Par Alastair Crooke – Le 28 juillet 2025 – Source Conflicts Forum
Le
nuage Epstein métastase et devient un point focal pour un rejet
populaire profond de certaines couches dirigeantes. Le public s’était
déjà résigné, à contrecœur, à accepter que leurs « dirigeants »
mentent et volent régulièrement, mais néanmoins ils (en particulier au
sein de la faction MAGA) viennent de vaguement comprendre qu’il pouvait y
avoir un vice au sein du monde politique qu’ils considèrent comme trop
détestable pour être seulement imaginé. Les gens ont compris que Trump
était d’une manière ou d’une autre (même en tant que spectateur) lié à
toute cette culture dégradée.
Cela ne passera probablement pas facilement ou peut-être pas
du tout. Trump a été élu pour nettoyer tous ces réseaux enchevêtrés
d’oligarchie interdépendante, de structures de pouvoir et de services de
renseignement agissant pour des intérêts invisibles. C’est ce qu’il
avait promis : l’Amérique d’abord.
La distraction autour du sujet Epstein ne fonctionnera probablement
pas. L’exploitation, les abus et la destruction de la vie d’un nombre
incalculable d’enfants dans la poursuite du pouvoir, de la richesse et
de la débauche diabolique touchent au plus profond l’être moral. Il ne
peut pas être facilement distrait en dirigeant son attention vers
d’autres jeux monétaires et de pouvoir ignobles de l’élite. Les abus (et
pire) infligés aux enfants se distinguent par leur propre catégorie
diabolique.
Trump peut dire qu’il n’a rien fait de mal légalement. Mais le fait
est qu’il est maintenant très sérieusement contaminé. Il pourrait par
conséquent entrer dans une période de président en sursis, à moins d’un
événement style Deus ex machina qui suffirait à détourner l’attention du
public.
Juste pour être clair, il est dans le caractère de Trump de résister puissamment à devenir un président « en sursis« . Et c’est là que réside le danger géopolitique. Trump a besoin de distractions à la une et il a besoin de « victoires« .
Cependant, il est maintenant à un tel point bas que l’État
sécuritaire et ses alliés au Congrès vont prendre plus de contrôle. De
même, nombreux sont ceux, dans le système qui relient les politiciens et
les responsables aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Israël par de
profonds liens commerciaux et de renseignement, qui seront extrêmement
défavorables à être exposés dans cette affaire. Des individus, y compris
Ghislaine Maxwell qui est emprisonnée, peuvent s’avérer dangereux,
comme un homme qui se noie et qui, paniqué, s’empare de la personne la
plus proche pour couler avec elle.
L’équipe de politique étrangère bornée de Trump a mis les initiatives
de politique étrangère du président dans une cage, dont les barreaux
portent des noms tels que « arrogance et orgueil »
Au sujet de l’Ukraine, Trump a donné à Moscou ce qui est
effectivement 50 jours pour capituler devant l’ultimatum de
cessez-le-feu de Kellogg, ou pour en subir les conséquences. [Plus que 10 jours maintenant, NdT]
Alors que les sanctions secondaires de 100% – affectant
principalement les importations énergétiques de la Chine et de l’Inde en
provenance de Russie – ont été totalement rejetées par la Chine (et le
seront probablement aussi par l’Inde), Trump sera sous la pression de
ses faucons au Congrès pour qu’il fasse quelque chose pour infliger plus
de douleur à la Russie.
Le problème est que les coffres de guerre sont vides. Ni les
États-Unis ni l’Europe ne détiennent de stocks d’armes pouvant avoir une
quelconque conséquence sur la guerre. Même s’ils devaient payer et
commander des missiles ou d’autres armes maintenant, il faudrait des
mois avant leur livraison.
Trump a cependant besoin de gains/détournements d’attention rapides.
En l’absence de tout inventaire significatif, Trump ne peut
intensifier efficacement la guerre qu’en utilisant des missiles à longue
portée ciblant Moscou ou Saint-Pétersbourg. Des missiles Tomahawk d’une
portée de 2 000 km sont dans l’inventaire américain (et ont été
discutés par l’équipe Trump, a rapporté David Ignatius).
Et si ces vieux missiles Tomahawk étaient facilement abattus par les
forces russes ? Eh bien, alors il y aurait un vide. Un sérieux vide.
Parce qu’il n’y a rien entre la fourniture d’armes symboliques (une
poignée de missiles Patriot) et les armes nucléaires tactiques des
États-Unis qui pourraient être lancées à partir d’avions de combat
stationnés en Grande-Bretagne.
À ce stade, Trump se précipiterait dans une grande guerre contre la Russie.
Y a-t-il un plan « B » ? Eh bien oui. C’est bombarder à nouveau l’Iran, comme alternative à l’escalade contre la Russie.
Les Iraniens pensent qu’une autre frappe contre l’Iran est probable,
et Trump a déclaré qu’il pourrait le faire. L’Iran se prépare donc tous
azimuts à une telle éventualité.
Il est fort possible que Trump ait été informé que la conséquence de
frappes majeures contre l’Iran serait la démilitarisation effective
d’Israël imposée par les missiles iraniens – entraînant de profondes
conséquences dans le système politique américain, ainsi que dans la
région.
Il est également tout à fait possible que Trump ignore un tel briefing, préférant voir Israël comme “si bon” (l’exclamation qu’il a faite pendant l’attaque sournoise israélienne du 13 juin).
Et au Moyen-Orient en ce moment ? On dirait que Netanyahu tire les
ficelles pour Trump. Gaza est déjà un scandale de crimes de guerre, avec
toutes les perspectives d’aggravation.
Max Blumenthal rapporte que “lorsque Tucker Carlson a allégué
qu’Epstein avait des liens avec les services de renseignement israéliens
[et que ce fait expliquait] pourquoi Trump dissimulait [l’affaire
Epstein], les Israéliens ont apparemment pris peur. Naftali Bennett,
l’ancien Premier ministre israélien, a été convoqué pour déclarer qu’il
avait traité, tous les jours, avec le Mossad et que Jeffrey Epstein ne
travaillait pas pour le Mossad et n’était pas un agent israélien. Il a
ensuite menacé Carlson en disant ‘ « Nous n’accepterons pas cela ». Le
ministre israélien des Affaires de la Diaspora a également dénoncé
Tucker Carlson. C’est comme si la relation entre le mouvement
conservateur américain et Israël se fissurait à cause d’Epstein”, suppose Blumenthal.
Netanyahu sent peut-être des ennuis à venir pour Israël aux
États-Unis, alors que les jeunes Américains et les partisans du MAGA se
retournent contre Trump pour avoir trahi « l’Amérique d’abord » ; pour avoir « co-assumé »
le massacre de Gaza ; la guerre civile sectaire menée par Israël et les
États-Unis en Syrie ; le bombardement de l’Iran ; et la spoliation du
Liban.
Selon les sondages, quatre-vingt-un pour cent des Américains
souhaitent que tous les documents liés à Epstein soient publiés. Les
deux tiers – dont 84% de Démocrates et 53% de Républicains – pensent que
le gouvernement dissimule des preuves concernant sa « liste de clients » et sa mort. La cote de désapprobation de Trump s’élève actuellement à 53%.
Netanyahu (peut-être en conséquence) se déchaîne précipitamment pour imposer le « Grand Israël« . « Imposer »,
parce que les Accords d’Abraham originaux étaient ostensiblement un
accord de normalisation avec Israël. Aujourd’hui, sous la menace
militaire, les États arabes sont contraints d’accepter les conditions
israéliennes et la soumission à Israël.
C’est une parodie de l’ancienne notion israélienne d’alliance des minorités. Aujourd’hui, les « minorités »
(majorités parfois fracturées) sont délibérément dressées les unes
contre les autres. Les États-Unis et Israël ont de nouveau introduit
ISIS 2.0 au Moyen-Orient. Les exécutions d’Alaouites, de chrétiens et de
chiites en Syrie en sont la conséquence directe.
La perspective est celle d’un Moyen-Orient dévasté, seules les
monarchies du Golfe servant d’îles obéissantes au milieu d’un paysage
plus vaste de guerres intestines, de massacres ethniques et de régimes
politiques balkanisés.
Est-ce cela le fameux Nouveau Moyen-Orient …?
Alastair Crooke
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.