de devises locales avec des réserves d’or utilisées pour corriger les déséquilibres mineurs.
Est-ce que cela serait possible sans terreur rouge ? J’en doute. La Grèce est très contrôlée par l’oligarchie ; même le célèbre ancien ministre des finances Yanis Varoufakis est le fils d’un magnat industriel. Les oligarques grecs et les riches auraient dû être arrêtés et détenus en otages. De nombreuses personnes au sein du gouvernement et dans l’armée ont une allégeance à géométrie variable, ils travaillent pour l’Europe, pas pour la Grèce. Ils auraient dû être licenciés immédiatement et détenus au secret, en résidence surveillée au minimum. Sans doute les services spéciaux étrangers auraient-ils sévi, cherchant par tous les moyens à saper le gouvernement révolutionnaire. Cela aurait amené à des mesures préventives drastiques pour éliminer physiquement des espions et des agents étrangers avant qu’ils puissent avoir une chance d’agir. Et ainsi de suite. Mais ce n’est pas un travail pour des mini-caniches mielleux. Comme Staline l’a dit fort justement, «les cadres sont la clé de tout». Vous ne pouvez pas faire la révolution sans révolutionnaires.
Mais est-ce un travail pour quelqu’un ? N’importe qui ? Je laisse cette question ouverte, comme exercice pour le lecteur.
Dmitry Orlov
Liens :
Dmitry Orlov : L’anarchie qui nous attend avec l’esclavage de la dette
Note du Saker Francophone
Une autre action moins sanglante mais tout aussi révolutionnaire, c'est l'éducation (Philosophique, Politique, ...). Un peuple éduqué se gouverne lui même sans élites. En attendant le grand soir, il faut tout autant stocker des livres de Platon, Socrate, Périclès, Orwell, Kropotkine et bien d'autres que des balles ou de fusils.
On peut dire que nos "représentants" ont bien compris le problème et font tout pour améliorer le niveau général : Brighelli : Collège, le désastre peut commencer.
Traduit par Hervé, relu par jj pour le Saker Francophone
Par Dmitry Orlov – Le 21 juillet 2015 – Source cluborlov
Au cours des derniers mois, nous avons été forcés de témoigner sur une farce humiliante qui se déroule en Europe. La Grèce, qui avait d’abord été acceptée dans l’Union monétaire européenne sous de faux prétextes, aux prises avec des niveaux excessifs de dette, puis paralysée par l’imposition de l’austérité, a finalement fait quelque chose : les Grecs ont élu un gouvernement qui a promis de faire bouger les choses. La plate-forme du parti Syriza avait fait les promesses suivantes, qui étaient tout à fait révolutionnaires dans leur esprit.
Mettre un terme à l’austérité et remettre l’économie grecque sur le chemin de la reprise.
Augmenter la taxe sur le revenu à 75% pour tous les revenus de plus de 500 000€, adopter une taxe sur les transactions financières et une taxe spéciale sur les produits de luxe.
Réduire radicalement les dépenses militaires, fermer toutes les bases militaires étrangères sur le sol grec et se retirer de l’Otan. Mettre fin à la coopération militaire avec Israël et soutenir la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967.
Nationaliser les banques.
Adopter des réformes constitutionnelles visant à garantir le droit à l’éducation, les soins de santé et l’environnement.
Tenir des référendums sur les traités et autres accords avec l’Union européenne.
Parmi ceux-ci, seul le dernier point a été réalisé : on a eu droit à un référendum qui a exprimé un retentissant «Non!» à l’UE à la demande de plus d’austérité et du démantèlement et de la vente d’actifs publics grecs. Mais peu a été finalement fait car les résultats de ce référendum ont été ignorés.
Mais les problèmes ont commencé avant cette date. Après avoir été élus, les représentants de Syriza sont allés à Bruxelles pour négocier. Les négociations se sont déroulées généralement comme ceci : Syriza faisait une offre ; les fonctionnaires de l’UE la rejetaient, et faisaient progresser leurs propres revendications pour plus d’austérité ; Syriza faisait une autre offre, et les fonctionnaires de l’UE la rejetaient de nouveau et faisaient progresser leurs propres exigences pour encore plus d’austérité que lors du dernier tour ; et ainsi de suite, tout au long du processus jusqu’à la capitulation grecque. Tout ce que les fonctionnaires de l’UE avaient à faire pour forcer les Grecs à capituler, c’était d’arrêter le flux d’euros vers les banques grecques. Quels révolutionnaires ! Ça donnait l’impression d’un caniche qui essaye de négocier pour avoir un peu plus de croquettes dans son plat, si son maître le veut bien. Stathis Kouvelakis (un membre de Syriza) résume la position du gouvernement grec: «Voici notre programme, mais si nous constatons que sa mise en œuvre est incompatible avec le maintien de l’euro, nous l’oublierons.»
Ce n’est pas comme si les révolutions ne se produisaient plus. Oublions la Grèce, parlons juste d’un autre pays où il y a une révolution plutôt réussie qui se déroule pendant que nous parlons : ce qui était le nord de l’Irak et la Syrie est maintenant contrôlé par le régime révolutionnaire diversement connu sous les noms d’ISIS / ISIL / Daesh / califat islamique. Nous pouvons dire que c’est une véritable révolution en raison de son utilisation de la terreur. Tous les révolutionnaires dignes de ce nom utilisent la terreur et ce qu’ils disent généralement, c’est que leur terreur est une réponse à la terreur de l’ordre préexistant qu’ils cherchent à renverser, ou la terreur de leurs ennemis contre-révolutionnaires. Et par terreur, je veux dire assassinat de masse, expropriation, exil et prise d’otages.
Juste pour que vous me compreniez bien, permettez-moi de souligner d’emblée que je ne suis pas un révolutionnaire. Je suis un observateur et commentateur sur toutes sortes de choses, y compris les révolutions, mais je choisis de ne pas y participer. Restant un observateur et un commentateur, je suis supposé rester en vie, et mon programme de longévité personnelle appelle à ne pas être trop proche d’une révolutions parce que, comme je viens de le mentionner, les révolutions impliquent d’assassiner en masse.
Bon vieil oncle Jo. Les enfants l’aimaient.
Dans le cas de la révolution française, ça a commencé avec Liberté-Egalité-Fraternité puis on a rapidement commencé à guillotiner. La révolution russe de 1917 reste l’étalon-or pour les révolutions. Là, grâce à l’oncle Jo, ce qu’on appelé la terreur rouge a continué, encore et toujours, faisant des millions de morts. Mao et Pol Pot font également partie de ce panthéon révolutionnaire. La révolution américaine ne fut pas du tout une révolution, parce que les esclavagistes, sponsors génocidaires de la piraterie internationale sont restés au pouvoir sous la nouvelle administration. En février 2014, le putsch en Ukraine n’a pas non plus à être considéré comme une révolution ; ce fut un renversement violent du gouvernement légitime, imposé de l’extérieur, et l’installation d’un régime fantoche géré par les Américains ; mais, comme dans les colonies américaines, le même gang de voleurs, les Ukrainiens oligarques, continue de voler ce pays aveugle comme avant. Mais si les voyous nazis de Secteur droit prenaient le dessus et tuaient les oligarques, les représentants du gouvernement à Kiev et leurs donneurs d’ordres du département d’État des États-Unis / CIA / Otan, pour ensuite procéder à une campagne de terreur brune dans tout le pays, alors je pourrais commencer à appeler cela une révolution.
* * *
Le fait d’assassiner en masse n’est pas automatiquement la marque d’une révolution : vous avez juste à noter qui va se faire tuer. Si les morts se composent en majorité de bénévoles, de recrues, de mercenaires, ainsi que de beaucoup de civils ordinaires, cela ne fait pas une révolution. Mais si les morts comprennent un bon nombre d’oligarques, des PDG de grandes entreprises, des banquiers, des sénateurs, des membres du Congrès, des fonctionnaires, des juges, des avocats d’affaires, des officiers militaires de haut rang, alors, oui, ça commence à ressembler à une véritable révolution.
En plus de grosses flaques de sang jonchées de cadavre de hauts représentants de l’ancien régime, une révolution exige aussi une idéologie, pour corrompre et pervertir. En général, l’idéologie que vous avez est celle qui vous a servi à faire la révolution. Il va de soi que si vous ne disposez pas d’une idéologie, ce n’est pas vraiment une révolution. Par exemple, les colons américains en 1775 n’avaient aucune idéologie, seulement quelques exigences. Ils ne voulaient pas payer des impôts à la couronne britannique ; ils ne voulaient pas entretenir les troupes britanniques ; ils ne voulaient pas de limites à la traite des esclaves ; et ils ne voulaient pas de restrictions sur les profits de la piraterie en haute mer. Cela ne fait pas une idéologie ; c’est juste une simple et vieille histoire de cupidité. Avec les révolutionnaires ukrainiens, leur idéologie revient à quelques déclarations très basiques, «l’Europe est merveilleuse» et «Russes, allez vous faire f…». Cela ne vaut pas une idéologie en soi ; le premier point est un vœu pieux ; le second, une simple bigoterie.
Prenons l’exemple de ISIS / ISIL / Daash / califat islamique : ils sont islamistes, et l’idéologie qu’ils corrompent et pervertissent est l’islam, avec sa loi de la charia. Comment ? Les lettrés de l’Islam ont beaucoup aidé avec ce top-ten des arguments compilés ici :
Il est obligatoire de considérer les Yézidis. comme des Gens du Livre.
Il est interdit dans l’islam de refuser aux femmes leurs droits.
Il est interdit dans l’islam de forcer les gens à se convertir.
Il est interdit dans l’islam de défigurer les morts.
Il est interdit dans l’islam de détruire les tombes et tombeaux des prophètes et des compagnons.
Il est interdit dans l’islam de nuire ou de maltraiter des chrétiens ou des Gens du Livre.
Le djihad dans l’islam est une lutte purement défensive. Il est interdit sans une bonne cause, un but clair et de bonnes règles de conduite.
Il est interdit dans l’Islam de tuer des émissaires, des ambassadeurs et des diplomates – de plus, il est interdit de tuer les journalistes et les travailleurs humanitaires.
La loyauté envers son pays est permise par l’islam.
Il est interdit dans l’islam de déclarer un califat sans consensus de tous les musulmans.
Mais, comme le dit la célèbre formule de Lénine: «Si vous voulez faire une omelette, vous devez être prêt à casser quelques œufs.» Et si vous voulez faire une révolution, alors vous devez être prêt à pervertir votre idéologie. Ces lettrés islamistes qui s’exclament avec impatience «Cela n’est pas l’islam ! L’islam est une religion de paix et de tolérance» ont raté ce point : l’idéologie de ISIS / ISIL / Daesh / califat islamique est encore l’islam mais un islam révolutionnaire.
L’exemple de l’ISIS / ISIL / Daash / califat islamique est connecté au sujet de la Grèce, parce que c’est un exemple contemporain de ce qu’est vraiment une révolution, et elle se déroule dans un pays proche de la Grèce. Mais l’idéologie de Syriza n’est pas l’islam, c’est le socialisme et, philosophiquement, ses membres sont marxistes. Donc un meilleur exemple à suivre pour Syriza serait d’arrêter soudainement d’être les caniches pathétiques de l’Europe et d’endosser le manteau des intrépides révolutionnaires héroïques, ceux qui ont fait la bonne vieille révolution russe de 1917.
* * *
Comme je l’ai mentionné, l’un des outils les plus importants de la révolution est la terreur. En Russie, la terreur révolutionnaire a été appelée la terreur rouge, qui, selon les révolutionnaires, se pose en opposition à la terreur blanche du régime impérial russe, avec son fanatisme raciste (les juifs n’étaient acceptés dans aucune grande ville), ses nombreuses formes d’oppression, certaines majeures, d’autres rampantes, et une corruption endémique. Une caractéristique intéressante de la révolution russe est que la terreur a commencé plusieurs années avant l’événement.
Arrêtons-nous un instant pour nous demander pourquoi la terreur révolutionnaire est nécessaire. Une révolution est un changement radical dans la direction de la société. Laissée seule, la société tend à aggraver ses pires tendances au fil du temps : les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres, la police devient plus oppressante, le système judiciaire devient plus injuste, le complexe militaro-industriel produit du matériel militaire toujours moins efficace pour toujours plus d’argent, et ainsi de suite. C’est une question d’inertie sociale : la tendance des objets est de voyager en ligne droite en l’absence d’une force agissant de biais par rapport à la direction de son mouvement. La formule pour cette quantité de mouvement est :
p = mv
où p est la quantité de mouvement, m est la masse et v la vitesse.
Pour opérer un changement de cap radical, les révolutionnaires doivent appliquer une force luttant contre l’inertie sociale. Pour rendre cela possible avec leurs moyens limités, ils peuvent faire deux choses: réduire v, ou réduire m. Réduire v est une mauvaise idée : la révolution ne doit pas perdre son propre élan. Mais la réduction de m est, de fait, une bonne idée. Maintenant, il se trouve que, en ce qui concerne la dynamique sociale, la plus grande partie de la masse qui lui donne corps réside dans les têtes de certaines catégories de personnes : les responsables gouvernementaux, des juges et des avocats, des policiers, des officiers militaires, des gens riches, certains types de professionnels et ainsi de suite.
Le reste de la population pose beaucoup moins de problèmes. Supposons que certains révolutionnaires démontrent que
ils n’ont pas à se soucier de payer des impôts (parce les biens des riches seront confisqués)
la médecine et l’éducation sont maintenant libres
ceux qui ont des dettes peuvent cesser de payer et deviennent automatiquement propriétaires de leurs biens immobiliers de façon unilatérale
les locataires sont maintenant automatiquement propriétaires de leur lieu de résidence
les employés sont automatiquement actionnaires majoritaires dans leurs entreprises
ils doivent remplir une demande s’ils veulent une parcelle gratuite (nouvellement libérée) de terre à cultiver
il y a une amnistie générale et leurs proches qui ont été enfermés reviennent à la maison
des cartes de rationnement sont émises pour s’assurer que personne n’aura plus jamais faim
les sans-abri vont pouvoir s’installer chez ceux dont les résidences sont considérées comme indûment spacieuses
ils sont maintenant leur propre police et sont chargés de patrouiller dans leurs quartiers avec les gardes révolutionnaires disponibles en secours, et si des autorités non révolutionnaires, qu’elles soient les anciens policiers ou les anciens propriétaires, venaient déranger l’un d’eux, alors ces traîtres et ces imposteurs feraient face à la justice révolutionnaire expéditive, sur place.
La plupart des gens ordinaires penseraient que c’est une très bonne affaire. Toutefois, les représentants du gouvernement, de la police, des officiers militaires, les juges, les procureurs, les gens riches dont les biens doivent être confisqués, les mandataires sociaux et les actionnaires, ceux qui vivent sur les grasses retraites d’entreprise ou du gouvernement, etc., penseraient sans doute autrement. La solution révolutionnaire est de les prendre en otage, les envoyer en exil, et, pour faire un exemple sur les plus récalcitrants, les tuer. Cela réduit considérablement m, permettant aux révolutionnaires d’effectuer des changements drastiques sur le cours des choses alors même que v augmente. J’ai compilé cette liste parce qu’elle serait très facile à vendre, comme une confiserie, une évidence. Mais je manque du désir incontrôlable de casser des œufs et de l’appétit insatiable pour les omelettes. Comme je le disais, je ne suis pas un révolutionnaire, juste un observateur.
Dans la perspective de la révolution russe, de 1901 jusqu’à 1911, il y eu 17 000 de ces victimes. En 1907, le nombre moyen était de 18 personnes par jour. Selon les registres de la police, entre février 1905 et mai 1906, il y avait parmi les personnes tuées :
8 gouverneurs
5 vice-gouverneurs et autres administrateurs régionaux
21 chefs de police, chefs de municipalités et gardiens
8 officiers de police de haut rang
4 généraux
7 officiers militaires
79 huissiers de justice
125 inspecteurs
346 agents de police
57 gendarmes
257 agents de sécurité
55 membres du personnel de service de la police
18 agents de sécurité de l’État
85 employés du gouvernement
12 membres du clergé
52 agents ruraux du gouvernement
52 propriétaires fonciers
51 propriétaires et gestionnaires d’usines
54 banquiers et hommes d’affaires
Bonne vieille Zinka Institutrice, révolutionnaire, assassin
De toute évidence, ces actes terroristes doivent avoir eu un effet non négligeable dans l’adoucissement de la cible, ce qui rend le gouvernement plus facile à renverser. Ce ne fut pas un accident, mais une question de politique révolutionnaire bien articulée. Le concept de terreur rouge a été introduit par Zinaida Konoplyannikova, une institutrice rurale qui, fut la première sur le radar de la police pour être athée, elle a plus tard été reconnue coupable de terrorisme pour le meurtre d’un général-major bien connu, à bout portant. Lors de son procès en 1906, elle a dit ceci : «Le Parti [socialiste-révolutionnaire] a décidé de contrer la terreur du gouvernement blanc, vraiment sanglant, par la terreur rouge…» Elle a été exécutée par pendaison la même année, à l’âge de 26 ans .
Après la révolution, la terreur rouge est devenue la politique du gouvernement. Voici la réponse de Lénine, interrogé par les membres du parti communiste à propos de ses méthodes barbares: «Je raisonne sobrement et de façon catégorique : qu’est ce qui est mieux ? Emprisonner quelques dizaines ou centaines de provocateurs, coupables ou innocents, agissant consciemment ou inconsciemment, ou perdre des milliers de soldats et de travailleurs ? La première solution est la meilleure. Qu’ils m’accusent de tous les péchés mortels et violations de liberté, je plaide coupable, mais que les intérêts des travailleurs gagnent.»
Grand-père Lénine chantant une mélodie, Grandpa Trotsky jouant avec fougue de l’accordéon
Trotsky a produit une définition particulièrement croustillante de la terreur rouge. Il l’appelle «une arme à utiliser contre une classe sociale qui a été condamnée à l’extinction, mais ne veut pas mourir».
Les estimations du nombre exact des victimes de la terreur rouge varient. Robert Conquest a affirmé qu’entre 1917 et 1922, les tribunaux révolutionnaires ont exécuté 140 000 personnes. Mais l’historien O.B. Mozokhin, après une étude exhaustive des données disponibles dans les archives du gouvernement, n’en a pas trouvé plus de 50 000. Il a également noté que les exécutions étaient l’exception plutôt que la règle, et que la plupart des personnes exécutées ont été condamnées pour des actes criminels plutôt que politiques.
Mais ce ne fut rien en comparaison de ce que Staline a déclenché plus tard. Le fondement idéologique de la terreur stalinienne était «l’intensification de la lutte de classe pour l’aboutissement de la construction du socialisme», qu’il articule au plénum du Comité central en juillet 1928. Selon sa logique, l’URSS était économiquement et culturellement sous-développée, entourée par des États capitalistes hostiles, et tant qu’il restait la menace d’une intervention militaire étrangère dans le but de rétablir l’ordre bourgeois, seule la destruction préventive des restes des éléments bourgeois pourrait garantir la sécurité et l’indépendance de l’URSS. Ces éléments comprenaient des policiers, des responsables gouvernementaux, le clergé, les propriétaires fonciers et les anciens hommes d’affaires. Le pic de la répression stalinienne a eu lieu en 1937 et 1938. Au cours de ces deux années 1 575 259 personnes ont été arrêtées, dont 681 692 ont été abattues.
Vous pouvez être pardonné en voyant en Staline un meurtrier psychopathe, parce qu’il l’était certainement, mais plus important encore, il était un chef compétent, et suffisamment impitoyable, pour prendre la tête d’un État révolutionnaire. Pour un régime révolutionnaire, tuer trop de gens est rarement un problème, mais en tuer trop peu peut facilement se révéler fatal. Pour jouer la sécurité, un révolutionnaire doit toujours pencher du côté de l’assassinat. Cette attitude tend à envahir toute la pyramide du pouvoir : si vous donnez à Staline un mémorandum recommandant que 500 prêtres soient fusillés, Staline va rayer 500 au crayon et mettre 1000 en rouge, alors il vaut mieux trouver 500 autres prêtres à tuer, ou le nombre deviendra 1001, avec vous compris.
Cette garantie de la sécurité et de l’indépendance semble tenir la route. Après tout, il y a une invasion subséquente par un État bourgeois capitaliste hostile (Allemagne en 1941) et l’ordre bourgeois a été temporairement rétabli sur les territoires occupés. Mais il ne restait plus personne pour inciter à la rébellion contre-révolutionnaire, ailleurs en URSS, parce que la plupart des prétendus contre-révolutionnaires étaient morts.
Bien sûr, cela a pris la forme d’un terrible tribut pour la société. Voici ce que Poutine avait à dire au sujet de la terreur rouge :
Pensez aux otages qui ont été abattus pendant la guerre civile, la destruction de la totalité des strates sociales des membres du clergé, des paysans prospères, des Cosaques. Ces tragédies sont récurrentes dans l’histoire de l’humanité. Et ces idéaux initialement séduisants mais finalement vides, finissent toujours par être élevés au-dessus de la valeur principale, la valeur de la vie humaine, au-dessus des droits et des libertés de l’homme. Pour notre pays, ce fut particulièrement tragique, parce que l’échelle était colossale. Des milliers, des millions de personnes ont été détruites, envoyées dans des camps de concentration, tuées, torturées à mort. Et celles-ci étaient principalement des gens qui avaient leurs propres opinions, qui n’avaient pas peur de les exprimer. C’étaient les personnes les plus efficaces, la fleur de la nation. Même après de nombreuses années, nous sentons l’effet de cette tragédie sur nous-mêmes. Nous devons faire beaucoup, de sorte que ce ne soit jamais oublié.
Étant donné que le prix est si élevé, ce serait peut-être mieux après tout, si nous étions juste assis tranquillement, autorisant les riches à devenir plus riches tandis que les pauvres deviennent plus pauvres, regardant nonchalamment l’environnement complètement détruit par les industriels capitalistes dans leur poursuite aveugle du profit, et éventuellement recroquevillés sur nous même, pleurant sur notre sort pour un au-revoir avant de mourir ? Bonne chance pour vendre cette idée aux jeunes têtes brûlées radicalisées qui n’ont rien à perdre, sauf peut-être vous, si vous arrivez à vous mettre en travers de leur chemin pendant qu’ils changent le monde ! Non, la révolution est là pour rester, et l’une de ses principales armes est la terreur. Peu importe la façon dont nous nous souvenons, l’anéantissement des éléments contre-révolutionnaires sociaux est amené à se reproduire.
* * *
Pour en revenir à la Grèce et à Syriza : si ce parti n’était pas seulement une version particulièrement mielleuse de caniche pro-UE mais un parti révolutionnaire réellement honnête, prêt à faire ce qu’il faut ? Comment pourrait-il agir différemment ? Et quel serait le résultat ?
Eh bien, une chose qui vient à l’esprit immédiatement est qu’ils ne devraient pas essayer de rester dans une zone Euro qu’ils chercheraient à détruire. La solution est simple : pas de zone Euro, pas de dette en Euro, pas de problèmes. Il y a un principe général implicite : ne jamais accepter la responsabilité de ce que vous ne pouvez pas contrôler. Parlant d’expérience, supposons que vous invitiez un plombier pour réparer vos toilettes, et que le plombier constate que les toilettes ont été bricolées de multiples façons par un amateur incompétent. Dans cette situation, le geste professionnel à faire pour le plombier est de supprimer complètement ces toilettes. Maintenant, la solution devient simple : installer de nouvelles toilettes.
Voici une ou deux choses faciles que la Grèce pourrait avoir enclenchées à la place de vaines tentatives de négociation :
1. Annoncer immédiatement un moratoire sur tous les remboursement de la dette, en prenant comme position que la Grèce n’a pas de créanciers légitimes au sein de la zone euro, tout n’étant que fraude financière au plus haut niveau. Après quelques mois, les fausses entités financières de renflouement qui transforment magiquement les dettes pourries de la zone euro en titres notés AAA (car elles sont garanties par les gouvernements de la zone euro) seraient obligées de radier la dette grecque. En retour, les gouvernements de la zone euro, très affaiblis, rechigneraient au refinancement de leurs budgets nationaux, montrant au monde que leurs garanties ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Il s’en suivrait une implosion obligataire. Peu de temps après, l’euro disparaîtrait, et avec lui, toute la dette de la zone euro.
2. Lancer l’impression d’Euros sans l’autorisation de la banque centrale européenne. En cas d’accusation de faux, il faudrait rendre la falsification plus difficile à détecter en changeant la lettre à l’avant du numéro de série de Y (pour la Grèce) à X (pour l’Allemagne). Puis inonder la Grèce et le reste de la zone euro avec ces billets théoriquement faux (mais techniquement parfaits). Comme la valeur de l’euro dégringolerait, instituer un rationnement de la nourriture et émettre des cartes de rationnement. Convertir finalement les euros maintenant dévalués et avilis en une drachme récemment réintroduite et rétablir des liens commerciaux avec les anciens pays désormais libérés de la zone euro en utilisent les accords commerciaux basés sur le troc et les swaps de devises locales avec des réserves d’or utilisées pour corriger les déséquilibres mineurs.
Est-ce que cela serait possible sans terreur rouge ? J’en doute. La Grèce est très contrôlée par l’oligarchie ; même le célèbre ancien ministre des finances Yanis Varoufakis est le fils d’un magnat industriel. Les oligarques grecs et les riches auraient dû être arrêtés et détenus en otages. De nombreuses personnes au sein du gouvernement et dans l’armée ont une allégeance à géométrie variable, ils travaillent pour l’Europe, pas pour la Grèce. Ils auraient dû être licenciés immédiatement et détenus au secret, en résidence surveillée au minimum. Sans doute les services spéciaux étrangers auraient-ils sévi, cherchant par tous les moyens à saper le gouvernement révolutionnaire. Cela aurait amené à des mesures préventives drastiques pour éliminer physiquement des espions et des agents étrangers avant qu’ils puissent avoir une chance d’agir. Et ainsi de suite. Mais ce n’est pas un travail pour des mini-caniches mielleux. Comme Staline l’a dit fort justement, «les cadres sont la clé de tout». Vous ne pouvez pas faire la révolution sans révolutionnaires.
Mais est-ce un travail pour quelqu’un ? N’importe qui ? Je laisse cette question ouverte, comme exercice pour le lecteur.
Dmitry Orlov
Liens :
Dmitry Orlov : L’anarchie qui nous attend avec l’esclavage de la dette
Note du Saker Francophone
Une autre action moins sanglante mais tout aussi révolutionnaire, c'est l'éducation (Philosophique, Politique, ...). Un peuple éduqué se gouverne lui même sans élites. En attendant le grand soir, il faut tout autant stocker des livres de Platon, Socrate, Périclès, Orwell, Kropotkine et bien d'autres que des balles ou de fusils.
On peut dire que nos "représentants" ont bien compris le problème et font tout pour améliorer le niveau général : Brighelli : Collège, le désastre peut commencer.
Traduit par Hervé, relu par jj pour le Saker Francophone
lundi 27 juillet 2015
Grèce : Un détective pose quelques questions troublantes, par Roberto Boulant / Greece: a detective asks some disturbing questions, by Roberto Boulant
Billet invité. Paul Jorion : comme vous pouvez le voir, le Columbo de Roberto Boulant fait un tabac sur les réseaux sociaux ! Félicitations Roberto !
Le 11 juillet à 20h30 :… à ajouter aux chiffres que vous verrez ci-dessous !
Source : http://www.pauljorion.com/blog/2015/07/11/grece-un-detective-pose-quelques-questions-troublantes-par-roberto-boulant/
Euh… une dernière p’tite question M’sieurs-Dames. Oh trois fois rien, un dernier p’tit détail et puis je vous laisse. Je sais que vous êtes très occupés ces temps-ci !
Alors voilà, j’ai bien réfléchi et il y a certaines choses que je ne comprends toujours pas :
– Vous M. Hank Paulson, président de Goldman Sachs à l’époque, vous avez aidé la Grèce à emprunter des milliards d’euros en secret. Ensuite, grâce à votre ingénierie comptable, vous l’avez aidée à contourner les règles européennes, celles qui limitent le niveau de la dette publique. Tout cela afin qu’elle puisse rentrer dans l’Euro… pendant que vous spéculiez contre elle.
C’est bien ça, n’est-ce pas ?
– Vous M. Wim Duisenberg, alors que vous étiez président de la BCE et lauréat du prix De la vision pour l’Europe, vous avez donné votre accord à l’entrée de la Grèce dans l’Euro… sans voir que ses comptes étaient aussi maquillés qu’une voiture volée.
Vous devez être très myope, n’est-ce pas ?
– Vous M. Trichet, successeur de M. Duisenberg, demandez à la Grèce pas plus tard qu’hier matin, je vous cite, « de présenter un plan crédible ». Et quand vous étiez en fonction, vous disiez que le pays devait, je cite toujours, « corriger avec la plus extrême vigueur sa trajectoire aberrante, afin de pouvoir ramener son déficit de 12,7 % du PIB en 2009 à… 3 % en 2012. »
Vous avez fait une école de vétérinaire, M’sieur ?
– Vous M. Strauss-Kahn, vous étiez directeur du FMI lorsque vous avez, avec les États de la zone euro, prêté 110 milliards à la Grèce, pendant que la BCE se mettait à racheter des titres de cette même dette pour éviter que leur prix ne s’effondre. Vous avez donc fait passer la dette grecque, des comptes des banques françaises et allemandes à… ceux des États.
Cela en accordant un prêt à un pays en cessation de paiement, ce qui est rigoureusement interdit par le règlement du FMI. C’est bien ça, M’sieur ?
– Vous M. Juncker, après avoir été le Premier ministre, à l’insu de votre plein gré, d’un paradis fiscal pendant près de 20 ans, trois fois Président de l’Eurogroupe, vous êtes l’actuel Président de la Commission Européenne, et vous déclarez, je vous cite, « ne pas comprendre le résultat du référendum grec ».
Il ne peut toujours pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens, c’est bien ça M’sieur ?
– Pour vous M. Schäuble, je vous cite, « la crédibilité de la zone euro est plus importante que son intégrité ».
L’Euro c’est l’autre nom du Mark, et le Mark c’est plus important que ces feignants de Grecs… ou que la stabilité du continent. La Règle plutôt que la Paix, c’est bien ça M’sieur ?
– Vous Madame Merkel, vous avez menti à votre peuple en disant que la Grèce paierait l’intégralité de sa dette, alors que vous saviez pertinemment que c’était impossible. Et maintenant, vous préférez courir le risque de voir exploser l’UE, plutôt que de ne pas être réélue en avouant votre mensonge.
C’est bien ça M’Dame ?
Eh bien, j’vais vous dire M’sieurs-Dames, ce que je ne comprends toujours pas.
Je ne comprends toujours pas que vous soyez encore en liberté ! Que vous n’ayez pas été présentés à un juge, pour répondre de vos délits !
Encore un détail. J’vous connais bien M’sieurs-Dames, demandez à ma femme ! Je côtoie les gens comme vous depuis des années. De belles personnes, riches (très), élégantes, racées, cultivées et comme il se doit, condescendantes, méprisantes même, car si sûres de leur supériorité intellectuelle.
Alors que moi… R’gardez-moi, de quoi j’ai l’air ? Pas celui d’un Expert ami-ami avec les Maitres du Monde, ah ça non ! Plutôt d’un petit rital dont les grands-parents sont passés par Ellis Island. Petit, mal fagoté dans mon imperméable informe, les cheveux en pétard, je pousse le mauvais goût et la provocation jusqu’à rouler dans une voiture hors-d’âge, une voiture de pauvre (et française qui plus est !). Et pour aggraver mon cas, je multiplie les digressions sur ma vie domestique, et me mêle de ce qui me regarde en vous posant des questions idiotes sur la Grèce !
Quel manque d’éducation, n’est-ce pas ?
Ah, je vois à vos yeux qui s’écarquillent, que vous venez de me reconnaitre !
Eh oui, je suis le Peuple, celui qui vu du haut de votre olympe de carton-pâte est sale, bête et méchant. Je représente, quelle horreur, la lutte des classes !
Et comme dans ma série, je viens de vous percer à jour M’sieurs-Dames. Vous ne pouvez plus vous cacher derrière les institutions ou les traités.
Vous êtes tout nu, dans la lumière.
Juste une bande de voleurs et de pitoyables assassins !
Même mon chien le voit maintenant.
mardi 14 juillet 2015
Grèce : Le “massacre de juillet” et le temps de la peur / Greece: the " massacre of July " and the time of the fear
Source : http://www.dedefensa.org/article-le_massacre_de_juillet_et_le_temps_de_la_peur_13_07_2015.html
Auteur : Philippe Grasset
Le média en ligne allemand Deutsche Wirtschafts Nachrichten (DWN, ou Nouvelles Economiques Allemandes), qui a une réputation de franc-tireur peu conforme aux bonnes mœurs de la presse-Système, fait une analyse de la situation européenne après le furieux et implacable coup de force de “la Secte”, ce week-end contre la Grèce ; et ce coup de force qui doit être considéré d’une façon plus générale, comme à titre d’exemple symbolique et d’avertissement implacable, à la fois contre tous ses États-membres et avec la complicité de tous ses États-membres... Désormais, écrit DWN, la peur a remplacé la confiance dans les relations entre les membres de la zone UE/de l’UE, et «la vie commune en Europe n’est plus déterminée par des contrats [de confiance] mais par la loi de la jungle.»
Martin Schultz, le président (allemand) du Parlement Européen, qui s’est déjà signalé par ses très fortes tendances à envisager une opération de regime change contre la Grèce, déclarait ce matin à la radio allemande Deutschlandfunk que «Bruxelles est sur le fil du rasoir et c’est pourquoi l’Eurozone est devant le risque de se désintégrer». Schultz a insisté sur le caractère “complexe” et surtout “confrontationnel” des négociations de dimanche avec la Grèce, lors des réunions de l’Eurogroupe puis des chefs d’États et de gouvernement. Il y a dans ces déclarations d’un homme qui montre d’une façon étonnamment caractéristique les pulsions tyranniques animant les personnages-Système qui parcourent convulsivement la scène, un constat de cette “confrontation” qui est totalement ambivalent... Nous ne croyons pas une seconde qu’il s’est agi d’un événement classique, avec un vainqueur et ses amis, et le vaincu, comme dans l’occurrence d’une politique brutale, mais d’un événement symbolique monstrueux où même les bourreaux-assassins qui se croient les maîtres sont également gagnés par la peur d’être les victimes du monstre qu’ils servent. Il s’agit d’un épisode marquant du déchaînement du Système dans sa folie surpuissance-autodestruction, – parfaitement et logiquement à l’image du “déchaînement de la Matière” ... Nous n’avons fini de relever les victime en tous genres, déchiquetées de toutes les façons, de ce “massacre de juillet”.
Pour nourrir de diverses réflexions permettant de mieux exprimer ce sentiment qui gagne, on placera ici la synthèse queSputnik.News a faite de l’article du DWN, parce qu’elle rend compte avec réalisme et assez justement, à notre sens, de ce climat de peur qui règne désormais en Europe. (Sputnik.News, le 13 juillet 2015.)
«European creditors have agreed on a deal with Greece, but the existence of the political union in its previous form is out of the question. The EU will split, and the final break is only a matter of time, DWN wrote. Many international observers called the recent EU summit a “humiliation of the Greeks.” The talks which were the longest in the history of the Union diminished all values for which the EU once stood, they said. According to DWN, this is the end of the EU in its previous form — a political union, cherishing mutual trust and democratic principles. The democracy is now becoming a marginal phenomenon. ‘Strong’ states now give ultimatums to ‘weak’ ones in a way that was never done before. [...]
»The imposed economic policies, however, will destroy the Greek economy. The Greek banks will partially collapse, while many savers will lose their money. The policy of austerity has not worked in the past five and a half years, and is unlikely to work now, the newspaper wrote. The consequences for Eurozone countries will be dramatic. The Greek banking panic could in seconds become a European banking panic which would be uncontrollable. The solidarity in the EU is eroding, with countries acting in their own selfish interests. The refugee crisis is likely to become the next failure in the EU, which will have members acting in their own interests and not in the interests of the Union as a whole, the article said.
»According to DWN, Angela Merkel and Wolfgang Schäuble have overnight transformed the EU into an entity that is no longer held together by trust, but only by naked fear. With the signing of the agreement with Greece the nightmare for the EU has begun. Life in Europe is no longer determined by contracts, but by the law of the jungle, the newspaper wrote.»
Il est vrai que l’attaque contre la Grèce, hors de toutes les considérations techniques et même politiques habituelles, est d’abord une attaque contre les principes qui fondent toute vie politique d’une civilisation, c’est-à-dire une attaque d’une violence inouïe ressemblant à un acte d’agression spécifiquement voulu comme barbare contre la souveraineté et la légitimité, contre le principe de l’identité, une attaque contre l’ontologie, contre l’être même, – une nation en l’occurrence, fût-elle affaiblie dramatiquement, appauvrie, réduite à sa propre misère, – mais une nation dont la fulgurance du passé, du soleil de sa pensée à la naissance de la tragédie, était nécessaire à la survivance extrême des derniers restes de notre pauvre et monstrueuse civilisation devenue “contre-civilisation”. La forme et la couleur du forfait qui est une exécution parfaite de l’acte de la forfaiture, sa violence déstructurante et dissolvante, son aveuglement furieux et son nihilisme agressif sont des faits si marquants et si indéniables pour l’esprit qui sait regarder qu’ils touchent au fondement des choses. Effectivement ils transforment le climat général et la peur règne... D’une façon très significative, nous ne pensons pas que cette peur épargne même celui (celle) qu’on aurait tendance à désigner comme le bourreau de la Grèce. Même l’Allemagne a peur, dans tous les cas elle le réalisera très vite, même l’Allemagne est soumise à ce climat de peur.
... Comment la “gentille Union Européenne” qui semblait cette dame puissante et bienveillante favorisant notre destin s’est-elle finalement transformée en une sorte d’orque monstrueux, – notre personnage favori pour symboliser notre situation, – qui répand un climat de peur comme l’on hurle ? Ce mot de “gentille UE” ne nous a pas échappé par dérision, il se révèle comme n’étant nullement une invention, puisqu’un personnage aussi représentatif de ce que le Système peut produire de pauvre et de bas est effectivement capable d’employer de tels termes ; cela témoignant de la surprenante et presque touchante niaiserie qui habite cette sorte de pensée lorsqu’il s’agit de se faire courtisan du Système en s’assurant presque de sa propre innocence, – l’ambiguïté du mot “un innocent” pour désigner le sujet vaut réquisitoire à cet égard... Ce mot, lors de l’émission C dans l’air du 6 juillet, tel que Acrimed.org nous en fait rapport le 13 juillet 2015 : «... Jean-Dominique Giuliani explique doctement : “On saura demain avec les propositions qu’il va faire à l’Eurogroupe puisque finalement, la gentille Union Européenne accepte encore un nouveau round de discussion”.» Effectivement, si des personnages de cette nature, de cette envergure et de cette stature, sont conduits à utiliser de tels termes, c’est que leurs psychologies est si affaiblies que tout est possible, y compris d’avoir pris pour de la gentillesse le visage innommable de l’orque, et de n’y avoir rien compris, absolument rien, finalement travaillant pour que le forfait s’accomplisse dans ce week-end du “massacre de juillet” et ouvre “le temps de la peur”, sans réaliser que ce sort serait aussi le leur, inéluctablement. L’orque monstrueux, on le conçoit aisément selon l’entraînement de la logique qui conduit cet événement informe, peut aussi bien se transformer en minotaure qu’en un Kronos d’infortune.
Il pourrait donc être avancé qu’il s’est produit quelque chose d’irréparable, d’irrémédiable, durant ces deux jours, à Bruxelles, en Europe. Brutalement, notre “contre-civilisation” a affiché et exposé sans la moindre vergogne toutes ses haines, tous ses vices, toutes ses conformations inverties, elle a exposé tout ce qui la condamne définitivement aux yeux de la métaphysique de l’histoire, de la destinée du monde, du sens de l’évolution des choses. L’exceptionnelle, voire lasublime médiocrité de ceux qui se sont rassemblés pour commettre l’acte, témoignent sans aucun doute du fait que nous approchons du terme des choses : lorsque la sublimité se signale aussi résolument dans la mesure de la bassesse, c’est le signe d’un basculement décisif de l’équilibre du monde. Puisque Churchill le disait, quoique dans un sens moins assuré, la formule retrouvée approximativement peut servir ici ... “Ce n’est pas ‘au moins la fin du commencement’, c’est bien le commencement de la fin”. Eh bien, que la bête meure.
Mis en ligne le 13 juillet 2015 à 20H16
Petit supplément... (Je préfère une idée juste de Nigel Farage à une idée fausse de François Hollande...)
lundi 6 juillet 2015
Le masque tombe : Tsipras fait une alliance nationale avec tous les partis européistes grecs pour parvenir au plus vite à un accord avec l’UE et le FMI / The mask falls: Tsipras makes a national alliance with all the Greek europeanist parties to reach as quickly as possible an agreement with the EU and the IMF
Source : http://www.upr.fr/actualite/le-masque-tombe-tsipras-fait-une-alliance-nationale-avec-tous-les-partis-europeistes-grecs-pour-parvenir-au-plus-vite-a-un-accord-avec-lue-et-le-fmi
Publié le 6 juillet 2015 dans Actualité
Le masque tombe : Le premier ministre grec Tsipras fait une alliance nationale avec tous les partis européistes grecs pour parvenir au plus vite à un accord avec l’UE et le FMI.
Au lendemain de la victoire électorale du Non à son référendum trompeur ( qui offrait le choix entre rester dans l’euro sans renégociations et… rester dans l’euro avec un semblant de renégociations ), Alexis Tsipras s’est posé en rassembleur de la nation.
L’union de Syriza avec l’UMP et le PS locaux
Le Premier ministre grec a invité les responsables des principaux partis d’opposition, ensemble pour la première fois, à venir le rencontrer pour élaborer une alliance nationale conjoncturelle afin de conclure au plus vite un accord avec l’Union européenne et le FMI.
Lesquels partis européistes, dont la plupart appelaient à voter Oui au référendum la veille encore, se sont précipités – les équivalents grecs de l’UMP et du PS en tête – pour apporter aimablement leur soutien au Premier ministre « d’ultra-gauche ».
Que pensent de cette soudaine unanimité tous ceux qui ont voté Non hier ?….
La réunion a été organisée de façon la plus solennelle qui soit, à la présidence de la République, sous l’œil bienveillant du président de la République hellénique, M. Prokópis Pavlópoulos.
Comme le montre la photo présentée ici, la réunion s’est tenue dans une atmosphère très cordiale : on y voit, au fond, le président Prokópis Pavlópoulos, avec Alexis Tsipras à gauche et Vaguélis Méimerakis, président par intérim du parti de droite Nouvelle Démocratie à droite. Vaguélis Méimerakis a été nommé à la tête de cet équivalent de l’UMP (LR), en remplacement du président du parti, l’ancien Premier ministre Antonis Samaras, qui a démissionné après les résultats du référendum.
Comme on le remarque sur le cliché, les trois hommes affichent un sourire presque hilare.
Cette scène hautement politicienne a débouché – après six heures de réunion – sur un texte commun signé par :
1)- les conservateurs de la Nouvelle démocratie (équivalent de l’UMP-LR),
2)- les socialistes du Pasok (équivalent du PS),
3)- les centristes du parti To Potami (équivalent du MoDem),
4)- la droite souverainiste des Grecs indépendants (ANEL), partenaire de coalition de Syriza, (équivalent du FN ou de DLF),
5)- et même les communistes du KKE !
Tout ce beau monde a ainsi affiché un front commun sur les négociations entre le gouvernement Tsipras et les créanciers du pays, en définissant les objectifs de l’accord cherché auprès des créanciers du pays (UE et FMI).
Avec une belle unanimité, tous ces partis ont en conséquence signé un texte qui précise :
a) – que « la restauration de la liquidité du système bancaire grâce à une entente avec la BCE est la priorité numéro un ».
b)- que « le large rejet des propositions des créanciers du pays dimanche, lors du référendum, ne doit pas être interprété comme un message de rupture avec l’Europe ».
c)- que le référendum a donné « un mandat pour continuer et intensifier l’effort pour atteindre un accord socialement juste et économiquement viable ».
À l’issue de cette réunion historique, le chef de la droite souverainiste des « Grecs Indépendants » (ANEL), Panos Kammenos, par ailleurs actuel ministre grec de la défense, a enfoncé le clou devant les journalistes : « Il n’y a pas d’autre voie possible que d’arriver à un accord avec l’UE et le FMI. »
Le leurre en pleine lumière
Le leurre Syriza que dénonce l’UPR depuis qu’Alexis Tsipras a accédé au pouvoir est ainsi en train d’apparaître en pleine lumière, selon une chronologie implacable digne d’une tragédie grecque.
Selon une chorégraphie toujours aussi rondement menée, on découvre que tous les éléments se mettent en place pour parvenir à un accord. On vient en effet d’apprendre :
a)- que la BCE vient miraculeusement de décider de maintenir les prêts d’urgence (ELA) aux banques grecques au niveau actuel,
b)- que François Hollande et Angela Merkel viennent de « laisser la porte ouverte aux discussions » tout en réclamant à Alexis Tsipras des « propositions précises »,
c)- que Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche, a appelé la Grèce et l’UE à trouver un compromis. Le gouvernement américain juge « qu’il est dans l’intérêt des deux parties de trouver une solution qui permette à la Grèce de rester dans la zone euro ».
d)- enfin, comme par hasard, que la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a miraculeusement annoncé que «le FMI est prêt à aider la Grèce si on lui en fait la demande » !
Voilà une position singulièrement accommodante de la part du FMI, basé à Washington, surtout si l’on a en mémoire que la Grèce n’a pas remboursé son dû au FMI il y a une semaine, le 30 juin dernier…
Voilà une position singulièrement accommodante de la part du FMI, basé à Washington, surtout si l’on a en mémoire que la Grèce n’a pas remboursé son dû au FMI il y a une semaine, le 30 juin dernier…
Conclusion
En conclusion, on me pardonnera de souligner que toutes les analyses de l’UPR sont une nouvelle fois validées à 100%.
Que ce soit sur le leurre Syriza, sur les mensonges de « l’Autre Europe » ou sur l’implication constante de Washington en sous-main dans la prétendue « construction européenne », les événements confirment que seule l’UPR est fiable et dit la vérité, sans jamais se laisser dévier de ses analyses par l’omniprésence de la propagande médiatique.
Comme le disait déjà le poète grec Euripide au Ve siècle avant JC : « Le Temps révèle tout: c’est un bavard qui parle sans être interrogé. »
François Asselineau
Sources :
– http://www.romandie.com/news/Grece-front-commun-du-gouvernement-et-de-lopposition-pour-trouver-un-accord/609912.rom
– http://www.romandie.com/news/ALERTE–La-BCE-maintient-les-prets-durgence-ELA-aux-banques-grecques-au-/609925.rom
– http://www.romandie.com/news/Merkel-Tsipras-doit-faire-des-propositions-precises/609930.rom
– http://www.romandie.com/news/La-Maison-Blanche-appelle-la-Grece-et-lUE-a-trouver-un-compromis/609922.rom
– http://www.romandie.com/news/Le-FMI-pret-a-aider-la-Grece-si-on-lui-en-fait-la-demande/609848.rom
– http://www.romandie.com/news/Grece-front-commun-du-gouvernement-et-de-lopposition-pour-trouver-un-accord/609912.rom
– http://www.romandie.com/news/ALERTE–La-BCE-maintient-les-prets-durgence-ELA-aux-banques-grecques-au-/609925.rom
– http://www.romandie.com/news/Merkel-Tsipras-doit-faire-des-propositions-precises/609930.rom
– http://www.romandie.com/news/La-Maison-Blanche-appelle-la-Grece-et-lUE-a-trouver-un-compromis/609922.rom
– http://www.romandie.com/news/Le-FMI-pret-a-aider-la-Grece-si-on-lui-en-fait-la-demande/609848.rom
samedi 4 juillet 2015
Le gouvernement mondial à venir / The world government to come
Les États-Unis et l’UE vont s’effondrer, indépendamment d’une contagion économique venue de la crise grecque.
Et qui travaille à l’effondrement, dans quel but ultime ?
Explications ici.
Par Brandon Smith – Le 24 Juin 2015 – Source : alt-market
Afin de comprendre ce qu’il se passe réellement dans le monde entier en termes d’effondrement de l’économie, nous devons mettre de côté les fausses versions grand public de la réalité. Quand on pense à l’UE et à ses turbulences financières actuelles, il est très important, à certains égards, d’ignorer la Grèce complètement. C’est ça, oubliez tout le drame entourant les supposées obligations de la dette grecque. Vont-ils trouver un moyen de payer les créanciers? Vont-ils faire défaut? Va-t-il y avoir un accord entre la Russie et les BRICS? Y aura-t-il des concessions de dernière minute pour sauver le système? Peu importe. Tout ce cinéma n’est qu’un soap opera, un théâtre Kabuki complexe géré par des financiers internationaux et des élites mondialisées.
Il est très important de rappeler les fondamentaux. La Grèce va faire défaut sur ses dettes. Il n’y a pas moyen d’éviter cela. Peut-être que la Grèce conclura un accord aujourd’hui, peut-être le fera-t-elle demain; mais finalement, la capacité du pays à étirer ses ressources afin de répondre à ses engagements exponentiels aura une fin. C’est inévitable, et ce n’est pas le deal de dernière minute qui va changer la donne sur le fond.
Pourquoi tant d’économistes sont-ils si inquiets au sujet d’un petit pays comme la Grèce? Tout cela est dû à un grand mensonge : un récit malhonnête est perpétué par les élites selon lequel si la Grèce tombe, en faisant défaut ou en quittant l’UE, cela pourrait déclencher un effet domino sur les autres nations venant frapper leur mur de dette et donc lui emboîtant le pas. Le mensonge imbriqué dans ce récit est la revendication que la Grèce va provoquer une contagion à travers l’acte d’un défaut de paiement. Soyons clairs : il n’y a pas de contagion. Plusieurs pays de l’UE ont développé leurs propres problèmes de dette au cours des deux dernières décennies, et pas à cause de la Grèce. Chacun de ces pays, de l’Italie à l’Espagne, au Portugal, etc., doit faire face à son propre désastre autour de sa dette souveraine causée par sa propre irresponsabilité fiscale. La seule raison légitime pour cette contagion est le fait que ces pays ont été contraints à une interdépendance socialisée à travers la structure de l’UE.
Ne jamais oublier ceci : l’UE est en difficulté non pas à cause de la Grèce, mais en raison d’une interdépendance supranationale forcée. L’UE sur le plan juridique ne devrait pas exister, comme aucun système de monnaie unique supranationale centralisée.
Je voudrais également souligner que les institutions mondialistes comme le Fonds monétaire international sont très motivées pour déclencher une catastrophe dans l’UE, malgré l’hypothèse de certaines personnes que l’UE est une sorte de modèle représentatif de la mondialisation. Il n’en est rien. Si tel était le cas, alors le FMI ne serait pas en train de mégoter pour aider la Grèce sur sa dette tout en continuant à aider l’Ukraine, malgré l’incapacité de l’Ukraine à payer.
Pourquoi les mondialistes veulent-ils une rupture partielle de l’UE? Qu’auraient-ils à gagner à un tel événement? C’est facile ; ils gagnent une crise, le chaos et l’occasion de présenter une fausse dialectique.
L’Europe n’est pas du tout représentative de ce que les mondialistes veulent vraiment en termes de structure économique et politique, peu importe que beaucoup de gens le supposent. C’est plutôt une sorte de fac-similé; une demi-mesure. Quand l’Europe touchera le fond de l’abîme financier, le public perplexe commencera à penser que l’enfer lui est tombé dessus, les élites seront là avec une explication immédiate. Ils prétendront que le problème n’était pas l’interdépendance au sein de l’UE. Au lieu de cela, ils affirmeront que l’UE n’a pas été ASSEZ centralisée. Ils prétendront que, pour qu’une économie et une monnaie supranationale soient efficaces, nous devons aussi avoir une gouvernance supranationale. En d’autres termes, le système a échoué car il doit être stabilisé par un gouvernement mondial.
Les socialistes Fabiens diront que ce sont les institutions barbares et dépassées de la souveraineté nationale qui ont provoqué cette crise totale. Ils vont complètement gommer les effets négatifs d’un système économique interdépendant et le fait que le manque de redondance laisse les cultures impuissantes. Nous sommes tous un grand village humain, après tout, alors nous devons accepter l’idée que nous réussissons ou échouons tous ensemble. Les marchés libres et l’innovation individuelle n’ont apparemment rien à voir avec une structure économique prospère. Ce dont nous avons vraiment besoin est un amalgame d’esprit de ruche qui nous transforme tous en pièces facilement remplaçables comme dans une tondeuse à gazon massive et grondante, qui mâche notre patrimoine, l’histoire et les principes, pour le bénéfice d’un Bien arbitraire plus grand et la promesse de villes alchimiques flottant dans le ciel où personne n’aura plus à travailler.
La chute de l’Union européenne est un moyen pour cette fin, pour les mondialistes. Il n’y a presque aucune nation ou institution qu’ils ne sacrifieront pas si ce sacrifice peut être exploité afin de poursuivre leur objectif de domination politique et économique mondiale totale. Ils ne veulent pas seulement un système complètement centralisé; ils veulent aussi nous voir tous les supplier de mettre ce système en place. Ils veulent que la masse pense que l’idée vient d’elle. Ceci est la forme la plus répandue et efficace de l’esclavage, quand les esclaves sont manipulés pour exiger leur propre asservissement. Quand les esclaves sont trompés en croyant qu’ils peuvent être fiers de leur asservissement – un insigne d’honneur au service du collectif, si vous voulez.
La chute des États-Unis ne sera pas différente à cet égard. Nous n’avons pas une structure supranationale comme l’UE. Donc, notre récit de l’effondrement sera légèrement différent, et la leçon d’ingénierie sociale que nous sommes censés apprendre sera soigneusement élaborée.
Vous voyez, les Américains sont censés jouer le rôle des impérialistes gâtés qui obtiennent finalement ce que nous méritons, un coup bas économique. Nous sommes la nouvelle Rome, du pain et des jeux et tout le reste. Et quand les États-Unis vont s’écraser comme l’Europe, les Fabiens seront là encore une fois pour avertir des avidités inhérentes à la souveraineté nationale et aux aspirations destructrices au pouvoir, qui doit être écrasé par un système politique mondial plus impartial. Je ne sais pas vraiment combien de gens là-bas savent cela, mais nous, les Américains, sommes censés jouer les méchants dans le théâtre mondial mis sur pied par les élites. Les Américains sont les méchants, le reste du monde joue le rôle de la victime innocente, et des centres mondialistes comme le FMI et la BRI sont destinés à jouer les héros, venir à la rescousse de l’humanité quand tout semblera perdu.
Notre génération de la dette surpasse de loin celle de l’ensemble des pays de l’UE combinés, un fait que je décris dans la partie 3 de ma série Un dernier regard sur l’économie réelle avant qu’elle n’implose. Contrairement à la Grèce – quoique – les États-Unis ont la possibilité d’imprimer directement de la monnaie à volonté afin de prolonger la punition pour nos dépenses massives basées sur la dette. Cependant, comme nous l’avons vu avec les récentes réactions du marché face à l’idée même d’une hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale en septembre, un tel événement va déclencher de vastes sorties des marchés boursiers et annoncer la fin de la nouvelle normalité. Encore une fois, pourquoi les banksters feraient-ils cela? Pourquoi ne pas maintenir les taux d’intérêt proches de zéro? Ce n’est pas comme s’il y avait une pression publique pour relever les taux; en fait, c’est tout le contraire. Pourquoi la Fed ignore-t-elle les centaines de signaux montrant que les États-Unis sont en récession et pousse-t-elle en avant la discussion des hausses de taux d’intérêt, malgré ce que l’on pourrait logiquement conclure de ce que serait le meilleur intérêt de la Fed?
La Fed sait que les seules choses qui soutiennent les marchés américains sont l’argent gratuit et la foi aveugle du public dans le fait que les banques et le gouvernement vont agir pour faire cesser toute douleur ou souffrance économique si un tel potentiel de crise devait survenir. Lorsque l’argent gratuit sera parti et que la foi disparaîtra, alors nous aurons une catastrophe épique sur les bras. Les mondialistes au sein de la Fed le savent, et ils veulent que cela arrive – au moins, ils veulent une version contrôlée de cette crise finale. Les élites ont besoin de la chute du système américain actuel exactement parce que cela va faire place à la montée de ce qu’ils appellent souvent le grand reset économique. Ce reset est la prochaine étape dans le plan de centralisation économique mondiale totale.
Il ne s’agit pas de contagion. Il n’y a pas de telle chose. C’est une excuse, un bouc émissaire destiné à détourner l’attention du vrai problème. Cela représente un effort concerté au cours des dernières décennies par les internationalistes pour manœuvrer les cultures occidentales vers une position de vulnérabilité. Quand les gens sont faibles et effrayés, ils deviennent malléables. Les changements sociaux que vous n’auriez jamais crus possibles aujourd’hui deviendront très possibles demain au milieu d’une crise. Je crois que nous voyons maintenant le début de la prochaine grande crise, et les fondamentaux de l’économie soutiennent mon avis. Alors que l’ensemble du système européen pend par le fil de la dette grecque et que le système américain entier est bloqué avec des taux d’intérêt proches de zéro et une foi aveugle dans le marché, quelque chose est sur le point de se briser. Il n’y a pas de retour en arrière possible dans une telle situation. Il y a seulement la voie à suivre; la voie à suivre n’est pas agréable ou confortable, mais elle ne peut pas être ignorée.
Nous ne pouvons pas oublier que la crise est en soi une distraction. Quelle que soit la douleur que nous devrons ressentir demain, ou le lendemain, ou la prochaine décennie, il faudra rappeler qui était à l’origine de tout cela : les banques internationales et leurs homologues politiques mondialistes. Peu importe ce qui arrive, il faudra ne jamais être prêts à accepter un système centralisé. Peu importe la façon raisonnable ou rationnelle que cela pourrait prendre dans la terreur de l’incertitude financière, il ne faut jamais donner ce qu’elle veut à la bête. Il faut refuser de se conformer à la dialectique. C’est la seule chance que nous avons de laisser revenir la vraie prospérité. Une fois que nous aurons traversé la ligne rouge dans le domaine de l’interdépendance dans un monde entièrement institutionnalisé, nous ne connaîtrons jamais plus la prospérité ou de la liberté.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone
Source : http://lesakerfrancophone.net/le-gouvernement-mondial-a-venir/
Et qui travaille à l’effondrement, dans quel but ultime ?
Explications ici.
Par Brandon Smith – Le 24 Juin 2015 – Source : alt-market
Afin de comprendre ce qu’il se passe réellement dans le monde entier en termes d’effondrement de l’économie, nous devons mettre de côté les fausses versions grand public de la réalité. Quand on pense à l’UE et à ses turbulences financières actuelles, il est très important, à certains égards, d’ignorer la Grèce complètement. C’est ça, oubliez tout le drame entourant les supposées obligations de la dette grecque. Vont-ils trouver un moyen de payer les créanciers? Vont-ils faire défaut? Va-t-il y avoir un accord entre la Russie et les BRICS? Y aura-t-il des concessions de dernière minute pour sauver le système? Peu importe. Tout ce cinéma n’est qu’un soap opera, un théâtre Kabuki complexe géré par des financiers internationaux et des élites mondialisées.
Il est très important de rappeler les fondamentaux. La Grèce va faire défaut sur ses dettes. Il n’y a pas moyen d’éviter cela. Peut-être que la Grèce conclura un accord aujourd’hui, peut-être le fera-t-elle demain; mais finalement, la capacité du pays à étirer ses ressources afin de répondre à ses engagements exponentiels aura une fin. C’est inévitable, et ce n’est pas le deal de dernière minute qui va changer la donne sur le fond.
Pourquoi tant d’économistes sont-ils si inquiets au sujet d’un petit pays comme la Grèce? Tout cela est dû à un grand mensonge : un récit malhonnête est perpétué par les élites selon lequel si la Grèce tombe, en faisant défaut ou en quittant l’UE, cela pourrait déclencher un effet domino sur les autres nations venant frapper leur mur de dette et donc lui emboîtant le pas. Le mensonge imbriqué dans ce récit est la revendication que la Grèce va provoquer une contagion à travers l’acte d’un défaut de paiement. Soyons clairs : il n’y a pas de contagion. Plusieurs pays de l’UE ont développé leurs propres problèmes de dette au cours des deux dernières décennies, et pas à cause de la Grèce. Chacun de ces pays, de l’Italie à l’Espagne, au Portugal, etc., doit faire face à son propre désastre autour de sa dette souveraine causée par sa propre irresponsabilité fiscale. La seule raison légitime pour cette contagion est le fait que ces pays ont été contraints à une interdépendance socialisée à travers la structure de l’UE.
Ne jamais oublier ceci : l’UE est en difficulté non pas à cause de la Grèce, mais en raison d’une interdépendance supranationale forcée. L’UE sur le plan juridique ne devrait pas exister, comme aucun système de monnaie unique supranationale centralisée.
Je voudrais également souligner que les institutions mondialistes comme le Fonds monétaire international sont très motivées pour déclencher une catastrophe dans l’UE, malgré l’hypothèse de certaines personnes que l’UE est une sorte de modèle représentatif de la mondialisation. Il n’en est rien. Si tel était le cas, alors le FMI ne serait pas en train de mégoter pour aider la Grèce sur sa dette tout en continuant à aider l’Ukraine, malgré l’incapacité de l’Ukraine à payer.
Pourquoi les mondialistes veulent-ils une rupture partielle de l’UE? Qu’auraient-ils à gagner à un tel événement? C’est facile ; ils gagnent une crise, le chaos et l’occasion de présenter une fausse dialectique.
L’Europe n’est pas du tout représentative de ce que les mondialistes veulent vraiment en termes de structure économique et politique, peu importe que beaucoup de gens le supposent. C’est plutôt une sorte de fac-similé; une demi-mesure. Quand l’Europe touchera le fond de l’abîme financier, le public perplexe commencera à penser que l’enfer lui est tombé dessus, les élites seront là avec une explication immédiate. Ils prétendront que le problème n’était pas l’interdépendance au sein de l’UE. Au lieu de cela, ils affirmeront que l’UE n’a pas été ASSEZ centralisée. Ils prétendront que, pour qu’une économie et une monnaie supranationale soient efficaces, nous devons aussi avoir une gouvernance supranationale. En d’autres termes, le système a échoué car il doit être stabilisé par un gouvernement mondial.
Les socialistes Fabiens diront que ce sont les institutions barbares et dépassées de la souveraineté nationale qui ont provoqué cette crise totale. Ils vont complètement gommer les effets négatifs d’un système économique interdépendant et le fait que le manque de redondance laisse les cultures impuissantes. Nous sommes tous un grand village humain, après tout, alors nous devons accepter l’idée que nous réussissons ou échouons tous ensemble. Les marchés libres et l’innovation individuelle n’ont apparemment rien à voir avec une structure économique prospère. Ce dont nous avons vraiment besoin est un amalgame d’esprit de ruche qui nous transforme tous en pièces facilement remplaçables comme dans une tondeuse à gazon massive et grondante, qui mâche notre patrimoine, l’histoire et les principes, pour le bénéfice d’un Bien arbitraire plus grand et la promesse de villes alchimiques flottant dans le ciel où personne n’aura plus à travailler.
La chute de l’Union européenne est un moyen pour cette fin, pour les mondialistes. Il n’y a presque aucune nation ou institution qu’ils ne sacrifieront pas si ce sacrifice peut être exploité afin de poursuivre leur objectif de domination politique et économique mondiale totale. Ils ne veulent pas seulement un système complètement centralisé; ils veulent aussi nous voir tous les supplier de mettre ce système en place. Ils veulent que la masse pense que l’idée vient d’elle. Ceci est la forme la plus répandue et efficace de l’esclavage, quand les esclaves sont manipulés pour exiger leur propre asservissement. Quand les esclaves sont trompés en croyant qu’ils peuvent être fiers de leur asservissement – un insigne d’honneur au service du collectif, si vous voulez.
La chute des États-Unis ne sera pas différente à cet égard. Nous n’avons pas une structure supranationale comme l’UE. Donc, notre récit de l’effondrement sera légèrement différent, et la leçon d’ingénierie sociale que nous sommes censés apprendre sera soigneusement élaborée.
Vous voyez, les Américains sont censés jouer le rôle des impérialistes gâtés qui obtiennent finalement ce que nous méritons, un coup bas économique. Nous sommes la nouvelle Rome, du pain et des jeux et tout le reste. Et quand les États-Unis vont s’écraser comme l’Europe, les Fabiens seront là encore une fois pour avertir des avidités inhérentes à la souveraineté nationale et aux aspirations destructrices au pouvoir, qui doit être écrasé par un système politique mondial plus impartial. Je ne sais pas vraiment combien de gens là-bas savent cela, mais nous, les Américains, sommes censés jouer les méchants dans le théâtre mondial mis sur pied par les élites. Les Américains sont les méchants, le reste du monde joue le rôle de la victime innocente, et des centres mondialistes comme le FMI et la BRI sont destinés à jouer les héros, venir à la rescousse de l’humanité quand tout semblera perdu.
Notre génération de la dette surpasse de loin celle de l’ensemble des pays de l’UE combinés, un fait que je décris dans la partie 3 de ma série Un dernier regard sur l’économie réelle avant qu’elle n’implose. Contrairement à la Grèce – quoique – les États-Unis ont la possibilité d’imprimer directement de la monnaie à volonté afin de prolonger la punition pour nos dépenses massives basées sur la dette. Cependant, comme nous l’avons vu avec les récentes réactions du marché face à l’idée même d’une hausse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale en septembre, un tel événement va déclencher de vastes sorties des marchés boursiers et annoncer la fin de la nouvelle normalité. Encore une fois, pourquoi les banksters feraient-ils cela? Pourquoi ne pas maintenir les taux d’intérêt proches de zéro? Ce n’est pas comme s’il y avait une pression publique pour relever les taux; en fait, c’est tout le contraire. Pourquoi la Fed ignore-t-elle les centaines de signaux montrant que les États-Unis sont en récession et pousse-t-elle en avant la discussion des hausses de taux d’intérêt, malgré ce que l’on pourrait logiquement conclure de ce que serait le meilleur intérêt de la Fed?
La Fed sait que les seules choses qui soutiennent les marchés américains sont l’argent gratuit et la foi aveugle du public dans le fait que les banques et le gouvernement vont agir pour faire cesser toute douleur ou souffrance économique si un tel potentiel de crise devait survenir. Lorsque l’argent gratuit sera parti et que la foi disparaîtra, alors nous aurons une catastrophe épique sur les bras. Les mondialistes au sein de la Fed le savent, et ils veulent que cela arrive – au moins, ils veulent une version contrôlée de cette crise finale. Les élites ont besoin de la chute du système américain actuel exactement parce que cela va faire place à la montée de ce qu’ils appellent souvent le grand reset économique. Ce reset est la prochaine étape dans le plan de centralisation économique mondiale totale.
Il ne s’agit pas de contagion. Il n’y a pas de telle chose. C’est une excuse, un bouc émissaire destiné à détourner l’attention du vrai problème. Cela représente un effort concerté au cours des dernières décennies par les internationalistes pour manœuvrer les cultures occidentales vers une position de vulnérabilité. Quand les gens sont faibles et effrayés, ils deviennent malléables. Les changements sociaux que vous n’auriez jamais crus possibles aujourd’hui deviendront très possibles demain au milieu d’une crise. Je crois que nous voyons maintenant le début de la prochaine grande crise, et les fondamentaux de l’économie soutiennent mon avis. Alors que l’ensemble du système européen pend par le fil de la dette grecque et que le système américain entier est bloqué avec des taux d’intérêt proches de zéro et une foi aveugle dans le marché, quelque chose est sur le point de se briser. Il n’y a pas de retour en arrière possible dans une telle situation. Il y a seulement la voie à suivre; la voie à suivre n’est pas agréable ou confortable, mais elle ne peut pas être ignorée.
Nous ne pouvons pas oublier que la crise est en soi une distraction. Quelle que soit la douleur que nous devrons ressentir demain, ou le lendemain, ou la prochaine décennie, il faudra rappeler qui était à l’origine de tout cela : les banques internationales et leurs homologues politiques mondialistes. Peu importe ce qui arrive, il faudra ne jamais être prêts à accepter un système centralisé. Peu importe la façon raisonnable ou rationnelle que cela pourrait prendre dans la terreur de l’incertitude financière, il ne faut jamais donner ce qu’elle veut à la bête. Il faut refuser de se conformer à la dialectique. C’est la seule chance que nous avons de laisser revenir la vraie prospérité. Une fois que nous aurons traversé la ligne rouge dans le domaine de l’interdépendance dans un monde entièrement institutionnalisé, nous ne connaîtrons jamais plus la prospérité ou de la liberté.
Brandon Smith
Traduit par Hervé, relu par Diane et jj pour le Saker Francophone
Source : http://lesakerfrancophone.net/le-gouvernement-mondial-a-venir/
lundi 29 juin 2015
L’euro, ou la haine de la démocratie, par Frédéric Lordon / The euro, or the hatred of the democracy, by Frédéric Lordon
Forcément, ça leur a coupé la chique. Qu’on puisse jouer la carte de la démocratie, c’est la chose qui est maintenant tellement hors de leur entendement qu’elle les laisse toujours sidérés, pantois et démunis. Vraiment, à cet instant, on aurait voulu voir leurs têtes, mâchoires décrochées comme des tiroirs de commodes fraîchement cambriolées : Sapin, Hollande, Moscovici, leurs experts organiques, leurs journalistes de propagande, tous ceux qui n’ayant que la « modernité » à la bouche se sont si constamment efforcés d’en finir avec le peuple, pénible démos, et pénible démocratie quand il lui vient à l’idée de ne pas se contenter de valider ce qui a été décidé pour elle. Mais c’est une némésis et personne n’y pourra rien : il vient toujours un moment où la politique chassée par la porte revient par la fenêtre. Plus elle a été chassée obstinément d’ailleurs, et plus ses retours sont fracassants.
Le référendum, ou le retour du refoulé
Et c’est vraiment le retour du refoulé sous tous les rapports : celui de la mauvaise conscience notamment. C’est qu’on peut difficilement porter la démocratie en bandoulière, en faire des chartes à enluminures ou des hymnes à la joie, un modèle offert au monde (éventuellement à coup de frappes aériennes), et la bafouer à ce point à domicile.
Prononcer le mot « référendum », c’est en effet immanquablement faire resurgir le spectre du Traité constitutionnel de 2005, celui de l’acharnement jusqu’à ce que ça dise oui, ou du contournement si ça persiste à dire non. Celui du putsch également, à l’image du débarquement en 2011 de Georges Papandréou, ordinaire socialiste de droite qui n’avait rien de bien méchant, mais avait fini par s’apercevoir qu’on approchait des seuils où férule macroéconomique et tyrannie politique deviennent dangereusement indistinctes, et éprouvé le besoin d’un mandat légitime en soumettant le mémorandum à son peuple… par référendum. Appliquant une doctrine en fait formée de longue date puisqu’elle est intrinsèque à l’Union monétaire même, mais dont la formulation pleinement explicite attendra 2015 et l’inénarrable Juncker – « il n’y a pas de choix démocratiques contre les Traités européens »… –, il avait suffi aux institutions européennes de quelques pressions de coulisses pour obtenir le renversement de l’imprudent, et nommer directement le banquier central Papademos premier ministre ! – c’est tellement plus simple –, qui plus est à la tête d’une coalition faisant, pour la première fois depuis les colonels, entrer au gouvernement un parti ouvertement d’extrême-droite (Laos), particularité qui n’avait pas davantage ému le journalisme d’accompagnement à l’époque (il n’a pas manqué depuis de pousser des cris de putois quand Syriza a fait alliance avec la droite souverainiste d’Anel).
C’est tout ce lourd passé, et même ce lourd passif, qui se trouve replié dans le mot « référendum », le sale petit secret de toute une construction institutionnelle qui ne se sent pas d’autre devoir vis-à-vis de la démocratie que celui du simple oblat verbal, de la célébration en mots, et en réalité n’a pas d’autre projet la concernant que d’extinction méthodique.
Comme on trouve encore des gens suffisamment acharnés pour contester que les Traités donnent à l’Europe le caractère d’une entité néolibérale, on en trouve de suffisamment bêtes pour nier qu’ils entraînent la moindre perte de souveraineté – expérience récemment faite au contact, tout à fait fortuit, d’un député socialiste dont, par charité chrétienne on ne dira pas le nom. Comme la chose est inhérente aux traités mêmes dont, rappelons-le, la caractéristique première tient au fait (monstrueux) d’avoir constitutionnalisé des contenus substantiels de politique économique, comme la chose est inhérente aux traités, donc, et qu’ils ne l’ont pas vue, ils ne doivent pas avoir davantage connaissance de la manière dont se déroulent les négociations depuis 2011, et particulièrement celles de ces dernières semaines. Car la Troïka ne se contente pas d’imposer un cadrage macroéconomique délirant, elle entend également en imposer le détail – et décider elle-même, dans le menu, des augmentations d’impôt et des baisses de dépenses, c’est-à-dire prendre en mains directement l’intégralité des commandes.
Que le gouvernement Syriza, à l’encontre de ses propres engagements électoraux, ait accepté de se couler dans la logique du mémorandum et de jouer le jeu de l’ajustement budgétaire n’était pas encore assez : car la Troïka ne demande pas qu’un objectif global, mais aussi la manière. Il n’est pas suffisant que la Grèce s’impose une restriction supplémentaire de 1,7 point de PIB, il faut qu’elle la compose comme il faut. Par exemple l’augmentation du taux d’imposition sur les sociétés de 26% à 29%, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à 500 000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu’elles étaient… de nature à tuer la croissance ! – ou quand l’étrangleur déconseille à ses victimes le port du foulard. En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu’on en finisse avec la petite allocation de solidarité servie sur les retraites les plus pauvres – le décile inférieur a perdu jusqu’à 86 % de revenu disponible de 2008 à 2012 [1] … c’est donc qu’il reste 14 bons pourcents : du gras ! Elle refuse la proposition grecque de taxer les jeux en ligne, mais demande la fin du subventionnement du diesel pour les agriculteurs – des nantis. Et tout à l’avenant.
Les institutions de la haine politique
On pourrait se perdre à l’infini dans ces détails qui disent tous le délire idéologique additionné d’instincts sociaux meurtriers – au sens presque littéral du terme, car rompre avec le fléau du gouvernement par abstractions macroéconomiques demande de prendre connaissance du tableau des conditions concrètes d’existence de la population grecque à l’époque de l’austérité, entre baisse de l’espérance de vie, explosion du taux de suicide, effondrement de la qualité des soins, etc [2]. On pourrait dire tout ça, donc, mais on n’aurait pas dit l’essentiel, qui tient à une forme de haine politique, comme il y avait jadis des haines religieuses, mais, fait inédit, une haine politique institutionnelle, une haine portée par des institutions. Depuis le premier jour, les institutions européennes n’ont pas eu d’autre projet que de faire mordre la poussière au gouvernement Syriza, d’en faire, par un châtiment exemplaire, une leçon à méditer par tous les autres pays qui pourraient avoir à l’idée eux aussi de ne pas plier, comme s’il fallait annuler l’événement de la première authentique alternance politique en Europe depuis des décennies.
Chaque régime politique, même celui qui a de la démocratie plein la bouche, a ses points d’impensable, ses interdictions formelles et ses exclusions catégoriques. La dite « démocratie parlementaire », qui fait vœu de débattre de tout, s’est en fait constituée comme le régime politique de défense de la propriété privée du capital (et de toutes les prérogatives qui y sont attachées), c’est pourquoi elle accepte qu’on débatte de tout sauf de la propriété privée du capital (et de toutes les prérogatives qui y sont attachées) [3] – et l’histoire a suffisamment montré de quoi la « démocratie » était capable quand le peuple des manants avait l’idée de s’en prendre au règne du capital. Pour autant, dans ce périmètre-là, il restait un peu de marge à explorer. C’était encore trop pour une construction néolibérale comme l’Union européenne qui a saisi la fenêtre d’une époque pour réduire autant qu’elle le pouvait le cercle du discutable : les formes de la concurrence intérieure, le statut de la banque centrale, la nature et les cibles de la politique monétaire, les orientations de la politique budgétaire, le rapport aux marchés financiers : toutes ces choses ont été irrévocablement tranchées par inscription constitutionnelle dans les traités, à la fin expresse qu’à leur sujet le débat soit clos.
Comment s’étonner qu’une construction aussi congénitalement libérale se soit donné des institutions qui suintent à ce point la haine de tout ce qui est progressiste ? Syriza ne pouvait pas être un partenaire : elle a été d’emblée, et en fait très logiquement, considérée comme un ennemi. L’ennemi ici, c’est celui qui veut vous forcer à rediscuter de ce que vous avez décrété soustrait à toute discussion. Aussi bien le référendum (à supposer qu’il ne devienne pas sans objet d’ici dimanche) que l’imminente sortie de l’euro sont des affirmations du droit de rediscuter – des affirmations du principe démocratique.
Le droit de rediscuter se paye cher en Union européenne. Dans un mouvement misérable qui ajoute à la considération qu’on peut lui porter, l’Eurogroupe, entité informelle à la consistance juridique d’ailleurs incertaine, met tous ses efforts à ce qu’il soit le plus coûteux possible. Mais en réalité c’est toute la construction institutionnelle qui porte la responsabilité de ce qui est en train de se passer : car, à la fin des fins, c’est bien la Banque centrale européenne (BCE) qui donnera le coup de grâce en interrompant le refinancement des banques grecques.
Faut-il qu’elle soit grande la détestation de la souveraineté populaire pour ne pas même accorder l’extension du plan d’aide à l’échéance du référendum… Tout est dit d’une passion anti-démocratique européenne devenue si écumante qu’elle ne parvient même pas à se tenir à son propre ordre légal : c’est que le refinancement des banques, grecques ou autres, est une mission de la BCE, assignée par les traités, et dont l’accomplissement est sans rapport avec les vicissitudes latérales de tel ou tel ordre, fussent-elles celles d’un plan de sauvetage. Que la terminaison du plan de sauvetage mardi 30 juin s’accompagne, comme il en est lourdement question, de la fermeture du guichet ELA (Emergency Liquidity Assistance), où la totalité du système bancaire grec est vitalement suspendu, est une connexion dont la légalité est plus que douteuse eu égard à l’autonomie des missions de refinancement de la BCE. [Il faut vraiment convoquer les aruspices pour avoir le fin mot du communiqué publié dimanche 28 juin par la BCE, car l’annonce du maintien du programme ELA pour les banques grecques n’est accompagnée d’aucune mention d’échéance… de sorte qu’il peut bien se trouver interrompu à tout moment. Cependant, contre la menace lourdement sous-entendue de fermer l’ELA en conséquence de l’arrêt du plan de sauvetage le 30 juin, il pourrait être politiquement rationnel pour la BCE de ne pas aller jusqu’à se faire l’exécuteur anticipé des basses œuvres, et de maintenir son guichet ouvert jusqu’à l’échéance du référendum : c’est qu’on doit beaucoup compter dans les institutions européennes sur le fait que le contrôle des capitaux mis en place lundi 29 juin est un repoussoir électoral, et que la restriction de l’accès des déposants à leurs encaisses monétaires est le plus sûr moyen d’aiguillonner le vote « oui ».]
En tout cas, on le sait bien, le simple fait d’avoir exclu les banques grecques des procédures ordinaires de refinancement pour les cantonner au guichet d’urgence de l’ELA n’avait d’autre propos que de leur faire sentir leur état de dépendance extrême, et de leur faire connaître le pouvoir discrétionnaire auprès duquel leur survie se renégocie quasi-quotidiennement – c’est-à-dire la possibilité qu’à tout moment le pouce s’abaisse. Comme toujours, c’est aux limites, et dans les situations de crise extrême, que les ordres institutionnels révèlent leur vérité. Ici toute la sophistication juridique de la construction européenne se ramène à un pouce levé ou bien baissé. Et la comédie du droit laisse voir à nu les rapports de force qu’elle cache ordinairement.
Le moment du chaos
Techniquement parlant en tout cas, il est bien certain que la fermeture du refinancement auprès de la BCE, qu’elle survienne mardi 30 ou plus tard, effondrera le système bancaire grec dans la journée, et forcera, de fait, au réarmement de la Banque centrale grecque comme prêteur en dernier ressort, c’est-à-dire émetteur d’une liquidité qui ne sera pas reconnue par le SEBC (Système européen de banques centrales). On l’appellera de la drachme.
Effectuée dans une pareille urgence, la sortie grecque de l’euro ne pourra pas éviter le moment du chaos, et pour des raisons dont Syriza porte une part. Il est à craindre que le refus d’envisager dès le début la sortie de la monnaie unique, et d’en faire une menace crédibilisant d’ailleurs la position grecque dans le rapport de force, laisse aujourd’hui le gouvernement dans un état de totale impréparation. Le sens stratégique possible de l’accord de prolongation passé avec l’Eurogroupe le 21 février dernier aurait dû être de mettre à profit les quatre mois gagnés pour préparer logistiquement et politiquement la sortie.
Celle-ci est vouée à présent à s’opérer dans les plus mauvaises conditions. Il est même impossible que se fassent aussi vite l’ajustement technique du système des paiements et la conversion des espèces monétaires. Si bien qu’il y aura vraisemblablement un moment bizarre de double circulation monétaire pendant lequel des espèces émises par le système bancaire grec auront toutes les apparences de l’euro mais n’en seront pas moins des drachmes… qui en principe ne seront pas reconnues comme euros à l’extérieur alors même qu’elles leur ressembleront comme deux gouttes d’eau !
Rien de tout ça ne sera fait pour décourager le run bancaire, en fait déjà bien entamé puisqu’on évalue à 130 milliards d’euros les retraits opérés depuis janvier. Que les gens retirent des espèces si ça peut les tranquilliser, ça n’est pas le problème, en tout cas pour le système bancaire [4] : dès que la situation se stabilisera, ces fonds effectueront le mouvement inverse, et entre temps c’est la Banque de Grèce qui prendra le relais de la BCE pour maintenir les banques dans la liquidité. C’est que cet argent prenne le large qui est un problème. Aussi un drastique contrôle des capitaux, avec contingentement des retraits, sera la mesure à prendre dès les toutes premières heures (elle est déjà prise au moment où ce texte est publié). Avec la dévaluation carabinée de la drachme qui suivra sa réintroduction, les Grecs y perdront du pouvoir d’achat international ? Oui, et ça sera comme ça. Par définition, la conversion est une opération purement nominale qui laisse invariant le pouvoir d’achat interne… à l’inflation importée près. Or vu la dégringolade anticipée de la drachme, celle-ci sera conséquente. La couronne islandaise qui a initialement perdu près des trois quarts de sa valeur contre euro a laissé derrière elle une inflation de 18 % en 2008. Mais les premières fluctuations sont toujours d’une ampleur extravagante, et vouées à s’ajuster plus raisonnablement à moyen terme : la couronne a été rapidement stabilisée 40 % en dessous de sa valeur de 2008, l’inflation est d’ailleurs redescendue en dessous des 5 % dès la mi-2009, elle est désormais proche de 0. Il en ira vraisemblablement de même avec la drachme.
Dans l’intervalle il faudra peut-être ajouter au contrôle des capitaux un dispositif de protectionnisme ciblé dans les marchés de biens et services. C’est que la balance courante grecque à très court terme va devenir déficitaire. Or l’interruption de tout flux financier entrant interdira de la financer par la partie « compte de capital » de la balance globale, et la position extérieure nette de la Grèce va se détériorer. Il faudra donc réduire la flambée des importations, alors que l’effet de renchérissement de leur prix devrait d’abord l’emporter sur celui de contraction des volumes. Evidemment il est vital que les entreprises continuent d’avoir librement accès aux biens étrangers d’équipement ou de consommation intermédiaire. Le dispositif protectionniste devra donc être ciblé sur les (certains) biens de consommation (hors énergie notamment), et ceci jusqu’à ce que les exportations « réagissent » à la dévaluation de la drachme – en général dans un délai de 12 à 18 mois (de ce point de vue, la sortie de l’euro se passe au plus mauvais moment possible de l’année puisqu’il est trop tard pour que le tourisme, qui est le secteur le plus dynamique du commerce international grec, en enregistre l’effet, et qu’il faudra attendre la saison prochaine pour en recueillir les bénéfices). L’énorme incertitude achèvera de mettre en carafe le peu d’investissement qui restait (le taux d’investissement est tombé à 12 % en 2014 [5]…). Tous ces effets ajoutés à la désorganisation initiale promettent à la croissance grecque de plonger. Il faut avoir le courage de le dire : le début va être une épreuve.
Cette épreuve n’a de sens, économiquement parlant, que parce qu’elle ouvre par ailleurs de nouvelles opportunités et restaure de nombreux degrés de liberté absolument fermés dans le cadre des institutions de l’euro. En premier lieu elle permet d’en finir avec l’austérité, dont les nouvelles mesures ne relâchaient rien : la Grèce se trouvait enjointe de dégager un excédent primaire de 1 point de PIB cette année même, puis de 2 en 2016, puis de 3 en 2017, puis de 3,5 en 2018 ! Elle se trouve également soulagée des 26 milliards d’euros dus d’ici la fin 2015 à ses créanciers de toute sorte qu’elle va envoyer élégamment se faire foutre – 26 milliards d’euros [6], ça n’est pas loin de… 15 points de PIB ! Voilà à quoi la Grèce se saigne depuis tant d’années : à payer une dette que tout le monde sait insoutenable en dépit de tous ses rééchelonnements et, plus encore,dont elle ne porte pas la responsabilité ! Car les 80 points de PIB de dette pris depuis 2008 ne sont pas, comme le répète l’éditorialisme en pilotage automatique, « la dette de la Grèce » : c’est la dette de l’impéritie européenne, la dette de la plus gigantesque erreur de politique économique de l’histoire du capitalisme, la dette de l’acharnement idéologique, dit plus brièvement : la dette de la zone euro – et par conséquent la dette dont il n’est que justice que la zone euro se la carre dans le train.
Le vrai visage des « amis de l’Europe »
En écrivant en janvier que l’alternative de Syriza était de passer sous la table ou de la renverser[7] et qu’il n’y aurait pas de tiers terme, en particulier que l’idée d’obtenir quoi que ce soit des institutions européennes, ou pire encore d’engager leur transformation de l’intérieur, était un rêve de singe, il faut bien avouer qu’on n’était pas prêt à parier grand-chose sur l’hypothèse du renversement. Hic Rhodus hic salta [8] comme dit l’adage latin. Et c’est là qu’on voit les vrais hommes politiques. Pour toutes les erreurs stratégiques qu’il a commises jusqu’ici, il se pourrait bien que Tsipras en soit un. C’est qu’il faut une sacrée consistance pour faire face à ce mélange de périls et de chances qui s’offre à lui aujourd’hui – qui s’offre à lui ? non, qu’il a fait advenir en se tenant au plus près de l’essence de la politique : la proposition faite au peuple de décider souverainement.
Comme Roosevelt se déclarait fier en 1936 d’être devenu objet de haine de l’oligarchie capitaliste qu’il avait décidé de défier carrément, Tsipras peut s’enorgueillir des tombereaux d’injures que lui réserve une oligarchie d’un autre type, le ramassis des supplétifs d’une époque finissante, et qui connaitront le même destin qu’elle, la honte de l’histoire. La première chose que Jean Quatremer a cru bon de tweeter consiste en photos de queues devant les distributeurs à billets. Et d’annoncer avec une joie mauvaise : « La Grèce sera donc en faillite mardi à minuit. Accrochez-vous ! ».
On voudrait que quelque archiviste de talent, conscient de ce qui se joue d’historique ces jours-ci, s’attache à collecter tout ce qui va se dire et qui méritera de rester, tout ce que pense et dit l’oligarchie quand, à l’épreuve d’un moment critique, elle jette enfin le masque – car cette fois-ci le masque est bel et bien jeté. « La Grèce, c’est fini »titre le JDD du 28 juin, dirigé par Denis Olivennes, l’un des Gracques à qui l’on doit cette tribune à valeur de document quasi-psychiatrique publiée dans Les Echos, où l’on apprenait qu’il était urgent de « ne [pas laisser] Monsieur Tsipras braquer les banques » [9], textuellement, alors que le refus de restructurer la dette grecque jusqu’en 2012 n’a pas eu d’autres finalités que de sauver les banques allemandes, françaises, etc., ces banques où, précisément, prolifère la racaille Gracque, en effet la vraie racaille dans la société française – pas celle de Sarkozy –, ces « anciens hauts fonctionnaires socialistes » comme ils aiment à se présenter eux-mêmes, et qui en disent assez long sur l’état réel du « socialisme » français – pour ceux qui ne s’en seraient pas encore aperçus.
Bloomberg fait déjà des gorges chaudes de ce qu’on puisse envisager « sur les documents hautement techniques » de la Troïka de demander leur avis « aux mamies grecques » [10]. Mais c’est vrai, quelle idée ! La vraie démocratie est bien celle qui se contente de l’avis des économistes et des journalistes spécialisés de Bloomberg. Ou de Libération. Comme toujours les événements historiques, la sortie grecque sera un test de Rorschach en vraie grandeur, un bain photographique surpuissant. On peut le dire dès maintenant puisque la grande vidange est déjà à l’œuvre : l’oligarchie dégondée va montrer son vrai visage, et parler son vrai langage. Jean-Louis Bourlanges sur France Culture traite Tsipras de « terroriste révolutionnaire » [11] (sic), Quatremer relaie, écumant, les errances de Kathimerini, quotidien de droite qui qualifie le référendum de « coup d’Etat de bolcheviks », formidable moment de vérité où l’on va voir sans fard qui est qui et qui dit quoi. Oui, on voudrait vraiment que tout ceci soit méticuleusement consigné, pour qu’on sache ce qu’il en aura été de la « démocratie » en Europe à l’époque de la monnaie unique. Et pour que cette belle accumulation produise l’effet qu’elle est vouée à produire : celui du ridicule mêlé d’ignominie.
Et nous ?
Par un paradoxe qui doit tout aux coups de fouet de l’adversité, il se pourrait que cette avalanche de haine, car il n’y a désormais plus d’autre mot, soit le meilleur ciment des gauches européennes, et leur plus puissant moteur. Car la guerre idéologique est déclarée. Et il faudra bien cet état de mobilisation et de colère pour supporter ce qu’il va falloir supporter. Il ne faut pas s’y tromper : sauf à ce que tout l’euro parte en morceaux à son tour, hypothèse qui n’est certainement pas à exclure mais qui n’est pas non plus la plus probable, les yeux injectés de sang d’aujourd’hui laisseront bientôt la place à l’écœurant rire triomphateur des Versaillais quand la Grèce passera par le fond du trou. Car elle y passera. Elle y passera au pire moment d’ailleurs, quand Espagnols et Portugais, sur le point de voter, se verront offrir le spectacle du « désastre grec » comme figure de leur propre destin s’ils osaient à leur tour contester l’ordre de la monnaie unique. Ce sera un moment transitoire mais terrible, où, sauf capacité à embrasser un horizon de moyen terme, les données économiques de la situation n’offriront nul secours, et où l’on ne pourra plus compter que sur la colère et l’indignation pour dominer toutes les promesses de malheur. En attendant que se manifestent les bénéfices économiques, et plus encore politiques, du geste souverain.
Que faire entre temps pour échapper à la rage impuissante lorsqu’on n’est pas grec ? Depuis février, on a vu fleurir des initiatives de solidarité où le réconfortant le dispute au dérisoire : c’est que la version KissKiss BankBank des Brigades internationales a surtout pour effet de dire quelque chose de l’époque… En réalité l’événement offre peut-être la meilleure occasion de redécouvrir, et pour certains de découvrir tout court, que l’internationalisme réel consiste moins dans le dépassement imaginaire des nations que dans la solidarité internationale des luttes nationales. Et dans leurs inductions mutuelles. Les Grecs sont sur le point de défier l’ordre néolibéral en son institution principale : la monnaie unique européenne. Pour nous qui souffrons des pouvoirs entièrement vendus à cet ordre, être à la hauteur de l’éclaireur grec ne réclame pas moins que de nous retourner contre nos gouvernements.
Notes
[1] Philippe Légé, « Ne laissons pas l’Europe écrire sa tragédie grecque », Note des Economistes Atterrés, 30 avril 2015.
[2] Sanjay Basu et David Stuckler, « Quand l’austérité tue », Le Monde diplomatique, octobre 2014.[1] Philippe Légé, « Ne laissons pas l’Europe écrire sa tragédie grecque », Note des Economistes Atterrés, 30 avril 2015.
Source : Frédéric Lordon, pour son blog La Pompe à phynances, le 29 juin 2015.
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