mercredi 3 août 2016

Mon ennemi n'est pas l'immigré mais la finance... et un peu moi-même aussi - 2 articles pour comprendre / My enemy is not the immigrant but the finance... and a little myself too - 2 articles to understand

On parle beaucoup d'immigration en ce moment. C'est vrai qu'il s'agit d'un vrai problème et qu'il n'y a aucune politique mise en oeuvre aujourd'hui qui s'intéresse sérieusement à la cause de ce problème. Pour ma part, et à l'instar du  Président néo-colonialiste Trucmuch, mon ennemi, c'est la finance... et un peu moi-même aussi. Pour comprendre ces propos, je vous invite à découvrir, à la fin de l'interview de Jean-François Gayraud, l'article consacré à Christian Arnsperger :
 " Derrière l’économie : la question du sens de l’existence ? "

Si on arrête d'aller taper des bombes un peu partout, une folie pure quand on prend la peine d'y réfléchir, et si on prend le temps de réfléchir au but de son existence, ça va peut-être s'améliorer.

Christophe

https://www.les-crises.fr/quelle-guerre-financiere-par-jean-francois-gayraud/



Jean-François Gayraud s’est conquis un large public avec Le Monde des mafias, La Grande Fraude, Géostratégie du crime (avec François Thual) et Le Nouveau Capitalisme criminel, tous publiés aux éditions Odile Jacob. Il vient de publier L’art de la guerre financière. Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique est le Directeur du Diploweb.com
Jean-François Gayraud vient de publier « L’art de la guerre financière » (Odile Jacob). Il répond aux questions de Pierre Verluise, Directeur du Diploweb.com. Un propos qui rompt avec la “petite musique” habituelle à propos des activités financières et de l’endettement public.
Pierre Verluise : Comment définissez-vous la finance et la guerre financière ? Quelles sont les représentations fausses à ce propos ?
Jean-François Gayraud : Depuis les années 1980, la Finance occupe une place centrale dans le fonctionnement des sociétés contemporaines. Sa position de surplomb par rapport aux échanges économiques et aux classes politiques font que cette matière ne peut plus être analysée simplement avec la focale de la “science économique”, surtout orthodoxe. Derrière la technicité se dissimulent des enjeux politiques et des luttes de pouvoir majeurs. Le diagnostic demeure incomplet et biaisé tant que la perspective “économiste”, positiviste et néoclassique, est privilégiée. Car ce qui se trame, au sens de la dramaturgie, relève de la Politique. Ainsi, fondamentalement, il n’y a jamais de crises financières, mais des choix politiques ayant des conséquences financières. Rechercher les seules explications techniques et ignorer les racines politiques, consiste à privilégier des causes immédiates et à s’aveugler sur les causes premières. Depuis la mise en œuvre des politiques de dérégulation, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe, la finance est devenue un phénomène de pouvoir, avec de véritables puissances, en partie autonomes poursuivant des objectifs propres. La dérégulation a sorti le génie de la lampe : depuis, la haute finance s’est émancipée au détriment des Etats et des peuples. De là, le concept de guerre ne relève pas de la métaphore facile mais d’une claire prise en compte des véritables enjeux imposés par la domination inédite de la finance depuis les années 1980. Comprenons bien ce qui se joue : des puissances financières développent des formes d’hostilité en direction des Etats et des peuples ; telle est la signification exacte du concept de guerre. Il faut avoir une conception réductrice de la guerre, donc de l’hostilité, pour ne l’envisager que sous le seul angle des affrontements militaires. Ce serait oublier que l’hostilité a toujours revêtu dans l’histoire des formes diverses : certes militaire mais aussi politique, culturelle, économique ou finalement financière. Par ailleurs, cette hostilité est en partie criminelle quand on prend en compte deux dimensions. D’abord, les fraudes gigantesques, souvent systématiques et parfois à effet systémique, dont la finance se rend coupable. Ensuite les conséquences destructrices sur les populations de ses actions.
L’idéologie néolibérale est évidement rétive à toute analyse en termes d’hostilité puisque son projet tente de faire accroire que le “doux commerce” cher à Montesquieu (1689-1755) est le pacificateur ultime. Les libéraux veulent imposer l’idée que la concurrence, et non l’hostilité, est la solution ultime. Ainsi que le montrent Julien Freund et auparavant Carl Schmitt, la doxa libérale tente de dépolitiser les rapports sociaux et internationaux afin de conférer au dieu Marché la fonction d’arbitre suprême.
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Ce point acquis, la question de l’hostilité conduit ensuite vers le véritable questionnement, sous-jacent : qui est l’ennemi ? Car les vraies guerres – et non ces guerres métaphysiques telles “la guerre à la drogue, à la pauvreté ou au terrorisme”, toutes celles déclenchées à partir d’une idée vague -, impliquent des ennemis réels, donc situés géographiquement et historiquement. La désignation de l’ennemi relève d’un choix politique permettant de discerner ce qui est dangereux voire mortel. Ce nominalisme n’est pas neutre, bien au contraire : c’est fondamentalement un acte de souveraineté.
P.V. : Pourquoi parler de “grandes migrations” à propos de la guerre financière ? 
J-F G. : La mobilité est l’une des grandes tactiques de l’art militaire. Or la guerre financière, ainsi que je le démontre dans mon livre, s’appuie sur une quadruple migration : des capitaux, des élites, des dettes et des responsabilités. Ces phénomènes migratoires sont une clef d’explication importante pour comprendre la puissance des institutions financières qui mènent de véritables “guerre de mouvement”.
P. V. : Le crime financier est-il puni à la hauteur de ses conséquences ? 
J-F G. : Globalement, les crimes financiers majeurs sont impunis. Ou lorsqu’ils le sont, c’est de manière imparfaite car trop souvent dans un cadre transactionnel, ainsi que les Américains nous ont habitué à la faire avec leurs dispositifs de plea bargaining et de deffered prosecution. Les sanctions sont alors principalement financières. Elles peuvent donc être socialisées et elles fonctionnent de fait comme de simples taxes sur la fraude. Comme elles ne touchent que rarement à titre personnel les banquiers, l’incitation à la récidive est gravée dans le marbre. Les raisons de cette impunité sont multiples. Derrière les nombreuses explications conjoncturelles et techniques, il y a une causalité politique unique. Les grands crimes financiers sont des crimes engageant les élites, et non les classes modestes de la société. Les politiciens ne sont donc pas a priori incités à organiser la poursuite d’individus appartenant au même monde qu’eux ou finançant leurs campagnes. Il est par ailleurs aisé de nier l’existence de ces crimes, tant les obstacles sont évidents à leur émergence : caractérisation intellectuelle subtile, définition juridique complexe, invisibilité matérielle fréquente, et administration de la preuve souvent diabolique.
A ce titre, le bilan de la crise de 2008 aura été caricatural et révélateur des véritables rapports de force à l’œuvre aux Etats-Unis. Aucun banquier n’aura comparu devant la justice pénale. Seuls deux cadres intermédiaires auront eu ce “privilège”, dont un Français employé chez Goldman Sachs. Les fraudes avaient pourtant été évidentes et elles seules ont pu expliquer une partie de la formation de bulles immobilières et boursières à l’origine de cette crise. D’un point de vue historique, il s’agit d’une véritable régression. Il convient de se souvenir qu’après les crises de 1929 et celle des Savings and loans dans les années 1980, les Etats-Unis avaient su réagir, même imparfaitement, en usant de l’arme pénale. Ce diagnostic criminel s’est semble t-il perdu en route, étouffé par le catéchisme néolibéral et par le poids politique de Wall Street. On ne décrira jamais assez la combinaison perverse du mécanisme dual  Too big to fail et Too big to jail.
P. V. : A propos des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), pourquoi parlez d’un “concept truqueur” ? 
J.-F. G. : Avec l’acronyme BRIC, une armada d’éditorialistes et d’universitaires se sont faits les propagandistes enthousiastes et sans recul critique d’une parfaite illusion politique et économique. Le fait que cette providentielle découverte émane du monde de la finance, en l’occurrence de la banque Goldman Sachs, n’a soulevé aucun questionnement. Personne ne s’est avisé que la banque, en inventant ce concept, pouvait poursuivre un objectif moins désintéressé que la science : inciter de nouveaux pays miraculeusement adoubés dans la première classe mondiale à goûter aux « nouveaux produits financiers ». Ce concept bric-à-brac marie pourtant torchons et serviettes, niant les facteurs de différenciation (histoire, mœurs, culture, etc.) au profit d’une vague homogénéité issue d’indices économiques incertains. Si l’on comprend le sens de la supercherie imaginée par la banque new-yorkaise, l’aveuglement collectif des universitaires et des éditorialistes l’est moins. Une décennie plus tard, les BRIC ont montré leurs limites. La banque Goldman Sachs finira par avouer de longues années après qu’elle avait mis en circulation une simple marque. Son économiste en chef John O’Neill, inventeur de l’acronyme magique, expliquera qu’il s’agissait en fait d’un « simple accessoire mental » : un effet d’annonce, une recette de camelot. On pourra toujours considérer que la banque américaine ne faisait que proposer à sa clientèle des produits financiers en pariant sur les « grandes économies émergentes » : elle se lançait en fait dans une prophétie autoréalisatrice qui, une fois passée le temps de l’euphorie artificiellement suscitée, ne pouvait que sombrer.
P. V. : De manière comparative, que nous apprennent la Grèce et l’Islande ? 
J-F G. : L’histoire de l’Islande des années 2000 a valeur de métaphore, de conte voltairien. Voilà un pays qui par folie des grandeurs avait décidé de devenir un paradis fiscal et bancaire, un vaste fond spéculatif. L’Islande était devenue temporairement le 5ème pays le plus riche du monde par une politique irraisonnée de dérèglementation de tout son système financier. Toute sa richesse fictive a inéluctablement volé en éclats avec la crise de 2008. La classe politique islandaise, déjà coupable d’avoir transformé le modèle de développement économique du pays et de s’être acoquiné avec les élites bancaires, a voulu imposer un règlement orthodoxe de la faillite bancaire, en appliquant le catéchisme libéral : faire payer le contribuable ! Les Islandais ont refusé par des manifestations de rue puis lors de deux référendums, estimant insupportable “une socialisation des pertes et une privatisation des profits”. Ce sursaut démocratique et viril, qui trouve peut-être son explication dans l’ancienne culture viking, a valeur d’exemple. Cependant, il est évident que ce sursaut de souveraineté politique a été facilité par le fait que les Islandais n’avaient pas encore abdiqué leur souveraineté monétaire. Si l’Islande avait été corsetée par les traités européens et l’Euro, ce sursaut aurait probablement fait long feu ou bien se serait terminé en tragédie grecque : une camisole bancaire et l’austérité permanente. Faut-il préciser que l’Islande a recouvré sa prospérité et que la Grèce se meurt lentement ? Dans le rapport du faible au fort, les Islandais ont démontré que la résistance a payé, contre l’avis des institutions internationales, des banquiers et des économistes majoritaires.
P. V. : Les “Panama papiers” ont-ils apporté des révélations ?
J-F G. : Tout (peut-être) et rien (certainement). Commençons par le Rien.
Le dispositif global était connu depuis longtemps, documenté et analysé par des ouvrages universitaires et des enquêtes journalistiques nombreux et complets. La description de ce que j’appellerai la “triade et son outil” était tout sauf ignoré : des grandes banques ayant pignon sur rue, des territoires transformés en Etats pirates et des cabinets d’avocats spécialisés, développant des myriades de sociétés écrans. Les révélations ont plutôt porté sur des noms de particuliers et d’entreprises. Toutefois, il faudra observer dans la durée l’ampleur de ce processus de désignation de coupables présumés pour en mesurer la portée exacte. Il ne sera d’ailleurs pas indifférent à terme de comprendre l’origine réelle et les motivations de ces fuites d’informations.
Par ailleurs, la question de fond sera de savoir si, une fois l’émotion médiatique et l’effroi politique passés, ces fuites d’informations auront déclenché ou non des bouleversements tels que le phénomène de la fraude et de l’évasion fiscale auront pu être enfin jugulé. La fuite d’informations aura t-elle pour effet bénéfique de limiter durablement la fuite des capitaux ? L’histoire de cette question nous apprend qu’il y a un gouffre entre les proclamations gouvernementales suivant chaque scandale – “plus jamais ça” – et ce que les Etats font réellement une fois l’écume de l’agitation médiatique disparue.
Il me semble aussi important de souligner que la lumière crue jetée sur un pays avec les “Panama papers” ne doit pas occulter trois faits essentiels. D’abord que nous sommes en présence d’une véritable industrie mondialisée de la piraterie fiscale menée par des entreprises bancaires et juridiques a priori respectables, employant des milliers de diplômés des meilleures universités. On ne soulignera d’ailleurs jamais assez que d’un point de vue sociologique, la fraude et l’évasion fiscale profite à une partie des élites et est mise en œuvre par un segment de ces mêmes élites, du Nord comme du Sud. Ensuite, que Panama n’est pas un cas isolé, un mouton noir de la communauté internationale, mais un exemple parmi des dizaines d’autres de pays ayant décidé de faire de la haute finance douteuse un pilier de leur développement économique, et parfois leur business model. Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu’il n’existe pas deux mondes séparés, celui d’une finance propre et de l’autre d’une finance obscure, mais un continuum dans lequel les Etat pirates et les sociétés écrans servent de ponts à ces deux univers et surtout de régulateur à un capitalisme devenu anomique.
La fin des paradis fiscaux et bancaires ne dépendra pas des seules bonnes intentions portées par l’OCDE et les Etats, mais de véritables sanctions commerciales et financières contre les Etats pirates. Faute de quoi, l’impunité et l’opacité perdureront. Il y a pourtant urgence à agir car, au delà de la dimension éthique du problème, la situation dégradée des finances publiques des Etats impose de récupérer ces dizaines de milliards qui échappent à l’impôt. L’évitement de l’impôt a toujours été un sport oligarchique, à l’image du golf ou du polo, et il faut donc analyser tous ces mécanismes et institutions de l’opacité fiscale comme une industrie de protection des riches, que cette richesse soit légale à l’origine ou issue de la criminalité. Jusqu’à présent, les Etats et les organisations internationales ont usé, par lâcheté ou impuissance, de méthodes relevant de la persuasion face aux Etats pirates. On en voit les limites aujourd’hui. Seule une politique répressive aura des effets réels et durables. Un peu de dureté ne nuit jamais.
Pour être complet sur le sujet, il faut rappeler que s’il existe objectivement des dizaines de paradis fiscaux et bancaires à travers le monde, nombre de pays pourtant victimes de ces fuites abyssales de capitaux sont, par segments, aussi de micros paradis fiscaux et bancaires. Ils le sont par exemple quand ils décident une baisse drastique des impôts pour leurs riches : la Grèce est ainsi historiquement un paradis fiscal pour ses oligarques ; et les Etats-Unis depuis les années 1980. Ou bien quand des conventions fiscales favorables sont signées avec des partenaires privilégiés : la France est depuis 2008 un paradis fiscal pour les investisseurs du Qatar.
P. V. : Beaucoup d’étudiants rêvent de “faire de la finance”. Quid de son enseignement ? 
J-F G. : “Rêver de faire de la finance” me semble une étrangeté, voire un oxymore ; encore que tout soit possible puisque l’homme moderne semble réduit à un Homo oeconomicus, un bipède consommateur, cupide et festif. Il est vrai que les plus hauts maitres de la finance affirment que la cupidité est une valeur positive. En France, le ministre de l’économie et des finances a expliqué, je cite : “Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires” (2016). J’en déduis que la finance n’est pas l’ennemi de tout le monde. Jean Tirole, lauréat du prix de la Banque de Suède, plus complaisamment appelé “prix Nobel d’économie”, répète à l’envie que “l’égoïsme est le moteur du lien social” et que “la cupidité n’est ni bonne ni mauvaise”. Vous me direz qu’il ne fait que répéter la vieille doxa libérale. Ce thuriféraire du Dieu marché omniscient est l’exemple typique de ces économistes de la finance qui fonctionnent tels des “intellectuels organiques”, pour reprendre l’expression de Gramsci. Nul hasard ainsi que Jean Tirole ait reçu le prix 2007 “Risques Les Echos” pour son livre The Theory of Corporate Finance des mains de Daniel Bouton, PDG de la Société générale. On admirera le dispositif chimiquement pur : un quotidien d’obédience libéral propriété du groupe LVMH, le PDG de l’une des plus grandes banques du monde, pour un livre forcément en anglais qui est la lingua franca de la haute finance dont le contenu sert de bréviaire aux acteurs du marché. D’ailleurs, Daniel Bouton ne cache pas son bonheur à disposer ainsi d’une base académique pour justifier ou légitimer le travail de la banque contemporaine quand il explique lors de cette remise de prix, le 7 juin 2007, ” combien le travail académique a permis de bouleverser en quelques décennies la pratique de l’activité financière. Sans recherche, il n’y aurait, pas de marchés dérivés qui ont permis la marchéïsation du financement de l’économie”. Et de préciser pour ceux qui n’auraient pas compris : ” Monsieur Jean Tirole, votre ouvrage est d’ores et déjà reconnu comme une référence. La presse scientifique, mais aussi la presse d’information générale, en particulier anglo-saxonne, ont souligné qu’il constitue le nouveau manuel de base pour tout étudiant et tout chercheur en finance d’entreprise”.
J’en profite pour souligner l’énormité des contradictions et des impostures de ces Maitres de la Haute finance qui ne cessent de prôner la transparence sur les marchés mais se refusent à se l’appliquer à eux-mêmes. Nombre de ces économistes étant des “économistes à gages”, largement rémunérés par des institutions financières pour leur travaux, conseils ou via des chaires, dans une ambiance de conflits d’intérêts hallucinante. Les mêmes banquiers se refusent à eux-mêmes cette transparence, comme l’avoue Daniel Bouton lors toujours de son discours de remise de prix à Jean Tirole : ” Ce sujet de l’asymétrie de l’information est évidement un sujet qui passionne le banquier en tant que prêteur, mais aussi l’investisseur sur les marchés. L’un comme l’autre sont, et c’est évidemment récent, avides de transparence. (…) Il reste un point sur lequel il ne faut pas accepter la transparence totale c’est la stratégie future. Il importe au plus haut point que les théoriciens de la corporate finance ne commettent pas l’erreur d’exiger cette transparence, à travers en particulier la transparence sur les règles de fixation des rémunérations des dirigeants qui souvent permettent de la découvrir.” Comprenons-bien le sens du propos en forme d’injonction intimidante : la transparence pour tous, sauf pour les rémunérations des banquiers ! Cette manière brutale d’interdire a priori un domaine de recherche à un “scientifique” en dit long sur la réalité des relations entre une “science de la finance” et ses ” universitaires” : mais le client est roi ! Le Maitre dicte ses conditions.
Il est dommage que ce goût pour la transparence ne se soit pas répandu au sein de cette grande banque universelle car elle eut peut-être permis de découvrir la gigantesque fraude de 4,9 milliards d’euros (l’affaire dite Kerviel) qui faillit la faire disparaitre par l’énormité des engagements pris sur les marchés.
On constate au final combien l’économie dominante enseignée est porteuse d’une idéologie qui avance masquée derrière les oripeaux de la science et des mathématiques, y compris à l’Université. Les conceptions hétérodoxes et non strictement mathématiques sont marginalisées, au profit d’une doxa néo classique et libérale. Une business school peut-elle développer une critique de la haute finance contemporaine quand ses financeurs sont le secteur marchand et bancaire et son objectif affiché le business ? Exigerait-on d’une école hôtelière de professer une éthique de la frugalité ?

Mais il ne faut pas trop incriminer la seule science économique. D’autres disciplines se sont montrées aveugles aux dérèglements de la haute finance et à la criminalité financière. Pourquoi la sociologie criminelle française ne s’est-elle pas emparée du sujet ? Une sociologie d’Etat qui, alliée à certains juristes, a œuvré – milité devrait-on dire – pour empêcher l’émergence en France d’une discipline criminologique autonome à l’Université.
Copyright Mai 2016-Gayraud-Verluise/Diploweb.com
Mise en page 1
4e de couverture
Les guerres financières existent.
Ce sont de vraies guerres qui tuent et paupérisent les peuples, comme on l’a vu en Grèce. Cette situation stratégique inédite s’explique par la nouvelle puissance des acteurs financiers : banques d’affaires, fonds d’investissements, milliardaires de Wall Street.
Depuis les années 1980, une finance dérégulée, mondialisée et en partie toxique s’est bâti de vastes principautés immatérielles, surplombant les économies et lançant des raids sur des États captifs et des populations tétanisées. Malgré sa responsabilité dans la crise de 2008, la finance-puissance continue d’étendre son emprise, dans l’ombre, usant de stratégies empruntant à l’art de la guerre.
Ce livre en décrypte les ruses et les tactiques. Au-delà, il donne au citoyen des raisons d’espérer : il existe des moyens pour libérer les États et les peuples de ce Léviathan d’un genre nouveau. Là où la Grèce a dû plier face aux banques, l’Islande a su s’extirper du joug de la haute finance par une insurrection démocratique.
Jean-François Gayraud s’est conquis un large public avec Le Monde des mafias, La Grande Fraude, Géostratégie du crime (avec François Thual) et Le Nouveau Capitalisme criminel, tous publiés aux éditions Odile Jacob.
 La finance et le capitalisme sont-ils un champ de bataille ?
Entretien avec Jean-François Gayraud, auteur de « L’art de la guerre financière » aux éditions Odile Jacob.
Depuis des années, Jean-François Gayraud martèle son message : les crises économiques sont rarement systémiques, elles ont le plus souvent des origines criminelles. 2008 a confirmé son analyse. Aujourd’hui il précise sa pensée avec « L’art de la guerre financière ».
Source : Youtube, Jean-François Gayraud, 30-05-2016

Derrière l’économie : la question du sens de 

l’existence ?


source : 

https://blogs.mediapart.fr/edition/petite-encyclopedie-critique/article/030212/derriere-l-economie-la-question-du-sens-de-
Économiste dialoguant avec la philosophie et les penseurs de la décroissance, Christian Arnsperger est l’auteur de L’homme économique et le sens de la vie. Petit traité d’alter-économie. Un titre de la collection « Petite Encyclopédie Critique » des éditions Textuel...
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 Beaucoup de défenseurs du capitalisme ne voient pas clairement ses effets néfastes – écologiquement, socialement, humainement – et sont en tout cas convaincus que les vertus de ce système continuent à l’emporter sur ses défauts. Ce sont plutôt eux, les adolescents … Car en réalité, nous sommes entrés dans une phase dangereuse où les avantages mêmes de l’économie de marché capitaliste commencent à nous nuire. Elles se retournent notamment contre les cadres eux-mêmes, et bien souvent aussi contre les managers et les entrepreneurs. Ceux-ci devraient se voir de plus en plus comme les alliés des ouvriers et des employés dans une critique anthropologique et existentielle du capitalisme.
 Critique anthropologique : nos objections au capitalisme vont devoir s’ancrer de plus en plus dans une réflexion sur l’humain, sur la condition humaine, sur ce qui nous permet d’être humains les uns envers les autres ou nous en empêche. Critique existentielle : nos révoltes envers le capitalisme auront à s’enraciner de plus en plus dans notre quête d’un sens de l’existence, d’un rapport heureux à nous-mêmes et entre nous. On peut paraphraser le mot « anthropologique » par ayant un rapport avec la question de l’humain et le mot « existentiel » comme ayant un rapport avec le sens de la vie.
 L’une des marques du non-sens est que l’on continue à faire des choses qui ont depuis longtemps perdu leur sens initial. On est sur un mode mécanique, on continue à faire ce qui est convenu sans plus très bien savoir pourquoi on est là. S’éveiller à la réalité du non-sens peut être très douloureux. Dans les cas les plus extrêmes – qui, s’en étonnera-t-on, deviennent de plus en plus fréquents dans le climat économique d’aujourd’hui – l’éveil est empêché par l’addiction : on ne parvient pas à s’éveiller parce que cela signifierait purement et simplement la fin de ce que nous ressentons comme Notre Vie, avec un « N » et un « V » majuscules. Pour celui qui est « accro », s’éveiller veut dire mourir.
 Toutefois, même dans les cas moins extrêmes où l’éveil impliquerait un inconfort passager, rester dans les mécaniques convenues est un moyen d’éviter, de fuir la douleur du non-sens. La meilleure parabole pour illustrer cela se trouve dans Le Petit prince de Saint-Exupéry, quand le petit garçon demande à l’ivrogne ce qu’il est en train de faire. « Je bois », répond l’homme. « Et pourquoi bois-tu ? », rétorque le petit prince. « Pour oublier. » « Pour oublier quoi ? » La réponse de l’homme perce alors le cœur du lecteur : « Pour oublier que je bois. » N’avons-nous jamais vécu ce genre de dialogue intérieur ?
La critique, une fois devenue anthropologique et existentielle, cesserait-elle d’êtreidéologique ? Pas du tout. Elle l’est forcément ; elle ne peut pas ne pas l’être. Quiconque prétend penser a besoin d’un cadre, de principes directeurs, d’orientations qui permettent à la fois de raisonner et d’agir. En ce sens neutre, l’idéologie est une nécessité existentielle. Mais nous sommes aujourd’hui entrés dans une situation inédite où, en raison des acquis de trois siècles de capitalisme et de l’aiguisage des techniques de performance, de productivité et d’efficacité, la scission entre idéologie pro-capitaliste et idéologie anti-capitaliste nous traverse chacun et chacune, personnellement. Nous sommes doubles, nous sommes dédoublés, nous sommes tiraillés.
 Nos sociétés contemporaines nous immergent depuis des siècles dans un système capitaliste, dans une culture capitaliste et dans une existence capitaliste. Loin de n’être qu’un ensemble de règles et de mécanismes, le capitalisme nous propose bel et bien un rapport intime à nous-mêmes, une visée de sens et de dépassement. Dans le contexte qui est le nôtre, chaque personne est habitée par un « capitaliste intérieur » et un « alternatif intérieur ».
 Dès lors, c’est bien en menant de front, simultanément, les aspects de changement anthropologique individuel avec les enjeux collectifs de la transformation institutionnelle, qu’on pourra entrevoir l’autre économie, l’autre richesse – celle qui est associée à notre condition humaine et aux valeurs de notre modernité, mais que le capitalisme social-démocratique nous a fait perdre de vue.
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Christian Arnsperger est l’auteur de L’homme économique et le sens de la vie. Petit traité d’alter-économie (144 pages, 9,90 euros, octobre 2011). Il est maître de recherche au Fonds national belge de la recherche scientifique et professeur à l’Université catholique de Louvain. Il a notamment publié aux éditions du Cerf : Critique de l’existence capitaliste (2005) etÉthique de l’existence post-capitaliste (2009).
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