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dimanche 4 septembre 2022

David Engels : La fin de la pandémie – et le glas de notre démocratie

Source :  https://putsch.media/20220208/tribunes/la-culture-du-debat/david-engels-la-fin-de-la-pandemie-et-le-glas-de-notre-democratie/

PAR  

Par l’historien David Engels

Même si beaucoup ne veulent pas encore l’admettre : la crise covid est terminée. Partout en Europe, les mesures les plus diverses, en vigueur depuis deux ans, sont progressivement réduites ou totalement supprimées, si bien que de nombreux pays ont retrouvé une situation tout à fait normale, comme la Grande-Bretagne ou le Danemark. Il n’y a qu’en France, en Allemagne et en Autriche que les masques ne sont pas encore tombés – mais ce n’est probablement là aussi qu’une question de temps avant que les réglementations totalement surréalistes ne soient progressivement retirées et qu’une certaine normalité ne s’installe enfin. Et même si, pour l’instant, il semble que l’argument massue de la nécessaire préparation à de nouvelles mutations mortelles attendues pour automne et hiver puisse encore légitimer les mesures actuelles pendant un certain temps – à long terme, la France et l’Allemagne ne pourront pas se défendre contre la pression toujours plus grande de l’intérieur, ni contre la comparaison avec le monde extérieur. Ce à quoi nous assistons actuellement n’est donc qu’un dernier sursaut de quelques politiciens, journalistes et experts qui veulent sauver la face au détriment de l’ensemble de la société, jouir encore quelque temps de leurs pouvoirs spéciaux usurpés et rendre quelques dernières faveurs aux différents lobbies auxquels ils se sont ralliés, avant que la source d’argent si lucrative du « covid » ne cesse de couler à flot.

 

« Ce à quoi nous assistons actuellement n’est donc qu’un dernier sursaut de quelques politiciens, journalistes et experts qui veulent sauver la face au détriment de l’ensemble de la société, jouir encore quelque temps de leurs pouvoirs spéciaux usurpés et rendre quelques dernières faveurs aux différents lobbies auxquels ils se sont ralliés, avant que la source d’argent si lucrative du « covid » ne cesse de couler à flot »

 

Il est donc grand temps de tirer les premières leçons de ces deux dernières années.
La première leçon concerne la science. Rarement les soi-disant « experts » se sont rendus aussi ridicules que ces deux dernières années, où des armées entières de « virologues » et de chercheurs en santé publique, véritables ou transformés en tels par les médias, ont prouvé leur incapacité manifeste à discuter objectivement et sans préjugés de positions et de thèses divergentes et, si possible, à les réfuter, au lieu de se contenter de les discréditer avec des arguments finalement politiques. La dangereuse proximité entre les experts et l’élite politique, qui s’est constituée en nouveau bloc de pouvoir, est également des plus préoccupantes, puisqu’elle a, d’une part, remplacé la formation démocratique de l’opinion par un ensemble de mesures prétendument « sans alternative » et, d’autre part, abandonné la recherche sans préjugés au profit de l’approbation a posteriori de positions politiques. A l’issue de cette crise, on constate donc une profonde méfiance d’une partie grandissante de la population à l’égard de cette fameuse « science » prétendument infaillible et apolitique, dont les analyses et les conseils divergeaient curieusement diamétralement non seulement d’un pays à l’autre, mais même à l’intérieur d’un même institut de recherche, tout en revendiquant partout une validité absolue et en disqualifiant tous ceux qui mettaient en doute leurs affirmations respectives en les qualifiant de « covidiots » obscurantistes. Les conséquences de cette perte de confiance dans le monde académique se feront sans doute encore sentir longtemps, lorsqu’il s’agira de surmonter des crises peut-être bien plus graves.

 

« La dangereuse proximité entre les experts et l’élite politique, qui s’est constituée en nouveau bloc de pouvoir, est également des plus préoccupantes, puisqu’elle a remplacé la formation démocratique de l’opinion par un ensemble de mesures prétendument « sans alternative » »

 

La deuxième leçon est que tout observateur attentif et critique aura entre-temps perdu le peu de respect qu’il lui restait pour ces médias de masse qui se sont transformés en auxiliaires sans volonté d’une politique certes en constante fluctuation, mais qui attend à chaque moment une obéissance sans contradiction, et qui, avec leurs polémiques excessives contre tous ceux qui ne partageraient pas leur opinion, sont largement responsables de la polarisation massive de notre société. Il est sans doute devenu clair, même pour un public de masse, qu’il ne sera pas possible de reconstruire une véritable solidarité nationale ou européenne, quelle qu’elle soit, sans remettre radicalement en question le fonctionnement actuel des médias – et ce non seulement en réexaminant la dépendance croissante des médias privés à l’égard de subventions étatiques et de publicités politisées, mais aussi en tirant enfin les conséquences de l’incapacité manifeste des médias publics à remplir leur véritable mission de neutralité politique. Il est également difficile d’ignorer que non seulement les médias classiques, mais aussi les médias sociaux se sont servis avec un véritable enthousiasme, par du « fact-checking » douteux, des algorithmes manipulés et une censure impitoyable, dans l’arsenal-même de la manipulation totalitaire que l’Europe se targue depuis des décennies d’avoir surmontée.

 

« Il est sans doute devenu clair, même pour un public de masse, qu’il ne sera pas possible de reconstruire une véritable solidarité nationale ou européenne, quelle qu’elle soit, sans remettre radicalement en question le fonctionnement actuel des médias »

 

Une troisième leçon de la crise concerne la disposition dangereuse de l’establishment politique à restreindre massivement les libertés du citoyen et à démanteler l’État de droit sans grand débat, voire sans même la moindre trace de perception de ce qui est en jeu, et ce non seulement dans la phase d’inquiétude légitime que nous avons connue au cours des premiers mois de la pandémie, mais bien au-delà. Celui qui est prêt, sans débat démocratique ni même consultation du Parlement, à soumettre des droits fondamentaux tels que la liberté de réunion, la liberté d’expression ou la liberté de la presse à des restrictions massives et à stigmatiser tout opposant à la politique gouvernementale du moment comme « ennemi de la démocratie » et en le soumettant à de multiples répressions, n’a probablement pas compris grand-chose aux fondements intellectuels d’un système libéral et démocratique.

La brutalité et la rapidité effrayantes avec lesquelles des mécanismes idéologiques qu’on n’avait plus connus depuis la fin du totalitarisme sont redevenus acceptables laissent présager du pire lorsqu’il s’agit des crises de l’avenir, qu’elles soient réelles (comme la crise économique à venir ou la confrontation avec la Chine émergente), ou imaginaires (comme la crise climatique, la « lutte contre la droite » et la mise en œuvre des quotas sociaux les plus divers). Le fait que l’on ne puisse plus faire confiance à la politique, et pas seulement en ce qui concerne l’une ou l’autre préférence idéologique secondaire, mais aussi des questions fondamentales telles que la préservation de l’intégrité du corps, de la liberté d’expression ou de la propriété, a probablement été une expérience traumatisante pour de nombreuses personnes et devrait les dissuader durablement de participer à la vie politique avec un minimum de confiance.

 

« La brutalité et la rapidité effrayantes avec lesquelles des mécanismes idéologiques qu’on n’avait plus connus depuis la fin du totalitarisme sont redevenus acceptables laissent présager du pire lorsqu’il s’agit des crises de l’avenir »

 

Une quatrième leçon est l’influence croissante du transhumanisme, ancré en partie dans la pensée élitiste du libéralisme et en partie dans l’approche socioconstructiviste de la gauche. Longtemps considéré comme un simple délire dystopique, il est devenu en quelques mois le fondement ultime de l’action politique du monde occidental. L’idée que la souffrance et la mort ne sont pas des éléments constitutifs de la vie, mais des accidents à éviter absolument ; le remplacement de l’image divine de l’homme par sa déficience fondamentale ; le rêve d’une perfectibilité illimitée du corps ; l’absence de scrupules à transformer des nations entières en laboratoires d’expérimentation ; l’amalgame dangereux entre le système de santé et une logique de plus en plus orientée vers le profit ; la réduction mécaniste de la santé à une série de processus qui peuvent tous être contrôlés par des moyens médicaux et dont les effets secondaires inévitables finissent par rendre l’organisme entier dépendant de substances étrangères ; bref, la réduction de l’homme à son seul corps et donc, bien sûr, l’incapacité à comprendre des notions transcendantes telles que la liberté, l’honneur, la dignité ou la foi, sont devenues omniprésentes, et il est peu probable qu’elles nous libèrent volontairement de leur emprise. Il s’agit donc de reconnaître dès maintenant les dangers de ces pensées dans toute leur importance et de s’y fermer fondamentalement.
Un cinquième et dernier point : il est effrayant de voir avec quel enthousiasme non seulement les élites, mais aussi des personnes tout à fait « normales », qui ne pouvaient pas en tirer un profit immédiat, se sont jointes à la chasse collective aux nouveaux « marginaux » – les coronasceptiques. Laissés à l’abandon par les médias, les politiques et les experts, ces prétendues « minorités » (qui représentent souvent plus de la moitié de la population) ont été présentées comme des parasites dangereux et corrosifs, discriminées et déshumanisées, et ce sous les applaudissements de la grande masse, qui voyait en elles non seulement des dangers potentiels pour sa propre santé, mais aussi des ennemis fondamentaux qui ne méritaient ni les droits civils et humains, ni le respect des autres. Il est significatif qu’en Allemagne en tout cas, la déshumanisation du soi-disant « covidiot » et « anti-vax » ait été combinée à son association systématique avec la « droite » politique, construite à grands frais par les médias et la politique, afin de créer une image déformée quasiment sous-humaine de l’ennemi ultime de notre société prétendument ouverte. On voit de plus en plus clairement où se situeront les lignes de fracture sociales de l’avenir et à quels comportements, que l’on croyait révolus depuis longtemps, beaucoup de nos semblables se laissent volontiers convaincre lorsque l’impunité, la gratuité et le sadisme s’associent à la lutte pour le prétendu « bien commun ».

« Il est effrayant de voir avec quel enthousiasme non seulement les élites, mais aussi des personnes tout à fait « normales », qui ne pouvaient pas en tirer un profit immédiat, se sont jointes à la chasse collective aux nouveaux « marginaux » – les coronasceptiques »

 

Après l’essoufflement de la pandémie covid et le retrait progressif de la plupart des mesures liberticides, le monde occidental a gagné un bref, et peut-être dernier, répit. Ce qui, rétrospectivement, ressemble à la répétition générale de la mise en œuvre systématique d’une dystopie autoritaire et transhumaniste ne restera pas un chapitre isolé de notre histoire récente : il faut plutôt s’attendre à ce que les réflexes collectifs et les faisceaux de mesures politiques bien rodés désormais puissent devenir la base facilement ré-activable de nouvelles tentatives de transformation et d’asservissement de notre société. Il est très douteux qu’un assainissement interne du monde occidental puisse encore être entrepris dans le court laps de temps qui nous reste ; il est plus probable qu’il s’agisse d’un dernier répit avant que la prochaine crise, qu’elle soit imposée par des circonstances extérieures ou provoquée consciemment par des objectifs idéologiques librement choisis, nous impose un nouveau chapitre dans l’histoire du « Great Reset » apparemment inéluctable. Il s’agit donc de bien utiliser ce temps et d’approfondir le travail de fond qui peut garantir la survie des valeurs fondamentales de notre civilisation, même dans des conditions incomparablement moins favorables.

 

 

« Il est plus probable qu’il s’agisse d’un dernier répit avant que la prochaine crise, qu’elle soit imposée par des circonstances extérieures ou provoquée consciemment par des objectifs idéologiques librement choisis, nous impose un nouveau chapitre dans l’histoire du « Great Reset » apparemment inéluctable »

 

 

Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux États se sont préparés à maintenir en vie leur identité traditionnelle même sous le régime communiste en créant, au prix de grands sacrifices, d’importants réseaux qui ont pu exercer une action bénéfique pendant plus de deux générations et entreprendre cette érosion interne de la dictature sans laquelle son renversement n’aurait probablement pas été possible. Il est temps de reprendre les grands classiques de la résistance intérieure et de mettre en pratique leurs enseignements, tant que les personnes qui ne veulent pas se soumettre à la contrainte extérieure peuvent encore profiter de quelques restes de liberté traditionnelle.


vendredi 15 novembre 2013

Pierre Hillard, Frédéric Lordon, David Engels, etc. : comprendre le nouvel ordre mondial/ Pierre Hillard, Frédéric Lordon, David Engels, etc. : to understand the new world order

Source du texte ci-dessous :  fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Hillard

"Pierre Hillard est un essayiste français, né le 21 janvier 1966, docteur en science politique. Spécialiste du « mondialisme », il critique ce qu'il interprète comme un processus technocratique de décomposition des nations et d'unification du monde, passant par la constitution de « grands blocs continentaux ».Il fait des études d'histoire, de sciences politiques et d'études stratégiques. Il réalise sa thèse de doctorat de sciences politiques Les Ambiguïtés de la politique allemande dans la construction européenne (2005) sous la direction d'Edmond Jouve.Il est notamment l'auteur de Minorités et régionalismes dans l’Europe fédérale des régions (2001), de La Décomposition des nations européennes : de l'union euro-atlantique à l'État mondial (2004), de La Marche irrésistible du nouvel ordre mondial (2007) et de La Fondation Bertelsmann et la gouvernance mondiale (2009)    Il a écrit de nombreux articles dans Le Figaro, Géostratégiques, Réseau Voltaire, Conflits actuels, Intelligence et Sécurité et Balkans-Infos. Il intervient sur Radio Courtoisie, et plus rarement sur France Culture (Les Enjeux internationaux du 26 avril 2012), France Info, Radio Ici & Maintenant, ou encore France 24. Il collabore aux publications du Cercle Jeune France1. Il est depuis octobre 2012 éditorialiste sur le site internet Boulevard Voltaire2, lancé parRobert MénardSelon Pierre Hillard, le but de l'Union européenne n'est pas la création d'une Europe unie mais d'un bloc euro-atlantique avec l'Amérique du Nord. Il cite le cas de Richard de Coudenhove-Kalergi, un des premiers fédéralistes européens, qui affirmait déjà la volonté de créer une « Union atlantique », l'Angleterre faisant le pont entre l'Europe et l'Amérique. Il désignait l'ensemble comme une « Fédération à trois »3.En raison du transfert de compétences politiques, économiques et monétaires à des blocs continentaux en voie d'unification (Union européenne, Union nord-américaine à l'instigation de Robert Pastor, Union des nations sud-américaines, Union africaine, etc.), les États vidés de leurs substances sont appelés à se disloquer en raison de facteurs multiples (financiers, ethniques, économiques, etc.). Même les États-Unis, en raison de la création en cours de l'Union nord-américaine, sont appelés à éclater en plusieurs entités territoriales (cf. thèse d'Igor Panarine) de même que le Canada.Ce processus en cours partout sur la planète permettra à des blocs continentaux débarrassés de leurs États de constituer l'architecture de la gouvernance mondiale

Ouvrages

Minorités et régionalismes dans l'Europe fédérale des régions, sous-titre : Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l'Europe, préface de Paul-Marie Coûteaux et postface d'Édouard Husson, Éditions François-Xavier de Guibert, 2001 ;

  • Les Ambiguïtés de la politique allemande dans la construction européenne, thèse de doctorat de sciences politiques sous la direction d'Edmond Jouveuniversité Paris-V, 2005 ;
  • La Décomposition des nations européennes, sous-titre : De l'union euro-Atlantique à l'État mondial. Géopolitique cachée de la constitution européenne, préface d'Édouard Husson, Éditions François-Xavier de Guibert, 2004 ;
  • La Marche irrésistible du nouvel ordre mondial, sous-titre : Destination BabelÉditions François-Xavier de Guibert, 2007 ;
  • La Fondation Bertelsmann et la « gouvernance mondiale », Éditions François-Xavier de Guibert, 9 avril 2009."
  • Chroniques du mondialisme, 2014

J'ai découvert l'existence de Pierre Hillard en m'intéressant au Grand Marché Transatlantique. Cet auteur en a fait l'un de ses objets d'étude. 

D'une manière générale, Pierre Hillard propose deux grilles d'analyse du mondialisme (= idéologie qui promeut et instaure la gouvernance mondiale) : 

- une mystique : "Afin de mener à bien les points défendus par la synagogue, il s'avère nécessaire de parfaire les structures politiques favorisant une gouvernance mondiale. Ces structures régissant l'humanité unifiée doivent épouser parfaitement les canons spirituels du mosaïsme [la religion de Moïse] pour les Juifs et du noachisme [la religion de Noé] pour les non-Juifs" Hillard Pierre, Chroniques du mondialisme, Le Retour aux Sources, mars 2014, p.15 

- une temporelle : de façon factuelle, chronologique, Pierre Hillard nous révèle les actions politiques liées au mondialismeSi vous voulez avoir un aperçu limpide de cette analyse, voir la conférence ci-dessous :



La conférence ci-dessous vient compléter la précédente en insistant sur les origines historiques du régionalisme et sur le lien à établir entre le mondialisme et le grand marché transatlantique :

 


En parcourant la toile, j'observe que l'analyse de Pierre Hillard alimente surtout la réflexion de divers courants de droite : nationalistes, identitaires, royalistes, religieux. Notez que Pierre Hillard n'adhère pas au Front National qu'il présente comme un parti utile à l'empire. D'une manière générale, cet essayiste estime que le vote est inutile et que le chaos, programmé sur le mode "Diviser pour régner" ou "Agiter le peuple avant de s'en servir", est inéluctable. Selon lui, il reste néanmoins intéressant de savoir "à quelle sauce nous allons être mangé" et il est possible de se préparer et de survivre à l'effondrement. Ce positionnement l'inscrit dans la mouvance très hétéroclite du survivalisme. 

Et au final, conclut-il, la roue tourne... vers un renouveau.  

En tant qu'agnostique, l'analyse mystique de Pierre Hillard ne m'intéresse que secondairement.       

Son analyse temporelle m'a indéniablement remué. Certes, sa vision du monde peut alimenter certaines passions nationalistes, religieuses, le repli sur soi. Mais, au risque de passer pour un naïf, je crois que l'inverse est vrai aussi : en complément à d'autres analyses, la thèse de Pierre Hillard peut contribuer à l'éveil des consciences et à ce sursaut de solidarité dont nous avons besoin pour survivre... et vivre mieux. 

Que penser de la gouvernance mondiale, de la décomposition des nations, du lobbying des multinationales, de l'état de nos démocraties ? Que penser du découpage des nations européennes en régions ? Que penser des théories du complot ? Le véritable danger est-il le mondialisme, le nationalisme, le régionalisme ou le processus "démocratique" qui les promeut et les met en place ?  

Quelques éléments de réflexion à travers ces 3 excellents articles de Frédéric Lordon :  

http://blog.mondediplo.net/2013-07-08-Ce-que-l-extreme-droite-ne-nous-prendra-pas

http://blog.mondediplo.net/2014-06-30-Le-reve-eveille-europeiste

http://blog.mondediplo.net/2012-08-24-Conspirationnisme-la-paille-et-la-poutre

Cette intervention d'Onfray ... à propos des idées de gauche et de droite




... Et cet ouvrage de David Engels : 

LE DECLIN

La crise de l'Union européenne et la chute de la république romaine

- analogies historiques.

Paris 2013 (éditions du Toucan), 384 p.


source : http://davidengels.be/declin.html

 


 
 Contexte et objectifs généraux.
 
Vu la crise économique profonde que traverse l’Union européenne et qui ébranle les bases mêmes de la solidarité entre états, il n’est pas étonnant que la « construction » d’une « identité européenne » solide soit actuellement au centre de nombreux débats publiques. Néanmoins, l’historien ne peut ignorer qu’au vu de notre histoire millénaire, la véritable identité européenne ne peut et ne doit être une « nouvelle » identité, créée artificiellement pour unir des peuples hétéroclites, mais qu’elle est plutôt l’essence vivante de toutes les identités régionales et nationales développées depuis au moins l’époque du Moyen Âge. Mais le problème de perception ou d’acceptation de cette identité millénaire commune ne reflète pas seulement la vision biaisée des politiciens européens, mais aussi l’aveu que les valeurs identitaires européennes traditionnelles sont en grave crise et que les valeurs universalistes mises à l’honneur par les élites politiquement correctes soient insuffisantes pour créer un sentiment de loyauté face aux institutions européennes.

Dans le contexte de ce questionnement identitaire, l’ouvrage présenté ici tente d’apporter un changement radical de perspective, en tentant de démontrer que, contrairement à ce que l’on a pu prétendre, la crise identitaire que traverse l’Union européenne est, tant dans ses raisons structurelles que dans son déroulement chronologique, tout sauf nouvelle dans l’histoire : les principaux éléments de cette situation ont déjà été vécus et ont trouvé une solution, et ceci à une époque relativement bien connue de l’histoire romaine et paraissant si actuelle et moderne qu’elle devrait figurer au centre des débats sur la crise de la civilisation occidentale : la Rome de la république tardive (1er s. av. J.-Chr.). Adoptant une approche rigoureusement comparatiste des problèmes identitaires contemporains et antiques, l’ouvrage procède donc essentiellement par comparaison systématique de notre matériel documentaire émanant du monde européen contemporain et du passé de la république romaine tardive.

Ainsi, en ce qui concerne l’identité européenne, les éléments pertinents sont analysés grâce à l’examen des outils statistiques mis à la disposition du public par Eurostat, l’institut statistique de l’Union européenne elle-même, dont notamment le célèbre Eurobaromètre ; sources complétées occasionnellement par des données empiriques émanant des institutions statistiques officielles des différents pays membres, et par des extraits de textes appropriés. Les résultats ainsi obtenus concernant le rôle de ces divers éléments dans la construction (ou le manque) d’une identité européenne sont ensuite systématiquement confrontés à leurs éléments analogues datés des dernières décennies de la république romaine tardive, dont notre connaissance provient majoritairement, en l’absence de données statistiques valables, de l’interprétation des textes littéraires et historiographiques classiques.
   
Argumentation.

Le corps du travail se structure en douze chapitres, investiguant tour à tour les vecteurs centraux de la construction d’une identité européenne basée sur des valeurs universalistes (c.à.d. la tolérance, le respect de la vie humaine, l’égalité, l’épanouissement personnel, la religion, le respect des autres cultures, les libertés individuelles, la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme, la paix et la solidarité). Comparant rigoureusement la place de ces valeurs dans la société contemporaine et celle de la république romaine tardive, l’ouvrage tente de montrer comment l’encouragement excessif de ces valeurs dans une société en pleine mutation économique et culturelle, loin d’en assurer la stabilité, contribue paradoxalement à son démantèlement et provoquera le retour en force graduel des valeurs du passé.

1.    Le recul de l’idéal d’un état culturellement bien défini et ethniquement homogène au profit de l’exagération des notions de tolérance et de cosmopolitisme favorisent à la fois une immigration de plus en plus massive et un abandon de la priorité jadis accordée aux habitants originaux et à leur culture, à la fois dans la Rome tardo-républicaine exposée au philhellénisme comme dans l’Europe actuelle avec sa culture de culpabilité. 
2.    La vision de plus en plus problématisée de l’enfance, de l’éducation et de la responsabilité parentale, combinée avec l’émancipation de la femme et la baisse des salaires ont affecté les comportements démographiques traditionnels des Européens tout comme des Romains et provoqué un déclin démographique inouï, qui risque de constituer une hypothèque lourde pour les prochaines générations. 
3.    L’idéal universaliste d’égalité entre les sexes, combiné avec l’exaltation de l’individualisme, a détruit la notion traditionnelle de la famille et surtout du couple et a produit, dans la Rome jadis patriarcale comme dans l’Europe avec son idéal chevaleresque, une explosion du divorce et des familles recomposées, entravant singulièrement l’identification des générations futures à la cellule familiale et donc à l’archétype de l’identité culturelle. 
4.    La disparition de la notion traditionnelle d’un juste milieu, profondément ancrée dans les convictions sociales du christianisme occidental comme du mos maiorum romain, au profit d’une vision purement matérialiste de l’épanouissement personnel, a provoqué à la fois le carriérisme égoïste et l’émergence d’une société basée sur le pain et les jeux, une évolution démantelant toute loyauté sociale entre citoyens, élément identitaire de toute première importance. 
5.    Les aspects spirituels de l’identité sont en plein déclin, notamment la religion traditionnelle, soit-ce le christianisme, soit-ce le paganisme républicain. Lourdement critiquée par la pensée rationaliste des Lumières et de la philosophie hellénistique, la force de cohésion de la religion se trouve désormais dans la défensive par rapport à l’attractivité exotique de religions étrangères, expliquant l’émergence de cultes orientaux comme le christianisme à Rome ou la montée en puissance du New Age et surtout de l’Islam en Europe. 
6.    La mondialisation (antique comme moderne) et l’idéalisation outrée de tout ce qui est « autre », combinée au masochisme culturel développé en Europe depuis la Deuxième Guerre Mondiale, ont amené une dissolution de plus en plus marquée de l’adhésion instinctive aux traditions culturelles autochtones au profit d’un syncrétisme humaniste cosmopolite. 
7.    Concernant les libertés individuelles, intimement liées à la garantie de la sécurité de chacun, nous constatons, à Rome comme dans l’Union européenne, un sentiment d’insécurité et d’inégalité devant la justice. Les citoyens se méfient de plus en plus de la justice et ont tendance à saluer l’arrivée de partis politiques plaçant la sécurité collective au-dessus de la liberté individuelle. 
8.    Le citoyen cesse de vouloir participer activement à la gestion des affaires politiques, soit-ce dans la res publica romaine, soit-ce dans la démocratie actuelle. Ainsi, la déresponsabilisation de l’individu au profit de la masse, basée sur la confiance universaliste en la quantité plutôt qu’en la qualité, a donné naissance à une attitude apolitique qui, de son côté, a engendré la gestion de l’état par une élite technocratique, la soumission au diktat de l’économie et l’indifférenciation idéologique des grands partis. 
9.    L’État est devenu un organisme opaque et douteux, dont l’évolution future est appréhendée avec pessimisme. Ceci explique pourquoi les Romains tout comme les Européens accorderont peu de valeur à la liberté civique ainsi qu’au poids de leur vote si y renoncer peut leur permettre de s’assurer des bénéfices financiers ou sécuritaires. 
10.   En Europe comme à Rome, la combinaison entre l’infantilisation du citoyen, l’établissement du canon du politiquement correct et la perte de vitesse de la notion traditionnelle du « devoir » au profit de celle des « droits » a amené une situation où le rôle du citoyen est essentiellement passif et se structure autour du maintien des acquis matériels, et non des dynamiques civiques qui les ont conquis. 
11.   En dépit de la notion omniprésente du pacifisme, le seul élément que les Européens semblent réclamer d’un commun accord de la part de l’Union est l’établissement d’une politique d’intégration intérieure et de défense extérieure commune qui permettrait de sauvegarder leurs intérêts chez eux et dans le monde et annonce déjà l’empire. 
12.   L’idéal de solidarité, basé non sur la loyauté culturelle, mais sur une logique économique, s’est de plus en plus transformé en un élément justifiant à la fois l’exploitation institutionnelle comme l’expropriation politique de régions périphériques par un centre politique et économique soucieux de garder le contrôle, expliquant ainsi la transformation de la fédération européenne en un véritable empire où des États faibles comme la Grèce gravitent comme des provinces autour du noyau franco-allemand et sont obligés d’entériner des mesures politiques venant d’ailleurs.

 
L’Européen, comme le Romain de la république tardive, est donc perdu dans le dédale ambivalent de ses traditions, de ses États, et de son histoire politique complexe, où volonté de sécurité et ambitions politiques rivalisent avec un réel souci de liberté et de tolérance, rendant difficile et anachronique, dans un environnement si globalisé, l’identification à quelques valeurs héritées du passé, et relativisées par la mondialisation impériale et le syncrétisme culturel. Dès lors, une comparaison systématique de nos sources portant tant sur le présent de l’Union européenne que sur la fin de la république romaine tardive montre que la crise latente que subit visiblement actuellement l’Union européenne n’est pas un événement nouveau dans l’histoire mondiale, mais ressemble dans quelques-unes de ses particularités les plus saisissantes à la crise politique profonde traversée par la république romaine tardive. En effet, tant à Rome qu’en Europe, la carence grandissante de facteurs identificatoires essentiels est l’un des éléments les plus frappants de la crise morale, humaine et matérielle que vivent ces deux sociétés : si seul l’établissement d’identités collectives permet de mettre en continuité avec le passé et de projeter dans le futur le présent individuel autant que sociétal, la coupure avec les idéaux traditionnels de ce passé déracine le présent et bloque, à la longue, toute conception sensée et organique du futur.

Perspectives.

Les analogies entre la crise identitaire européenne du 21ème siècle et celle de la république romaine tardive semblent suffisantes pour en faire non seulement un cas de parallélisme accidentel, mais aussi un véritable paradigme pour notre futur. Et vu que, comme chacun le sait, à la république romaine suivit l’empire des Césars, il est fort à parier que l’avenir qui nous attend sera placé sous le signe du centralisme, du conservatisme et de l’autoritarisme. Ainsi, tous les problèmes concernant la république romaine tardive énumérés au cours de cette recherche ont trouvé leur « solution » politique concrète dans l’idéologie impériale créée par Auguste et son programme de « restauration » ou de révolution, et il est à craindre que les problèmes concernant la crise de l’Union européenne trouveront un jour une « solution » semblable – une solution qui puisse sembler (à juste titre) en désaccord flagrant avec les valeurs-mêmes qui ont contribué à sa formation, mais cette ambiguïté a été, et sera peut-être, le prix du maintien de la stabilité politique, sociale et culturelle dans un environnement profondément hétérogène et divisé.

Évidemment, ces perspectives futures dystopiques – mais en sommes-nous encore si loin ? – n’ont rien d’enchanteur, et personne ne doutera que ces « solutions » ne feront que remplacer le dynamisme d’une chute par l’apparente stabilité d’un immobilisme bien organisé, mais fondée sur la répression de la liberté. Pourtant, bien que provoquant et apparemment impensable dans notre monde contemporain, si rationnel et moderne en superficie, ce futur n’est pas si impossible qu’il le semble, car les fondations d’une future révolution conservatrice sont déjà bien établies : au fur et à mesure que s’affirme le rejet d’une identité politique émotionnellement insatisfaisante, d’un matérialisme attisé par la société de consommation, d’une démocratie en apparence de plus en plus éloignée du citoyen, et que s’accroît la revendication d’une politique proche des valeurs traditionnelles, d’une protection accrue contre l’insécurité et d’une politique extérieure forte, les mouvements politiques éloignés du consensus démocratique risquent de gagner du terrain et de provoquer, directement ou indirectement, l’installation d’un régime peut-être « efficace » et en apparence plus proche des racines traditionnelles de notre passé millénaire, mais en opposition flagrante avec toutes les aspirations de liberté qui ont constitué le moteur latent de notre dynamisme culturel.

... Même sujet traité sur http://www.herodote.net/Le_declin-bibliographie-410.php

Le déclin

La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine


David Engels (éditions du Toucan, 384 pages, 20 euros,  2013)

Le déclin
Avec cet essai plein d'érudition et de finesse, le jeune historien belge David Engels (33 ans) réusait un coup de maître.
En analysant la transition de la République romaine à l'Empire des Césars, il fait la démonstration que l'Union européenne et la monnaie unique pourraient engendrer, en dépit ou à cause de tous leurs défauts, un système social inégalitaire, répressif et inefficace… mais relativement durable.
Professeur d'histoire romaine à l'Université libre de Bruxelles, David Engels dresse un parallèle audacieux et tout à fait inédit entre la situation actuelle de l'Europe et celle de Rome... à la fin de la République, autrement dit au 1er siècle av. J.-C., à l'époque de Marius, Sylla, Pompée, César et Auguste !
Avant lui, dès le XIXe siècle, de nombreux historiens et essayistes s'étaient inquiétés de l'évolution du Vieux Continent et avaient cherché des grilles d'explication dans une comparaison avec la fin de l'empire romain (IIIe-Ve siècles de notre ère), mais jamais encore personne n'avait songé à la crise du 1er siècle av. J.-C.
Point par point, dans une première partie, David Engels confronte l'Europe du XXIe siècle et la République romaine : il analyse la première principalement à travers les sondages d'opinion et la seconde à travers les chroniques, les écrits et la correspondance des contemporains (Cicéron, Salluste...).
Les similitudes dans les moeurs et les mentalités sont confondantes...

La fin de la démocratie

Comme on peut s'y attendre, l'historien n'en reste pas là et développe à la fin de son ouvrage une réflexion plus personnelle sur l'avenir qui lui paraît le plus probable pour l'Union européenne.
Si notre situation est aussi semblable qu'il le dit à celle de la Rome de Pompée et César, l'Europe, dans le meilleur des cas, est destinée à devenir une forme d'empire supranational et à vocation universaliste, un État autoritaire, avec des formes«républicaines» et faussement démocratiques, soucieux de garantir aux citoyens un peu de sécurité matérielle bien plus que la liberté ou l'égalité.
D'ores et déjà, son fonctionnement s'inscrit dans la logique augustéenne et impériale, postdémocratique, avec des cours de justice qui forgent le droit européen sans aucun contrôle de qui que ce soit, et une Commission qui prétend désormais valider les budgets nationaux avant qu'ils ne soient votés par les élus, ceux-ci étant réduits à faire de la figuration. 
«Il est encore difficile d'estimer l'ampleur de la restructuration économique de la Grèce et des pays qui partagent ou partageront son sort. Mais il est bien possible que le résultat aboutisse à un démantèlement du rôle économique de l'État individuel au bénéfice de l'Union européenne. Cela implique une marge de manoeuvre étatique fortement réduite, qui rendra difficile voire impossible l'amortissement du choc d'une sortie de l'Union. On ajoutera à ceci les tentatives de 2011 d'imposer aux États membres un contrôle budgétaire strict de la part de l'Unon, qui limite l'un des facteurs capitaux de l'autonomie nationale», écrit-il avec une remarquable prémonition.
La crise chypriote de mars 2013 illustre a posteriori ses propos. La «troïka» (BCE, FMI et Commission européenne) qui dirige désormais les pays méditerranéens (Grèce, Portugal, Chypre...) a dicté au gouvernement de Nicosie la taxation d'une partie des dépôts bancaires et une nouvelle réduction des dépenses publiques, en le menaçant ouvertement de couper les crédits bancaires et provoquer un effondrement de l'économie nationale. L'euro, impuissant à assurer la prospérité commune, montre au moins qu'il peut soumettre un État plus sûrement que dix légions ou dix divisions de Panzer...
Désorientés, les citoyens européens s'insurgent contre cette perte de souveraineté camouflée par une démocratie de façade. Ainsi en Italie où le premier parti est, en 2013, le parti protestataire et abstentionniste du comique Beppe Grillo.
Ces mouvements d'humeur n'ont guère de chance d'aboutir, faute de projet alternatif, mais David Engels n'exclut pas que l'Europe succombe à la crise actuelle, avec l'éclatement de ses structures, la mort des vieux États nationaux et l'émergence de régionalismes identitaires, le tout sur fond de guerres ethniques.

Un parallèle accablant

David Engels, Dr Pr d'histoire romaine à l'ULB, né le 27 août 1979 à Verviers (Belgique)Dans la première partie de son essai, David Engels rappelle ce que fut la fin de la République romaine.
Après l'affrontement ultime avec Carthage et la soumission de la Grèce, en 146 av. J.-C., elle ne se connaît plus d'ennemis extérieurs notables, mis à part le lointain roi des Parthes.
Au lieu de conduire à la «fin de l'Histoire», cette longue période de paix va exacerber les tensions sociales à l'intérieur même de la péninsule italienne.
Entre la révolte des Gracques, en 133 av. J.-C., et l'avènement d'Auguste, un siècle plus tard, Rome voit ses valeurs traditionnelles«balayées par un synchrétisme multiculturel de plus en plus problématique ; démographie des citoyens romains en chute libre ; destruction de la cohésion politico-sociale entre le peuple et les élites...». L'ordre social est maintenu vaille que vaille par la distribution d'allocations sociales de plus en plus massives à la plèbe romaine.
Autant de phénomènes qui ne sont pas sans rappeler la situation actuelle de l'Europe avec l'éclatement des structures familiales traditionnelles.
L'auteur consacre des pages passionnantes à la quête désespérée d'identité dans des sociétés qui se sont détournées de leur histoire. Le débat est déjà prégnant à Rome au 1er siècle av. J.-C..
La langue pas plus que la géographie ou la race ne permettaient de définir l'appartenance à la communauté. Encore moins la religion antique, méprisée et tenue en lisière tandis qu'étaient accueillies à bras ouverts les religions d'ailleurs. Le principal monument d'envergure qui nous reste de cette époque est le «Panthéon» de Rome, monument dédiée à «tous» les dieux...
Là encore, le parallèle avec notre époque est saisissant. Sur l'attitude actuelle des bien-pensants à l'égard du christianisme, le jeune historien se montre aussi sévère qu'ironique : «face au christianisme, tout est permis. Plus les autorités religieuses chrétiennes se confondent en excuses (pour les croisades, l’Inquisition, le colonialisme, la collaboration avec le fascisme, les écarts de certains prêtres, etc.), et plus elles se discréditent au lieu de s’humaniser ; effets pervers de la bonne volonté... Alors que d’autres religions gagnent de plus en plus de crédibilité spirituelle en Europe sans pour autant affronter leur passé... En reléguant le christianisme, devenu au fil des siècles une religion fort ouverte, tolérante et ferment intégrée dans un monde sécularisé, au statut d’une religion parmi d’autres, les idéologues politiquement corrects de l’Union européenne accordent un poids démesuré à des formes de croyances non européennes beaucoup plus ancrées dans des attitudes répressives, fondamentalistes et intolérantes».
Le cosmopolitisme rapproche également la République romaine de l'Occident contemporain. Rome est devenue, comme nos métropoles, la ville de toutes les cultures et de toutes les origines.
Sénèque écrit à propos de ses habitants : «demande à chacun d'eux d'où il est ; tu verras qu'en majeure partie, ils ont déserté leur pays d'origine pour une ville qui sans contredit est la plus grande et la plus belle du monde, mais qui cependant n'est pas la leur».
David Engels étend les analogies aux domaines social, politique et institutionnel. Il montre que Rome, comme aujourd'hui l'Union européenne, exerce une attirance irrépressible sur sa périphérie.
Quand la Décapole de Syrie souffre des exactions du roi de Judée Hérode, elle s'en plaint à Rome et sollicite son protectorat. Elle l'obtiendra en définitive à la mort du roi. À maintes reprises aussi (tremblements de terre, piraterie etc), Rome se pose en ange gardien, offrant ses secours et sa protection en échange de la liberté et des impôts.
La philanthropie, les entreprises caricatives et le droit d'ingérence sont les armes diplomatiques que privilégie Rome, tout comme l'Europe actuelle...
L'historien ne dissimule pas son pessimisme au vu de ces analogies. Constatant que les nations européennes, par lassitude, ont d'elles-mêmes renoncer à leur identité et à leur rôle historique, il se demande si «le remplacement de valeurs traditionnelles par des idéaux humanistes potentiellement partagés par tous suffira à créer un sentiment identitaire européen suffisamment fort pour surmonter les crises auxquelles notre continent devra bientôt faire face». Il y a matière à débattre entre gens de bonne compagnie.
Joseph Savès