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mercredi 20 décembre 2017

[Lutter contre le management] Baptiste Rappin: «Le management est une arme cognitive, jouant sur nos modèles mentaux» + Tirez parti de la crise, changez votre vie par Charles Sannat / [ Fight against the management] Baptiste Rappin: " the management is a cognitive weapon, playing on our mental models " + Take advantage of the crisis, change your life by Charles Sannat

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    management

    Baptiste Rappin: «Le management est une arme cognitive, jouant sur nos modèles mentaux»

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    POINTS DE VUE
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    Edouard Chanot
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    Le management dépasse le cadre de l’entreprise pour s’immiscer partout, y compris en politique. Loin d’être une discipline «neutre», il est porteur d’une vision du monde. Entretien avec Baptiste Rappin, pour décrypter cette révolution silencieuse, vectrice d’un monde américanisé.
    La République française est aujourd'hui en Marche et elle entend marcher joyeusement avec efficacité. Et pour cela, rien de plus efficace que le management. Ainsi LRM souhaite-t-elle bouleverser la politique par les méthodes de l'entreprise. Ses candidats, rappelons-le, avaient été sélectionnés sur dossier en bonne et due forme avec CV, lettre de motivation et entretien. Voici donc venu le rêve des managers: finie la politique des apparatchiks, transformons les partis en start-up, plaçons à leur tête un DRH qui ne manquera pas de transformer les mandats des élus en CDD.

    Efficacité, disions-nous. Mais cela est-il aussi simple? Le management est une révolution… Or, «l'enfer est pavé de bonnes intentions», nous enseigne le bon sens. Et comme nous le savons, les révolutions ont toujours des conséquences inattendues.

    Alors justement, pour comprendre ce qui se trame et risque fort d'advenir, nous accueillons Baptiste Rappin, qui enseigne à l'institut d'administration de Metz, et vient de publier Au régal du management, le banquet des simulacres, aux éditions Ovadia.

    La troisième voie managériale
    «Quand on est étudiant en école de management, on a l'impression de recevoir des méthodes et des processus qui visent à optimiser le fonctionnement de toutes les organisations: entreprises, mais aussi association, hôpitaux, armée. Même les maternelles s'y mettent. Mais c'est plus complexe que cela quand on lit les fondateurs du management. Taylor offre la synthèse de sa doctrine en 1911: que vise-t-il? Le pacifisme. Ce dont il faut se débarrasser en premier, c'est tout type de conflits. Ce qui est visé ici, c'est la lutte des classes. Taylor n'a jamais collaboré avec les syndicats, car ils sont porteurs d'une vision belliqueuse et belligène des relations. Mais aussi éliminer tous les conflits qui naîtraient de la divergence des intérêts individuels. Ni marxiste ni libéral, Taylor s'inscrit dans la troisième voie que l'on nomme l'industrialisme, qui vise à établir le règne d'une fraternité universelle. Le projet du management, c'est celui du pacifisme.»

    La révolution permanente du management

    «Il s'agit de mettre aux commandes de l'État des hommes d'affaires. Le management et l'efficacité prennent les commandes. Il y avait des infiltrations du management sous la forme d'audit dans les administrations précédentes, mais là c'est un projet enfin assumé et explicite. Le management est une révolution en lui-même: ce qu'il promeut c'est "l'amélioration continue" comme on dit dans le jargon de la qualité totale. Le changement est l'ordre normal des choses. Le management est un monde sans repos.»

    L'intention managériale
    «Le management est la science du travail dans une société industrielle. Il est de coutume d'opposer les nouvelles modes managériales, à partir de la Seconde Guerre mondiale, aux anciennes manières de procéder, séparant un taylorisme autoritaire et hiérarchique de nouvelles modes comme le coaching ou le bien-être en entreprise, qui —enfin!- réconcilieraient le bonheur et la performance.
    Je m'inscris en faux contre cette perspective, car je considère que nous sommes encore fidèles au projet taylorien tel qu'il a été écrit. Il ne faut pas oublier que Taylor était quaker. Il parle de "friendly cooperation". Il y a un peu de l'homo festivus chez Taylor: on doit travailler, mais dans la bonne humeur et en se considérant comme des frères les uns des autres. C'est de la sécularisation de l'évangélisme américain. La révolution cybernétique a placé l'information au cœur de notre société. Mais la cybernétique reprend ces grands thèmes de la révolution industrielle, du Salut par l'organisation et l'efficacité.»
    Face à la docilité, réenraciner
    «J'apprends à mes élèves à se distancier, à prendre du recul avec ce management. Le management ne va pas de soi: il est questionnable et porteur en lui d'une vision philosophique et géopolitique très actuelle. On peut certainement diriger les hommes autrement, mais non les manager autrement. Il existe des traditions de direction, de conduite, d'animation d'équipes qui sont civilisationnelles, nationales, parfois régionales, qui n'entrent pas dans le giron du management. La logique contractuelle des États-Unis n'est pas celle de l'honneur et de rang qui caractérise la France du fait de son héritage d'Ancien régime. (…) La docilité provient du corporatisme qui sous-tend le management: en arrangeant l'environnement, on en sortirait le comportement qu'on veut: la docilité s'appuie sur une sorte de superficialité de l'être humain, qui ne serait qu'une surface de stimuli et de réponses. Réenraciner suppose de lui donner une certaine intériorité et une certaine verticalité pour sortir de cet aplanissement.»

    Un vecteur du soft-power américain
    «Les deux coups d'envoi du management, Taylor et la cybernétique, sont américains. (…) Les États-Unis ont développé des armes culturelles dont font partie le cinéma, l'art contemporain, mais également le management, c'est-à-dire "la façon américaine d'organiser le travail". Que s'est-il passé en France? La discipline des sciences de gestion a été reconnue officiellement dans les années 70. La première génération française a été se former parmi les fondateurs du management contemporain, ils ont obtenu leur Ph.D. aux États-Unis. (…) Le management est là pour, en permanence, remettre en question ce qui est institué au nom de la révolution continuelle pour l'efficacité. C'est une arme cognitive, car elle joue sur nos modèles mentaux.»
    Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.
    source : https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201711211033980909-arme-cognitive-management/
    Un article plus ancien... mais toujours d'actualité et pertinent 
    « Tirez parti de la crise, changez votre vie !»

    Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

    C’est la crise, c’est terrible, il n’y a plus de travail, c’est tellement dur, que vais-je devenir ? Ces questions là mes chers amis lecteurs, je les entends désormais presque tous les jours, dans les transports, chez mes proches, dans ma famille ou encore dans vos mails nombreux.
    Aujourd’hui, parce que l’économie n’est pas une science dure, mais une « science sociale » je voulais vous parler de vous. Je voulais remettre l’individu, défini par sa capacité de choisir, au centre de la réflexion. De votre réflexion. Vous en ferez bien ce que vous voudrez ou ce que vous en pourrez. Il n’y a dans les considérations que vous pourrez lire qu’une infinie bienveillance à l’égard de toutes et tous, la vie étant pour beaucoup faites de vicissitudes et de difficultés surmontées avec plus ou moins de succès.

    Ne vous demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour vous aider vous-mêmes !!

    La phrase que vous venez de lire est un plagiat d’une citation un peu déformée et adaptée d’un Président américain. N’imaginez pas que dans ma bouche ce soit une ode au libéralisme le plus débridé ! Telle n’est pas ma vision des choses, mais au bout, du bout, tout au bout du compte, se trouve votre vie résumée par une succession de choix ou de non-choix plus ou moins heureux ou malheureux.

    Notre vie est la conséquence de ces choix

    Pour bien vivre, l’idée générale doit tourner autour de notre capacité à faire le moins de mauvais choix possibles, car évidemment nous en faisons tous des erreurs. Parfois, quand l’accumulation de mauvais choix est trop importante, la situation devient critique. Trop de nos concitoyens terminent dramatiquement sur les autoroutes sans radar du suicide avec plus de 11 000 morts par an et plus de 200 000 blessés. La société blesse. La société exerce une violence sur les âmes. La société peut retirer beaucoup de sens… MAIS, nous restons dans notre esprit fondamentalement libre de penser si nous faisons l’effort de penser et de poser des actes de choix issus d’un processus de réflexion.

    La souffrance au travail n’est pas une fatalité

    Il y a ceux qui ont compris parce qu’ils ont pu poser les mots sur leur situation, et toutes celles et ceux par millions qui souffrent tous les jours en silence, allant travailler la peur au ventre parce qu’il n’y a pas le choix, parce qu’il y a 6 millions de chômeurs, parce qu’il faut bien payer les crédits et accessoirement élever ses enfants.
    Vous devez bien comprendre que c’est normal de raisonner de cette façon-là car c’est exactement de cette façon-là que l’on veut que vous raisonniez.

    Les techniques de management sont en réalité des techniques de manipulations psychologiques

    Vous n’avez pas idée de la puissance des idées et des mots. Ils détruisent, ils font mal, ou au contraire, ils élèvent, ils grandissent, ils mobilisent.
    Le problème c’est que depuis une vingtaine d’année les mots sont utilisés à des fins malsaines dans le but soit de « fabriquer le consentement » des masses, comme l’a si bien écrit et expliqué l’activiste américain de gauche et brillantissime linguiste Noam Chomsky ce qui n’est qu’une forme d’endoctrinement moderne, soit comme techniques dites de management; ces techniques, et nous allons y revenir, ayant pour objectif de vous asservir au totalitarisme marchand.

    Les techniques de management c’est quoi ?

    Ce sont des outils basés sur l’étude de votre fonctionnement psychologique… enfin pas du vôtre, celui de façon générale de l’être humain.
    Tous les managers vont être formés selon un principe pyramidal à ces techniques. Les petits encadrants n’auront droit qu’à la formation de base sans même comprendre la portée réelle de la puissance de ces premiers outils ni de leur dangerosité et qui seront dans des mains totalement incompétentes.
    Plus vous monterez dans la hiérarchie, plus les outils auxquels vous aurez accès seront puissants et redoutables. L’idée c’est que le N+2 puisse avoir les moyens de pressurer le N+1, qui lui même dispose des outils pour pressurer les masses laborieuses d’en bas.
    Prenons un exemple. Le petit commentaire glissé le vendredi soir à 17 heures juste avant votre week-end. « Pierre-Paul-Jacques, vous passerez me voir lundi à 10 heures dans mon bureau, il faut que je vous vois ». Rien d’autre évidemment, pas d’explication.
    Vous allez me dire, celle-là je la connais (je sais c’est fait pour cet exemple, on a tous les mêmes chefs à la con qui ont suivi les mêmes formations venues des Etats-Unis et conçues par les mêmes grands cabinets de conseils), c’est pour me faire passer un sale week-end et me mettre la pression… erreur !
    C’est pour déclencher en vous un processus de culpabilité qui va conduire à votre mise en infériorité psychologique. Vous devez vous sentir inférieurs au chef. Un être qui se sent inférieur est docile.

    Comprenez-moi bien. Vous n’êtes pas inférieurs. MAIS vous devez vous sentir inférieur.

    Nous pourrions multiplier les exemples à l’infini.
    Une autre phrase type dans cette logique c’est quand un collaborateur répond à une question en disant à son chef « je crois que… blablabla ». Le chef martial lève la tête et dit d’un air glacial et sans appel « vous croyez, ou vous êtes sûr »… le message implicite est clair, « vous êtes une grosse merde en état d’infériorité et moi y en a être le grand chef omniscient ».
    Vous pouvez tenter comme moi de jouer le malin en lui expliquant que par définition, si vous dites « je crois » il faute comprendre « je crois », ce qui implique une potentialité d’incertitude et de marge d’erreur dont l’analyse brillante de sa sainteté le chef devrait lui permettre de prendre quand même une décision basée sur des éléments partiels ce qui est le boulot d’un chef… Bon je vous le dis tout net, cette approche permet de vous faire plaisir, de sauvegarder en totalité votre estime de soi, mais rarement de favoriser une forme d’ascension dans votre carrière…
    Je rappelle au passage que si vous dites « je crois » c’est que l’on vous formate depuis l’école à ne pas être sûr de vous !!! Si vous dites « je » dans une rédaction on vous explique que ce n’est pas bien, que c’est très prétentieux, et qu’il faut faire preuve de modestie (quand j’ai répondu que « JE pense, donc J’écris, donc JE suis » ce qui était parfaitement juste dans le contexte concernant mon utilisation abusive du pronom « JE » dans ma dissertation, je suis parti viré pour insolence)… Pourquoi ? Parce que seul(e) la maîtresse, le maître (le mot en lui-même n’est pas un hasard) ou le professeur est un « sachant qui sait »… vous, vous ne savez rien, vous vous taisez, vous obéissez !!
    Là encore l’Education nationale a un gros travail à fournir avant de réussir à renforcer l’estime de soi des élèves, ce qui est évidemment la base pour lutter contre l’échec scolaire. Mais c’est un raisonnement sans doute trop complexe pour une telle institution, à moins que l’éducation ne serve pas à éduquer mais à formater de bons consommateurs bien obéissants.
    Néanmoins cette approche est indispensable car nous n’avons pas encore parlé de l’essentiel. L’essentiel c’est la conséquence de votre mise consciente en infériorité.

    La conséquence, la perte d’estime de soi, et c’est dramatique.

    Soyons direct. Quand on vous dit que vous êtes nuls en permanence c’est difficile d’avoir confiance en soi.
    L’obéissance et la soumission que le totalitarisme marchand veut générer chez vous a pour conséquence la destruction de votre « estime de soi ».
    L’estime de soi, c’est une idée essentielle de la construction psychique de chaque individu, de chaque être humain.
    Basiquement, cette estime de soi est construite, si tout se passe bien, par vos parents pour qui vous êtes le plus beau, le plus grand, le plus merveilleux, le plus précieux des trésors.
    Vous êtes un être exceptionnel dans le regard rempli d’amour de vos parents. C’est de cet amour que vous pourrez tirer la force, bien plus tard, d’affronter le monde des grands (pas toujours
    joyeux) !
    Ceux qui n’ont pas cet amour infini et inconditionnel, cette admiration permanente et le regard attentif de leurs parents, ceux-là seront des blessés à vie et pour beaucoup hélas nous les retrouverons dans les statistiques d’une insondable tristesse que je citais plus haut.
    Ce que je veux vous dire, vous faire comprendre, et faire comprendre à ceux autour de vous dont vous pouvez percevoir la détresse, c’est que l’on ne peut pas survivre longtemps à la destruction de l’estime de soi.
    Or les techniques managériales détruisent l’estime de soi , ce qui est justement leur cible, pour vous rendre dociles et corvéables à merci.

    Vous serez de plus en plus nombreux à devoir choisir entre vous et votre travail !

    Lorsque l’on est lucide, si je pose la question « vous préférez vivre ou vous suicider en raison d’une dépression causée par la perte d’estime de vous au travail ? ».
    Normalement vous allez le dire je préfère vivre… sinon c’est que vous en êtes à un stade trop avancé et dans ce cas là cela doit faire sonner un signal d’alarme. Dans ce cas vous ne seriez plus lucides.
    Le problème c’est qu’hélas, la question est rarement posée en ces termes. Au contraire, votre entourage, bien intentionné et bien formaté aussi, va vous sortir l’ineptie suivante : «  Quooooooaââââ ??? démissionner ? Mais tu n’y penses pas, toi qui as un très bon travail, un beau salaire ? »… si vous laissez faire 10 secondes de plus vous aurez droit au sempiternel « mais qu’est-ce que tu vas faire ? ».
    Le postulat de base erroné est que vous devez tout faire pour garder votre travail. A tout prix. Que votre travail lui ne vous garde pas à tout prix et que vous soyez « virables » à n’importe quel moment ne doit surtout pas rentrer dans la réflexion, pas plus que le fait que si vous continuez dans ce boulot, vous finirez au cimentière avec l’épitaphe suivante : »
    Ci-gît Pierre-Paul-Jacques mort parce qu’il avait peur de quitter son boulot »…

    « Sannat vous vous mettez en danger »…

    Pour détendre un peu l’atmosphère, à l’époque où j’étais banquier il y a fort longtemps, j’avais eu l’outrecuidance au bout tout de même du 4ème hold-up à mains armées dans mon agence, d’écrire au Directeur du Groupe (un truc qui ne se fait pas, vu que cela ne suit pas la sacro-sainte voie hiérarchique) pour lui expliquer qu’au bout de 4 braquages en un an, ça serait bien d’installer un sas de sécurité et pas juste un panneau portes-ouvertes… bon évidemment, j’ai été convoqué pour une séance de soufflante devant le n+1, +2 et +3 réunis pour une séance d’exécution publique. Et le N+3 a eu cette admirable remarque en citant mes propos mon courrier sous les yeux « Sannat, vous ne vous rendez pas compte, avec ce genre de lettre, vous vous mettez en danger »…
    Vous imaginez ma réaction évidemment… j’ai à mon tour soulevé les sourcils, utilisé l’arme fatale du silence (le silence est une arme terrible, un jour je vous expliquerai) et d’un ton glacial je lui ai répondu que « effectivement Monsieur, vous avez parfaitement raison. Chaque jour où je viens travailler, chaque heure passée ici me met dans un très grand danger. Vous avez parfaitement raison de si bien le dire après 4 braquages et toujours pas de sas ».
    Bon l’agence a un eu un sas de sécurité et moi une mutation directe à l’agence ANPE (à cette époque on comptait en francs et on pointait à l’ANPE)… mais j’étais encore en vie.
    Tout n’est pas possible, tout n’est pas acceptable et votre vie, souvent, vaut bien plus que votre emploi, même quand il y a 6 millions de chômeurs…

    Tirez partie de la crise, changez votre vie, et changer votre vie c’est changer votre façon de voir!

    Tirer profit de la crise n’est pas qu’une question d’argent. C’est bien l’argent, c’est super, c’est indispensable même, mais le bonheur ne s’achète pas, même si l’argent nous évite les malheurs matériels l’argent ne protège pas des maladies, de la tristesse ou encore et c’était l’objet de mes réflexions de la destruction massive de l’estime de soi des gens.
    Alors, oui, il faut le dire, tirer partie de la crise c’est aussi savoir dire non, c’est aussi savoir demander ou négocier une rupture conventionnelle, c’est aussi savoir se réorganiser pour vivre autrement, pour gagner moins et vivre mieux ou vivre plus.
    La crise fait que beaucoup parmi vous perdront leur travail, ou auront peur de le perdre.
    Comment vivre sa vie dans la peur permanente ? Comment vivre quand votre chef lamine votre âme avec comme enjeu un pauvre tableur excel dont la case numéro 57892 n’a pas été incrémenté du bon chiffre… Tout cela est dérisoire, dérisoire et pourtant c’est tout votre environnement, toute votre vie, impossible de vous projeter sans votre tableur excel et votre chef caractériel parce que toute la société vous conditionne à supporter cela.
    Certains font le choix de tout quitter, de changer de vie. Pour certains ça marche. Pour beaucoup… ça foire !
    Je ne veux pas vous dire de quitter votre job ! Loin de moi cette idée-là et chacun doit vivre sa vie. Ce que je vous invite juste à faire en revanche, c’est à réfléchir aux conditions de votre servitude.
    Qu’est-ce qui vous rend dépendant au point de supporter les pires humiliations ? L’égo ? L’ambition ? L’argent ? Les crédits à rembourser ? La peur ? Le carriérisme ? Peu importe vos réponses. Elles ne concernent que vous.
    Ce qu’il faut en revanche c’est que vous pensiez dès maintenant à ce que vous ferez si votre travail vous quitte ou si le burn out vous brûle les ailes.
    Comment créer les conditions de votre émancipation ? Il existe quelques réponses comme le désendettement, la simplicité volontaire et la baisse consciente de vos besoins, la constitution d’une épargne ou même, l’investissement dans votre futur outil de travail ou dans des savoirs-faire, sans oublier le déménagement pour aller dans des endroits moins chers.
    Se préparez à ne pas subir la crise c’est chercher à ne pas attendre, à ne pas être passif, à ne pas subir en vain et sans visibilité.

    Oui le travail tue, et il tuera de plus en plus.

    Ne soyez pas une victime et pour ne pas être une victime il faut être indépendant car la main qui reçoit est toujours placée en dessous de celle qui donne. N’oubliez pas comme le disait Saint-Exupéry que l’on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. Ne participez pas à la pression sociale qui consiste à critiquer malgré vous ceux qui n’en « peuvent » plus et qui veulent tout plaquer… entendez leurs souffrances et n’ayez pas peur, une autre vie est toujours possible!
    En fait ce que je voulais vous dire c’était de prendre soin de vous.
    Préparez-vous, il est déjà trop tard !
    Charles SANNAT
    http://www.insolentiae.com/tirez-partie-de-la-crise-changez-votre-vie-ledito-de-charles-sannat/



    mercredi 28 décembre 2016

    Diversity and inclusion on NGO boards: what the stats say / Diversité et inclusion dan les ONG : ce que les statistiques en disent

    Source : https://www.theguardian.com/global-development-professionals-network/2013/apr/29/diversity-inclusion-ngo-board

    Figures reveal a clear disjunction between the world NGOs seek to create, and the world their governance structures reproduce

    = les schémas révèlent une rupture claire entre le monde que les organisations veulent créer et le monde tel qu'il existe au sein de leur structures de gouvernance !

    Fairouz El Tom

    Tuesday 7 May 2013 10.56 BST First published on Tuesday 7 May 2013 10.56 BST

    Diversity and inclusion are important to almost all non-governmental organisations. To what extent do NGO boards adequately reflect these values, or the experience and diversity of those they exist to serve?

    To find out, I looked at the 2013 Top 100 NGOs. Released annually, this is a list of what the Global Journal considers to be the most impactful, innovative and sustainable NGOs. I chose to work with it because it provided a reasonable sample.

    NGO3


    What emerged ? 




     NGO1



    There is an almost exact mirror image between where NGOs are headquartered and where the people they serve live. 72% of the NGOs are headquartered in the western world while 79% of their activity takes place in the majority world.
    Social profile





    Taken as a body, most of the surveyed NGOs work for populations that are predominantly non-European and relatively poorly educated; most also promote gender equality and women's empowerment. Yet their own leaderships are primarily composed of western educated male graduates of European origin.
    Selected professional affiliations
    NGO5


    In different ways, the NGOs surveyed promote ideals of justice and social progress. Yet over half have board members who are affiliated with companies that invest in, or provide legal, marketing, or other services to the arms, tobacco and finance industries.

    Analysis

    The figures reveal a clear disjunction between the world these NGOs seek to create, and the world their governance structures reproduce.
    By appointing boards that are predominantly of European origin, they perpetuate values that assume 'whiteness' is superior to 'blackness' and attitudes tainted by a western-saviour myth. The very low number of African members is particularly troubling, because more than one third of projects take place in that region.
    The representation of women may appear to be less alarming, but the ratio of women is still relatively low. Furthermore, 65% of female board members are of European origin — a figure that rises to 75% among western NGOs. This reveals the importance of intersectionality; if they wish to be inclusive and diverse, for example, NGOs need to consider gender and ethnicity.
    Given the ethnic composition of the boards, it is not surprising that most members graduated from western universities. Although the value of higher education and the excellence of many western universities are undeniable, the NGOs surveyed are almost completely reliant on western knowledge paradigms, though they work in many areas of the world where other systems of thought are strongly present. Through this choice, they inevitably exclude points of view that are relevant or vital to the work they do or the people they serve.
    Their professional affiliations raise similar inconsistencies.
    Many would question whether association with the arms and tobacco industries is compatible with the promotion of ideals of justice and social progress. Even if no position of principle is taken, however, NGOs certainly need to explain how association with these industries is consistent with their objectives.
    Association with the finance industry might seem more defensible. Boards have a duty of financial oversight, and many of the NGOs surveyed manage large budgets. They nevertheless have a duty to explain their choices, and most do not do so.
    The reputation of the banking sector was highly compromised by the greedy and irresponsible conduct of numerous banks and investment houses in the period before and after the 2008 crash. It cannot credibly be said that the sector has shown evidence of working to protect the interests of less privileged groups in society, who are the primary constituents of most of the listed NGOs. They should therefore ask themselves whether the appointment of numerous senior executives and partners in large investment banks and hedge funds helps them to achieve their mission.
    As individuals, of course, bankers too can be philanthropists. It is not a question of excluding such sources of economic expertise altogether. What is shocking is the number of them on NGO boards, and the glaring absence of so many other kinds of expertise.

    Conclusions


    The leaderships of these NGOs have a social profile that is at least at odds, and probably incompatible, with their ideals and mission. Some social bias was understandable in the historical context in which international NGO activism formed in the last century; that time is past.
    If NGOs are to achieve meaningful, representative diversity, they need to be more transparent, more accountable, and far more ambitious. If they are to realise their ideals of justice and social reform in today's highly mobile, diverse, information rich world, they need to draw on skills and experience from across the globe. To do their jobs, their boards need to be adequately diverse, representative, and well-informed: at present, the NGOs surveyed are manifestly deficient in all three respects.
    Fairouz El Tom is creative director at Plain Sense in Geneva, and conducts independent projects on issues related to diversity and "otherness". She tweets at@onrelating.










    lundi 28 octobre 2013

    Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation ? / Why the Ford Foundation subsidise protest movements ?


    Source de l'article : 

    http://www.voltairenet.org/spip.php?page=backend&id_secteur=1110&lang=fr


    UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN


    Depuis sa création, la Fondation Ford n’a pas varié dans ses objectifs de défense des intérêts stratégiques des États-Unis. Mais alors que pendant la Guerre froide, elle n’était qu’une couverture de la CIA, elle a acquis une autonomie au cours des vingt dernières années et a développé une nouvelle méthode d’ingérence, le soft power : intervenir dans les débats internes de ses adversaires en subventionnant les uns pour faire échouer les autres, voire en favorisant des rivalités stérilisantes. Dernier exemple, le financement du Forum social mondial pour tenter de le neutraliser.
     | PARIS (FRANCE)  

    +
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    « Le "soft power" est la capacité à obtenir ce que l’on veut en séduisant et en persuadant les autres d’adopter vos buts. Il diffère du "hard power", la capacité d’utiliser les carottes et les bâtons de la puissance économique et militaire afin que les autres suivent votre volonté ». Joseph S. Nye Jr, International Herald Tribune, 10 janvier 2003.
    Les imbrications de la Fondation Ford et de la CIA ayant été partiellement révélées lors du scandale relatif au financement duCongrès pour la liberté de la culture, la Ford fut contrainte, dans les années 80, de changer de stratégie. Alors que durant la Guerre froide, elle servait de couverture à des opérations de financement de l’Agence, comme nous l’avons montré dans le premier volet de notre enquête, elle s’est orientée au cours des vingt dernières années dans l’exercice du soft power. Il ne s’agit plus de soutenir des alliés naturels, mais de choisir parmi ses adversaires ceux que l’on souhaite privilégier, voire tenter de les séduire et de les faire évoluer.

    L’équipe

    Si pendant la Guerre froide les cadres de la Ford et ceux de la CIA étaient interchangeables, aujourd’hui les administrateurs et les directeurs de la Fondation sont recrutés dans les milieux dits « libéraux de gauche » qui espèrent étendre le modèle de la « démocratie de marché ». Bien sûr, ces « libéraux » ne sont pas des défenseurs de la liberté, mais de la dérégulation, et la démocratie ne se fonde pas sur le marché. Mais si ces concepts étaient dénués d’ambiguïté, il ne serait pas nécessaire de dépenser tant d’argent pour les promouvoir.
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    Susan Berresford
    La présidente de la Fondation est Susan Berresford, membre du comité exécutif de la Chase Manhattan Bank. Elle siège au comité nord-américain au sein de la Commission Trilatérale de David Rockefeller, aux côtés de Zbigniew Brzezinski et de Madeleine Albright. Elle est également membre du Council on Foreign Relations, qui a reçu en 2002 un don de 100 000 dollars « pour le développement d’une Council Task Force sur le terrorisme ». Le CFR élabore des synthèses consensuelles au sein de la haute société washingtonienne qui s’imposent comme politique extérieure des Etats-Unis. En septembre 2002, on trouvait ainsi sur le site du CFR une publicité pour un « nouveau livre du Council », dans laquelle on pouvait lire : « l’invasion est la seule option réaliste pour se débarrasser de la menace irakienne, affirme Kenneth Pollack dans The Threatening Storm » [1]
    Le Conseil d’administration de la Fondation comprend deux anciens PDG de la Xerox, le PDG d’ALCOA, un vice-président exécutif de Coca Cola, le président de Levi-Strauss & Co, le président de Reuters Holdings, un associé principal da la société de lobbying Akin, Gump, Straus, Hauser & Feld, et le président du Vassar College. D’autres sociétés ont été représentées entre la fin des années 1990 et les années 2000 : Time Warner, la Chase Manhattan Bank, Ryder systems, CBS, AT & T, Adolph Coors Company, Dayton-Hudson, la Bank of England, J.P. Morgan, Marine Midland Bank, Southern California Edison, KRCX Radio, the Central Gas & Electric Cop. DuPont, Citicorp et le New York stock Exchange. Il y a peu, Deval Laurdine Patrick, vice-président de Texaco Inc. y siégeait encore. Les amis de George W. Bush ont quelques places réservées. Afsaneh Mashayethi Beschloss, ancien cadre dirigeant de la Banque mondiale, qui est une des principales conseillères du Carlyle Group en matière d’investissements, siège elle aussi au conseil d’administration. Elle est la femme de l’historien présidentiel du mandat de George W. Bush, Michael Beschloss.
    Le conseil des associés du comité pour l’éducation, les médias, l’art et la culture, de la fondation Ford comprenait, à la fin des années 1990, le président du Vassar College, le président de Reuters Holdings PLC, l’ancien président-directeur général de Xerox et Vernon Jordan, proche de l’ancien président états-unien Bill Clinton. La vice-présidente pour les médias de la Fondation Ford est Alison Bernstein.

    La diplomatie pro-états-unienne

    Le combat que mène la Ford n’est plus aujourd’hui dirigé contre le péril communiste. Désormais, il s’agit de former les futurs dirigeants du monde entier pour les rendre compatibles avec la pensée économique des États-Unis, et de s’assurer que les opposants à l’hégémonie états-unienne ne pousseront pas leur rhétorique au-delà de simples invectives de campagne électorale. La Ford poursuit par ailleurs son soutien aux mouvements d’opposition aux régimes ennemis.
    Elle finance ainsi l’Organisation des peuples et nations non représentés (UNPO) qui regroupe les Karens de Birmanie, les indiens Lakotas, les Twas du Rwanda, les Tatars de Crimée, les Abkhazes, les aborigènes d’Australie, les Circassiens, les Ogonis du Nigéria, les Tibétains, les Tchétchènes, notamment les proches du président Doudaïev [2]. Le secrétaire général de l’UNPO était, en 1995, Michael van Walt, un Néerlandais conseiller juridique du dalaï-lama. Les autres financements viennent des quatre pays scandinaves, la chaîne britannique de cosmétiques Body Shop, des « Églises versées dans la prévention des conflits » et la Fondation MacArthur. L’organisation regroupait, en 1995, 43 membres, contre 18 en 1991.
    La Fondation subventionne également la National Endowment for Democracy (NED). En 1997, les deux organisations financent ensemble la publication d’un manuel des droits des femmes dans les sociétés islamiques, intitulé Claiming our rights. L’ouvrage est réalisé par un groupe de femmes musulmanes réunies à l’initiative d’un ancien ministre du chah d’Iran vivant à Washington, Mme Mahnaz Afkhani. Il a été traduit en arabe, en bengali, en malais, en persan et en ouzbek, pour être diffusé au Bangladesh, en Jordanie, au Liban, en Malaisie et en Ouzbékistan [3]. L’Ouzbékistan est un domino important dans la région de la Caspienne, dont le pétrole fait l’objet de luttes d’influence entre Moscou et Washington. De la même manière, la Ford soutient les indépendantistes tchétchènes, mais aussi la Maison des droits de l’homme de Moscou, avec la Fondation Heinrich Böll [4].
    Autre terrain sensible, l’Afrique. Avec la découverte d’importants gisements pétroliers, Washington a cherché à s’assurer de la vassalité du Nigeria et de l’Angola. Du coup, la Ford a accordé des subventions à Claude Ake, « l’un des intellectuels nigérians les plus engagés en faveur de la démocratie » [5]. Il dirigeait le Centre pour l’avancement des sciences sociales, à Port-Harcourt, et a été conseiller auprès de l’UNESCO et de la Banque mondiale. Dans les années 1990, il accepte « à la demande de son ami Saro-Wiwa, de faire partie du comité patronnant, à l’initiative de Shell, une vaste étude sur l’environnement dans le delta du Niger. Mais il en [démissionne] en novembre 1995 pour protester contre l’exécution, au terme d’un procès truqué, de l’écrivain et de huit autres militants ogonis ». Il est mort dans le crash d’un Boeing 727, le 7 novembre 1996.
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    Olusegun Obasanjo
    Mais la Fondation ne soutient pas que des opposants. D’autant que l’ancien président du pays, le général Obasanjo, siège au conseil d’administration de la Ford. Il est également membre du "Conseil Interaction" où siègent Helmut Schmidt, Valéry Giscard d’Estaing, James Callaghan et Mikhaïl Gorbatchev. En 1988, il a lancé le Forum des dirigeants africains, au sein duquel a été élaboré le concept de la « bonne gouvernance » conditionnant l’attribution de fonds par le FMI [6]. Il revient au pouvoir en mars 1999, après avoir reçu la visite de Jimmy Carter. D’après l’Express« il sait l’espoir que fondent ses amis américains en lui. Prouver, enfin, que la démocratie, calquée sur le modèle de Washington, est possible en Afrique » [7]. Le général Obasanjo a présidé le pays de 1976 à 1979, trois ans pendant lesquels il s’est « personnellement enrichi », a fait construire« une prison politique, au large de Lagos, sur l’île de Kiri-Kiri. C’est lui aussi, rappellent ses détracteurs, qui, non content de s’attaquer à la liberté de la presse et au droit syndical, avait jeté en prison le chanteur Fela, idole vivante de l’afrobeat, pour textes antimilitaristes ». Seul, son emprisonnement de 1995 à 1998 sous le régime d’Abacha, lui permet de regagner une certaine popularité.

    Main basse sur l’ONU

    Dirigés par des prétendus « libéraux », la Fondation fait la promotion d’un modèle états-unien toujours aussi hégémonique, mais sous un vernis moins unilatéral, moins agressif que la diplomatie des néo-conservateurs actuellement en place. Elle œuvre donc pour une revalorisation de l’ONU, et pour une vision un peu moins déséquilibrée du conflit israélo-palestinien.
    La Ford a ainsi financé un « groupe de travail indépendant » réuni à la demande de Boutros Boutros-Ghali à la fin de 1993, et destiné à rédiger un rapport intitulé Le second demi-siècle de l’Organisation des Nations Unies. Le groupe, coprésidé par l’ancien Premier ministre pakistanais Moeen Qureshi et Richard Von Weizsäcker, ancien président allemand, a remis son rapport, le 19 juin 1995. Ses membres proposaient notamment d’élargir le Conseil de sécurité à vingt-trois membres dont cinq membres permanents supplémentaires, l’établissement d’une force de réaction de 10 000 hommes, mais aussi la création d’un Conseil économique et d’un Conseil social, ainsi que le recours à de nouvelles sources de financement telles que les taxes [8].
    En 1996, sir Brian Urquhart ancien secrétaire-général des Nations Unies, déclare que la procédure de désignation du secrétaire général de l’ONU doit être réformée. Il est devenu entre-temps consultant à la Fondation Ford [9].
    Kofi Annan lui-même a obtenu une bourse de la fondation Ford pour aller suivre ses études d’économie aux États-Unis, où il a été diplômé du Massachusetts Institute of Technologies, avant de suivre les cours de l’Institut des Hautes études internationales, à Genève. Depuis, il est considéré comme un proche de Madeleine Albright et, à son arrivée à la tête de l’ONU, comme « l’homme des Américains » [10].
    En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la Ford subventionne le Centre d’information israélien pour la défense des droits de l’homme dans les territoires (Betselem, association de juristes et parlementaires israéliens), qui rédige dans les années 1990 plusieurs rapports sur l’intifada. L’un d’eux fait grand bruit, en mai 1990 : on y apprend que plus de 150 enfants ont été tués par balle en Cisjordanie et à Gaza depuis le début de la première intifada, par des Israéliens qui n’étaient pas directement menacés [11].
    Les relations internationales font l’objet d’une attention particulière de la Fondation, qui finance plusieurs think tank consacrées aux questions transnationales. L’Institut français de relations internationales (Ifri) a ainsi reçu en mai 1995 une donation de 1,5 millions de dollars qui lui a permis d’acquérir ses locaux. La donation complétait le financement déjà assuré par« une vingtaine d’entreprises françaises ou européennes dont la Caisse des dépôts et consignations, Alcatel, Daimler Benz, Danone, Renault, Schneider ou l’UAP ». L’Ifri est dirigé par Thierry de Montbrial, membre de la commission Trilatérale et duGroupe de Bilderberg, et publie des notes, des cahiers, ainsi qu’une revue trimestrielle, Politique étrangère et le rapport annuel Ramses. Il se veut « acteur de la société civile transnationale » [12].

    Aux États-Unis, le « conservatisme compassionnel »

    Aux États-Unis, la fondation Ford finance des initiatives morales visant à colmater les brèches laissées par l’abandon de l’État providence. On peut citer le cas de l’Institut pour une paternité responsable et la revitalisation, créé par Charles Ballard, et qui a reçu en 1996 deux millions de dollars. L’Institut cherche à retrouver les pères ayant abandonné leurs enfants pour tenter de les réinsérer dans les familles [13]. Elle soutient aussi Self Help, qui aide notamment des handicapés mentaux légers à financer l’achat d’appartements. L’organisation s’occupe plus largement de micro-crédits.
    De nombreuses œuvres de ce type sont financées un peu partout sur le territoire états-unien, selon une idéologie proche du « conservatisme compassionnel ». Il ne s’agit pas de pallier aux carences d’un État providence réduit à sa portion congrue, mais plutôt de prendre son relais, puisque l’État n’a pas pour fonction de corriger les inégalités sociales. Celles-ci sont liées à des différences de culture, à une incapacité à se « motiver pour s’en sortir », voire au caractère héréditaire du quotient intellectuel des minorités. On est donc bien plus proche des théories de Charles Murray sur le Bell curve (qui veut que les Noirs aient, par nature, une intelligence inférieure à celle des Blancs) que d’une véritable démarche de réduction des inégalités sociales inhérentes à un système économique dérégulé.

    La presse

    C’est dans le domaine des médias que la stratégie de la Ford apparaît de la façon la plus évidente. Quand, dans les années 1950 et 1960, la Fondation soutenait massivement des journaux issus de la gauche anti-communiste, elle finance, depuis le début des années 1980, essentiellement des journaux alternatifs critiques. C’est là qu’apparaît clairement la proximité entre la fondation Ford et l’Open Society Institute de George Soros.
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    George Soros
    Celui-ci a accordé en 1999 une subvention de 50 000 dollars au Nation Institute, afin de « soutenir des projets visant à améliorer la qualité et la diffusion de Radio Nation, des informations hebdomadaires de la radio publique et des programmes de commentaires ». Le conseiller politique personnel de Soros, Hamilton Fish III, est un dirigeant de premier plan du Nation Institute, qui appartient au même groupe que l’hebdomadaire The Nation. Il a également financé le Citizens for Independent Public Broadcasting Group, le Fund for Investigative Journalism, le magazine American Prospect, le Center for Defense Information ou encore le Public Media Center de San Francisco [14]. Ses propositions de financement du groupe alternatif Indymedia ont suscité de virulents débats sur les forums de cette agence de presse collaborative.
    Les objectifs de George Soros lorsqu’il finance de telles structures ne sont en effet pas totalement désintéressés. Ses liens avec une partie de l’establishment états-unien pourraient au contraire faire penser qu’il agit alors en sous-marin pour noyauter ces réservoirs de pensée critique, afin de les soumettre. La guerre de l’information est en effet la clé du verrouillage politique aux États-Unis. Comme l’écrit Herbert I. Schiller, « Le principe de la "libre circulation de l’information" - vital pour l’exportation des productions culturelles américaines - a été inventé pour donner aux exigences des industriels le statut de vertu universelle. Il faut se souvenir que John Foster Dulles, sans doute le plus agressif des secrétaires d’État des années d’après-guerre, y voyait l’élément central de la politique étrangère des États-Unis. Avant même la fin des hostilités, le Pentagone avait mis des avions militaires à la disposition des éditeurs et des "grandes signatures" de la presse américaine pour qu’ils aillent prêcher aux dirigeants de onze pays alliés et neutres les vertus d’une presse libre - c’est-à-dire entre des mains privées - et de la liberté des échanges en matière d’information. ». Une doctrine à rapprocher de cette déclaration de William Benton, secrétaire d’État adjoint en 1946 : « La liberté de la presse - et celle des échanges d’information en général - fait partie intégrante de notre politique étrangère ». En d’autres termes, il ne s’agit pas de favoriser la liberté d’expression, mais un système concurrentiel dans la presse qui permette à un acteur extérieur d’y acquérir une position privilégiée.
    La Fondation Ford suit la même démarche. Une longue enquête réalisée par Bob Feldman met notamment à jour le financement par l’organisation de multiples médias alternatifs états-uniens tels que FAIR, le magazine Progressive et Pacifica, qui diffuse Democracy Now !, mais aussi IPA, Mother JonesetAlternet [15]. L’une des responsables de The Nation est Katrina vanden Heuvel, membre du comité directeur du Franklin and Eleanor Roosevelt Institute (FERI), tout comme son père, William vanden Heuvel, qui l’a présidé. Les deux ont siégé à côté de John Brademas, qui a présidé le FERI avant d’être nommé par Bill Clinton à la tête de la National Endowment for Democracy, de 1993 à 2001 [16]. Les mêmes coïncidences se retrouvent au sein de la rédaction de Counterpunch, dirigée par Alexander Cockburn, ancien collaborateur de The Nation. L’un des vice-présidents de l’Institute for the Advancement of Journalistic Clarity (IJAC) n’est autre que Ford Roosevelt, important conseiller du Franklin and Eleanor Roosevelt Institute. En 1947, Eleanor Roosevelt était l’une des principales figures libérales anti-communistes à l’origine de la création de l’Americans for Democratic Action, un groupement politique de la « gauche parallèle » [17]. Ces médias ne font pas un traitement complaisant de la vie politique états-unienne. On peut cependant noter qu’ils ne publient guère d’articles sur le rôle des fondations dans la « fabrication du consentement », ni sur les différentes analyses critiques des événements du 11 septembre 2001.

    Mondialisation et pensée économique

    L’organisation du Forum social mondial en Inde, fin 2003, a été l’occasion de mesurer l’ampleur des ramifications de la fondation Ford. D’après un rapport rédigé par le chercheur indien Rajani X. Desai, pour la revue Aspects of India’s Economy, l’organisation a financé largement plusieurs réunions des altermondialistes, notamment celle prévue à Bombay. L’intervention était facilitée par les multiples subventions consenties par la Ford à des organisations non-gouvernementales indiennes, notamment dans le domaine de l’agriculture. Les projets soutenus auraient, selon Rajani Desai, permis la révolution verte qui a démultiplié la production agricole indienne, mais aussi l’arrivée en force sur le marché indien d’investisseurs étrangers. Quoiqu’il en soit, les critiques émanant de la « société civile » indienne à l’encontre de la fondation Ford ont finalement découragé celle-ci d’accorder sa subvention habituelle au Forum social mondial.
    Il n’empêche, le financement du Forum social mondial aura permis à la Fondation Ford de peser sur les débats intellectuels du mouvement altermondialiste. On a ainsi vu des militants qui mettaient en cause les diktats du FMI et de la Banque mondiale faire campagne pour une taxe mondiale sur les transactions financières qui serait perçue et gérée par...le FMI ; On a vu des militants s’évertuer à distinguer la contestation de l’ordre économique de la remise en cause de l’invasion de l’Irak ; Et d’autres encore contester l’aventurisme extérieur de Washington depuis le 11 septembre tout en réclamant l’exclusion des mouvements sociaux animés par des musulmans. Il convient donc de se souvenir que la Ford n’a pas financé le Forum social mondial parce qu’elle en partageait les thèses, mais au contraire pour les neutraliser. Certains d’ailleurs se souviennent que, dans les années 1960 lorsqu’elle agissait sans complexes, la Ford avait accordé une subvention de 300 000 dollars à l’American Enterprise Institute (AEI), think tank destiné à discréditer les politiques de redistribution et aujourd’hui animé par Lyne Cheney et Richard Perle [18].
    La stratégie de la Ford est celle du « cadeau empoisonné ». Elle consiste à intervenir dans les rapports de force interne des oppositions aux États-Unis, pour alimenter des conflits et rivalités qui seront autant de moyen d’affaiblissement, ou pour faciliter le triomphe du plus fade sur le plus dérangeant. Ce jeu complexe n’est pas du goût des néo-conservateurs selon qui il peut dégénérer à tout instant en soutien aveugle à des organisations « anti-américaines ». La preuve en a d’ailleurs été faite, par exemple, à la conférence mondiale de Durban contre le racisme où les associations financées par la Ford, loin de se jalouser, ont trouvé un accord pour mettre en échec Israël et les États-Unis.
    [1] Observons que si Kenneth Pollack militait pour l’invasion, il ne la pensait qu’à l’issue d’un processus par lequel la communauté internationale aurait récusé les autres options. C’est pourquoi le livre de Pollack est utilisé aujourd’hui en sens inverse par les démocrates pour souligner que, diverses conditions n’ayant pas été remplies, Bush n’aurait pas dû attaquer l’Irak.
    [2] "Les peuples en mal d’État ont rendez-vous à La Haye", par Alain Frilet,Libération, 21 janvier 1995.
    [3] « Manuel de droit pour musulmanes », par Michel Faure, L’Express, 16 janvier 1997.
    [4] « À Moscou, la maison des droits de l’homme travaille dans le dénuement », Le Temps, 2 mai 1998.
    [5] « Claude Ake, un intellectuel nigérian fervent démocrate », par Michèle Maringues, Le Monde, 23 novembre 1996.
    [6] "Obasanjo, président à remonter le temps", de Stephen Smith,Libération, 2 mars 1999.
    [7] « Le "sauveur" élu du Nigéria », de Jean-Philippe Demetz, L’Express, 4 mars 1999.
    [8] « Les 50 ans de l’ONU », par François d’Alançon, La Croix, 16 octobre 1995.
    [9] « Les pays du Conseil de sécurité cherchent un laquais », entretien réalisé par Agnès Rotivel, La Croix, 24 septembre 1996.
    [10] « Le va-tout de Kofi Annan », de Vincent Hugueux, L’Express, 26 février 1998. En l’occurrence, Washington voyait en Annan une alternative à l’incontrôlable Bouthros Bouthros-Gali, ce qui ne veut pas dire qu’une fois celui-ci évacué, ils aient trouvé Annan à leur goût.
    [11] « Selon une organisation internationale, plus de 150 enfants ont été tués par balle en Cisjordanie et à Gaza », par Alain Frachon, Le Monde, 18 mai 1990.
    [12] « L’Ifri fête ses 20 ans », par Baudouin Bollaert, Le Figaro, 3 novembre 1999.
    [13] « Le retour du père », de Sylvie Kauffman, Le Monde, 26 août 1996.
    [14] « George Soros’ "Parallel Anti-War Media/Movement" », par Bob Feldman, QuestionsQuestions, 27 décembre 2002.
    [15] « "Alternative" media paymasters : Carlyle, Alcoa, Xerox, Coca Cola...? », QuestionsQuestions, 1er octobre 2002.
    [16] « The Nation’s NED Connection », par Bob Feldman,QuestionsQuestions, 19 octobre 2002.
    [17] « COUNTERPUNCH’s FERI/Roosevelt Dynasty Connection ? », Bob Feldman, QuestionsQuestions, 27 novembre 2002.
    [18] « Comment la pensée devint unique », par Susan George, Le Monde diplomatique, août 1996.