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samedi 18 janvier 2025

Ordo ab chao, tout se poursuit comme prédit ou prévu ? ... le 11 septembre : la programmation prédictive dans les films hollywoodiens


Et si le 11 septembre 2001 avait été annoncé de façon subliminale ("programmation prédictive") par les films hollywoodiens depuis des décennies ? C'est la thèse audacieuse que Sylvain Tristan, invité par Jérémie Mercier, expose dans cette conférence inédite en français. 

• Sylvain Tristan, chercheur indépendant passionné d'anglais, d'histoire et de cinéma est auteur du livre 📕 "La Grèce antique redatée : 500 av JC = 1300 ap JC ?" https://amzn.to/3PAAaBM dans lequel il questionne - arguments à l'appui - l'ancienneté de la Grèce antique. 

• Jérémie Mercier est chercheur indépendant et éducateur en santé. ► Son Club Privé Santé avec chaque mois une nouvelle approche de santé naturelle efficace : https://bit.ly/ClubPriveSanteJM ► Son nouveau livre 📕 "Quand les masques tombent" désormais disponible : https://www.jeremie-mercier.com/quand... ► Sa newsletter http://bit.ly/NSLJeremie et son canal Telegram : https://t.me/DeconfineTaSante

mercredi 21 septembre 2022

Le Temps suspendu

Source :  https://www.dedefensa.org/article/le-temps-suspendu

21 serptembre 2022 (14H45) – Il est arrivé à plus d’une reprise que l’on évoque sur ce site l’idée générale exposée par Justin Raimondo le 10 septembre 2011, selon laquelle l’attaque du 11-septembre, 10 ans plus tôt, avait fait « un trou dans le continuum Espace-Temps » par lequel ce qu’il nommait ‘Bizarro world’ (en référence à une expression employée par les ‘comics’ américains, notamment dans le registre de la ‘fantasy’) avait commencé à pénétrer dans notre univers. Cela donnait à peu près ceci :

« ‘Bizarro World’, – vous vous souvenez de votre jeunesse passée à lire des bandes dessinées, où il y avait, – où il y a, – un univers alternatif dans lequel les lois de la raison et de la logique sont renversées : l'eau coule en amont, la droite a tort, la gauche a raison, et le FBI, au lieu de protéger la sécurité nationale, est déterminé à la violer.

"Cela est parfaitement une ‘Bizarro-perception’ : dans notre univers, nous n’y sommes normalement pas soumis. Cependant, comme je l’ai déjà noté à plusieurs, la force terrifiante des explosions qui ont fait s’effondrer le World Trade Center a ouvert un trou dans le continuum Espace-Temps, de sorte que le ‘Bizarro World’ a “pénétré” dans notre propre univers, et s'en empare peu à peu. »

Cette idée doit été élargie pour échapper au seul événement du 11-septembre, et pour caractériser une succession d’événements survenus depuis, qui apparaissent chaque fois, notamment dans le formidable tintamarre de la communication, comme à nouveau une pénétration dans notre univers de quelque chose d’extérieur, par ce « trou dans le continuum Espace-Temps ». Ainsi en a-t-il été de certains événements comme nous les avons subis, dans la surprise, le désordre, la terreur, l’ivresse, le chaos : aussi bien et entre autres événements, la fuite de Snowden, le coup d’État de Kiev de février 2014 enclenchant un univers d’une folie déterministe-narrativiste qui a totalement infecté notre perception, l’intervention russe en Syrie, l’élection de Trump, les ‘Gilets-Jaunes’,  l’incendie de Notre-Dame, le “Covid19-nous sommes en guerre”, l’attaque russe du 24 février.

Il ne s’agit pas, chaque fois, de reprendre tout à zéro pour à nouveau l’usage du « trou dans le continuum Espace-Temps », mais bien d’un empilement d’incursions par ce moyen. Chaque fois, si nous avons bien entendu des explications rationnelles par ailleurs, conformistes ou complotistes qu’importe, il y a absolument une part d’inattendu et d’inexplicable. De là ma conviction souvent répété qu’on se trouvait là devant des événements “du-dehors”, répondant à des forces inconnues et supérieures à nous. Les hommes y tiennent leur rôles, ce qui suffit à certains pour tout expliquer, mais je les apprécie pour mon compte comme des figurants, des acteurs au mieux, suivant une trame qui vient d’“en-dehors” d’eux.

On comprend que je n’hésite pas une seconde à placer dans cette “catégorie” ce qui se passe depuis hier dans le cadre d’‘Uktisis’ (référendums dans les territoires du Donbass, rattachement annoncé à la Fédération de Russie, discours de Poutine annonçant une mobilisation partielle [300 000 réservistes sur les 25 millions mobilisables], – et les innombrables réactions dans tous les sens, où il est impossible de distinguer un sens général pour l’instant). On voit que je me contente de m’arrêter à l’exceptionnalité de l’événement et nullement à ses conséquences possibles, – par exemple, mais exemple présent dans bien des esprits, la perspective d’une Troisième Guerre Mondiale, comme le laisse entendre le président serbe Aleksandar Vuciv :

« ... Et maintenant, la question est de savoir où se situe la limite, et si après un certain temps, – peut-être un mois ou deux, même, – nous allons entrer dans un grand conflit mondial jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. »

... Ou bien encore, ce constat évident et sans appel de Larry Johnson :

« Nous sommes en train de franchir un seuil qui pourrait dégénérer en troisième guerre mondiale. Je suis certain que Vladimir Poutine ne bluffe pas ni ne manœuvre. Il n'est pas Joe Biden. Il ne tient pas de propos inconsidérés et ne profère pas de menaces en l'air. Du point de vue russe, l'existence même de la Russie est en jeu. »

Il doit être bien compris que je suis complètement et plus que jamais en accord avec toutes les conceptions et convictions qui ont guidé depuis l’origine, — j’insiste bien là-dessus : “depuis l’origine”, – le travail de ce site. En conséquence de quoi, je me refuse, non pas tant à faire une prévision, – ce refus va de soi, – mais au-delà, je me refuse à considérer les seuls éléments “terrestres“ de la situation pour quelque attitude que ce soit, – refuser de faire toute prévision, ou au contraire s’y risquer. Je pense que personne, absolument personne et en aucune façon, n’aurait pu non seulement prévoir, mais seulement imaginer, le 11 septembre 2001 alors que s’ouvrait le très-grand « trou dans le continuum Espace-Temps », que nous nous trouverions où nous sommes aujourd’hui ; c’est-à-dire hystériquement et quasiment sans y prendre garde sur la voie d’un risque extrêmement sérieux de conflit nucléaire au milieu d’une économie en cours d’effondrement, et que l’on pourrait croire que ce serait du seul fait de la politique des hommes, – de cette sorte d’hommes qui, aujourd’hui, ne savent plus ce qu’est la politique (ni les armes nucléaires, d’ailleurs..).

Qui aurait pu prévoir de tels prolongements, tant cela est tout simplement impossible en s’en tenant aux seuls actes humains, fussent-ils les plus pervers et les plus stupides du monde ? Non, il faut une “aide extérieure” à l’homme pour rassembler tant de perversité et de bêtise et les faire tenir ensemble, et qu’elles accouchent du monstre qu’est notre-monde...

(Regardez tous les événements, disons depuis 1945 ou depuis 1918, jusqu’au 11-septembre : ma conviction est que, s’il y a des surprises, des événements extraordinaires, etc., je crois pourtant qu’ils sont en accord avec ce que Raimondo nommait « les lois de la raison et de la logique », fussent-elles la logique de la perversité humaine où la raison-subvertie de l’homme pour se soumettre au Mal. Aucune intervention extérieure à l’homme n’est impérative dans ce déroulement. Ce n’est plus le cas depuis le 11-septembre.)

Bien entendu, j’ajouterais un autre facteur qui m’est extrêmement cher : l’importance absolument essentielle, au point qu’on la qualifierait d’indirectement métaphysique dans ses effets, de la puissance de la communication nécessairement considérée dans toutes ses facettes, et particulièrement dans son “effet-Janus”. Je ne parle pas ici du contenu informationnel directement considéré de la communication, mais bien du brouhaha, du tintamarre formidable de la communication avec ses effets sur la psychologie. Si vous suivez le travail standard d’un commentateur, vous entendez ce brouhaha-tintamarre allant dans tous les sens, vous n’entendez plus que cela et, bientôt, vous comprenez que le principal est l’effet de masse, bien plus que telle, ou telle, ou telle, ou telle information diffusée par la communication.

C’est à cela, à l’effet de masse qu’est soumise la psychologie, et croyez bien que vous n’en pouvez distinguer ni le sens, ni l’interprétation, ni les conséquences... C’est à ce point, dans de telles circonstances et dans une telle période, que, à mon sens, des forces extérieures (aux hommes) agissent, et elles savent bien dans quel sens elles agissent et veulent agir. En déduiriez-vous que je pense que l’homme “est agi” plus qu’il n’agit ? “Dans de telles circonstances et dans une telle période”, lorsque l’histoire se fait métahistoire, lorsque la tactique basse produite par l’histoire courante laisse la place à la haute stratégie qui est la production évidente de la métahistoire, vous n’auriez pas tort.

Ce n’est pas pour autant que je dénie que l’homme ait en lui un besoin de rencontrer une sorte de “gloire céleste”, comme il est dit dans cet extrait de ‘La Grâce de l’Histoire’. Par conséquent il lui sera beaucoup pardonné, et s’il montre ainsi beaucoup d’humilité c’est alors qu’on pourra dire qu’il est doté d’une très grande sagesse...

« Cela, nous offrant cette lumière si particulière [...] devient alors un choc d’une puissance inouïe qui doit rompre, mais aussi un choc qui ne se contenterait pas de tenter d’influer sur le déroulement normal de l’Histoire, qui aurait l’ambition de constituer une intrusion majeure en elle-même, dans cette Histoire et dans le destin de notre aventure, pour une subversion également majeure à son profit par un changement d’orientation significatif et impératif ; “a hole in the space-time continuum…” ; comme si la force ajoutée au choc entendait installer par la pression formidable qu’elle impos[e] aux conditions courantes, y compris ce que Raimondo nomme “le continuum espace-temps”, des conditions nouvelles pour imposer sa métaphysique, – la métaphysique de force, comme nous l’avons identifiée… […]

» Il y a peut-être eu le percement furieux d’un “trou” dans ce qu’il reste d’ordre du monde, dans le “continuum espace-temps”, mais c’est pour laisser s’y glisser bien autre chose que l’accomplissement du triomphe du Système, ou du “déchaînement de la Matière” ; ce qui jaillit par ce “trou”, au contraire, ce sont les conditions générales de la crise ultime et d’effondrement du Système. […]

» Nous nous rapprochons du moment décisif où la rupture nous détachera de cette entreprise terrestre qu’a été jusqu’ici notre récit, entreprise terrestre par laquelle nous cherchons, nous, à percer notre trou dans le “continuum histoire-temps”, pour nous détacher des dernières influences du “déchaînement de la Matière” et enfin espérer embrasser l’entièreté sublime de l’intuition haute. Nous marchons comme des gueux affamés, comme des guerriers las des batailles terrestres et assoiffés de gloire céleste, comme des sages épuisés par ce temps de l’ignominie et guidés par l’antique sagesse. Nous sommes transis d’angoisse mais n’avons peur de rien, portant notre destin comme une croix et portant cette croix comme s’il s’agissait d’une plume... »

En conséquence de quoi rien n’est dit ni écrit que nous sachions nécessairement lire et entendre. Nous n’avons pas la maîtrise du monde. “Dans de telles circonstances et dans une telle période”, nous ne pouvons qu’assurer notre veille vigilante et observer le terrible spectacle du monde.

mardi 29 décembre 2015

14 ans après les attaques du 11 septembre, la guerre contre la terreur accomplit tout ce dont Ben Laden avait pu rêver, par Tom Engelhardt / 14 years after the attacks of September 11th, the war against the terror achieves all about which Bin Laden had been able to dream, by Tom Engelhardt

source : https://www.les-crises.fr/14-ans-apres-les-attaques-du-11-septembre-la-guerre-contre-la-terreur-accomplit-tout-ce-dont-ben-laden-avait-pu-rever-par-tom-engelhardt/


Source : The Nation, le 08/09/2015

Convoi de marines dans le sud de l’Afghanistan en 2008. (AP Photo / David Guttenfelder, File)
Quatorze années se sont écoulées, y croyez-vous ? Les avons-nous réellement vécues ? Les vivons-nous encore ? Et cela semble tellement improbable !
Quatorze ans de guerre, d’interventions, d’assassinats, de torture, d’enlèvements, de “sites noirs”, de croissance de l’appareil de sécurité national américain dans des proportions monumentales. Et l’extrémisme islamique s’est encore plus propagé à travers le Moyen-Orient et l’Afrique. Quatorze ans de dépenses astronomiques, de campagnes de bombardements et de politique étrangère militaire comprenantmultiples défaites, déceptions et désastres. Quatorze ans de culture de la peur en Amérique, d’états d’alertes sans fin, ainsi que de prédictions sinistres d’attaques terroristes. Quatorze ans d’enterrement de la démocratie américaine (ou plutôt de sa refonte en un terrain de jeu pour milliardaires et une source de spectacle, non de gouvernance). Quatorze ans de secret, de classification de chaque document en vue, de persécution féroce de donneurs d’alerte, et une recrudescence de la foipour donner un sentiment de sécurité aux Américains en les laissant dans l’ombre concernant les agissements du gouvernement. Quatorze ans de démobilisation de la citoyenneté. Quatorze années d’expansion de la caste guerrière, de transformation de la guerre et du renseignement en activités lucratives, de signature de contrats avec d’innombrables sociétés privées au Pentagone, à laNSA, à la CIA et dans tant d’autres composantes de la sécurité nationale qu’il est impossible d’en garder la trace. Quatorze années durant lesquelles nos guerres reviennent sur notre propre territoire sous la forme de syndromes de stress post-traumatiques, de militarisation de la police, et de la multiplication de technologies de guerre comme les drones et les missiles stingray sur le sol de la “patrie”. Quatorze années de cette expression non américaine, la “patrie” (“homeland”). Quatorze années d’expansion de toutes sortes de surveillances, et de développement d’un système global de surveillance dont la portée – depuis lesdirigeants étrangers jusqu’aux groupes tribaux dans les coins les plus reculés de la planète – aurait stupéfié ceux qui dirigeaient les États totalitaires du vingtième siècle. Quatorze années d’étranglement financier des infrastructures américaines et toujours pas un seul kilomètre de ligne de train à grande vitesse construit où que ce soit dans le pays. Quatorze années durant lesquelles faire éclater la guerre d’Afghanistan 2.0, les guerres d’Irak 2.0 et 3.0, et la guerre de Syrie 1.0. En bref, quatorze années d’improbabilités devenues réelles.
Quatorze années plus tard, merci beaucoup, Oussama ben Laden. Avec peu de soutien, de 400 000 à 500 000 dollars, et dix-neuf détourneurs d’avion suicidaires, la plupart d’entre eux saoudiens, vous avez produit un tour de passe-passe géopolitique de première grandeur. De la sorcellerie sur la scène des ténèbres. Ce faisant, vous avez bien “tout changé”, ou en tout cas suffisamment pour que cela compte. Ou plutôt, vous nous avez conduits à faire ce que vous n’aviez ni les moyens ni les capacités de faire. Alors autant vous rendre hommage. Du point de vue psychologique, les attaques du 11 septembre ont représenté un ciblage de précision dont les dirigeants américains n’ont pu que rêver dans les années suivantes. Je n’ai pas la moindre idée de comment vous y êtes arrivé, mais vous nous avez très clairement beaucoup mieux compris que nous ne vous avons compris, ou même que nous ne nous sommes nous-mêmes compris. Vous saviez exactement sur lesquels de nos boutons appuyer pour que nous nous chargions de mettre en place le reste de votre plan pour vous. Alors que vous vous reposiez et attendiez à Abbottabad, nous avons suivi les desseins de vos rêves et de vos désirs comme si vous l’aviez vous-même planifié, et ce faisant, nous avons modifié le monde de manière significative, (et significativement plus sinistre).
Quatorze ans plus tard, nous ne comprenons même pas ce que nous avons fait.
Quatorze années plus tard, l’improbabilité de tout ça continue à défier l’imagination, à commencer par ces vastes débris du World Trade Center dans le bas Manhattan, l’équivalent dans la vraie vie de la Statue de La Liberté émergeant du sable dans La Planète des Singes. Avec le Bas Manhattan brûlant encore dans un air âcre de destruction, ils semblaient la preuve d’une civilisation qui a passé son moment apocalyptique et qui l’a traversé et en a été transformée au point d’en être méconnaissable. A en croire la couverture médiatique de l’époque, les Américains avaient subi tout ensemble Pearl Harbour et Hiroshima. Nous étions les plus grandes victimes de la planète et dans le bas de New York se trouvait “Ground Zero”, une expression jusque-là réservée aux lieux touchés par une explosion nucléaire. Nous avons instantanément été les plus grandes victimes du monde et ses plus grands survivants, et il allait de soi que notre désir de revanche allait être le plus grand du monde. Le 11 septembre allait être vu comme une attaque contre tout ce qu’il y a d’innocent, de bon et de triomphant chez nous, le suprême instant du “ils-haïssent-notre-liberté”, et ça a marché, Oussama. Vous avez plongé ce pays dans une période de quatorze années durant lesquelles toute action stupide ou horrible, toute horrible loi ou intrusion dans nos vies privées ou restriction de nos droits se verrait remettre un laissez-passer inconditionnel. Vous n’avez pas seulement lâché vos chiens de guerre, mais bel et bien aussi les nôtres, ce qui était exactement ce qu’il vous fallait pour semer le chaos dans le monde musulman.
Quatorze années plus tard, laissez-moi vous rappeler à quel point l’attaque du 11 septembre était improbable, et combien frustrant était notre manque d’indices à ce moment. George W. Bush (et compagnie) ne purent même pas l’admettre quand, le 6 août 2001, le président a reçu une note quotidienne de renseignementintitulée “Ben Laden déterminé à frapper les USA”. La NSA, la CIA et le FBI, qui avaient dans leurs mains de nombreuses pièces du puzzle Ben Laden, étaient toujours incapables de l’imaginer. Et, croyez-moi, même alors que les événements se déroulaient, je n’arrivais pas non plus à y croire. Je prenais de l’exercice dans ma chambre à coucher, la télé allumée, quand j’ai entendu pour la première fois parler d’un avion qui aurait percuté le Word Trade Center et vis les premiers plans des tours fumantes. Et je me souviens de ce que j’ai pensé à ce moment-là : c’est comme le B-52 qui a failli faire s’effondrer l’Empire State Building en 1945. Des terroristes détruisant le World Trade Center ? Allons ! al-Qaïda ? Vous plaisantez. Plus tard, alors que deux avions avaient frappé New York et qu’un autre avait arraché une partie du Pentagone, et qu’il était clair qu’il ne s’agissait pas d’accidents, j’ai eu une pensée encore plus grotesque. J’ai réalisé que cette vulnérabilité inattendue d’Américains éprouvant, dans un pays largement protégé du chaos, tant de ce qu’éprouve le monde, pourrait nous ouvrir d’une nouvelle manière à la souffrance du monde. Rêve toujours. Cela nous a seulement ouverts à d’autres manières d’infliger de la souffrance au monde.
Quatorze années plus tard, ne trouvez-vous pas improbable que George W. Bush & Co a utilisé ces actes assassins et les quasi 3000 morts qui s’en sont suivis comme une excuse pour mettre la main sur le monde ? Il ne leur a pas fallu une minute pour décider de lancer une “Guerre Mondiale contre le Terrorisme” dansplus de soixante pays. Il ne leur en a pas fallu beaucoup plus pour rêver d’établir une future “Pax Americana” au Moyen-Orient, suivie d’une sorte d’empire global qui était auparavant seulement fantasmé par le genre de méchant qu’on retrouve dans les films de James Bond. Ne trouvez-vous pas étrange, en regardant en arrière, à quelle rapidité le 11 septembre a enflammé leurs esprits ? Ne trouvez-vous pas curieux que les hauts responsables de l’administration Bush se soient tantentichés de l’armée américaine ? Cela ne vous frappe-t-il pas qu’ils aient eu une foi aussi aveugle dans ce pouvoir militaire censément sans limite pour faire absolument tout et être “la plus grande force de libération que le monde ait jamais connu” ? Ne trouvez-vous pas intrigant que, dans le désastre du Pentagone, les premiers ordres que notre secrétaire à la Défense donna à ses adjoints étaient de travailler sur des plans pour attaquer l’Irak, même s’il était déjà convaincu que c’était al-Qaïda qui avait lancé l’attaque ? (“Allez-y à fond”, indique la note d’un de ses subalternes en le citant. “Balayez-les tous. Qu’il y ait un rapport ou pas.”) Ne trouvez-vous pas que le “ou pas” résume l’époque qui en a suivi ? Ne trouvez-vous pas curieux que, dans les décombres de ces tours, les plans non seulement pour faire payer Oussama ben Laden, mais aussi pour transformer l’Afghanistan, l’Irak et même l’Iran – “Tout le monde veut atteindre Bagdad. Les vrais mecs veulent aller à Téhéran” – en protectorats américains étaient déjà imaginés?
Quatorze ans plus tard, quelle était la probabilité que le pays alors universellement considéré comme “l’unique superpuissance”, ouvertement défiée seulement par de petits groupes de djihadistes extrémistes, avec une force militaire mieux dotée que les dix ou treize forces combinées suivantes (la plupart d’entre elles étant de plus des alliés), et dont la maîtrise technologique était, comme ils disent, à en crever, n’allait remporter aucune guerre, battre aucun ennemi, et n’arriver à aucune occupation réussie ? Quelles étaient les chances ? Ne me dites pas que vous n’auriez pas parié, le 12 septembre 2001, sur des chances à demi raisonnables d’une frappe militaire gagnante dans le grand Moyen-Orient.
Quatorze années plus tard, ne trouvez-vous pas incroyable que l’armée américaine ait été incapable de s’extraire d’Irak et d’Afghanistan, les deux guerres majeures qu’elle a menées durant le siècle, bien qu’elle ait officiellement quitté l’un de ces pays en 2011 (mais seulement pour y retourner à la fin de l’été 2014) et avoir sans arrêt annoncé la fin de ses opérations dans l’autre (mais seulement pour les remettre à nouveau en chantier) ?
Quatorze années plus tard, ne trouvez-vous pas incroyable que la politique menée par Washington après le 11 septembre ait contribué à établir un “califat islamique” sur des portions de l’Irak et de la Syrie démantelées, et à un mouvement extrémiste à peu près sans égal qui s’est affranchi avec succès de la Libye auNigéria en passant par l’Afghanistan ? Si, le 12 septembre 2001, vous aviez émis pareilles prédictions, qui ne vous aurait pas tenu pour fou ?
Quatorze années plus tard, ne trouvez-vous pas incroyable que les États-Unis se soient lancés dans le business de l’assassinat robotisé ; que (malgré l’interdiction légale, datant de la période du Watergate, de pareils agissements), nous soyons à présent les Terminators de la planète Terre, et non ses John Connors ; que le président soit fièrement et ouvertement un assassin-en-chef possédant sa propreliste de cibles à abattre ; que nous ayons sans répit ciblé les régions les plus reculées de la planète avec nos (sinistres) drones Reaper et Predator (merciHollywood !) équipés de missiles Hellfire ; et que Washington ait régulièrement abattu des femmes et des enfants dans leur recherche de leaders militants et de leurs suiveurs ? Et ne trouvez-vous pas incroyable que tout ceci ait été accompli au nom de la lutte contre les terroristes et leurs mouvements, malgré le fait que, où que nos drones fassent feu, ces mouvements semblent gagner en force et puissance ?
Quatorze années plus tard, ne trouvez-vous pas incroyable que notre “guerre à la terreur” se soit aussi régulièrement dévoyée en une guerre de et pour la terreur ; que nos méthodes, y compris le meurtre ciblé de quantité de chefs et “lieutenants” de groupes militants, ont visiblement contribué, au lieu de le freiner, au développement de l’extrémisme islamique ; et que, malgré ceci, Washington n’a en général pas redéfini ces méthodes de manière significative ?
Quatorze années plus tard, n’est-il pas possible de considérer le 11 septembre comme une fosse commune dans laquelle ont été ensevelis d’importants aspects du mode de vie américain, tel que nous le connaissions ? Bien entendu, les changements qui se sont produits, en particulier ceux qui ont renforcé les côtés les plus oppressifs du pouvoir d’État, ne sont pas sortis de nulle part, comme ces avions détournés. Qui, après tout, pouvait ignorer la taille et la puissance de l’État sécuritaire et du complexe militaro-industriel avant que ces dix-neuf hommes armés de cutters fassent irruption sur la scène ? Qui pourrait nier que, emballée dans le Patriot Act (voté en général sans avoir été lu au Congrès en octobre 2001), se trouvait une liste de projets de loi antérieure au 11 septembre renforçant les chevaux de bataille de la droite ? Qui pourrait nier que les plus importants dirigeants de l’administration Bush et leurs supporters néoconservateurs avaient réfléchi depuis longtemps à un moyen de transformer la “suprématie militaire américaine” en un nouvel ordre mondial de style Pax Americana ou qu’ils avaient rêvé d’un “nouveau Pearl Harbor” qui pourrait accélérer le processus ? Ce ne fut, cependant, que grâce à Oussama ben Laden qu’ils – et nous avec – s’embarquèrent pour le plus incroyable des siècles, le vingt-et-unième.
Quatorze années plus tard, les attaques du 11 septembre et les milliers d’innocents tués représentent un crime et une immoralité de première grandeur. De ceci, les Américains ne sont pas responsables mais – et c’est le plus incroyable de tout – personne à Washington n’a jamais endossé la moindre responsabilité pour avoir fait exploser le Moyen-Orient, pour avoir semé la désolation sur des portions significatives de la planète, ou pour avoir aidé à l’émergence de forces qui allaient créer le premier véritable État terroriste dans l’histoire moderne ; de même que jamais personne dans aucune institution officielle n’a endossé la responsabilité d’avoir créé les conditions qui conduisirent à la mort de centaines de milliers de personnes, peut-être un million ou plus, en transformèrent de nombreuses autresdans le grand Moyen-Orient en réfugiés intérieurs ou extérieurs, détruisirent des nations, et apportèrent des souffrances inimaginables à un nombre incalculable d’êtres humains. Durant ces années, aucun acte – ni la torture, ni le meurtre, ni l’emprisonnement offshore de gens innocents, ni la mort donnée depuis les cieux ou la terre, ni le massacre de fêtes de mariage, ni l’assassinat d’enfants – n’a émoussé parmi les Américains l’impression de vivre dans un pays “exceptionnel” et “indispensable” de stupéfiante bonté et d’innocence.
Quatorze années plus tard, est-ce si incroyable ?
Source : The Nation, le 08/09/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.