Vive la liberté d'expression, vive l'abstention
Les “huiteuristes du 7 mai”, par Olivier Berruyer
Depuis plusieurs années, j’ai l’habitude de partager régulièrement avec vous ma vision, surtout dans les moments de « flashs totalitaires », comme les appelle Todd, afin d’aider à libérer la parole.
Celui que nous traversons depuis une semaine est vraiment intense, avec une pression sociale de nature quasi-totalitaire visant à influencer très fortement la population. On découvre de sombres commissaires politiques autoproclamés qui viennent donner des leçons à tout le monde, qui s’enquièrent de savoir quel sera le vote d’untel ou untel, et qui distribuent bons points et excommunications symboliques. Tout cela ayant bien entendu un arrière-gout de déjà vu, qui rappelle par exemple l’hystérie des élections américaines d’il y a quelques mois. Autant dire que la capacité d’apprentissage de tout ce beau monde est proche du néant.
« L’homme sage apprend de ses erreurs ; l’homme plus sage apprend des erreurs des autres » [Confucius]
Mais cette fois, de nombreuses voix s’élèvent, ce qui est assez réconfortant, dans un environnement, lui, de plus en plus inquiétant – où on voit qu’après avoir attenté à la Liberté d’expression, on s’attaque désormais à la Liberté d’information et, finalement, à la Liberté d’opinion.
Par conséquent, je ne vous dirai pas ce que je ferai le 7 mai – bien que ce ne soit pas très surprenant si vous êtes un fidèle du blog, tout simplement car il est capital à mon sens de rappeler que le vote est secret, et que ce point fondamental en Démocratie doit être protégé.
Ce « jappelisme » est une manifestation supplémentaire d’une hystérisation de la société qui, en plus d’être anti-républicaine au possible, inutile et consternante, empêche recul apaisé et débat rationnel.
Comme certains d’entre vous m’ont dit qu’ils avaient été obligés de mentir sur leur vote futur pour avoir la paix (sic.), je rappelle cette importante phrase de Roland Barthes :
« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. » [Roland Barthes]
La fachoshère de gauche
Si notre pays a par le passé cruellement subi les méfaits de la « fachosphère » de droite, nous voyons un autre style de totalitarisme pointer son nez : celui de la « fachosphère de gauche » (FG). Elle a des caractéristiques assez paradoxales, ses actes étant en contradiction régulière avec les impératifs moraux qu’elle revendique.
Ainsi, drapée dans « les valeurs de la République » et « l’héritage de 1789 », la FG foule pourtant régulièrement aux pieds la devise de notre belle République :
La liberté, oh, la FG la vénère ! Mais pour elle, seulement. Il n’y a qu’à voir comment elle considère la liberté élémentaire en Démocratie de s’abstenir si aucun candidat ne convient, allant jusqu’à traiter en substance les abstentionnistes de fascistes qui s’ignorent. Et je ne parle même pas de la liberté de voter Marine Le Pen, bientôt passible chez ces « khmers roses » de quelques années de camps de rééducation idéologique. En témoigne la surabondance de point Godwin et autre insultes raffinées (dont j’ai proposé un petit échantillon sur mes réseaux sociaux). Les membres de la FG sont des personnes inquisitrices, qui sont toujours très très intéressées par ce que vous allez voter, et qui tentent toujours de vous imposer leur vision.
L’égalité, oh, la FG adore la citer dans ces discours ! Mais elle ne croit qu’en l‘égalité des membres de sa caste, une égalité de l’entre soi, voulant qu’ils puissent tous avoir le droit de mettre leurs enfants à Louis le Grand et Henri IV (j’imagine que c’est d’ailleurs pour ça qu’on a gardé le nom de rois pour le Graal de la fabrique des membres de la caste, histoire de les habituer à ne pas être trop républicains). Les « sans-dents » se contenteront de ces bahuts en ZEP à 10 nationalités par classe, où leurs enfants auront autant de chances d’intégrer une grande école que Cheminade d’atteindre l’Elysée. Bien sûr, cette inégalité sera justifiée sous couvert de “méritocratie”, car toute considération sociologique est pour eux un danger…
La fraternité ? Une belle valeur pour le coup, qui permettra qu’aucun membre de la caste ne connaisse trop de problèmes dans sa carrière. Une conception bien restrictive de cette notion qui à nouveau ne s’éloigne pas de l’entre soi qui leur est si cher. Pour les autres citoyens, ils auront droit au mépris dégoulinant ; la FG vomit le referendum, et on la sentirait même tentée de remettre en place le suffrage censitaire vu toute cette populace qui « vote mal » – car oui, la FG a inventé la notion de “mauvais vote” …en Démocratie.
Le retour du nationalisme
Bien sûr, comme sa consœur la fachosphère de droite (FD), la FG est ultranationaliste. Mais comme elle doit se différencier de la précédente, et comme la France, c’est « so has been » (pour parler le globish de la FG), elle défendra le nationaliste européen. Faut-il qu’ils influencent fortement les médias, pour que les membres d’un tel groupement qui aspire à construire une nation à partir de peuples qui ne veulent pas en entendre parler, ne soit jamais taxés de nationalisme…
Pour construire son projet, la FG a aussi les yeux de Chimène pour l’Allemagne, et son peuple si soumis à ses élites. Comme elle a bien retenu que Bismarck a utilisé la guerre de 1870 pour construite la nation allemande à partir de Länder qui n’en voulaient pas, la FG est évidemment belliqueuse. Et elle fait donc tout, plus ou moins consciemment, pour accentuer les tensions, aujourd’hui contre la Russie, mais très probablement demain contre la Chine. On voit aussi leur violence dans les négociations du Brexit, pour punir l’Angleterre qui abandonne leur projet utopique au profit de sa Liberté, dans le respect de la volonté de son peuple – qui les renvoie à leur infamie lors du référendum de 2005.
« Zemmour à la rentrée, Marine le premier mai »
Car au fond d’elle-même, la FG est raciste ; non pas comme la FD au sens de « race ethniques », mais clairement au sens de « races civilisationnelles » ou de « races religieuses ». Comme la plupart des régimes totalitaires, la FG est évidemment athée, et, évidemment, dans un athéisme de combat, intolérant avec les croyants (d’où une fréquente islamophobie qui ne dit pas son nom) – Torquemada affleure toujours rapidement sous le très fin vernis de tolérance proclamée. Les humanistes se demanderont où étaient tous ces moralisateurs quand Zemmour se répandait il y a 6 mois dans tous les médias contre les musulmans français ? Comme dit le dicton, « Zemmour à la rentrée, Marine le premier mai »…
Ces mêmes qui pendant des années ont contribué à façonner ce paysage politique rejeté avec violence par la plupart des français, ces mêmes qui, face aux inégalités et à la haine au quotidien restent inertes, insensibles et préfèrent s’occuper de maux imaginaires (allant du complotisme anti-Russe à la chasse à des dérisoires “Fake News”), ces mêmes qui ont attisé la colère des Français, qui redoublent à chaque instant de violence symbolique (Bourdieu), ce sont ceux-là qui décident finalement l’espace d’une semaine de se réveiller, et prétendent combattre « l’anti-républicanisme » en voulant imposer leur propre morale.
Des valeurs secrètes…
Un test rapide pour débusquer la plupart des membres de la FG consiste à simplement demander leur position sur le Référendum d’initiative populaire ou, encore mieux, sur l’obligation de soumettre tout futur traité européen à référendum – leur réaction ne laisse en général que peu de doutes…
Ainsi, c’est pour toutes ces raisons qu’elle cite aussi souvent les « Valeurs de la République » en exemple, mais en se gardant bien de les définir – car on verrait alors à quel point elle ne les respecte pas…
Soulignons enfin que cette fachosphère de gauche est heureusement très limitée en nombre, qu’elle ne doit évidemment pas être confondue avec l’ensemble de « la gauche », pleine de gens de bonne volonté, mais qu’elle manipule ces derniers avec beaucoup d’impact, par sa posture de Statue du Commandeur de la morale, et par la violence de ses mots.
La crise de mai 2017
Il est évident que combattre le manque d’humanisme et le manque de fraternité est indispensable pour faire société.
Dans ces conditions le fait d’être confronté à deux projets dont des éléments attentent de manière manifeste à la fraternité et à l’humanisme génère un profond mal-être chez beaucoup d’électeurs.
Mais plutôt que de faire preuve d’empathie à leur égard, on aura donc vu en 2017 des « faiseurs d’opinion » insulter violemment de simples abstentionnistes pour leur choix de ne pas choisir, au nom de la protection de la Démocratie ! (Orwell est toujours d’actualité…)
La disparition de la raison
Pourtant, si la FG était vraiment sincère, il semble évident que sa première tâche devrait être de débattre calmement de la meilleure stratégie pour atteindre son but proclamé : battre Le Pen.
Mais on constate qu’en réalité son but est en fait de simplement se valoriser, en jouant à « plus anti-FN que moi tu meurs » ; ils ne se demandent ainsi jamais :
- si certains comportements outranciers n’alimentent pas au contraire le vote FN en réaction ;
- s’il est vraiment démocratique que de nombreux corps constitués, type syndicats, églises, etc. prennent une position politique ;
- si le militantisme ravageur de beaucoup de journalistes à l’antenne n’agace pas fortement les indécis ;
- s’il est sain dans leur optique que l’opposition à Macron soit véritablement incarnée par le seul FN.
D’ailleurs, on se souvient tous de cette démonstration irresponsable du mois dernier quand la FG a mené une campagne assez honteuse contre Mélenchon – invoquant tour à tour Cuba, la Syrie, le Venezuela, la Russie, l’Alliance bolivarienne – culminant à coup de « Programme de Mélenchon ≈ Programme de Le Pen ». Maintenant – comme c’est étonnant – les électeurs de Mélenchon hésitent à voter Macron…
Enfin, on méditera sur ce que cette FG aurait fait si on avait eu un second tour Mélenchon / Le Pen, et s’ils auraient vraiment préféré les immigrés à leur argent…
Les “huiteuristes du 7 mai”
Mais qu’importe à ces canards sans tête, qui ne savent que lancer des anathèmes et faire la morale.
D’ailleurs, l’abstentionnisme étant désormais à ce point honni, on peut se demander si le besoin pathologique de prouver sa pureté idéologique ne va pas culminer dans une course au « huiteurisme », c’est-à-dire à celui qui, le 7 mai, ira voter Macron le plus tôt possible, dès huit heures du matin… Et peut-être même en filmant son vote avec son smartphone, pour être sûr de ne subir aucune accusation de la police politique de la pensée.
Bien entendu, ces « belles âmes » continuent à n’apporter presqu’aucune réponse aux problèmes du pays, ne sachant apparemment qu’hurler de façon délirante au « fascisme » – banalisant honteusement le vrai fascisme. Pire, ils proposent d’aller encore plus loin dans ce qui alimente la désespérance sociale, donc la désespérance politique. Dès le 8 mai 2017, ils remiseront alors leur panoplie de Zorro, la rageant soigneusement pour le mois de mai 2022…
Pourtant, l’accueil chaleureux de Marine Le Pen par les salariés de Whirpool, à qui elle a proposé de taxer les produits qui reviennent après avoir été délocalisés pour verser plus de dividendes aux actionnaires, montre qu’il devrait y avoir en urgence un débat profond, sur le fond et la forme.
Car le chantage au pseudo-fascisme ne tiendra pas longtemps pas devant la souffrance sociale qui perdurera.
Macron s’en fout
Mais, au fond, Macron s’en fout.
Il l’a montré au soir du 1er tour. Le FN au second tour ? Non évoqué dans son discours. Le désarroi des électeurs perdants ? Qu’importe, il veut un vote d’adhésion. Les conseils de ses proches de ne pas aller faire la fête à la Rotonde ? Qu’importe !
L’avenir des salariés de Whirlpool : « Je ne suis pas venu vous dire que je pouvais sauver vos emplois. […] L’État n’est pas quelque chose qui produit des sèche-linge ». Comme s’il n’y avait pas aussi une démagogie méprisante à tenir ce genre de propos. Pourquoi a-t-il condamné le mot « anecdote » d’Attali, puisque son comportement confirme que les Whirpool sont bien une anecdote pour lui. Pourquoi faire de la politique si ce n’est pas pour aider ces gens ?
Et enfin le désarroi qui augmente de plus en plus chez les électeurs indécis ? Sa réponse consiste à bien indiquer qu’il ne bougera pas une virgule de son programme, et à insulter Mélenchon, les Républicains et le Parti socialiste. C’est vraiment inédit comme stratégie de “rassemblement de second tour”…
Le refuge
Triste élection donc, où peut-être 60 ou 70 % des électeurs seront mécontents le 8 mai…
Mais, fidèle à sa vocation d’autodéfense intellectuelle, ce site se transforme en refuge d’idées et vous proposera une semaine de débats politiques apaisés, sans jugement, et respectueux du pluralisme, gage de Démocratie.
Nous diffuserons donc toute cette semaine des analyses divergentes intéressantes afin d’essayer de couvrir le spectre des opinions, et de vous permettre d’en débattre calmement, en commentaire, sans injures ou énervements (sous peine de modération).
Je précise qu’afin d’éviter les effets de bulle de filtrage, le titre et le début des billets repris n’indiquera pas la position de l’auteur.
Je vous incite donc à répondre en commentaire de façon argumentée ou de partager des témoignages, voire même à me proposer une vision rédigée pour publication. Signalez aussi les articles que vous jugerez utile de reprendre dans cette grande revue de presse.
J’en profite enfin pour lancer un appel à entraide, afin de m’aider à lire et sélectionner les meilleurs commentaires. Me contacter.
Ainsi, nous espérons que vous pourrez faire votre choix le 7 mai en toute liberté…
Démocratiquement vôtre.
Olivier Berruyer
source : https://www.les-crises.fr/refuge-les-huiteuristes-du-7-mai-par-olivier-berruyer/
LE GRAND DENOUEMENT
2 septembre 2015
Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 30 août 2015.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.
Le joug idéologique et physique de la puissance impériale États-unienne, soutenu par l’idéologie utopique du néolibéralisme et du capitalisme mondialisé, se désagrège. Beaucoup, dont nombre de ceux évoluant au cœur de l’empire états-unien, reconnaissent que chaque promesse faite par les partisans du néolibéralisme est un mensonge. La richesse mondiale, au lieu d’être équitablement répartie comme l’ont promis les partisans du néolibéralisme, a été siphonnée entre les mains d’une élite oligarchique vorace, entraînant ainsi d’immenses inégalités économiques. Les travailleurs pauvres dont les syndicats et les droits ont été éliminés et dont les salaires stagnent ou baissent depuis 40 ans, ont été condamnés à la pauvreté chronique et au chômage, transformant leur vie en une crise interminable, source d’un stress permanent. La classe moyenne s’évapore. Des villes qui produisaient et offraient autrefois des emplois en usine se changent en villes fantômes. Les prisons sont surpeuplées. Les corporations ont orchestré la destruction des barrières commerciales, engrangeant ainsi plus de 2.1 billions de dollars en profits dans des banques offshores pour éviter de payer des taxes. Et l’ordre néolibéral, malgré sa promesse de construire et de répandre la démocratie, a éviscéré les systèmes démocratiques, les transformant en Léviathans corporatistes.
La démocratie, particulièrement aux États-Unis, est une farce, vomissant des démagogues d’extrême-droite comme Donald Trump, qui pourrait devenir le candidat républicain à la présidentielle, et peut-être même le président, ou d’insidieux et malhonnêtes larbins corporatistes comme Hillary Clinton, Barack Obama, et, s’il tient sa promesse de soutien au candidat démocrate, Bernie Sanders. Les étiquettes « libéral » et « conservateur » sont dépourvues de sens dans l’ordre néolibéral. Les élites politiques, républicaines ou démocrates, servent les intérêts des corporations et de l’empire. Elles sont des facilitatrices, tout comme la majorité des médias et des universitaires, de ce que le philosophe politique Sheldon Wolin appelle notre système de “totalitarisme inversé”.
En période de crise nationale et d’indignation publique, d’étranges et dangereux candidats émergent souvent. Ci-dessus, Donald Trump (à gauche), à droite, un épi de maïs (toute ressemblance est purement fortuite).
L’attraction exercée par Trump, comme celle de Radovan Karadzic, ou de Slobodan Milosevic, lors de l’éclatement de la Yougoslavie, s’explique par sa bouffonnerie, qui s’avère dangereuse, moquant la faillite totale de la charade politique. Elle expose la dissimulation, l’hypocrisie, la corruption légalisée. Nous percevons, à travers cela, une insidieuse — et pour beaucoup, rafraichissante — honnêteté. Les nazis utilisèrent cette tactique pour prendre le pouvoir lors de la république de Weimar. Les Nazis, même aux yeux de leurs opposants, avaient le courage de leurs convictions, quelle qu’ait pu être l’immondice de ces convictions. Ceux qui croient en quelque chose, aussi répugnante soit elle, se voient souvent respectés à contrecœur.
Ces forces néolibérales détruisent également rapidement les écosystèmes. La Terre n’a pas connu de perturbation climatique de cette envergure depuis 250 millions d’années et l’extinction permienne, qui a annihilé jusqu’à 90% de toutes les espèces. Un pourcentage que nous semblons déterminés à reproduire. Le réchauffement climatique est inarrêtable, avec la fonte rapide des calottes polaires et des glaciers, le niveau des mers s’élèvera d’au moins 3 mètres lors des prochaines décennies, noyant sous les eaux nombre de villes côtières majeures. Les méga-sécheresses laissent d’immenses parcelles de la Terre, dont des parties de l’Afrique et de l’Australie, la côte Ouest des USA et du Canada, le Sud-Ouest des USA, arides et en proie à d’incontrôlables feux de forêts. Nous avons perdu 7.2 millions d’acres à cause des nombreux incendies qui ont ravagé le pays cette année et les services forestiers ont d’ores et déjà dépensé 800 millions de dollars dans leurs luttes contre les incendies en Californie, à Washington, en Alaska et dans d’autres états. Le mot même de « sécheresse » fait partie de la supercherie, sous-entendant que tout cela est en quelque sorte réversible. Ça ne l’est pas.
Des migrants fuyant la violence et la famine régnant dans des pays comme la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, et Érythrée, affluent en Europe. 200 000 migrants, sur les 300 000 ayant rejoint l’Europe cette année, ont atterri sur les côtes grecques. 2500 sont morts depuis le début de l’année en mer, sur des bateaux surpeuplés et délabrés ou à l’arrière de camions comme celui que l’on a découvert la semaine dernière en Autriche, qui contenait 71 corps, dont des enfants. C’est le plus important flux de réfugiés en Europe depuis la seconde guerre mondiale, une augmentation de 40 % depuis l’an dernier. Et le flot ne fera que croître. D’ici 2050, selon nombre de scientifiques, entre 50 et 200 millions de réfugiés climatiques auront fui vers le Nord, pour échapper aux zones rendues invivables par les températures croissantes, les sécheresses, les famines, les maladies, les inondations côtières et le chaos des états en faillite.
La désintégration physique, environnementale, sociale et politique s’exprime également à travers une poussée de violence nihiliste motivée par la rage. Des tireurs fous commettent des massacres dans des centres commerciaux, dans des cinémas, des églises et des écoles aux États-Unis, Boko Haram et l’État islamique, ou ISIS, sont en pleine frénésie meurtrière. Des attentats suicides sont méthodiquement perpétrés et entraînent des chaos meurtriers en Irak, en Afghanistan, en Arabie Saoudite, en Syrie, au Yémen, en Algérie, en Israël et dans les territoires palestiniens, en Iran, en Tunisie, au Liban, au Maroc, en Turquie, en Mauritanie, en Indonésie, au Sri Lanka, en Chine, au Nigeria, en Russie, en Inde et au Pakistan. Ils ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001 et en 2010 lorsqu’Andrew Joseph Stack III a détourné un petit avion dans un bâtiment d’Austin, au Texas, qui abritait des agents du fisc. Le fanatisme est alimenté par la détresse et le désespoir. Ce n’est pas le produit de la religion, bien que la religion devienne souvent le vernis sacré de la violence. Plus les gens seront désespérés, plus cette violence nihiliste se propagera.
« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres », écrivait le théoricien Antonio Gramsci.
Ces « monstres » continueront à se propager jusqu’à ce que l’on reconfigure radicalement nos relations entre nous et nos relations avec les écosystèmes. Mais rien ne garantit qu’une telle reconfiguration soit possible, particulièrement si les élites parviennent à s’accrocher au pouvoir à l’aide de leur appareil de surveillance et de sécurité mondial, omniprésent, et de l’importante militarisation de leurs forces de police. Si nous ne renversons pas le système néolibéral, et ce, rapidement, nous libèrerons un cauchemar hobbesien de violence étatique croissante et de contre-violence. Les masses pauvres seront condamnées à la misère et à la mort. Certains tenteront de résister violemment. Une petite élite, vivant dans une version moderne de Versailles ou de la cité interdite, aura accès à des commodités refusées à tous les autres. La haine deviendra l’idéologie dominante.
L’attrait exercé par l’État islamique, qui compte plus de 30 000 combattants étrangers, s’explique en ce qu’il exprime la rage ressentie par les dépossédés de la Terre et en ce qu’il s’est libéré des entraves de la domination occidentale. Il défie la tentative néolibérale de transformation de l’opprimé en déchet humain. Vous pouvez condamner sa vision médiévale d’un état musulman et ses campagnes de terreur contre les shiites, les yazidis, les chrétiens, les femmes et les homosexuels — ce que je fais — mais l’angoisse qui inspire toute cette sauvagerie est authentique ; vous pouvez condamner le racisme des suprématistes blancs qui se rallient à Trump — ce que je fais — mais ils ne font eux aussi qu’obéir à leur propre frustration et désespoir. L’ordre néolibéral, en transformant les gens en main d’œuvre superflue et par extension en êtres humains superflus, est responsable de cette colère. Le seul espoir restant réside en une réintégration des dépossédés dans l’économie mondiale, afin de leur donner un sentiment d’opportunité et d’espoir, de leur donner un futur. Sans cela, rien n’endiguera le fanatisme.
L’État islamique, à l’instar des chrétiens de droite aux États-Unis, vise un retour vers une pureté inatteignable, un utopisme, un paradis sur terre. Il promet d’établir une version du califat du 7ème siècle. Les sionistes du 20ème siècle, en cherchant à former l’État d’Israël, ont utilisé la même stratégie en appelant à la re-création de la nation juive mythique de la Bible. ISIS, à l’instar des combattants juifs ayant fondé Israël, cherche à construire son état (maintenant de la taille du Texas) à travers la purification ethnique, le terrorisme et l’utilisation de combattants étrangers. Sa cause utopique, tout comme la cause républicaine de la guerre civile espagnole, attire des dizaines de millions de jeunes, en majorité des jeunes musulmans rejetés par l’ordre néolibéral. L’État islamique offre une vision recomposée d’une société brisée. Il offre un lieu et un sentiment d’identité — ce que n’offre pas le néolibéralisme — à ceux qui embrassent cette vision. Il appelle à se détourner du culte mortifère du moi qui est au cœur de l’idéologie néolibérale. Il met en avant le caractère sacré du sacrifice personnel. Et il ouvre une voie à la vengeance.
Jusqu’à ce que nous démantelions l’ordre néolibéral, afin de recouvrer la tradition humaniste rejetant la perception des êtres humains et de la Terre comme marchandises à exploiter, notre forme de barbarie industrielle et économique affrontera la barbarie de ceux qui s’y opposent. Le seul choix qu’offre la « société bourgeoise », comme le savait Friedrich Engels, est « le socialisme ou la régression vers la barbarie ». Il est temps de faire un choix.
Nous ne sommes pas, aux États-Unis, moralement supérieurs à l’État islamique. Nous sommes responsables de la mort de plus d’un millions d’Irakiens et de la migration forcée de plus de 4 millions d’autres. Nous tuons en plus grand nombre. Nous tuons avec encore moins de discernement. Nos drones, nos avions de combats, notre artillerie lourde, nos bombardements navals, nos mitrailleuses, nos missiles et forces prétendument spéciales — des escadrons de la mort dirigés par l’état — ont décapité bien plus de gens, enfants inclus, que l’État islamique. Lorsque l’État islamique a brûlé vif un pilote jordanien dans une cage, cela faisait écho aux agissements quotidiens des États-Unis, lorsqu’ils incinèrent des familles dans leurs maisons, avec les frappes aériennes. Cela faisait écho à ce que font les avions de combats israéliens à Gaza. Oui, ce que l’État islamique a fait était plus brutal. Mais moralement ça n’était pas différent.
J’ai un jour demandé au co-fondateur du groupe militant Hamas, le Dr Abdel Aziz al-Rantisi, pourquoi le Hamas cautionnait les attentats suicides, qui entraînaient la mort de civils et d’enfants israéliens, alors que les palestiniens dominaient du point de vue de la morale, en tant que peuple occupé. « Nous arrêterons de tuer leurs enfants et leurs civils dès qu’ils arrêteront de tuer nos enfants et nos civils », m’a-t-il répondu. Il souligna que le nombre d’enfants israéliens qui avaient été tués s’élevait à ce moment-là à deux douzaines, tandis que les pertes palestiniennes s’élevaient à plusieurs centaines d’enfants. Depuis 2000, 133 israéliens et 2061 enfants palestiniens ont perdu la vie. L’attentat suicide est un acte de désespoir. C’est, à l’instar des bombardements incessants de Gaza par Israël, un crime de guerre. Mais lorsqu’on le considère comme la réponse à une terreur étatique incontrôlée, il est compréhensible. Le Dr Rantisi fut assassiné en Avril 2004 par Israël qui fit tirer sur sa voiture à Gaza un missile Hellfire depuis un hélicoptère Apache. Son fils Mohammed, qui était dans le véhicule avec lui, fut aussi tué dans l’attentat. La spirale de violence qui en résulte, plus d’une décennie après ces meurtres, perdure encore.
Ceux qui s’opposent à nous offrent une vision d’un monde nouveau. Nous n’offrons rien en retour. Ils offrent un contrepoids au mensonge néolibéral. Ils parlent pour ses victimes, prisonnières de bidonvilles sordides au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Ils condamnent l’hédonisme grotesque, la société du spectacle, le rejet du sacré, la consommation débridée, la richesse personnelle en tant que fondement principal du respect et de l’autorité, la célébration aveugle de la technocratie, la réification sexuelle — y compris une culture dominée par la pornographie — et la léthargie (largement appuyée par l’abondance des médicaments) utilisée par tous les régimes agonisants, pour détourner l’attention des masses et leur confisquer le pouvoir. De nombreux djihadistes, avant de devenir de violents fondamentalistes, ont été victimes de ces forces. Il y a des centaines de millions de gens comme eux, qui ont été trahis par l’ordre néolibéral. Une véritable poudrière, et nous ne leur offrons rien.
« Quand sa rage éclate, il retrouve sa transparence perdue, il se connaît dans la mesure même où il se fait ; de loin nous tenons sa guerre comme le triomphe de la barbarie », a écrit Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre, « mais elle procède par elle-même à l’émancipation progressive du combattant, elle liquide en lui et hors de lui, progressivement, les ténèbres coloniales. Dès qu’elle commence, elle est sans merci. Il faut rester terrifié ou devenir terrible ; cela veut dire : s’abandonner aux dissociations d’une vie truquée ou conquérir l’unité natale. Quand les paysans touchent des fusils, les vieux mythes pâlissent, les interdits sont un à un renversés : l’arme d’un combattant, c’est son humanité. Car, en le premier temps de la révolte, il faut tuer : abattre un Européen c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre. »
Ceux au pouvoir apprennent-ils l’histoire ? Ou peut-être est-ce ce qu’ils veulent. Une fois que les Damnés de la Terre se changeront en État islamique, ou adopteront la contre-violence, l’ordre néolibéral pourra supprimer les dernières entraves qui le retenaient et commencer à tuer en toute impunité. Les idéologues néolibéraux, après tout, sont eux aussi des fanatiques utopistes. Et eux aussi ne savent s’exprimer qu’à travers le langage de la force. Ils sont notre version de l’État islamique.
Le monde binaire que les néolibéraux ont créé — un monde de maîtres et de serfs, un monde où les damnés de la terre sont diabolisés et soumis par une perte de liberté, par « l’austérité » et la violence, un monde où seuls les puissants et les riches ont des privilèges et des droits — nous condamnera et nous entraînera vers une dystopie effrayante. La révolte émergente, mal définie, paraissant éparse, surgit des entrailles de la terre. Nous apercevons ses éclairs et ses tremblements. Nous voyons son idéologie pétrie de rage et d’angoisse. Nous percevons son utopisme et ses cadavres. Plus l’ordre néolibéral engendre de désespoir et de détresse, que ce soit à Athènes, à Bagdad ou à Ferguson, plus les forces de répression étatique sont utilisées pour étouffer l’agitation et extraire les dernières gouttes de sang des économies exsangues, plus la violence deviendra le principal langage de la résistance.
Ceux d’entre nous qui cherchent à créer un monde un tant soit peu viable disposent de peu de temps. L’ordre néolibéral, pillant la Terre et asservissant les vulnérables, doit être anéanti. Cela n’arrivera que si nous le confrontons en opposition directe, en étant prêts à entreprendre des actes de sacrifices personnels et de révolte prolongée qui nous permettent de faire obstruction et de démanteler tous les aspects de la machinerie néolibérale. Je crois que l’on peut accomplir cela à travers la non-violence. Mais je ne peux nier l’émergence inéluctable de la contre-violence, provoquée par la myopie et l’avarice des mandarins néolibéraux. La paix et l’harmonie n’embraseront peut-être pas la Terre entière si nous y parvenons, mais si nous ne destituons pas les élites dominantes, si nous ne renversons pas l’ordre néolibéral, et si nous ne le faisons pas rapidement, nous sommes perdus.
Chris Hedges
source : https://www.les-crises.fr/un-terrible-denouement-par-chris-hedges/
Le deuxième tour des élections présidentielles
françaises
Alex Anfruns : Le Pen et Macron sont passés au 2nd tour avec un score serré par rapport à Fillon et Mélenchon. Quel impact cela pourrait avoir sur la capacité à gouverner du prochain Président/e?
Robert Charvin : Quel que soit le vainqueur du second tour, l’incertitude règne pour la suite. Les élections législatives sont incertaines. La droite « classique » et la social-démocratie espèrent déjà se rétablir après leur défaite. Mais l’équipe « En Marche » qui fait du neuf avec du vieux (tous les opportunistes de droite et de gauche sont rassemblés), tout comme en Allemagne sont associés la CDU et le SPD, devrait connaître un certain succès si Macron est élu président, selon une jurisprudence traditionnelle. Il est difficile de contrarier les choix du Médef et des grandes firmes du CAC40 !
Le FN de Le Pen et des fractions de la droite dite « républicaine » ont fait leur jonction : ce mouvement est encore limité car il est prématuré. Le monde des affaires après avoir « essayé » alternativement la droite et la pseudo « gauche », a choisi d’expérimenter une association des deux sous la présidence d’un commis appartenant à leur sérail.
C’est en cas de nouvelle « déception » que le grand patronat et les banques opteront pour le néofascisme selon une tradition historique bien établie. Marine Le Pen et le FN n’ont servi cette année encore qu’à justifier le vote « utile », c’est-à-dire le vote s’imposant par « impératif moral » en faveur de la droite « convenable » à la mode du jour. A ce jour, le risque est que la blonde « imbécile utile » perturbe le jeu, comme les Islamistes l’ont fait après avoir été instrumentalisés par les États-Unis !
Rien ne dit qu’une majorité parlementaire cohérente et stable puisse fonctionner durant tout le quinquennat.
Face à la déception du résultat qui n’a pas permis à la FI de passer au 2nd tour, il y a ceux qui pensent aux législatives, puis d’autres qui appellent au 3ème tour social et enfin ceux qui alertent sur le danger que représente Le Pen. Quel est l’enjeu prioritaire selon vous ?
L’essentiel pour l’avenir progressiste de la France, et pour une part de l’Europe, est le succès de J.L. Mélenchon, des Insoumis et du Parti Communiste malgré le flottement de certains de ses cadres et élus.
S’est constituée une force de gauche radicale de plus de 7 millions de citoyens qui peut, si elle reste unie, non seulement bénéficier d’une assise solide dans la prochaine Assemblée Nationale, mais aussi et surtout stimuler un « troisième tour social » avec les syndicats (non « réformistes ») et un large mouvement populaire de contestation et de proposition.
Pour la première fois depuis des décennies, la social démocratie n’est plus la force dominante d’une gauche rendue ainsi infirme : d’orientation droitière ou « frondeuse » (comme avec B. Hamon), la social-démocratie française (comme toutes les social-démocraties) n’a fait qu’aider à faire battre la gauche de transformation sociale. Avec 6% des voix, Hamon et son parti « socialiste » n’ont réussi qu’à empêcher J.L. Mélenchon d’être présent au second tour !
Peu de doute, toutefois, sur la capacité de rebond de la social-démocratie, sous une forme ou une autre : il est toujours « dangereux » pour les intérêts dominants d’avoir face à eux une gauche authentique et radicale, redonnant des couleurs à la lutte des classes.
Pour ce second tour, cette gauche radicale reconstituée ne cédera pas une nouvelle fois au « vote Macron antifasciste », comme ce fut le cas au profit de Chirac, puis de Hollande (contre l’ultra droite sarkozienne) ! Il y aura certainement de nombreux bulletins blancs et une forte abstention. Macron n’aura sans doute pas la « légitimité » frelatée d’un score massif en sa faveur et c’est important pour la suite.
Les fondamentaux d’une gauche radicale sont d’abord l’anticapitalisme et ensuite l’antifascisme. Dans le contexte français actuel, le fascisme se profile à l’horizon mais le monde des affaires souhaite encore privilégier les compromis sociaux (formels) et un certain libéralisme sociétal : accorder la priorité à l’antifascisme, c’est redonner vigueur aux vaincus du premier tour (droite classique et « socialistes ») à la recherche de nouvelles « techniques » de manipulation. C’est participer à la reproduction de la « conscience mystifiée » pour qui la « modernité » est un mixage de l’argent et de l’autoritarisme !
Vous soutenez depuis longtemps l’initiative progressiste pour une 6e République. Quelles avantages majeurs apporterait par rapport au système actuel ?
Une 6° République, réduisant les pouvoirs en supprimant le « chef de l’État », donnant une vie réelle à la citoyenneté, permettant à l’État de décider des grandes orientations socio-économiques et internationales, sans se soumettre aux pouvoirs privés financiers, est une urgence.
Le « macronisme » est un stade avancé du capitalisme : les institutions de la V° République, qui jouent sur la personnalisation de la vie politique pour rendre plus opaque la subordination à l’argent, ne sont adaptées qu’au monde des affaires et à une Europe a-sociale.
La 6° République, donnant le premier rôle aux citoyens, assurant leur contrôle strict sur leurs représentants à tous les niveaux, peut créer les conditions d’avancées sociales et de progrès démocratiques. Mais l’essentiel reste la mise en mouvement la plus large des populations « insoumises »
Le Front Populaire n’a réalisé de profondes réformes sociales que par les grèves massives dans les entreprises en 1936 ; en 2017, c’est le mouvement populaire immense en Corée du Sud qui a conduit à la destitution d’une Présidente autoritaire, vassale des Américains et liée aux « Chaebols », les grands groupes économiques et financiers du pays.
L’Histoire continue : elle a plus d’imagination que ceux qui la vivent. Les 20% de J.L. Mélenchon ne sont qu’une étape d’une Renaissance tout à fait possible.