Source du texte ci-dessous : fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Hillard
"Pierre Hillard est un essayiste français, né le 21 janvier 1966, docteur en science politique. Spécialiste du « mondialisme », il critique ce qu'il interprète comme un processus technocratique de décomposition des nations et d'unification du monde, passant par la constitution de « grands blocs continentaux ».Il fait des études d'histoire, de sciences politiques et d'études stratégiques. Il réalise sa thèse de doctorat de sciences politiques Les Ambiguïtés de la politique allemande dans la construction européenne (2005) sous la direction d'Edmond Jouve.Il est notamment l'auteur de Minorités et régionalismes dans l’Europe fédérale des régions (2001), de La Décomposition des nations européennes : de l'union euro-atlantique à l'État mondial (2004), de La Marche irrésistible du nouvel ordre mondial (2007) et de La Fondation Bertelsmann et la gouvernance mondiale (2009) Il a écrit de nombreux articles dans Le Figaro, Géostratégiques, Réseau Voltaire, Conflits actuels, Intelligence et Sécurité et Balkans-Infos. Il intervient sur Radio Courtoisie, et plus rarement sur France Culture (Les Enjeux internationaux du 26 avril 2012), France Info, Radio Ici & Maintenant, ou encore France 24. Il collabore aux publications du Cercle Jeune France1. Il est depuis octobre 2012 éditorialiste sur le site internet Boulevard Voltaire2, lancé parRobert Ménard. Selon Pierre Hillard, le but de l'Union européenne n'est pas la création d'une Europe unie mais d'un bloc euro-atlantique avec l'Amérique du Nord. Il cite le cas de Richard de Coudenhove-Kalergi, un des premiers fédéralistes européens, qui affirmait déjà la volonté de créer une « Union atlantique », l'Angleterre faisant le pont entre l'Europe et l'Amérique. Il désignait l'ensemble comme une « Fédération à trois »3.En raison du transfert de compétences politiques, économiques et monétaires à des blocs continentaux en voie d'unification (Union européenne, Union nord-américaine à l'instigation de Robert Pastor, Union des nations sud-américaines, Union africaine, etc.), les États vidés de leurs substances sont appelés à se disloquer en raison de facteurs multiples (financiers, ethniques, économiques, etc.). Même les États-Unis, en raison de la création en cours de l'Union nord-américaine, sont appelés à éclater en plusieurs entités territoriales (cf. thèse d'Igor Panarine) de même que le Canada.Ce processus en cours partout sur la planète permettra à des blocs continentaux débarrassés de leurs États de constituer l'architecture de la gouvernance mondiale.
Ouvrages
Minorités et régionalismes dans l'Europe fédérale des régions, sous-titre : Enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l'Europe, préface de Paul-Marie Coûteaux et postface d'Édouard Husson, Éditions François-Xavier de Guibert, 2001 ;
- Les Ambiguïtés de la politique allemande dans la construction européenne, thèse de doctorat de sciences politiques sous la direction d'Edmond Jouve, université Paris-V, 2005 ;
- La Décomposition des nations européennes, sous-titre : De l'union euro-Atlantique à l'État mondial. Géopolitique cachée de la constitution européenne, préface d'Édouard Husson, Éditions François-Xavier de Guibert, 2004 ;
- La Marche irrésistible du nouvel ordre mondial, sous-titre : Destination Babel, Éditions François-Xavier de Guibert, 2007 ;
- La Fondation Bertelsmann et la « gouvernance mondiale », Éditions François-Xavier de Guibert, 9 avril 2009."
- Chroniques du mondialisme, 2014
J'ai découvert l'existence de Pierre Hillard en m'intéressant au Grand Marché Transatlantique. Cet auteur en a fait l'un de ses objets d'étude.
D'une manière générale, Pierre Hillard propose deux grilles d'analyse du mondialisme (= idéologie qui promeut et instaure la gouvernance mondiale) :
- une mystique : "Afin de mener à bien les points défendus par la synagogue, il s'avère nécessaire de parfaire les structures politiques favorisant une gouvernance mondiale. Ces structures régissant l'humanité unifiée doivent épouser parfaitement les canons spirituels du mosaïsme [la religion de Moïse] pour les Juifs et du noachisme [la religion de Noé] pour les non-Juifs" Hillard Pierre, Chroniques du mondialisme, Le Retour aux Sources, mars 2014, p.15
- une temporelle : de façon factuelle, chronologique, Pierre Hillard nous révèle les actions politiques liées au mondialisme. Si vous voulez avoir un aperçu limpide de cette analyse, voir la conférence ci-dessous :
La conférence ci-dessous vient compléter la précédente en insistant sur les origines historiques du régionalisme et sur le lien à établir entre le mondialisme et le grand marché transatlantique :
En parcourant la toile, j'observe que l'analyse de Pierre Hillard alimente surtout la réflexion de divers courants de droite : nationalistes, identitaires, royalistes, religieux. Notez que Pierre Hillard n'adhère pas au Front National qu'il présente comme un parti utile à l'empire. D'une manière générale, cet essayiste estime que le vote est inutile et que le chaos, programmé sur le mode "Diviser pour régner" ou "Agiter le peuple avant de s'en servir", est inéluctable. Selon lui, il reste néanmoins intéressant de savoir "à quelle sauce nous allons être mangé" et il est possible de se préparer et de survivre à l'effondrement. Ce positionnement l'inscrit dans la mouvance très hétéroclite du survivalisme.
Et au final, conclut-il, la roue tourne... vers un renouveau.
En tant qu'agnostique, l'analyse mystique de Pierre Hillard ne m'intéresse que secondairement.
Son analyse temporelle m'a indéniablement remué. Certes, sa vision du monde peut alimenter certaines passions nationalistes, religieuses, le repli sur soi. Mais, au risque de passer pour un naïf, je crois que l'inverse est vrai aussi : en complément à d'autres analyses, la thèse de Pierre Hillard peut contribuer à l'éveil des consciences et à ce sursaut de solidarité dont nous avons besoin pour survivre... et vivre mieux.
Que penser de la gouvernance mondiale, de la décomposition des nations, du lobbying des multinationales, de l'état de nos démocraties ? Que penser du découpage des nations européennes en régions ? Que penser des théories du complot ? Le véritable danger est-il le mondialisme, le nationalisme, le régionalisme ou le processus "démocratique" qui les promeut et les met en place ?
Quelques éléments de réflexion à travers ces 3 excellents articles de Frédéric Lordon :
http://blog.mondediplo.net/2013-07-08-Ce-que-l-extreme-droite-ne-nous-prendra-pas
http://blog.mondediplo.net/2014-06-30-Le-reve-eveille-europeiste
http://blog.mondediplo.net/2012-08-24-Conspirationnisme-la-paille-et-la-poutre
Cette intervention d'Onfray ... à propos des idées de gauche et de droite
Cette intervention d'Onfray ... à propos des idées de gauche et de droite
... Et cet ouvrage de David Engels :
LE DECLIN
La crise de l'Union européenne et la chute de la république romaine
- analogies historiques.
Paris 2013 (éditions du Toucan), 384 p.
source : http://davidengels.be/declin.html
Contexte et objectifs généraux.
Vu la crise économique profonde que traverse l’Union européenne et qui ébranle les bases mêmes de la solidarité entre états, il n’est pas étonnant que la « construction » d’une « identité européenne » solide soit actuellement au centre de nombreux débats publiques. Néanmoins, l’historien ne peut ignorer qu’au vu de notre histoire millénaire, la véritable identité européenne ne peut et ne doit être une « nouvelle » identité, créée artificiellement pour unir des peuples hétéroclites, mais qu’elle est plutôt l’essence vivante de toutes les identités régionales et nationales développées depuis au moins l’époque du Moyen Âge. Mais le problème de perception ou d’acceptation de cette identité millénaire commune ne reflète pas seulement la vision biaisée des politiciens européens, mais aussi l’aveu que les valeurs identitaires européennes traditionnelles sont en grave crise et que les valeurs universalistes mises à l’honneur par les élites politiquement correctes soient insuffisantes pour créer un sentiment de loyauté face aux institutions européennes.
Dans le contexte de ce questionnement identitaire, l’ouvrage présenté ici tente d’apporter un changement radical de perspective, en tentant de démontrer que, contrairement à ce que l’on a pu prétendre, la crise identitaire que traverse l’Union européenne est, tant dans ses raisons structurelles que dans son déroulement chronologique, tout sauf nouvelle dans l’histoire : les principaux éléments de cette situation ont déjà été vécus et ont trouvé une solution, et ceci à une époque relativement bien connue de l’histoire romaine et paraissant si actuelle et moderne qu’elle devrait figurer au centre des débats sur la crise de la civilisation occidentale : la Rome de la république tardive (1er s. av. J.-Chr.). Adoptant une approche rigoureusement comparatiste des problèmes identitaires contemporains et antiques, l’ouvrage procède donc essentiellement par comparaison systématique de notre matériel documentaire émanant du monde européen contemporain et du passé de la république romaine tardive.
Ainsi, en ce qui concerne l’identité européenne, les éléments pertinents sont analysés grâce à l’examen des outils statistiques mis à la disposition du public par Eurostat, l’institut statistique de l’Union européenne elle-même, dont notamment le célèbre Eurobaromètre ; sources complétées occasionnellement par des données empiriques émanant des institutions statistiques officielles des différents pays membres, et par des extraits de textes appropriés. Les résultats ainsi obtenus concernant le rôle de ces divers éléments dans la construction (ou le manque) d’une identité européenne sont ensuite systématiquement confrontés à leurs éléments analogues datés des dernières décennies de la république romaine tardive, dont notre connaissance provient majoritairement, en l’absence de données statistiques valables, de l’interprétation des textes littéraires et historiographiques classiques.
Argumentation.
Le corps du travail se structure en douze chapitres, investiguant tour à tour les vecteurs centraux de la construction d’une identité européenne basée sur des valeurs universalistes (c.à.d. la tolérance, le respect de la vie humaine, l’égalité, l’épanouissement personnel, la religion, le respect des autres cultures, les libertés individuelles, la démocratie, l’état de droit, les droits de l’homme, la paix et la solidarité). Comparant rigoureusement la place de ces valeurs dans la société contemporaine et celle de la république romaine tardive, l’ouvrage tente de montrer comment l’encouragement excessif de ces valeurs dans une société en pleine mutation économique et culturelle, loin d’en assurer la stabilité, contribue paradoxalement à son démantèlement et provoquera le retour en force graduel des valeurs du passé.
1. Le recul de l’idéal d’un état culturellement bien défini et ethniquement homogène au profit de l’exagération des notions de tolérance et de cosmopolitisme favorisent à la fois une immigration de plus en plus massive et un abandon de la priorité jadis accordée aux habitants originaux et à leur culture, à la fois dans la Rome tardo-républicaine exposée au philhellénisme comme dans l’Europe actuelle avec sa culture de culpabilité.
2. La vision de plus en plus problématisée de l’enfance, de l’éducation et de la responsabilité parentale, combinée avec l’émancipation de la femme et la baisse des salaires ont affecté les comportements démographiques traditionnels des Européens tout comme des Romains et provoqué un déclin démographique inouï, qui risque de constituer une hypothèque lourde pour les prochaines générations.
3. L’idéal universaliste d’égalité entre les sexes, combiné avec l’exaltation de l’individualisme, a détruit la notion traditionnelle de la famille et surtout du couple et a produit, dans la Rome jadis patriarcale comme dans l’Europe avec son idéal chevaleresque, une explosion du divorce et des familles recomposées, entravant singulièrement l’identification des générations futures à la cellule familiale et donc à l’archétype de l’identité culturelle.
4. La disparition de la notion traditionnelle d’un juste milieu, profondément ancrée dans les convictions sociales du christianisme occidental comme du mos maiorum romain, au profit d’une vision purement matérialiste de l’épanouissement personnel, a provoqué à la fois le carriérisme égoïste et l’émergence d’une société basée sur le pain et les jeux, une évolution démantelant toute loyauté sociale entre citoyens, élément identitaire de toute première importance.
5. Les aspects spirituels de l’identité sont en plein déclin, notamment la religion traditionnelle, soit-ce le christianisme, soit-ce le paganisme républicain. Lourdement critiquée par la pensée rationaliste des Lumières et de la philosophie hellénistique, la force de cohésion de la religion se trouve désormais dans la défensive par rapport à l’attractivité exotique de religions étrangères, expliquant l’émergence de cultes orientaux comme le christianisme à Rome ou la montée en puissance du New Age et surtout de l’Islam en Europe.
6. La mondialisation (antique comme moderne) et l’idéalisation outrée de tout ce qui est « autre », combinée au masochisme culturel développé en Europe depuis la Deuxième Guerre Mondiale, ont amené une dissolution de plus en plus marquée de l’adhésion instinctive aux traditions culturelles autochtones au profit d’un syncrétisme humaniste cosmopolite.
7. Concernant les libertés individuelles, intimement liées à la garantie de la sécurité de chacun, nous constatons, à Rome comme dans l’Union européenne, un sentiment d’insécurité et d’inégalité devant la justice. Les citoyens se méfient de plus en plus de la justice et ont tendance à saluer l’arrivée de partis politiques plaçant la sécurité collective au-dessus de la liberté individuelle.
8. Le citoyen cesse de vouloir participer activement à la gestion des affaires politiques, soit-ce dans la res publica romaine, soit-ce dans la démocratie actuelle. Ainsi, la déresponsabilisation de l’individu au profit de la masse, basée sur la confiance universaliste en la quantité plutôt qu’en la qualité, a donné naissance à une attitude apolitique qui, de son côté, a engendré la gestion de l’état par une élite technocratique, la soumission au diktat de l’économie et l’indifférenciation idéologique des grands partis.
9. L’État est devenu un organisme opaque et douteux, dont l’évolution future est appréhendée avec pessimisme. Ceci explique pourquoi les Romains tout comme les Européens accorderont peu de valeur à la liberté civique ainsi qu’au poids de leur vote si y renoncer peut leur permettre de s’assurer des bénéfices financiers ou sécuritaires.
10. En Europe comme à Rome, la combinaison entre l’infantilisation du citoyen, l’établissement du canon du politiquement correct et la perte de vitesse de la notion traditionnelle du « devoir » au profit de celle des « droits » a amené une situation où le rôle du citoyen est essentiellement passif et se structure autour du maintien des acquis matériels, et non des dynamiques civiques qui les ont conquis.
11. En dépit de la notion omniprésente du pacifisme, le seul élément que les Européens semblent réclamer d’un commun accord de la part de l’Union est l’établissement d’une politique d’intégration intérieure et de défense extérieure commune qui permettrait de sauvegarder leurs intérêts chez eux et dans le monde et annonce déjà l’empire.
12. L’idéal de solidarité, basé non sur la loyauté culturelle, mais sur une logique économique, s’est de plus en plus transformé en un élément justifiant à la fois l’exploitation institutionnelle comme l’expropriation politique de régions périphériques par un centre politique et économique soucieux de garder le contrôle, expliquant ainsi la transformation de la fédération européenne en un véritable empire où des États faibles comme la Grèce gravitent comme des provinces autour du noyau franco-allemand et sont obligés d’entériner des mesures politiques venant d’ailleurs.
2. La vision de plus en plus problématisée de l’enfance, de l’éducation et de la responsabilité parentale, combinée avec l’émancipation de la femme et la baisse des salaires ont affecté les comportements démographiques traditionnels des Européens tout comme des Romains et provoqué un déclin démographique inouï, qui risque de constituer une hypothèque lourde pour les prochaines générations.
3. L’idéal universaliste d’égalité entre les sexes, combiné avec l’exaltation de l’individualisme, a détruit la notion traditionnelle de la famille et surtout du couple et a produit, dans la Rome jadis patriarcale comme dans l’Europe avec son idéal chevaleresque, une explosion du divorce et des familles recomposées, entravant singulièrement l’identification des générations futures à la cellule familiale et donc à l’archétype de l’identité culturelle.
4. La disparition de la notion traditionnelle d’un juste milieu, profondément ancrée dans les convictions sociales du christianisme occidental comme du mos maiorum romain, au profit d’une vision purement matérialiste de l’épanouissement personnel, a provoqué à la fois le carriérisme égoïste et l’émergence d’une société basée sur le pain et les jeux, une évolution démantelant toute loyauté sociale entre citoyens, élément identitaire de toute première importance.
5. Les aspects spirituels de l’identité sont en plein déclin, notamment la religion traditionnelle, soit-ce le christianisme, soit-ce le paganisme républicain. Lourdement critiquée par la pensée rationaliste des Lumières et de la philosophie hellénistique, la force de cohésion de la religion se trouve désormais dans la défensive par rapport à l’attractivité exotique de religions étrangères, expliquant l’émergence de cultes orientaux comme le christianisme à Rome ou la montée en puissance du New Age et surtout de l’Islam en Europe.
6. La mondialisation (antique comme moderne) et l’idéalisation outrée de tout ce qui est « autre », combinée au masochisme culturel développé en Europe depuis la Deuxième Guerre Mondiale, ont amené une dissolution de plus en plus marquée de l’adhésion instinctive aux traditions culturelles autochtones au profit d’un syncrétisme humaniste cosmopolite.
7. Concernant les libertés individuelles, intimement liées à la garantie de la sécurité de chacun, nous constatons, à Rome comme dans l’Union européenne, un sentiment d’insécurité et d’inégalité devant la justice. Les citoyens se méfient de plus en plus de la justice et ont tendance à saluer l’arrivée de partis politiques plaçant la sécurité collective au-dessus de la liberté individuelle.
8. Le citoyen cesse de vouloir participer activement à la gestion des affaires politiques, soit-ce dans la res publica romaine, soit-ce dans la démocratie actuelle. Ainsi, la déresponsabilisation de l’individu au profit de la masse, basée sur la confiance universaliste en la quantité plutôt qu’en la qualité, a donné naissance à une attitude apolitique qui, de son côté, a engendré la gestion de l’état par une élite technocratique, la soumission au diktat de l’économie et l’indifférenciation idéologique des grands partis.
9. L’État est devenu un organisme opaque et douteux, dont l’évolution future est appréhendée avec pessimisme. Ceci explique pourquoi les Romains tout comme les Européens accorderont peu de valeur à la liberté civique ainsi qu’au poids de leur vote si y renoncer peut leur permettre de s’assurer des bénéfices financiers ou sécuritaires.
10. En Europe comme à Rome, la combinaison entre l’infantilisation du citoyen, l’établissement du canon du politiquement correct et la perte de vitesse de la notion traditionnelle du « devoir » au profit de celle des « droits » a amené une situation où le rôle du citoyen est essentiellement passif et se structure autour du maintien des acquis matériels, et non des dynamiques civiques qui les ont conquis.
11. En dépit de la notion omniprésente du pacifisme, le seul élément que les Européens semblent réclamer d’un commun accord de la part de l’Union est l’établissement d’une politique d’intégration intérieure et de défense extérieure commune qui permettrait de sauvegarder leurs intérêts chez eux et dans le monde et annonce déjà l’empire.
12. L’idéal de solidarité, basé non sur la loyauté culturelle, mais sur une logique économique, s’est de plus en plus transformé en un élément justifiant à la fois l’exploitation institutionnelle comme l’expropriation politique de régions périphériques par un centre politique et économique soucieux de garder le contrôle, expliquant ainsi la transformation de la fédération européenne en un véritable empire où des États faibles comme la Grèce gravitent comme des provinces autour du noyau franco-allemand et sont obligés d’entériner des mesures politiques venant d’ailleurs.
L’Européen, comme le Romain de la république tardive, est donc perdu dans le dédale ambivalent de ses traditions, de ses États, et de son histoire politique complexe, où volonté de sécurité et ambitions politiques rivalisent avec un réel souci de liberté et de tolérance, rendant difficile et anachronique, dans un environnement si globalisé, l’identification à quelques valeurs héritées du passé, et relativisées par la mondialisation impériale et le syncrétisme culturel. Dès lors, une comparaison systématique de nos sources portant tant sur le présent de l’Union européenne que sur la fin de la république romaine tardive montre que la crise latente que subit visiblement actuellement l’Union européenne n’est pas un événement nouveau dans l’histoire mondiale, mais ressemble dans quelques-unes de ses particularités les plus saisissantes à la crise politique profonde traversée par la république romaine tardive. En effet, tant à Rome qu’en Europe, la carence grandissante de facteurs identificatoires essentiels est l’un des éléments les plus frappants de la crise morale, humaine et matérielle que vivent ces deux sociétés : si seul l’établissement d’identités collectives permet de mettre en continuité avec le passé et de projeter dans le futur le présent individuel autant que sociétal, la coupure avec les idéaux traditionnels de ce passé déracine le présent et bloque, à la longue, toute conception sensée et organique du futur.
Perspectives.
Les analogies entre la crise identitaire européenne du 21ème siècle et celle de la république romaine tardive semblent suffisantes pour en faire non seulement un cas de parallélisme accidentel, mais aussi un véritable paradigme pour notre futur. Et vu que, comme chacun le sait, à la république romaine suivit l’empire des Césars, il est fort à parier que l’avenir qui nous attend sera placé sous le signe du centralisme, du conservatisme et de l’autoritarisme. Ainsi, tous les problèmes concernant la république romaine tardive énumérés au cours de cette recherche ont trouvé leur « solution » politique concrète dans l’idéologie impériale créée par Auguste et son programme de « restauration » ou de révolution, et il est à craindre que les problèmes concernant la crise de l’Union européenne trouveront un jour une « solution » semblable – une solution qui puisse sembler (à juste titre) en désaccord flagrant avec les valeurs-mêmes qui ont contribué à sa formation, mais cette ambiguïté a été, et sera peut-être, le prix du maintien de la stabilité politique, sociale et culturelle dans un environnement profondément hétérogène et divisé.
Évidemment, ces perspectives futures dystopiques – mais en sommes-nous encore si loin ? – n’ont rien d’enchanteur, et personne ne doutera que ces « solutions » ne feront que remplacer le dynamisme d’une chute par l’apparente stabilité d’un immobilisme bien organisé, mais fondée sur la répression de la liberté. Pourtant, bien que provoquant et apparemment impensable dans notre monde contemporain, si rationnel et moderne en superficie, ce futur n’est pas si impossible qu’il le semble, car les fondations d’une future révolution conservatrice sont déjà bien établies : au fur et à mesure que s’affirme le rejet d’une identité politique émotionnellement insatisfaisante, d’un matérialisme attisé par la société de consommation, d’une démocratie en apparence de plus en plus éloignée du citoyen, et que s’accroît la revendication d’une politique proche des valeurs traditionnelles, d’une protection accrue contre l’insécurité et d’une politique extérieure forte, les mouvements politiques éloignés du consensus démocratique risquent de gagner du terrain et de provoquer, directement ou indirectement, l’installation d’un régime peut-être « efficace » et en apparence plus proche des racines traditionnelles de notre passé millénaire, mais en opposition flagrante avec toutes les aspirations de liberté qui ont constitué le moteur latent de notre dynamisme culturel.
... Même sujet traité sur http://www.herodote.net/Le_declin-bibliographie-410.php
Le déclin
La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine
David Engels (éditions du Toucan, 384 pages, 20 euros, 2013) |
Avec cet essai plein d'érudition et de finesse, le jeune historien belge David Engels (33 ans) réusait un coup de maître.
En analysant la transition de la République romaine à l'Empire des Césars, il fait la démonstration que l'Union européenne et la monnaie unique pourraient engendrer, en dépit ou à cause de tous leurs défauts, un système social inégalitaire, répressif et inefficace… mais relativement durable.
Professeur d'histoire romaine à l'Université libre de Bruxelles, David Engels dresse un parallèle audacieux et tout à fait inédit entre la situation actuelle de l'Europe et celle de Rome... à la fin de la République, autrement dit au 1er siècle av. J.-C., à l'époque de Marius, Sylla, Pompée, César et Auguste !
Avant lui, dès le XIXe siècle, de nombreux historiens et essayistes s'étaient inquiétés de l'évolution du Vieux Continent et avaient cherché des grilles d'explication dans une comparaison avec la fin de l'empire romain (IIIe-Ve siècles de notre ère), mais jamais encore personne n'avait songé à la crise du 1er siècle av. J.-C.
Point par point, dans une première partie, David Engels confronte l'Europe du XXIe siècle et la République romaine : il analyse la première principalement à travers les sondages d'opinion et la seconde à travers les chroniques, les écrits et la correspondance des contemporains (Cicéron, Salluste...).
Les similitudes dans les moeurs et les mentalités sont confondantes...
La fin de la démocratie
Comme on peut s'y attendre, l'historien n'en reste pas là et développe à la fin de son ouvrage une réflexion plus personnelle sur l'avenir qui lui paraît le plus probable pour l'Union européenne.
Si notre situation est aussi semblable qu'il le dit à celle de la Rome de Pompée et César, l'Europe, dans le meilleur des cas, est destinée à devenir une forme d'empire supranational et à vocation universaliste, un État autoritaire, avec des formes«républicaines» et faussement démocratiques, soucieux de garantir aux citoyens un peu de sécurité matérielle bien plus que la liberté ou l'égalité.
D'ores et déjà, son fonctionnement s'inscrit dans la logique augustéenne et impériale, postdémocratique, avec des cours de justice qui forgent le droit européen sans aucun contrôle de qui que ce soit, et une Commission qui prétend désormais valider les budgets nationaux avant qu'ils ne soient votés par les élus, ceux-ci étant réduits à faire de la figuration.
«Il est encore difficile d'estimer l'ampleur de la restructuration économique de la Grèce et des pays qui partagent ou partageront son sort. Mais il est bien possible que le résultat aboutisse à un démantèlement du rôle économique de l'État individuel au bénéfice de l'Union européenne. Cela implique une marge de manoeuvre étatique fortement réduite, qui rendra difficile voire impossible l'amortissement du choc d'une sortie de l'Union. On ajoutera à ceci les tentatives de 2011 d'imposer aux États membres un contrôle budgétaire strict de la part de l'Unon, qui limite l'un des facteurs capitaux de l'autonomie nationale», écrit-il avec une remarquable prémonition.
La crise chypriote de mars 2013 illustre a posteriori ses propos. La «troïka» (BCE, FMI et Commission européenne) qui dirige désormais les pays méditerranéens (Grèce, Portugal, Chypre...) a dicté au gouvernement de Nicosie la taxation d'une partie des dépôts bancaires et une nouvelle réduction des dépenses publiques, en le menaçant ouvertement de couper les crédits bancaires et provoquer un effondrement de l'économie nationale. L'euro, impuissant à assurer la prospérité commune, montre au moins qu'il peut soumettre un État plus sûrement que dix légions ou dix divisions de Panzer...
Désorientés, les citoyens européens s'insurgent contre cette perte de souveraineté camouflée par une démocratie de façade. Ainsi en Italie où le premier parti est, en 2013, le parti protestataire et abstentionniste du comique Beppe Grillo.
Ces mouvements d'humeur n'ont guère de chance d'aboutir, faute de projet alternatif, mais David Engels n'exclut pas que l'Europe succombe à la crise actuelle, avec l'éclatement de ses structures, la mort des vieux États nationaux et l'émergence de régionalismes identitaires, le tout sur fond de guerres ethniques.
Un parallèle accablant
Dans la première partie de son essai, David Engels rappelle ce que fut la fin de la République romaine.
Après l'affrontement ultime avec Carthage et la soumission de la Grèce, en 146 av. J.-C., elle ne se connaît plus d'ennemis extérieurs notables, mis à part le lointain roi des Parthes.
Au lieu de conduire à la «fin de l'Histoire», cette longue période de paix va exacerber les tensions sociales à l'intérieur même de la péninsule italienne.
Entre la révolte des Gracques, en 133 av. J.-C., et l'avènement d'Auguste, un siècle plus tard, Rome voit ses valeurs traditionnelles«balayées par un synchrétisme multiculturel de plus en plus problématique ; démographie des citoyens romains en chute libre ; destruction de la cohésion politico-sociale entre le peuple et les élites...». L'ordre social est maintenu vaille que vaille par la distribution d'allocations sociales de plus en plus massives à la plèbe romaine.
Autant de phénomènes qui ne sont pas sans rappeler la situation actuelle de l'Europe avec l'éclatement des structures familiales traditionnelles.
L'auteur consacre des pages passionnantes à la quête désespérée d'identité dans des sociétés qui se sont détournées de leur histoire. Le débat est déjà prégnant à Rome au 1er siècle av. J.-C..
La langue pas plus que la géographie ou la race ne permettaient de définir l'appartenance à la communauté. Encore moins la religion antique, méprisée et tenue en lisière tandis qu'étaient accueillies à bras ouverts les religions d'ailleurs. Le principal monument d'envergure qui nous reste de cette époque est le «Panthéon» de Rome, monument dédiée à «tous» les dieux...
Là encore, le parallèle avec notre époque est saisissant. Sur l'attitude actuelle des bien-pensants à l'égard du christianisme, le jeune historien se montre aussi sévère qu'ironique : «face au christianisme, tout est permis. Plus les autorités religieuses chrétiennes se confondent en excuses (pour les croisades, l’Inquisition, le colonialisme, la collaboration avec le fascisme, les écarts de certains prêtres, etc.), et plus elles se discréditent au lieu de s’humaniser ; effets pervers de la bonne volonté... Alors que d’autres religions gagnent de plus en plus de crédibilité spirituelle en Europe sans pour autant affronter leur passé... En reléguant le christianisme, devenu au fil des siècles une religion fort ouverte, tolérante et ferment intégrée dans un monde sécularisé, au statut d’une religion parmi d’autres, les idéologues politiquement corrects de l’Union européenne accordent un poids démesuré à des formes de croyances non européennes beaucoup plus ancrées dans des attitudes répressives, fondamentalistes et intolérantes».
Le cosmopolitisme rapproche également la République romaine de l'Occident contemporain. Rome est devenue, comme nos métropoles, la ville de toutes les cultures et de toutes les origines.
Sénèque écrit à propos de ses habitants : «demande à chacun d'eux d'où il est ; tu verras qu'en majeure partie, ils ont déserté leur pays d'origine pour une ville qui sans contredit est la plus grande et la plus belle du monde, mais qui cependant n'est pas la leur».
David Engels étend les analogies aux domaines social, politique et institutionnel. Il montre que Rome, comme aujourd'hui l'Union européenne, exerce une attirance irrépressible sur sa périphérie.
Quand la Décapole de Syrie souffre des exactions du roi de Judée Hérode, elle s'en plaint à Rome et sollicite son protectorat. Elle l'obtiendra en définitive à la mort du roi. À maintes reprises aussi (tremblements de terre, piraterie etc), Rome se pose en ange gardien, offrant ses secours et sa protection en échange de la liberté et des impôts.
La philanthropie, les entreprises caricatives et le droit d'ingérence sont les armes diplomatiques que privilégie Rome, tout comme l'Europe actuelle...
L'historien ne dissimule pas son pessimisme au vu de ces analogies. Constatant que les nations européennes, par lassitude, ont d'elles-mêmes renoncer à leur identité et à leur rôle historique, il se demande si «le remplacement de valeurs traditionnelles par des idéaux humanistes potentiellement partagés par tous suffira à créer un sentiment identitaire européen suffisamment fort pour surmonter les crises auxquelles notre continent devra bientôt faire face». Il y a matière à débattre entre gens de bonne compagnie.
Joseph Savès
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