Le Great Reset de Davos est une superbe imposture dont la réalité n'existe que grâce à la complaisance d'une caste de managers et de politiciens qui ont tous intérêt à voir ses propositions prendre corps. Mais il ne repose sur aucun substrat idéologique cohérent, et cache très mal une profonde envie d'en revenir à un capitalisme de connivence "comme avant". Nous entamons ici notre premier épisode de restitution du sommet virtuel tenu la semaine dernière autour de Klaus Schwab.
Le Great Reset qui occupait le Forum de Davos est-il une immense rodomontade dont le principal objet est d’enrichir son fondateur, Klaus Schwab lui-même, et ses membres financeurs à la recherche de marchés nouveaux ? Nous le pensions avant la session virtuelle du Forum la semaine dernière, et nous le pensons encore plus à l’issue de cette semaine où les participants au Forum ont discuté par zoom devant des spectateurs complaisants.
Le Great Reset parle écologie, mais rêve de croissance
Tous ceux qui ont lu le Great Reset se souviennent des diatribes que cet ouvrage de Klaus Schwab contient contre le concept de croissance du PIB. Officiellement, le fondateur de Davos plaide pour des changements de mesure de la prospérité tenant mieux compte de notre responsabilité sociale et environnementale. C’est beau comme du Baudelaire.
Le problème est que, derrière ce vernis ostentatoire qui a tout du « Greenwashing », on trouve surtout du business à l’ancienne.
Ainsi, la première intervention du Forum (le 25 janvier à 9h) avait pour thème et tire : « Retrouver la croissance économique ». Tu parles d’une innovation !
En réalité, la seule question qui compte vraiment aujourd’hui, pour les gens de Davos, c’est le retour à la « profitabilité » des entreprises. C’est une préoccupation bien légitime, qui n’a rien de honteux, mais qui est le propre des économies, des sociétés et des politiques du « monde d’avant ». Pas besoin d’un Great Reset pour poser cette question.
Le Great Reset et l’Asie
On l’avait vu en examinant la liste des participants de la veille (le « pré-sommet), la question du retour à la croissance souligne l’inclination de Davos et de Schwab pour l’Asie. En dehors d’un intervenant russe, la première table ronde ne comportait que des asiatiques : un ministre de Singapour, une ministre indienne, le gouverneur de la banque du Japon.
Il y a plusieurs lectures possibles de ce goût de Schwab pour l’Asie. L’une consiste à souligner que l’Asie est le continent le plus dynamique économiquement. Une autre consiste à penser que Davos est le lobbyiste officiel des intérêts asiatiques en Europe. L’une explication n’est pas antinomique de l’autre.
L’obsession du libre-échange
Quelle était la véritable utilité de cette table ronde consacrée à la croissance ? Dans la pratique, aucun des intervenants n’a particulièrement brillé sur le sujet lui-même. L’ensemble des interventions était d’un contenu intellectuel médiocre.
Mais chaque intervenant a été sommé de dire tout le bien qu’il pensait du libre-échange. Sans préservation du libre-échange, en cas de retour au protectionnisme, l’économie mondiale s’effondrerait. C’est particulièrement vrai de ce que Schwab appelle le nationalisme vaccinal qui constitue, selon lui, une grave menace économique…
Vive les nouvelles technologies
Autre sommation : les participants à la table ronde devaient forcément dire tout le bien qu’ils pensaient des nouvelles technologies et de leurs usages futurs, nécessaires à la croissance. Le débat a donné lieu à de belles platitudes sur le sujet. Certains n’ont d’ailleurs pas caché leur embarras à l’égard de ces truismes qui semblaient appelés de ses voeux par l’animateur de la table, Gideon Rachman, journaliste au Financial Times. On sentait le gouverneur de la banque du Japon gêné par l’exercice.
In fine, à la question : les choses reviendront-elles comme avant, seuls les intervenants de Singapour et d’Inde ont pu répondre, en disant « Non, bien sûr ». Par prudence, ni l’intervenant russe ni le banquier japonais n’ont eu voix au chapitre.
Davos ou la fabrique d’une idéologie
En réalité, cette séance inaugurale de Davos 2021, consacrée au Great Reset, n’était qu’un empilement de platitudes et de lieux communs qui dissimulent mal la vacuité intellectuelle des élites mondiales qui s’expriment autour de Klaus Schwab, et que nous avons déjà évoquée. Le Great Reset n’est qu’un concept marketing destiné à faire croire que l’économie de la transition écologique et la mise sous surveillance généralisée des populations pour qu’elles acceptent indéfiniment le libre échange sont inexorables.
Sur le fond, ça ne vole vraiment pas haut, et le combat contre ces gens médiocres est vraiment à la portée des peuples.