source : http://leblogalupus.com/2015/10/11/ledito-du-dimanche-11-octobre-2015-les-limites-commencent-a-apparaitre-par-bruno-bertez/
Nous avons analysé tout au long de ces dernières semaines la dislocation des marchés financiers; le point culminant de cette dislocation a été atteint début octobre, lorsque la contagion a touché le secteur du crédit puis le secteur obligataire américain: le risk-off est réapparu.
Nous avons immédiatement pronostiqué une réaction concertée des responsables de la conduite des affaires sous l’argument : dans la voie choisie il n’y a pas de retour en arrière possible, après le « coûte que coûte », c’est maintenant le temps du « toujours plus ».
Nous sommes dans le « toujours plus »
Nous ne reviendrons pas sur les annonces qui ont été faites si ce n’est pour affirmer qu’elles ont été concertées, mais qu’elles laissent le problème entier à savoir: comment tenter de normaliser la politique monétaire américaine sans provoquer la hausse du dollar, sa raréfaction et la dislocation du système fondé sur le levier et le carry.
Comme on n’a pas la solution, on diffère la normalisation de la politique américaine et on stabilise tant bien que mal, tout ce qui a été bousculé par les anticipations.
Un tsunami de rachats de découvert sur les marchés
Les marchés l’ont compris et ils ont connu une reprise fulgurante, généralisée; tout y est passé, actions, crédit, commodities, pétrole etc
Contrairement aux interprétations du consensus, nous ne considérons pas que cette reprise est significative. Nous faisons valoir que rien n’a changé si ce n’est le fait que l’on a échoué dans la normalisation, que l’on a eu peur et que la situation était tellement grave que l’on a fait machine arrière. Faire machine arrière, ce n’est pas créer une situation nouvelle, c’est s’enfoncer dans l’ancienne. Les autorités ont perdu la face. Avec en plus la perte de confiance, de crédibilité et un effet d’apprentissage plutôt négatif pour les grands intervenants des marchés. On ne revient pas à la situation de départ, non, on a compliqué les choses et obéré l’avenir. Maintenant les gros, le très gros « Smart Money » sait que les autorités sont faillibles.
Aussi, si il y en a encore qui en doutaient, on a administré la preuve que la hausse des Bourses est bel et bien comme nous le disons et redisons une hausse de misère: c’est parce que cela va mal que les marchés montent et créent de la soit disant valeur! C’est la crise pour les uns qui produit de la richesse-papier pour les autres.
Lors de ces dernières semaines, nous avons considéré que, progressivement, les marchés se mettaient en risk-off. Tout allait dans le même sens, on défaisait ce que nous appelons souvent le grand Reflation Trade. Dans une simplification hasardeuse, on pourrait croire que le mouvement irrésistible de cette semaine écoulée est un retour au risk-on. Nous refusons cette interprétation, ce n’est pas un retour au risk-on , c’est un colossal rachat du découvert. Sur les marchés, la communauté spéculative mondiale, s’est comportée comme un troupeau de moutons: tous du même côté du bateau, tous vendeurs des classes d’assets risk-on. Et ils se sont rachetés en catastrophe. Les études et statistiques triturées par des établissements sérieux et bien équipés comme la BOFA le prouvent. Ce qui est passé c’est une vague, un tsunami de rachats de positions vendeur à découvert sur toutes les classes et tous les segments.
Si notre hypothèse se vérifie, cela se verra assez vite, les achats seront peu suivis et au contraire, ils seront servis, coiffés par les très gros intervenants. On verra des marchés de distribution.
Les limites se donnent maintenant à voir clairement
La Fed et les banquiers centraux ont peur de surprendre les marchés, c’est une évidence et cela est théorisé. D’où la politique dite de transparence qui consiste à téléphoner ses décisions aux gros complices banquiers afin qu’ils ne soient pas pris à contrepied. Et cela fonctionne, ou plutôt, cela fonctionnait bien. On réussissait grâce à cette pratique à maintenir un comportement ordonné des marchés et à « tarter » les petits intervenants moins sophistiqués. Ils jouaient le rôle d’amortisseurs, vous savez la fameuse dissémination du risque sur les petits, leurs institutions de prévoyance etc.
L’ennui est que, peu à peu l’apprentissage se fait et quand une grosse décision importante comme la normalisation doit être prise, il faut la préparer. Peu à peu elle devient évidente, tout le monde s’y prépare … de la même façon. Dans les positions spéculatives, il finit par ne plus y avoir qu’un seul sens; ce que nous appelons : « tous du même côté du bateau ». Ce que nous avons constaté, touché du doigt, ces dernières semaines, c’est la limite des politiques de communication et de guidance des responsables des Banques Centrales; ces limites ont fait que, comme Yellen elles se sont emmêlés les pieds. Au point d’en faire un malaise.
Vous connaissez l’affirmation de base de la pensée dialectique; toute situation évolue à la fois en fonction de ses contradictions internes et externes; ce qui est sûr c’est qu’elle évolue. Et c’est ce à quoi il nous est donné d’assister, on touche les limites du système mis en place en 2008/2009. Il doit évoluer. Les problèmes n’ont pas été résolus; le mal est encore là, plus redoutable que jamais sous forme de déflation accentuée. L’échec des remèdes a conduit à les prolonger trop longtemps, à en augmenter les doses au point que maintenant ce sont les remèdes eux-mêmes qui font problème. Les doses de remèdes sont clairement nocives, l’accoutumance se manifeste douloureusement et à ce jour personne ne voit comment s’en passer.
Une période nouvelle s’ouvre, malheur à ceux qui n’en auront pas pris conscience; les comportements et les modèles qui ont donné des résultats depuis 2009 vont se trouver en défaut. Non seulement, les marchés vont adopter de nouveaux comportements, mais ils vont se forger de nouvelles règles, de nouvelles logiques, de nouvelles corrélations. Celui qui gagne en Bourse, c’est celui qui comprend avant les autres, les règles du jeu. Il va falloir produire de nouvelles martingales pour gagner. L’aggravation des déséquilibres, les limites des actions anciennes vont produire … autre chose!