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mercredi 2 novembre 2022

L’idéologie sociale de la bagnole

source : https://larotative.info/l-ideologie-sociale-de-la-bagnole-3011.html

Le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux ou les villas sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple. À la différence de l’aspirateur, de l’appareil de T.S.F. ou de la bicyclette, qui gardent toute leur valeur d’usage quand tout le monde en dispose, la bagnole, comme la villa sur la côte, n’a d’intérêt et d’avantages que dans la mesure où la masse n’en dispose pas. C’est que, par sa conception comme par sa destination originelle, la bagnole est un bien de luxe. Et le luxe, par essence, cela ne se démocratise pas : si tout le monde accède au luxe, plus personne n’en tire d’avantages ; au contraire : tout le monde roule, frustre et dépossède les autres et est roulé, frustré et dépossédé par eux.

La chose est assez communément admise, s’agissant des villas sur la côte. Aucun démagogue n’a encore osé prétendre que démocratiser le droit aux vacances, c’était appliquer le principe : une villa avec plage privée pour chaque famille française. Chacun comprend que si chacune des treize ou quatorze millions de familles devait disposer ne serait-ce que dix mètres de côte, il faudrait 140 000 kilomètres de plages pour que tout le monde soit servi ! En attribuer à chacun sa portion, c’est découper les plages en bandes si petites — ou serrer les villas si près les unes contre les autres — que leur valeur d’usage en devient nulle et que disparaît leur avantage par rapport à un complexe hôtelier. Bref, la démocratisation de l’accès aux plages n’admet qu’une seule solution : la solution collectiviste. Et cette solution passe obligatoirement par la guerre au luxe que constituent les plages privées, privilèges qu’une petite minorité s’arroge aux dépens de tous.

Or, ce qui est parfaitement évident pour les plages, pourquoi n’est-ce pas communément admis pour les transports ? Une bagnole, de même qu’une villa avec plage, n’occupe-t-elle pas un espace rare ? Ne spolie-t-elle pas les autres usagers de la chaussée (piétons, cycliste, usagers des trams ou bus) ? Ne perd-elle pas toute valeur d’usage quand tout le monde utilise la sienne ? Et pourtant les démagogues abondent, qui affirment que chaque famille a droit à au moins une bagnole et que c’est à l’« État » qu’il appartient de faire en sorte que chacun puisse stationner à son aise, rouler à 150 km/h, sur les routes du week-end ou des vacances.

La monstruosité de cette démagogie saute aux yeux et pourtant la gauche ne dédaigne pas d’y recourir. Pourquoi la bagnole est-elle traitée en vache sacrée ? Pourquoi, à la différence des autres biens « privatifs », n’est-elle pas reconnue comme un luxe antisocial ? La réponse doit être cherchée dans les deux aspects suivants de l’automobilisme.

1. L’automobilisme de masse matérialise un triomphe absolu de l’idéologie bourgeoise au niveau de la pratique quotidienne : il fonde et entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir et s’avantager aux dépens de tous. L’égoïsme agressif et cruel du conducteur qui, à chaque minute, assassine symboliquement « les autres », qu’il ne perçoit plus que comme des gênes matérielles et des obstacles à sa propre vitesse. Cet égoïsme agressif et compétitif est l’avènement, grâce à l’automobilisme quotidien, d’un comportement universellement bourgeois (« On ne fera jamais le socialisme avec ces gens-là », me disait un ami est-allemand, consterné par le spectacle de la circulation parisienne [1]).

2. L’automobile offre l’exemple contradictoire d’un objet de luxe qui a été dévalorisé par sa propre diffusion. Mais cette dévalorisation pratique n’a pas encore entraîné sa dévalorisation idéologique : le mythe de l’agrément et de l’avantage de la bagnole persiste alors que les transports collectifs, s’ils étaient généralisés, démontreraient une supériorité éclatante. La persistance de ce mythe s’explique aisément : la généralisation de l’automobilisme individuel a évincé les transports collectifs, modifié l’urbanisme et l’habitat et transféré sur la bagnole des fonctions que sa propre diffusion a rendues nécessaires. Il faudra une révolution idéologique (« culturelle ») pour briser ce cercle. Il ne faut évidemment pas l’attendre de la classe dominante (de droite ou de gauche).

Voyons maintenant ces deux points de plus près. Quand la voiture a été inventée, elle devait procurer à quelques bourgeois très riches un privilège tout à fait inédit : celui de rouler beaucoup plus vite que tous les autres. Personne, jusque-là, n’y avait encore songé : la vitesse des diligences était sensiblement la même, que vous fussiez riches ou pauvres ; la calèche du seigneur n’allait pas plus vite que la charrette du paysan, et les trains emmenaient tout le monde à la même vitesse (ils n’adoptèrent des vitesses différenciées que sous la concurrence de l’automobile et de l’avion). Il n’y avait donc pas, jusqu’au tournant du dernier siècle, une vitesse de déplacement pour l’élite, une autre pour le peuple. L’auto allait changer cela : elle étendait, pour la première fois, la différence de classe à la vitesse et au moyen de transport.

Autant de clients de l’industrie pétrolière que d’automobilistes

Ce moyen de transport parut d’abord inaccessible à la masse tant il était différent des moyens ordinaires : il n’y avait aucune mesure entre l’automobile et tout la reste : la charrette, le chemin de fer, la bicyclette ou l’omnibus à cheval. Des êtres d’exception se promenaient à bord d’un véhicule autotracté, pesant une bonne tonne, et dont les organes mécaniques, d’une complication extrême, étaient d’autant plus mystérieux que dérobés aux regards. Car il y avait aussi cet aspect-là, qui pesa lourd dans le mythe automobile : pour la première fois, des hommes chevauchaient des véhicules individuels dont les mécanismes de fonctionnement leur étaient totalement inconnus, dont l’entretien et même l’alimentation devaient être confiés par eux à des spécialistes.

Paradoxe de la voiture automobile : en apparence, elle conférait à ses propriétaires une indépendance illimitée, leur permettant de se déplacer aux heures et sur les itinéraires de leur choix à une vitesse égale ou supérieure à celle du chemin de fer. Mais, en réalité, cette autonomie apparente avait pour envers une dépendance radicale : à la différence du cavalier, du charretier ou du cycliste, l’automobiliste allait dépendre pour son alimentation en énergie, comme d’ailleurs pour la réparation de la moindre avarie, des marchands et spécialistes de la carburation, de la lubrification, de l’allumage et de l’échange de pièces standard. À la différence de tous les propriétaires passés de moyens de locomotion l’automobiliste allait avoir un rapport d’usager et de consommateur - et non pas de possesseur et de maître - au véhicule dont, formellement, il était le propriétaire. Ce véhicule, autrement dit, allait l’obliger à consommer et à utiliser une foule de services marchands et de produits industriels que seuls des tiers pourraient lui fournir. L’autonomie apparente du propriétaire d’une automobile recouvrait sa radicale dépendance.

Les magnats du pétrole perçurent les premiers le parti que l’on pourrait tirer d’une large diffusion de l’automobile : si le peuple pouvait être amené à rouler en voiture à moteur, on pourrait lui vendre l’énergie nécessaire à sa propulsion. Pour la première fois dans l’histoire, les hommes deviendraient tributaires pour leur locomotion d’une source d’énergie marchande. Il y aurait autant de clients de l’industrie pétrolière que d’automobilistes — et comme il y aurait autant d’automobilistes que de familles, le peuple tout entier allait devenir client des pétroliers. La situation dont rêve tout capitaliste allait se réaliser : tous les hommes allaient dépendre pour leurs besoins quotidiens d’une marchandise dont une seule industrie détiendrait le monopole.

Il ne restait qu’à amener le peuple à rouler en voiture. Le plus souvent, on croit qu’il ne se fit pas prier : il suffisait, par la fabrication en série et le montage à la chaîne, d’abaisser suffisamment le prix d’une bagnole ; les gens allaient se précipiter pour l’acheter. Il se précipitèrent bel et bien, sans se rendre compte qu’on les menait par le bout du nez. Que leur promettait, en effet, l’industrie automobile ? Tout bonnement ceci : « Vous aussi, désormais, aurez le privilège de rouler, comme les seigneurs et bourgeois, plus vite que tout le monde. Dans la société de l’automobile, le privilège de l’élite est mis à votre portée. »

Les gens se ruèrent sur les bagnoles jusqu’au moment où, les ouvriers y accédant à leur tour, les automobilistes constatèrent, frustrés, qu’on les avait bien eus. On leur avait promis un privilège de bourgeois ; ils s’étaient endettés pour y avoir accès et voici qu’ils s’apercevaient que tout le monde y accédait en même temps. Mais qu’est-ce qu’un privilège si tout le monde y accède ? C’est un marché de dupes. Pis, c’est chacun contre tous. C’est la paralysie générale par empoignade générale. Car lorsque tout le monde prétend rouler à la vitesse privilégiée des bourgeois, le résultat, c’est que rien ne roule plus, que la vitesse de circulation urbaine tombe - Boston comme à Paris, à Rome ou à Londres - au-dessous de celle de l’omnibus à cheval et que la moyenne, sur les routes de dégagement, en fin de semaine, tombe au-dessous de la vitesse d’un cycliste.

Rien n’y fait : tous les remèdes ont été essayés, ils aboutissent tous, en fin de compte, à aggraver le mal. Que l’on multiplie les voies radiales et les voies circulaires, les transversales aériennes, les routes à seize voies et à péages, le résultat est toujours le même : plus il y a de voies de desserte, plus il y a de voitures qui y affluent et plus est paralysante la congestion de la circulation urbaine. Tant qu’il y aura des villes, le problème restera sans solution : si large et rapide que soit une voie de dégagement, la vitesse à laquelle les véhicules la quittent, pour pénétrer dans la ville, ne peut être plus grande que la vitesse moyenne, dans Paris, sera de 10 à 20 km/h, selon les heures, on ne pourra quitter à plus de 10 ou 20 km/h les périphériques et autoroutes desservant la capitale. On les quittera même à des vitesses beaucoup plus faibles dès que les accès seront saturés et ce ralentissement se répercutera à des dizaines de kilomètres en amont s’il y a saturation de la route d’accès.

Plus une société diffuse ces véhicules rapides, plus les gens y perdent de temps à se déplacer

Il en va de même pour toute ville. Il est impossible de circuler à plus de 20 km/h de moyenne dans le lacis de rues, avenues et boulevards entrecroisés qui, à ce jour, étaient le propre des villes. Toute injection de véhicules plus rapides perturbe la circulation urbaine en provoquant des goulots, et finalement le paralyse.

Si la voiture doit prévaloir, il reste une seule solution : supprimer les villes, c’est-à-dire les étaler sur des centaines de kilomètres, le long de voies monumentales, de banlieues autoroutières. C’est ce qu’on a fait aux États-Unis. Ivan Illich [2] en résume le résultat en ces chiffres saisissants : « L’Américain type consacre plus de mille cinq cents heures par an (soit trente heures par semaine, ou encore quatre heures par jour, dimanche compris) à sa voiture : cela comprend les heures qu’il passe derrière le volant, en marche ou à l’arrêt ; les heures de travail nécessaires pour la payer et pour payer l’essence, les pneus, les péages, l’assurance, les contraventions et impôts… À cet Américain, il faut donc mille cinq cents heures pour faire (dans l’année) dix mille kilomètres. Six kilomètres lui prennent une heure. Dans les pays privés d’industrie des transports, les gens se déplacent à exactement cette même vitesse en allant à pied, avec l’avantage supplémentaire qu’ils peuvent aller n’importe où et pas seulement le long des routes asphaltées. »

Il est vrai, précise Illich, que dans les pays non industrialisés les déplacements n’absorbent que deux à huit pour-cent du temps social (ce qui correspond vraisemblablement à deux à six heures par semaine). Conclusion suggérée par Illich : l’homme à pied couvre autant de kilomètres en une heure consacrée au transport que l’homme à moteur, mais il consacre à ses déplacements cinq à dix fois moins de temps que ce dernier. Moralité : plus une société diffuse ces véhicules rapides, plus — passé un certain seuil — les gens y passent et y perdent de temps à se déplacer. C’est mathématique.

La raison ? Mais nous venons à l’instant de la voir : on a éclaté les agglomérations en interminables banlieues autoroutières, car c’était le seul moyen d’éviter la congestion véhiculaire des centres d’habitation. Mais cette solution a un revers évident : les gens, finalement, ne peuvent circuler à l’aise que parce qu’ils sont loin de tout. Pour faire place à la bagnole, on a multiplié les distances : on habite loin du lieu de travail, loin de l’école, loin du supermarché - ce qui va exiger une deuxième voiture pour que la « femme au foyer » puisse faire les courses et conduire les enfants à l’école. Des sorties ? Il n’en est pas question. Des amis ? Il y a des voisins… et encore. La voiture, en fin de compte, fait perdre plus de temps qu’elle n’en économise et crée plus de distances qu’elle n’en surmonte. Bien sûr, vous pouvez vous rendre à votre travail en faisant du 100 km/h ; mais c’est parce que vous habitez à cinquante kilomètres de votre job et acceptez de perdre une demi-heure pour couvrir les dix derniers kilomètres. Bilan : « Les gens travaillent une bonne partie de la journée pour payer les déplacements nécessaires pour se rendre au travail » (Ivan Illich).

Vous direz peut-être : « Au moins, de cette façon, on échappe à l’enfer de la ville une fois finie la journée de travail. » Nous y sommes : voilà bien l’aveu. « La ville » est ressentie comme « l’enfer », on ne pense qu’à s’en évader ou à aller vivre en province, alors que, pour des générations, la grande ville, objet d’émerveillements, était le seul endroit où il valût la peine de vivre. Pourquoi ce revirement ? Pour une seule raison : la bagnole a rendu la grande ville inhabitable. Elle l’a rendu puante, bruyante, asphyxiante, poussiéreuse, engorgée au point que les gens n’ont plus envie de sortir le soir. Alors, puisque les bagnoles ont tué la ville, il faut davantage de bagnoles encore plus rapides pour fuir sur des autoroutes vers des banlieues encore plus lointaines. Impeccable circularité : donnez-nous plus de bagnoles pour fuir les ravages que causent les bagnoles.

D’objet de luxe et de source de privilège, la bagnole est ainsi devenue l’objet d’un besoin vital : il en faut une pour s’évader de l’enfer citadin de la bagnole. Pour l’industrie capitaliste, la partie est donc gagnée : le superflu est devenu nécessaire. Inutile désormais de persuader les gens qui désirent une bagnole : sa nécessité est inscrite dans les choses. Il est vrai que d’autres doutes peuvent surgir lorsqu’on voit l’évasion motorisée le long des axes de fuite : entre huit heures et neuf heures trente le matin, entre cinq heures trente et sept heures le soir et, les fins de semaine, cinq à six heures durant, les moyens d’évasion s’étirent en processions, pare-chocs contre pare-chocs, à la vitesse (au mieux) d’un cycliste et dans un grand nuage d’essence au plomb. Que reste-t-il quand, comme c’était inévitable, la vitesse plafond sur les routes est limitée à celle, précisément, que peut atteindre la voiture de tourisme la plus lente.

Après avoir tué la ville, la bagnole tue la bagnole

Juste retour des choses : après avoir tué la ville, la bagnole tue la bagnole. Après avoir promis à tout le monde qu’on irait plus vite, l’industrie automobile aboutit au résultat rigoureusement prévisible que tout le monde va plus lentement que le plus lent de tous, à une vitesse déterminée par les lois simples de la dynamique des fluides. Pis : inventée pour permettre à son propriétaire d’aller où il veut, à l’heure et à la vitesse de son choix, la bagnole devient, de tous les véhicules, le plus serf, aléatoire, imprévisible et incommode : vous avez beau choisir une heure extravagante pour votre départ, vous ne savez jamais quand les bouchons vous permettront d’arriver. Vous êtes rivé à la route (à l’autoroute) aussi inexorablement que le train à ses rails. Vous ne pouvez, pas plus que le voyageur ferroviaire, vous arrêter à l’improviste et vous devez, tout comme dans un train, avancer à une vitesse déterminée par d’autres. En somme, la bagnole a tous les désavantages du train - plus quelques-un qui lui sont spécifiques : vibrations, courbatures, dangers de collision, nécessité de conduire le véhicule - sans aucun de ses avantages.

Et pourtant, direz-vous, les gens ne prennent pas le train. Parbleu : comment le prendraient-ils ? Avez-vous déjà essayer d’aller de Boston à New York en train ? Ou d’Ivry au Tréport ? Ou de Garches à Fontainebleu ? Ou de Colombes à l’Isle Adam ? Avez-vous essayé, en été, le samedi ou le dimanche ? Eh bien ! essayez donc, courage ! Vous constaterez que le capitalisme automobile a tout prévu : au moment où la bagnole allait tuer la bagnole, il a fait disparaître les solutions de rechange : façon de rendre la bagnole obligatoire. Ainsi, l’État capitaliste a d’abord laissé se dégrader, puis a supprimé, les liaisons ferroviaires entre les villes, leurs banlieues et leur couronne de verdure. Seules ont trouvé grâce à ses yeux les liaisons interurbaines à grande vitesse qui disputent aux transports aériens leur clientèle bourgeoise. L’aérotrain, qui aurait pu mettre les côtes normandes ou les lacs du Morvan à la portée des picniqueurs parisiens du dimanche, servira à faire gagner quinze minutes entre Paris et Pontoise et à déverser à ses terminus plus de voyageurs saturés de vitesse que les transports urbains n’en pourront recevoir. Ça, c’est du progrès !

La vérité, c’est que personne n’a vraiment le choix : on n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle — et même, de plus en plus, l’univers urbain. C’est pourquoi la solution révolutionnaire idéale, qui consiste à supprimer la bagnole au profit de la bicyclette, du tramway, du bus et du taxi sans chauffeur, n’est même plus applicable dans les cités autoroutières comme Los Angeles, Detroit, Houston, Trappes ou même Bruxelles, modelées pour et par l’automobile. Villes éclatées, s’étirant le long de rues vides où s’alignent des pavillons tous semblables et où le paysage (le désert) urbain signifie : « Ces rues sont faites pour rouler aussi vite que possible du lieu de travail au domicile et vice versa. On y passe, on n’y demeure pas. Chacun, son travail terminé, n’a qu’à rester chez soi et toute personne trouvée dans la rue la nuit tombée doit être tenue pour suspecte de préparer un mauvais coup. » Dans un certain nombre de villes américaines, le fait de flâner à pied la nuit dans les rues est d’ailleurs considéré comme un délit.

Alors, la partie est-elle perdue ? Non pas ; mais l’alternative à la bagnole ne peut être que globale. Car pour que les gens puissent renoncer à leur bagnole, il ne suffit point de leur offrir des moyens de transports collectifs plus commodes : il faut qu’ils puissent ne pas se faire transporter du tout parce qu’ils se sentiront chez eux dans leur quartier, leur commune, leur ville à l’échelle humaine, et qu’ils prendront plaisir à aller à pied de leur travail à leur domicile — à pied ou, à la rigueur, à bicyclette. Aucun moyen de transport rapide et d’évasion ne compensera jamais le malheur d’habiter une ville inhabitable, de n’y être chez soi nulle part, d’y passer seulement pour travailler ou, au contraire, pour s’isoler et dormir. « Les usagers, écrit Illich, briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. » Mais, précisément, pour pouvoir aimer « son territoire », il faudra d’abord qu’il soit rendu habitable et non pas circulable : que le quartier ou la commune redevienne le microcosme modelé par et pour toutes les activités humaines, où les gens travaillent, habitent, se détendent, s’instruisent, communiquent, s’ébrouent et gèrent en commun le milieu de leur vie commune. Comme on lui demandait une fois ce que les gens allaient faire de leur temps, après la révolution, quand le gaspillage capitaliste sera aboli, Marcuse répondit : « Nous allons détruire les grandes villes et en construire de nouvelles. Ça nous occupera un moment. »

On peut imaginer que ces villes nouvelles seront des fédérations de communes (ou quartiers), entourées de ceintures vertes où les citadins — et notamment les « écoliers » — passeront plusieurs heures par semaine à faire pousser les produits frais nécessaires à leur subsistance. Pour leur déplacements quotidiens, ils disposeront d’une gamme complète de moyens de transport adaptés à une ville moyenne : bicyclettes municipales, trams ou trolleybus, taxis électriques sans chauffeur. Pour les déplacements plus importants dans les campagnes, ainsi que pour le transport des hôtes, un pool d’automobiles communales sera à la disposition de tous dans les garages de quartier. La bagnole aura cessé d’être besoin. C’est que tout aura changé : le monde, la vie, les gens. Et ça ne se sera pas passé tout seul.

Entre-temps, que faire pour en arriver là ? Avant tout, ne jamais poser le problème du transport isolément, toujours le lier au problème de la ville, de la division sociale du travail et de la compartimentation que celle-ci a introduite entre les diverses dimensions de l’existence : un endroit pour travailler, un autre endroit pour « habiter », un troisième pour s’approvisionner, un quatrième pour s’instruire, un cinquième pour se divertir. L’agencement de l’espace continue la désintégration de l’homme commencée par la division du travail à l’usine. Il coupe l’individu en rondelles, il coupe son temps, sa vie, en tranches bien séparées afin qu’en chacune vous soyez un consommateur passif livré sans défense aux marchands, afin que jamais il ne vous vienne à l’idée que travail, culture, communication, plaisir, satisfaction des besoins et vie personnelle peuvent et doivent être une seule et même chose : l’unité d’une vie, soutenue par le tissu social de la commune.

Texte initialement publié dans la revue Le Sauvage en septembre-octobre 1973, pioché sur https://infokiosques.net/.

Notes

[1N.d.É : On prendra soin de remettre cette réflexion dans le contexte de son époque.

[2Énergie et Équité. Ed. Le Seuil.

mercredi 7 septembre 2022

"Ma garde à vue était préparée de longue date !" - Eric Verhaeghe - Géopolitique, Suicides, Liberté, Sécession... etc.

 


  • Vidéo ici

  • Eric Verhaeghe, fondateur du courrier des Stratèges, revient sur sa garde à vue de 24 heures et détaille les motivations de son interpellation.

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    L'article en question


    Brigitte Macron n’aurait déposé aucune plainte pour diffamation dans l’affaire Jean-Michel

    Nous avons effleuré hier les allégations de la télévision russe concernant le dossier secret qui aurait été saisi au domicile de Trump par le FBI, et dont toute la presse française a parlé sans retenue (preuve, insistons sur ce point, que les plumes se délient, dans le cartel de la presse subventionnée, lorsqu'il s'agit de relayer une information lancée par le Deep State US). Certains lecteurs ont prétendu que Brigitte Macron aurait porté plainte en diffamation concernant ce dossier, notamment contre Faits & Documents, qui a largement documenté son enquête (controversée) sur le sujet. Faits & Documents nous a contacté pour nous signifier qu'il ne faisait l'objet d'aucune poursuite de la part du couple présidentiel, ce qui soulève quelques importantes questions.


    Comme nous le montrons dans la vidéo ci-dessus, et comme nous l’indiquions hier dans nos colonnes, la télévision russe fait des gorges chaudes à propos du dossier secret “President of France” que le FBI s’est vanté d’avoir saisi au domicile de Trump. Selon le reportage diffusé à Moscou, qui s’appuie largement sur le dossier de Faits & Arguments consacré à Brigitte Macron, le FBI détiendrait des preuves concernant l’identité réelle de Brigitte Macron.

    Nous avons pris soin de rappeler que cette ténébreuse et détestable rumeur n’est, à ce stade, pas vérifiée, mais nous nous sommes étonnés, depuis plusieurs semaines, que le couple Macron ne la fasse pas taire par des procès en diffamation.
    Diffamation ? où en sommes-nous des procédures ?

    Assez curieusement, un lecteur a prétendu, dans un commentaire, que :


    En rapport avec l’article, il y a une précision de taille qu’il faut apporter et qu’il n’est pas sorti dans la presse :
    – le couple Macron a effectivement dépose plainte pour diffamation contre Xavier de faits et documents ainsi que contre Natacha Rey ;
    – le Procureur de la République a requalifié la plainte en injure à caractère transphobe et Xavier de Faits et documents a été entendu par les services de police.

    Source : site web E&R et F&D.

    Ce commentaire a fait réagir Xavier Poussard, directeur de la rédaction de Faits & Documents, qui indique que Natacha Rey ferait l’objet d’une procédure pour atteinte à la vie privée, et que Faits et Documents ne fait à ce stade l’objet d’aucune procédure pénale.

    Par transparence, nous devons signaler que l’auteur du commentaire jugé faux par Xavier Poussard est, manifestement, un jeune étudiant qui semble bien informé pour son âge (puisqu’il livre de façon péremptoire des informations qui ne sont pas sorties “dans la presse”), ce qui nous laisse à penser que les affirmations de Xavier Poussard selon lesquelles il n’est pas attaqué en diffamation sont plus sérieuses que les affirmations inverses.

    Autrement dit, nous considérons comme acquis que, près d’un an après les premières interrogations sur son identité, Brigitte Macron n’a accusé personne de la diffamer. Tout juste a-t-elle accusé Natacha Rey de s’être immiscée dans sa vie privée, mais, en aucun cas, elle n’a saisi un tribunal pour rétablir une vérité qui serait tronquée ou contestée par la presse, et en particulier par Faits & Documents.
    Les questions soulevées par l’inaction du couple Macron

    S’il se confirmait que Brigitte Macron ne considère pas comme diffamatoires les affirmations selon lesquelles son identité féminine ne serait pas “native”, selon lesquelles elle aurait commencé sa relation intime avec Emmanuel Macron lorsque celui-ci avait 14 ans, et quelques autres informations de ce genre, nous serions confrontés à quelques questions POLITIQUEMENT MAJEURES.

    Au premier chef, on pourrait s’étonner du silence religieux observé par le cartel des médias subventionnés sur un questionnement fondamental relatif à l’identité de la première dame, et à la légalité de ses pratiques. En effet, alors que les féministes obtiennent de pleines pages sur de prétendus viols commis il y a quarante ou cinquante ans par Roman Polanski ou autres, le tabou sur le couple qui dirige la France rappelle une fois de plus les dangers des subventions (et de la connivence entre les milliardaires propriétaires des journaux et le pouvoir en place) pour une information équitable et loyale.

    Au deuxième chef, on s’étonnera aussi de la façon dont l’opposition est contrôlée en France. Sur le sujet précis de Brigitte, les réseaux sociaux regorgent de trolls qui diffusent les éléments de langage du pouvoir, à commencer par des trolls plus ou moins journalistes qui prennent contact avec nous, dans le cadre de ce qui ressemble à une mission commandée, pour nous conseiller “d’être prudent”. Qui finance ces missions d’influence ? Pourquoi certains médias qui se présentent comme les champions de l’opposition dissidente aujourd’hui observent-ils un silence aussi étrange sur un dossier qui passionne pourtant beaucoup de Français ?

    Au troisième chef, et c’est le plus important, je répète que, dès lors que cette affaire devient une arme diplomatique utilisée par les USA et la Russie dans le jeu des puissances, elle relève de la sécurité nationale et le premier personnage de l’Etat met le pays en danger en ne tordant pas définitivement le cou à la rumeur.

    Cette inaction du couple Macron se transforme progressivement en problème diplomatique essentiel.
    L’urgence d’entamer des procédures claires

    On voit bien que Macron marche avec un caillou désagréable dans sa chaussure aujourd’hui. Le silence des medias subventionnés (et des medias de prétendue opposition) ne pourra en permanence régner sur une affaire qui pèse lourd.

    Il devient urgent qu’Emmanuel Macron et Brigitte dénoncent la diffamation dont ils sont l’objet et, comme ils savent si bien le faire, organisent une interview de Jean-Michel Trogneux dans l’un de medias à leur botte, comme Paris-Match.

    Cette clarification est indispensable pour rassurer les Français sur l’indépendance de notre diplomatie.

    Eric Verhaeghe

    Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/09/03/brigitte-macron-naurait-depose-aucune-plainte-pour-diffamation-dans-laffaire-jean-michel/

    lundi 25 juillet 2022

    COVID19 – Un texte de Michel Odoul (Praticien et Enseignant Shiatsu)

     source : https://www.shiatsu-lroyne.fr/actualite/49-covid19-un-texte-de-michel-odoul-praticien-et-enseignant-shiatsu.html

    Fractales ?

    Le printemps 2020 restera marqué dans les mémoires. La plupart d’entre nous a dû traverser une crise sans précédent, non pas dans sa gravité sanitaire, question qui reste à discuter et devra l’être, mais dans son impact sur l’ensemble de nos quotidiens. Que nous est-il arrivé ? 
     

    Qu’est-ce qui a bien pu faire que nous nous sentions aussi malmenés, comme tout juste sortis d’un tambour de machine à laver ? Après un état de sidération dont l’importance s’est traduite par ce silence, à tous points de vue, qui a frappé notre pays, l’onde de choc qui s’est ensuivie a produit des dégâts profonds. Personne ne sortira indemne de ce champ de ruines dans lequel nous nous réveillons aujourd’hui, qu’il soit économique, social, familial, intellectuel ou émotionnel.

     

    Les focales d’analyse et de réaction peuvent être multiples et les angles d’éclairage très distincts. Pour ce qui me concerne, je crois dans le principe même de vie et de sa capacité de résilience. Nos corps savent cela et sont capables de cicatriser, c’est-à-dire de refermer la plaie. La blessure a existé et la trace reste mais elle ne s’infecte plus. Nos esprits également, quitte à passer par des étapes d’amnésie ou de déni. Mais eux aussi referment la plaie. Cela s’appelle «accepter», voire «pardonner». Le corps a besoin d’un baume, l’esprit a besoin de sens. Nous saurons dépasser cette crise. Cela ne sera pas toujours simple, mais cela sera.

     

    Ce qui est particulièrement intéressant, dans la situation actuelle, c’est de s’appuyer sur ce qui se passe dans nos corps, qui sont une véritable parabole de ce qui se passe dans notre société. Comment comprendre cela ? Nous pouvons nous appuyer sur une logique de type fractale. Si l’on voulait simplifier la notion de fractale, on pourrait dire que c’est une logique qui considère que l’infiniment petit est constitué « à l’identique » de l’infiniment grand. Au-delà de cette référence développée en Occident par Benoît Mandelbrot dans les années soixante-dix, nous sommes en présence d’un concept oriental très ancien, celui de la résonance et d’une logique de similitude entre le macrocosme (infiniment grand) et le microcosme (infiniment petit). Chacun est construit et fonctionne selon des règles et des structures similaires. Il est un miroir, une rémanence, un reflet de l’autre, tant dans sa forme apparente que dans ses mécanismes les plus secrets. C’est ce qui a présidé à l’élaboration des grands principes de la médecine traditionnelle chinoise (M.T.C.), dans laquelle, par exemple, les organismes humains sont des microcosmes de l’Univers.

    Dans cette vision du monde, l’ensemble des éléments constitutifs de notre univers sont intriqués et similaires. Les vaisseaux sanguins sont des fleuves et des rivières dans lesquels coule un fluide vital qui irrigue tout le corps, comme l’eau, qui irrigue toute la nature. Chaque organe est associé à une fonction qui le représente. Le cœur est l’empereur (parce qu’il gère le cerveau), l’estomac est l’intendant parce qu’il met les nutriments à disposition (à même d’être assimilés), le poumon est le ministre des Armées (parce qu’il défend et protège, notamment par la peau), le gros intestin est l’éboueur, etc.

    Tout comme un pays ou une nation, chaque organisme a besoin de définir des frontières (la peau), d’être défendu (système immunitaire), d’une identité (savoir qui et quoi défendre), d’être nourri (système digestif), d’être géré, dirigé et organisé (cerveau), etc.

    Je vais m’appuyer sur cette logique « analogique » pour proposer un éclairage particulier de cette crise qui nous a frappés. Cela va nous permettre de mettre en perspective ce qui nous arrive et d’en tirer, je l’espère, une compréhension et une perspective proactives.

    Pour ce faire, revenons un peu sur quelques données.

    Ce que nous « savons » de cette crise

    Ce que nous savons, a priori, c’est que nous sommes dans une pandémie qui affecte principalement les personnes âgées (plus de 70 % des décès concernent des personnes de plus de 70 ans selon les chiffres officiels) et présentant des facteurs de risques, principalement liés à des pathologies graves, chroniques ou à l’obésité.

    La deuxième donnée non négligeable est que le virus, considéré comme responsable n’affecte pas les enfants (de moins de 12 ans) voire, chose étonnante, que les enfants porteurs du virus ne contamineraient, selon les pédiatres, ni les autres enfants ni les adultes.

    La troisième donnée est que la symptomatologie constatée est principalement respiratoire (stress respiratoire, hypoxémie), circulatoire (ischémie), inflammatoire et sanguine (thrombose). Selon l’âge du patient ou son terrain (pathologies), les symptômes varient. Chez les personnes âgées (de plus de 75 ans), les symptômes sont principalement pulmonaires. Chez les adultes matures (de 35 à 65 ans) dont l’organisme est engorgé, les symptômes sont plutôt cardio-vasculaires (thromboses, stress cardiaque) et chez les jeunes adultes (de 20 à 35 ans), d’un tempérament inquiet, les symptômes sont plutôt circulatoires (ischémie, acrocyanose).

    Le premier constat qui peut être fait, c’est que, en fait, le virus ne semble pas s’attaquer à un organe plus qu’à un autre, mais plutôt à l’organe fragilisé chez le patient. C’est une notion majeure en M.T.C. Ce qui importe, c’est « l’hôte » (le malade) et non « l’invité » (l’agent pathogène). C’est le concept fondamental, applicable à toute pathologie, qui s’appelle « l’hôte et l’invité ». Quelle précision dans une simplicité magnifique, puisque tout est ainsi dit et peut être compris par tous.

    Le deuxième constat est que le virus s’attaque au vecteur même de la vie, c’est-à-dire au sang. Il ne s’attaque pas à des organes mais à une fonction de vie (nutrition, vitalisation, épuration, information). Il ne s’agit donc pas d’une agression envers un organe cible, mais plus brutalement d’une agression envers la vie elle-même, envers ce qui la véhicule, la nourrit, l’informe, l’entretient, la répare, l’anime. Le virus commet un véritable attentat terroriste en nous, qui génère une réponse violente. L’hypothèse posée par de nombreux médecins est d’ailleurs celle d’un « choc cytokinique » (également appelé « orage cytokinique »). Pour faire simple, il s’agit d’une violente réaction immunitaire face à un agresseur dont l’importance est totalement surévaluée. Les défenseurs instinctifs du corps (lymphocytesT, macrophages) libèrent une quantité phénoménale et disproportionnée de cytokine, une protéine participant à la défense du corps. Cela se traduit par une très forte inflammation pouvant avoir des conséquences graves voire létales. Fièvre, inflammation, thrombose, ischémie, stress respiratoire, tous ces symptômes, consécutifs à un choc cytokinique, sont les mêmes que ceux constatés avec le virus actuel, comme ce fut observé pour le SRAS, la grippe H5N1, etc. Le virus provoque en fait une sur-réaction, totalement disproportionnée à sa dangerosité, pouvant être fatale, et ce d’autant plus que l’organisme touché est fragilisé, vieillissant ou saturé, engorgé. À titre anecdotique, il est intéressant de signaler que le choc cytokinique fut étudié au début des années quatre-vingt-dix, suite à des problèmes de réactions immunitaires consécutives à des greffes. On a appelé cela « la maladie du greffon contre l’hôte »… Beau clin d’œil envers la M.T.C., non ?

    Il est maintenant important de savoir que, selon les principes de la M.T.C, ces différentes symptomatologies s’expriment selon un ordre particulier qui s’appelle « le cycle de révolte ». Cet enchaînement est très particulier car c’est en fait celui de la mort, selon cette médecine. En effet, selon elle, ce qui permet à la vie d’exister et de se développer de façon équilibrée, c’est la capacité de « contrôle interne » de l’organisme. Ce contrôle est celui qui régule les fonctions de vie en nous. C’est par exemple, physiologiquement parlant, le rôle permanent du système immunitaire. Son premier rôle, bien avant la défense face à d’éventuelles agressions venant de l’extérieur, est la régulation de l’interne, tant sur le plan physique que psychique. C’est lui qui détruit par exemple toutes les cellules qui « dérapent » en nous (cancer). C’est lui qui régule toutes les pensées ou émotions toxiques en nous (dépression). Il est le gardien du temple.

    Une mutinerie intérieure

    Le système de contrôle interne est essentiel car il préside à la vie (dynamisme) et à son équilibre (système immunitaire). Or, c’est là que le virus attaque. C’est lui qu’il tente de faire voler en éclat en le violant, en le violentant, en le conduisant à la sur-réaction que j’ai évoquée précédemment. Et cette sur-réaction devient ce que l’on appelle une « révolte » en M.T.C. Le système de contrôle « bugge et s’inverse ». Tout explose, comme dans une mutinerie… Le ministre des Armées (le poumon) sur-réagit, contraint, étouffe le corps (la société) qu’il prétend défendre. Ses armées (lymphocytes T et macrophages) ne protègent plus, mais empêchent la vie de circuler par contrôle excessif (spasmes, thromboses, etc.).

    Le « contrôle » qui se délite et se retourne contre celui qu’il est censé protéger, dans les traditions extrême-orientales, c’est le cycle de la mort ! Celui dans lequel, après le feu dévastateur, il ne reste que des cendres. Il n’y a plus de vie, plus de souffle, plus d’aspiration. Tout ne peut que retourner à la terre, au terreau originel, pour tenter de devenir un engrais futur.

    Or tout ceci ne nous parle que de la crise actuelle. Comme nombre d’entre vous l’ont perçu, plus ou moins clairement, quelque chose est mort lors de cette crise. Il ne reste plus que des cendres de ce que nous avons été, individuellement et collectivement. C’est l’âme de chacun qui a été blessée, salie ou trahie. Ce que nous ferons de cela sera déterminant. Car les cendres peuvent être un engrais merveilleux, à la condition qu’on les accueille, qu’on les accepte et qu’on leur donne le temps de faire leur office. Elles nettoient, grattent, purifient, expurgent quand on s’en sert comme il convient. On les utilise d’ailleurs encore parfois quand on veut, par exemple, nettoyer un vieux linge ou un vieil objet ou se laver les dents.

    Cet accueil ne sera possible que dans un corps et une âme cicatrisés. C’est un chantier de restauration de cathédrale, aussi vaste que celui de Notre-Dame. La blessure de mort a généré un élan de vie. Répondons présent. Nous en avons besoin pour nous-même, pour nos proches, pour ceux qui dépendent de nous et pour tous ceux qui auront besoin de nous.

    Un incroyable clin d’œil

    L’incroyable clin d’œil que nous adresse le virus, c’est ce qui se passe avec les enfants de moins de 10-12 ans ! Aucun biomécaniste médical ne donne de raison au fait qu’ils ne sont ni contaminés, ni contagieux ! Et même si la communication de service cherche des cas de par le monde pour dire le contraire, c’est un fait pur et simple. Alors, comment et pourquoi est-ce possible ?

    On peut poser une réflexion sur cette question. Quelle différence existe-t-il entre un enfant de moins de 10-12 ans et un adulte ? Une seule : la maturité sexuelle ! Qu’est-ce à dire ? Que conclure ? Serait-ce parce que les enfants sont encore dans un rapport « sincère » à la vie et qu’ils l’accueillent comme telle ? Serait-ce que la maturité sexuelle, qui crée le « désir pulsion », rend l’être « intéressé » et jouisseur, alors que l’enfant semble sans intention de posséder l’autre ? Tout au plus tente-t-il de le séduire. Mais c’est par besoin d’exister et d’être reconnu et non par besoin de posséder et de se rassurer. L’enfant « donne » alors que bien souvent l’adulte « investit ». Certains textes de notre tradition nous disent « heureux les simples d’esprit… ». Ce sont sans doute nos « âmes d’enfants » qui peuvent entendre et comprendre cela.

    Toutes ces idées sont des hypothèses, des questions, des invitations personnelles à réfléchir. Mais nous en avons tant besoin, pour renaître un peu indemnes de tout cela.

    Quel sens donner à cette crise ?

    Cette vaste question peut être éclairée, par principe d’analogie, par ce qui s’est passé dans nos corps. Nous avons vu précédemment la mécanique physiologique de cette crise. Alors revenons maintenant au principe « macrocosme/microcosme ». Nos corps sont des projections de ce que sont les sociétés dans lesquelles nous vivons. Et réciproquement.

    Et là, le constat est choquant. Les sociétés les plus frappées ont été les sociétés « vieillissantes », engorgées et tétanisées par l’idée de la mort. Sur-nourries, boulimiques et obèses de consommation, habitées par des citoyens anesthésiés et drogués de matraquages médiatiques, excitées par les fréquentes réactions hystériques émotionnelles de tel ou tel groupe d’individus, rongées par l’incohérence informationnelle et les injonctions incessantes de toutes les castes intellectuelles, etc. : le tableau est terrible. Nous étions totalement arrivés dans cette phase évoquée par saint Augustin dans son Sermon sur la chute de Rome. La gangrène signait l’échéance tant redoutée.

    C’est ici que le virus a frappé. Il n’avait pas besoin d’être aussi dangereux que cela. Une pichenette peut faire chuter un colosse s’il a des pieds d’argile. Et c’est ce qui s’est passé. La vie nous avait pourtant alertés me semble-t-il. Nombre de signes avant-coureurs étaient pourtant apparus que nous n’avons pas voulu voir (tension économique = tension corporelle, colère sociale = colère individuelle profonde, attentats = violence individuelle, etc.).

    Alors la pandémie a été mondiale, signature au combien moqueuse à propos de la mondialisation omnipotente de nos économies. La globalisation et ses effets de masse ont produit leurs effets, par un effondrement de masse interne. La propagation ne pouvait qu’être mondiale. Le virus a réalisé un véritable attentat terroriste sur nos organismes engorgés, comme dans nos sociétés, le terrorisme politique l’a fait. Il a su lui aussi s’immiscer dans nos failles et se servir de nos peurs. Nos modes de vie nous ont rendus lourds, fragiles et peureux. Nous ne savions plus respirer. Ils ont étouffé nos âmes et nous ont fait oublier que nous sommes des « enfants du Ciel », avant d’être ceux de la Terre.

    La réaction sociétale et institutionnelle à la crise fut exactement similaire à celle de nos corps. En croyant protéger les corps, on a bafoué les êtres, on les a avilis et rendus honteux d’eux-mêmes. En fabriquant la peur, on a induit la soumission. Terrorisés par des hypothèses gratuitement alarmistes et un flot informationnel anxiogène, on a généré un véritable « choc cytokinique » sociétal. En provoquant la chute des économies, on a induit la dépendance. Cette réaction a été d’une violence inouïe, vis-à-vis des individus, des citoyens, et ses effets délétères seront les mêmes que ceux d’un choc cytokinique. Ils seront sans doute fatals pour certains et les blessures seront profondes pour tous.

    C’est ici que vient s’inscrire cet éclairage particulier que j’évoque dans mes formations et dans certains de mes ouvrages. Il s’agit de la « balance sécurité/liberté ». De la même façon que, selon la M.T.C., nous oscillons en permanence entre le Yin et le Yang, nous oscillons également entre la sécurité et la liberté. Et la M.T.C. de rajouter que le positionnement entre les deux pôles Yin/Yang n’est ni une fatalité ni un hasard, mais un choix consécutif à notre positionnement de vie (comportements, modes alimentaires, émotions, pensées, etc.). Et bien, il en est exactement de même pour les pôles liberté/sécurité. Entre ces deux pôles extrêmes, se situe le curseur de notre choix de vie.

    Parmi les grandes tensions qui perturbent l’humanité, l’équilibre entre le besoin de liberté et le besoin de sécurité est fondamental. Il participe en effet au ressenti de paix, de juste place et de potentiel d’épanouissement. Or il est important de comprendre, et de faire comprendre à chacun, que cet équilibre est un choix. Ce n’est en aucun cas une fatalité. Ce que l’on peut constater la plupart du temps, c’est que les individus s’installent petit à petit dans leur vie, dans un équilibre entre les deux dont ils n’ont pas conscience. Le quotidien, les habitudes, la facilité, la recherche du confort de l’instant, les injonctions de nos sociétés, la peur de la mort, réelle ou symbolique, etc. sont autant de raisons à cela. Toujours est-il que chaque déplacement de notre curseur intérieur vers la sécurité l’éloigne inexorablement du pôle « liberté ». Chaque déplacement de ce même curseur vers la liberté, l’éloigne inexorablement de la sécurité. Le choix de chaque position du curseur implique l’acceptation du coût qu’il signifie.

    La difficulté réside dans le fait que ce positionnement n’est pas neutre ou simplement superficiel. Il rentre en effet en résonance avec des archétypes profonds, à la fois « historiques » et biologiques. Sur le plan « historique », nous sommes en présence du grand conflit qui se perpétue depuis l’aube des temps entre les nomades et les sédentaires. Sur le plan biologique, c’est le conflit « cerveau droit/cerveau gauche ».

    La seule façon de « maîtriser » ce positionnement de curseur, c’est la pleine conscience à ce qui est et ce qui nous meut. Et cette pleine conscience est un travail, une exigence, un devoir à soi et aux autres. La période que nous venons de traverser l’a mise à mal. Mais le temps devenu disponible et le retour à soi imposé ont été une opportunité sans pareille de la retrouver.

    Quelles issues ?

    Alors que faire maintenant ? Comment sortir de ce tsunami et « replacer le curseur » ? Je crois sincèrement qu’il n’y a pas d’autre issue que celle de la résilience. Ce n’est pas simple, mais c’est inéluctable, au risque sinon de se faire emporter par des tumeurs mémorielles. Mais comment faire ? Comment transformer nos vécus pour les rendre si ce n’est acceptable, a minima assimilables ?

    C’est un défi, c’est un choix, c’est une décision. Rien ne se fera sans nous. Il nous faudra accepter de regarder en quoi nous avons plus ou moins participé à tout cela. Il va nous falloir accepter la part qui est la nôtre dans ce qui se passe. Il va nous falloir mettre en perspective ce que cette crise, et en particulier le confinement, nous ont permis de faire et de vivre.

    Ce n’est sans doute pas simple, et ce d’autant moins si la situation nous a mis en état de survie économique. Mais c’est nécessaire. Cette période nous a renvoyés face à nous-même. Elle a brutalement stoppé la « course à l’échalote » dans laquelle beaucoup d’entre nous étaient. Elle a stoppé les burn-out en préparation, mis en lumière les équilibres familiaux et de couple, permis de redécouvrir les siens, donné le temps de la réflexion et des questions essentielles, montré parfois le pire, mais aussi bien plus souvent le meilleur de chacun, etc.

    Cette crise a stoppé l’hyperactivité générale. Les rythmes de vie se sont, de facto calmés, ralentis. Les pans de silence potentiels, s’ils n’ont pas été occupés par les chaînes d’info en continu, ont laissé de la place à quelque chose, au plus profond de nous.

    Cette mise en perspective est essentielle au potentiel de résilience, parce que c’est elle qui nous permet de redresser la tête pour regarder devant. C’est elle qui donne la force de cicatriser et de reconstruire, en tirant les leçons de ce qui a été. C’est elle qui fera de nous des « héros qui ont su dépasser l’épreuve ».

    Alors oui, il nous faut accepter de cicatriser ! Ne nous trompons pas, cicatriser n’est pas oublier, c’est refermer la plaie. Mais la trace reste et elle peut devenir un fait d’armes. J’ai l’habitude de dire à certains patients, que « ce qui magnifie la blessure, c’est la façon de la réparer ».

    Pour cela, un art, venu du Japon peut nous aider. Il s’agit du Kintsugi (金継ぎ), qui signifie « jointure en or ». Cet art est particulièrement étonnant pour nous. Il va au-delà de ce fameux « repentir » (correction ou modification) que l’on connaît en peinture. Le Kintsugi est l’art de réparer les céramiques précieuses qui ont été fendues, voire brisées. Au Japon, en effet, lorsqu’une céramique de valeur est brisée, au lieu de dissimuler la cassure en tentant de la restaurer, on la met en avant. Tout l’art de l’artisan est de réparer la brisure en la mettant en valeur, comme une cicatrice de héros blessé au combat. On montre combien la céramique en question a affronté le temps ou les différents lieux et propriétaires. Pour cela, on répare la faille avec de l’argile, magnifiée par de la feuille d’or. Ces petites fêlures dentelées, toutes les petites brisures aléatoires, deviennent ainsi des fragments d’or dont l’esthétique est incomparable. Ce qui a été un événement accidentel, voire une catastrophe pour la céramique d’origine, en devient une valorisation, au point même que pour certaines d’entre elles, cela en a augmenté la valeur marchande.

    La cicatrice d’or de la crise que nous venons de traverser, c’est la remise de l’être au centre de notre perspective de vie. Nous ne le percevons peut-être pas encore, mais c’est inéluctable. Rien ne pourra nous ramener en arrière. De nombreux comportements reviendront peut-être et sans doute, mais il sera difficile d’être dupes. Le caractère vain de beaucoup de nos attitudes ne pourra plus être dénié. La verticalité va réapparaître dans nos vies. C’est en tous cas ce que je souhaite et pense.

     

    Michel Odoul est le fondateur de l’Institut français de shiatsu, praticien et formateur de cette discipline depuis 1986. Conférencier, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages qui font référence dans le domaine des « médecines douces », dont le best-seller Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi et récemment, Dis-moi comment aller chaque jour de mieux en mieux. Il a développé le concept de « Psycho-énergétique », dans lequel il reconstitue les liens corps/esprit. Il répond ainsi à la question du sens et de la symbolique des maux du corps qui deviennent des mots de l’âme. Pour en savoir plus, voir : shiatsu-institut.fr et sa page Facebook.