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Août 2013
Un club planétaire à vocation totalitaire est en train de détruire l’Europe des peuples, notre vie, notre démocratie, notre liberté. Notre avenir court un grave danger. Peu à peu, sans en avoir conscience, nous nous sommes mis entre les mains d’une oligarchie sans patrie et sans âme, unie seulement par un délire commun d’omnipotence dérivant de la possession de l’argent infini qu’elle crée elle-même.
Ceux qui nous ont conduits au bord de ce précipice sont les majordomes des « propriétaires universels » : les véritables propriétaires des grandes corporations internationales, des gens qu’aucun d’entre nous ne connait, qui n’ont jamais été élus, mais qui pourtant conditionnent nos vies. Ces personnes, soutenues par des parlements élus formellement mais en réalité nommés d’en haut, ont confié le pouvoir politique et économique – autrefois prérogative des États – à des structures privées de toute légitimité démocratique. Ces structures forment la charpente d’un Nouvel Ordre Mondial qui est en voie de construction. Il s’agit d’un scénario subversif et autoritaire qu’une infime minorité de gens démesurément riches veulent imposer à la multitude des autres, déjà très appauvris. C’est là un objectif non seulement criminel, mais surtout aberrant puisqu’il se base sur l’illusion de la croissance infinie et qu’il est donc nécessairement destiné à créer la guerre et le chaos, car il refuse d’accepter la fin de l’ère de l’abondance.
Ce club totalitaire de dimension planétaire, conscient de l’augmentation de la contestation et de la rébellion populaire, se prépare à les réprimer. Elle connait parfaitement la précarité de la tricherie par laquelle elle a usurpé le pouvoir ; elle sait que ses soi-disant lois économiques et monétaires ne sont qu’une arnaque généralisée ; elle sait que l’argent virtuel par lequel elle nous domine est destiné à finir en cendres.
C’est pour cela que les oligarchies déstabilisent les quelques institutions démocratiques encore debout, introduisent de nouvelles lois et des modifications visant à usurper nos Constitutions, tout en se préparant à mettre la main sur les richesses matérielles et immatérielles encore disponibles : territoires, musées, parcs naturels, ressources humaines. Ils achèteront tout, à prix cassés, privatisant si possible même l’air que nous respirons, avec l’immense quantité d’argent virtuel, transformé en dette, qu’ils sont en train de créer à une vitesse vertigineuse. Ce que nous exigeons, c’est une nouvelle et véritable Constitution européenne qui stipule clairement que les peuples ont le droit de résister à quiconque chercherait à renverser l’ordre constitutionnel, et ce, dans chacun des pays de l’Union.
Si nous ne les arrêtons pas, tout cela finira par des populations entières – c’est-à-dire, nous tous – réduites à la misère, à l’ignorance et à l’esclavage, autrement dit, sans biens, sans droits, et donc, sans avenir. Après la tragique crise en Grèce, s’annoncent celles des Portugais, des Chypriotes, des Italiens. Mais la liste d’attente est longue, et s’étend à la France, la Belgique, et même à l’Allemagne, qui ne tient debout que grâce à la fuite de capitaux venus des zones frappées à mort par une austérité sauvage, indiscriminée et confiscatoire. Voilà tout ce qui reste du projet de paix, d’intégration de cohésion et de bien-être en Europe.
Ce projet a d’abord été stoppé, avant d’être déformé jusqu’à le rendre méconnaissable. L’idée était de construire une nouvelle identité supranationale européenne sans recourir à la conquête, à la violence et à la guerre, mais avec au contraire la participation de tous les partenaires, petits ou grands, sur la base des mêmes droits et des mêmes devoirs. Cela se voulait la naissance d’un nouveau protagoniste mondial de paix, de coopération et de sécurité, en mesure de jouer un rôle autonome et non soumis à la politique et aux intérêts d’autres puissances. Un tel objectif était atteignable, à ce moment-là, et posait l’Europe sur le même plan politique que l’Union soviétique ou les États-Unis. Non pas en compétition avec eux, mais sur la base d’un rapport géopolitique paritaire.
Ce dessein a été annihilé. Dans une lutte âpre pour la suprématie, l’Europe a été pliée par l’hégémonie politique, militaire, économique et culturelle des États-Unis. La domination du dollar comme monnaie-puissance leur a d’abord permis de littéralement assujettir l’Europe et de l’inclure dans le projet militaire de l’OTAN. Puis, avec l’écroulement définitif de l’Union soviétique, d’imposer aussi au reste du monde, à la fois le capitalisme financiaro-spéculatif au service financier de Wall Street et de la City de Londres, et la mutation de l’OTAN qui est passée d’une alliance défensive à une alliance agressive, prête à agir sur des théâtres de guerre loin des frontières de l’Alliance.
Les moyens mis en oeuvre depuis 1990 en Europe n’étaient pas des effets collatéraux de choix erronés qui ont ensuite produit les crises sociales et économiques des peuples européens. Ce fut au contraire les colonnes porteuses, les fondations du projet qui est celui de l’apartheid global voulu par la Troïka.
Ce qui a été imposé à l’Europe – et que les dirigeants européens ont lâchement accepté et adopté – c’est la « globalisation ». Les règles américaines ont été exportées en même temps que la dérégulation, les privatisations, l’attaque contre l’État, la déification des marchés, la transformation des relations humaines et même de la politique, en simple marchandise. Le pouvoir politique est passé dans les mains de la haute finance internationalisée.
Cet élargissement frénétique de l’Union européenne à 27 pays, avec l’arrivée de presque tous les ex-pays satellites du Pacte de Varsovie, et même des trois républiques baltes ex-soviétiques, a été précédé de fait par leur subite inclusion dans l’OTAN. Garantissant ainsi aux États-Unis le contrôle, direct et indirect des processus successifs d’intégration européenne. On a cherché, et cela continue, de façon spasmodique, à introduire dans le tissu socio-économique européen, et jusque dans sa culture, des pseudo-valeurs et des stéréotypes d’un soi-disant « american way of life ». Le contrôle progressif et la concentration de l’industrie de la communication et de l’information de masse, jusqu’à l’expansion capillaire et monstrueuse des « social networks » (qui comme chacun sait, sont tous sous le contrôle politique des États-Unis), a provoqué une véritable transformation anthropologique des peuples européens, même si les courants profonds de l’histoire européenne ont montré une étonnante capacité de résistance face à l’agression idéologique, financière et culturelle.
L’explosion de la crise, qui a eu lieu précisément au centre du pouvoir impérial (témoin d’une profonde maladie à l’intérieur de celui-ci, qui s’est conjuguée à la progressive raréfaction des ressources disponibles et avec l’arrivée sur la scène d’autres géants sans lien direct avec le dessein de « propriétaires universels ») a mis en évidence la fragilité de leur projet.
Se pose donc concrètement et urgemment la nécessité de les arrêter. Tout d’abord, parce que ce sont eux qui provoquent l’appauvrissement et les guerres. Des millions d’Européens, dans pratiquement toutes les classes sociales désormais, à l’exception des quelques individus payés pour leur rôle d’esclaves privilégiés (et, parmi eux, on trouve ceux qui contrôlent l’essentiel de l’information-communication) sont à la recherche d’une alternative à la précarité croissante de leur condition sociale. L’inquiétude croît, tout comme l’incertitude et la sensation d’un danger imminent. C’est désormais un lieu commun de dire que la prochaine génération sera la première – depuis la Seconde Guerre mondiale – à connaitre des conditions de vie moins bonnes que celles de leurs parents. Et pourtant, le chemin est encore long avant que la grande majorité des gens comprenne que ce n’est pas seulement leur niveau de vie qui est en jeu, mais bien leur existence même et celle de leurs enfants. C’est le sort du genre humain qui est dans la balance, puisque la « coupole » du pouvoir veut étendre drastiquement son hold-up sur les sept milliards d’individus peuplant la planète. Et elle ne pourra pas le faire impunément, comme elle l’a fait durant ces trois derniers siècles, car sont en train d’apparaitre – en fait ils sont déjà là – des protagonistes en mesure de se défendre et de contre-attaquer.
Pour des dizaines de millions d’Européens, s’impose donc la tâche de repousser ce fameux Nouvel Ordre Mondial qui se présente en réalité comme un nouveau féodalisme, dans lequel une infime partie du genre humain aura droit de vie et de mort sur tous les autres, et où la seule porte de sortie qui restera aux peuples sera celle de la soumission. La démocratie libérale est déjà détériorée de façon irrémédiable, elle qui était pourtant, avec les droits humains, l’unique valeur, à l’écart du pouvoir de l’argent, qui restait comme rempart de ce qu’on a appelé la « civilisation occidentale ». Le moment est venu de stopper le « singe aux commandes », et d’enlever de ses mains, en tout premier lieu, le bouton rouge de la guerre. Plus aucun soldat européen ne doit plus participer à un conflit en dehors des frontières de l’Union, et encore moins si ce conflit est déguisé en mission de paix ou humanitaire. Il est urgent de commencer à définir des principes et des valeurs adaptées à la transition entre une organisation politique, économique et sociale insoutenable – et destinée à mourir dans d’atroces convulsions -, et une société soutenable, en paix avec la Nature, avec l’écosystème. Une société de la cohabitation, du « vivre ensemble », qui progresse au « rythme de l’Homme », et donc démocratique. Voilà quelles sont les conditions de la survie.
La Nouvelle Europe que nous voulons doit se libérer des liens idéologiques néoconservateurs souvent dissimulés derrière un langage et des procédures bureaucratiques incompréhensibles à tous et qui oppriment les peuples tout en creusant les divisions entre les États. L’un de ces liens est la monnaie commune telle qu’elle existe aujourd’hui. L’euro, monnaie privée, imprimée par des banques privées pour les banques privées, est un problème pour tous, aussi bien pour les « forts » que pour les « faibles ». Il nous faut par conséquent un nouveau système monétaire commun, basé sur un accord qui prévoit une plus grande autonomie des États membres en termes de politique financière, de façon à rendre aux parlements nationaux les décisions fondamentales en la matière. C’est seulement sur ces nouvelles bases que l’on pourra commencer à parler de transfert de souveraineté graduel, démocratique, partagé, à un parlement européen réellement représentatif et doté de pouvoirs effectifs.
La Nouvelle Europe que nous voulons ne peut accepter les actuelles différences économiques et sociales entre les peuples européens, mais également à l’intérieur de chacun des pays. Il faut que l’Europe déclare « illégale » la misère. Il faut que la principale préoccupation des gouvernements européens et du futur gouvernement européen soit de garantir le plein emploi et la dignité d’un salaire juste.
Autrement dit, nous devons immédiatement abandonner toute politique d’austérité et promouvoir un retour sans équivoque à une Europe sociale. Cela implique et présuppose le rejet de l’actuel Traité européen et le lancement d’une nouvelle phase constituante.
La Nouvelle Europe doit se baser sur la pleine reconnaissance (avec toutes les conséquences que cela implique) que nous avons affaire à une union entre peuples « différents ». Pas seulement par leur histoire, leurs langues, leurs traditions, leur justice, ou leur organisation politique, mais aussi et surtout par leur niveau d’organisation sociale et leur niveau de vie. Cela signifie que même s’il faut établir des normes communes, valides pour tous et acceptées par tous, il conviendra de définir des mécanismes de compensation pour rééquilibrer le tout et réduire les différences dans un délai bien défini.
Une Nouvelle Europe ne peut qu’être une Europe solidaire.
Une Nouvelle Europe doit être démocratique. Elle ne peut l’être que si elle est capable de valoriser les diversités qui la caractérisent. Et elle ne pourra pas le faire si la fédération prend des formes centralisées et rigides.
Une Nouvelle Europe ne peut être démocratique et solidaire à l’intérieur, et appliquer des règles de globalisation impériale à l’extérieur.
Une Nouvelle Europe ne peut être démocratique et solidaire, à l’intérieur comme à l’extérieur, si elle ne renonce pas à la guerre et aux formes d’imposition arrogantes vis-à-vis de ses partenaires, proches ou lointains. Les principes européens peuvent et doivent être défendus et diffusés, mais ne peuvent en aucun cas être imposés à d’autres pays.
Nous savons tous que pour l’instant, certaines de ces propositions n’auront que peu d’impact sur la volonté de nos gouvernements, et sur la conscience des populations. Non pas qu’elles ne soient pas justes et bonnes, mais parce que la force de manipulation qui est celle des détenteurs du pouvoir a été déterminante. Nous sommes convaincus cependant qu’autour d’elles, il est possible de construire un mouvement d’opinion et d’alliances politiques, sociales, productives, qui les transforment en propositions réalisables, car faisant l’objet d’un large accord. Elles sont nécessaires pour tout projet d’une Nouvelle Europe, et sans elles, il ne sera pas possible d’affronter la transition vers une nouvelle société. Leur compréhension sera de toute façon rendue possible, assez rapidement, par l’accélération de la crise systémique aux USA, en Europe, au Japon et par les premiers signes de ralentissement en Chine.
Il est donc nécessaire de prendre les mesures immédiates pour un changement de cap. Chacune de ces mesures représente un outil indispensable pour déclencher la transition nécessaire. Pour réduire la dette aussi bien publique que privée, nous devons opérer – cela dit sans aucun scrupule – des changements drastiques des règles financières. L’austérité à elle seule ne permettra pas la réduction de la dette, elle l’amplifiera et créera seulement récession et chômage.
Les interventions publiques doivent imposer des contrôles sur les mouvements de capitaux. Des taux d’intérêt bas doivent faire diminuer le montant des intérêts, réduisant ainsi le déficit public. Diminuer la valeur réelle du déficit public peut se faire seulement en transférant des ressources des créditeurs vers les débiteurs, et non en imposant des coupes franches aux finances publiques, ou en cherchant à accroitre les rentrées fiscales qui finissent par frapper seulement ceux qui paient les impôts et non ceux qui fraudent, comme les grandes multinationales. L’alternative est entre mettre fin à la vie de millions de personnes, ou sacrifier un peu les spéculateurs et les rentiers.
Répétons-le : cela implique de dénoncer les Traités de Maastricht et de Lisbonne qui sont à la base de l’agression financière contre les peuples européens. Il faut procéder à la nationalisation de toutes les banques centrales des pays membres, et dans le même temps à une modification drastique du rôle et de la structure de la Banque centrale européenne (BCE). Les États de la zone euro (et ceux qui y adhèreront si celle-ci reste debout), doivent être les seuls actionnaires de la future Banque centrale européenne.
Cette mesure devra s’accompagner de la nationalisation de toutes les grandes banques nationales, en transférant une partie de leur fonction au système de crédit coopératif et populaire sous les diverses formes historiques qu’il a eues par le passé dans les différents pays, ou en l’introduisant là où, pour des raisons historiques, il n’a jamais vu le jour. C’est à ce prix que l’on rendra aux gouvernements et à leurs « ministères du Trésor » respectifs le contrôle des Banques centrales nationales et de la BCE, autrement dit, de la souveraineté monétaire.
Parmi les premières questions à éclaircir devant l’opinion publique européenne figure celle du statut de la dette, dont il faut déclarer officiellement – cela parait évident – qu’elle est structurellement impossible à rembourser. Cela doit être fait à travers un audit qui aura pour mission de fournir rapidement un cadre fiable et vérifié de la dette globale européenne, de sa composition, des dettes souveraines de chacun des États, qu’ils soient membres de la zone euro ou pas, en déterminant aussi bien la structure des dettes que l’identité des grands créditeurs internationaux.
Les dettes souveraines doivent être progressivement restructurées et absorbées au travers de la taxe sur les transactions financières, dont la nature reste à déterminer, mais qui ne sera pas inférieure à 0,1% du montant des transactions. Une vraie Tobin Tax, dont les revenus doivent également être consacrés au développement des entreprises, au redressement social et environnemental, au financement de l’instruction et de la recherche.
Il faut aussi prévoir l’institution d’un fonds européen dédié aux petites et moyennes entreprises, à taux fixés et adaptés au crédit à moyen/long terme.
La nouvelle organisation des émissions d’obligations souveraines de l’Eurozone se fera directement sous le contrôle du Trésor de chaque État, sans aucun intermédiaire bancaire, et sera réservée aux citoyens du pays émetteur et aux citoyens européens qui y résident.
Les émissions devront être consacrées en priorité au social, à l’éducation, à la recherche scientifique, à la santé publique, à la protection et la mise en valeur de l’environnement, aux énergies renouvelables, à la valorisation des terrains agricoles. Les nouvelles obligations souveraines de l’Eurozone seront nominatives, non négociables, incessibles, transmissibles seulement par voie héréditaire, avec une échéance minimale de cinq ans et maximale de dix, à un taux d’intérêt de référence qui n’excèdera pas le double de celui pratiqué par la Banque centrale européenne une fois réformée.
Des mesures pour réformer la finance européenne et internationale (l’Europe devra agir au plan mondial, comme protagoniste souverain) seront elles aussi indispensables. Parmi elles, figure nécessairement la séparation des banques d’affaires de celles de dépôt et d’épargne. Les Bourses seront le lieu d’action des seules banques d’affaires et des différents investiteurs institutionnels. Il sera interdit aux banques de dépôt et d’épargne d’accéder aux Bourses. De même qu’il sera interdit aux fonds spéculatifs quels qu’ils soient d’accéder aux Bourses.
Il faut rétablir au travers d’une législation adaptée le concept de la fonction sociale du crédit, qui est un principe juridique et politique.
Les sociétés internationales de notation doivent être bannies de l’Europe : on mettra ainsi fin au pilotage international de la spéculation. Les lois doivent réguler toutes les activités off-shore : de cette façon, on frappera au coeur le recyclage et les malversations financières. Les paradis fiscaux, comme c’est bien connu, ne servent pas seulement à frauder le fisc, mais sont surtout utiles à la criminalité organisée. Les banques et les Bourses qui utiliseraient ces paradis fiscaux (ce qui est actuellement une pratique généralisée de toute la finance mondiale), seront immédiatement « suspendues », comme cela se fait normalement quand survient un truquage de l’offre à but spéculatif. Les instruments financiers spéculatifs Over the Counter (autrement dit, en dehors de tout contrôle institutionnel) devront être mis hors-la-loi.
Les aides publiques aux banques privées seront interdites.
Le principe du « Too big to fail » (trop gros pour faire faillite) devra être déclaré illégal, car la privatisation des profits et la socialisation des pertes, qui est aujourd’hui le principal mot d’ordre du système bancaire, condamne les peuples à être pris en otage.
Tout cela (et bien d’autres choses) doit commencer par l’introduction d’une politique européenne de redistribution des revenus à travers un système fiscal équitable et accepté par tous. Cela implique l’abrogation du Pacte budgétaire européen qui constitue le sommet de l’injustice et de l’usurpation de la souveraineté.
Nous savons bien que cette perspective se heurtera à une résistance terrible et à toutes sortes de réactions. La Banque centrale européenne répète en permanence qu’il n’y a pas de « plan B » et que l’on doit continuer avec l’euro tel qu’il existe actuellement. Si nous continuons dans cette direction, il faudra construire des ilots de défense, sous la forme d’alliances européennes entre les pays les plus touchés. Que ce soit pour affronter le désastre social, ou pour éviter de se retrouver par exemple face à une Allemagne qui, poussée par un égoïsme populiste, déciderait seule de sortir de l’euro, entrainant avec elle une partie de l’Europe accrochée à son wagon. Ce serait une décision dramatique qui signerait non seulement la fin du rôle européen de l’Allemagne, mais surtout le futur de la prospérité de cette même Allemagne, occasionnant de graves dommages au peuple allemand et à l’Europe tout entière, et entrainant des répercussions à l’échelle mondiale.
Un « retrait dans l’ordre », défensif, du système actuel est tout à fait possible. Il convient de l’opérer avec conviction et surtout en calculant correctement les rapports de force. Une des options consiste à créer un « Eurosud », qui permettrait à la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la France, et aux autres pays dits « faibles » ne faisant pas partie actuellement de l’Eurozone de se soustraire au coup de massue qui leur est infligé actuellement, de surcroit dans des conditions d’instabilité prolongée. Une autre option est celle d’une transformation de l’euro en monnaie de compte international, en lui enlevant sa nature de monnaie-marchandise, et en utilisant les systèmes internes de Clearing pour réguler les rapports du commerce interne européen et ceux entre la zone euro et le système international. Existe aussi l’option de l’introduction d’un commun accord de monnaies nationales qui s’appuient sur l’euro, de façon à permettre une relance de l’intervention publique, à encourager la demande locale, et à favoriser une phase de reprise économique et sociale. D’autres options existent sans doute. Il faudra parmi elles choisir celle qui génèrera le moins de sacrifices pour les classes de travailleurs, c’est-à-dire pour l’écrasante majorité des populations. Nous devons toutefois garder en mémoire que la crise de l’euro, au-delà des « défauts techniques » qui l’ont déclenchée, n’est rien d’autre qu’une accélération de la crise d’identité de la politique européenne, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Dans ce cadre d’incertitude généralisée qui s’accompagne de tensions croissantes à l’échelle mondiale, les peuples européens sont laissés à eux-mêmes au beau milieu du gué. La faillite des majordomes est en train de se transformer en tragédie sociale, et bientôt, en effondrement de la démocratie en Europe.
Il faut donc que chaque mesure d’urgence s’appuie sur le soutien des masses populaires. La défense du travail est l’objectif principal, afin de soutenir le tissu social et d’empêcher les patrons universels de transformer la crise en lutte entre les plus pauvres. Défendre le travail, les investissements, les entreprises, sans réduire les revenus, signifie réduire les horaires de travail à salaire égal.
Défendre le tissu social et stimuler la consommation de façon rationnelle signifie aussi – mais pas seulement – introduire un « revenu d’existence ».
Dans l’immédiat, il convient de prévoir d’une part des mesures législatives et financières qui permettent le renforcement de la participation des travailleurs à la direction de l’activité économique, et celle des citoyens à la gestion de la collectivité et des biens communs à travers le développement de formes coopératives, d’associations en participations, de consortiums d’entreprises, d’entreprises autogérées, et de répartition des profits ; et d’autre part, la publication de dispositions d’urgence qui permettent aux employés d’une entreprise en difficulté d’en reprendre la gestion. Un autre volant particulièrement et immédiatement efficace sera celui de la relance de l’agriculture, la fin de l’exploitation spéculative des terres cultivables, la requalification du patrimoine boisé, son extension et sa protection, accompagné de crédits adaptés ; et aussi, l’interdiction absolue d’utiliser, sur le territoire de l’Union, et même sous forme expérimentale, les Organismes génétiquement modifiés (OGM), les désherbants et engrais chimiques, en les remplaçant par des produits naturels.
Il faut une politique énergétique qui réduise la dépendance aux autres pays, et qui contribue à la réduction du réchauffement global, à travers des investissements massifs consacrés au développement de la recherche scientifique en privilégiant en particulier l’emploi des jeunes : des missions aussi urgentes que stratégiques.
Les immenses ressources individuelles et intellectuelles doivent être mises à contribution, plutôt que celles financières et purement économiques. La principale richesse européenne est sa culture et son patrimoine en termes de compétences et d’expérience, qui doit être protégé et mis au service du bien commun. Le temps individuel, celui libéré du travail inutile pour des biens de consommation inutiles, doit être dirigé vers des buts collectifs, mutualistes et de solidarité. Il faut introduire une nouvelle échelle de valeurs dans les lieux de formation culturelle et intellectuelle. Le système des médias, de la communication, de l’information doit être remis entre des mains démocratiques et publiques, les seules à même d’aider des millions d’individus isolés et mutilés par la manipulation à sortir de la domination de la consommation, et à revenir à une pensée en termes de cohabitation civile, de solidarité et de justice.
L’année 2014 sera décisive pour le destin des peuples européens. Les auteurs de ce manifeste estiment donc fondamental de lancer immédiatement un processus constituant pour une Nouvelle Europe.
Cette Europe a été soumise à ce qu’on appelle la Gouvernance, qui n’est rien d’autre qu’une série d’instruments destinés à extorquer la souveraineté des États. Lesquels ont été placés sous le contrôle du système bancaire international, et soumis au chantage de la dette publique démesurément amplifiée, et qu’ils ne sont plus en mesure de maitriser. Les États ont été transformés en Stakeholders subordonnés. Et en tant que membres d’une alliance militaire qu’ils ne pouvaient contrôler, ils ont été doublement colonisés.
Soit nous brisons les chaines de la soumission, soit cette Europe sera toujours plus appauvrie et entrainée dans des aventures militaires et néocoloniales qui sont en opposition flagrante avec ses intérêts de protagoniste majeur, et avec les intérêts des peuples et de la démocratie en général.
Les auteurs de ce manifeste se proposent de lancer une contre-offensive contre une telle agression et sont convaincus que pour cela, il faut en urgence donner naissance à un processus constitutionnel pour une Nouvelle Europe.
Pour toutes ces raisons, les institutions européennes actuelles ne pourront en aucun cas être les seuls acteurs politiques et juridiques à participer au processus destiné à promouvoir une nouvelle Constitution européenne. À ce nouveau processus, devront participer les acteurs-clefs que sont les sociétés civiles, autrement dit, les peuples européens.
À l’heure actuelle, la seule institution européenne relativement démocratique est le Parlement européen. Le renouvellement de l’Assemblée prévu lors des élections de 2014 est une occasion à ne surtout pas perdre.
Les auteurs de ce manifeste invitent urgemment toutes les forces politiques qui prendront part à cette consultation électorale, et qui partagent en substance les principes et les propositions énoncés plus haut, à former une coordination transnationale afin de placer au Parlement de Bruxelles et de Strasbourg un groupe significatif de parlementaires porteurs de cette plateforme. Dans le même temps, nous souhaitons la création d’un « Forum social pour la Constituante européenne », une organisation transnationale qui en appelle aux citoyens, groupes, associations, comités, forces politiques, représentants institutionnels, et qui s’autoconvoque pour définir lors d’une première phase les principes dont devra s’inspirer la future Constitution européenne, et pour promouvoir toutes les initiatives médiatiques, sociales et politiques permettant d’imposer ces propositions dans le débat public européen.
Les dirigeants européens ont jusqu’à aujourd’hui construit une trajectoire constitutionnelle contre la volonté des peuples, et dont le premier effet fut celui de démolir le projet européen de paix. Ils ont failli en termes de légitimité et de démocratie, et ont aggravé la crise. Des mesures d’urgence ont été prises sans aucune approbation par les peuples. A plusieurs reprises, les peuples ont été empêchés de s’exprimer. Des mesures répressives sont actuellement en phase d’élaboration dans toute l’Europe, en prévision de fortes tensions sociales. La formation du corps de police militarisé européen, « Eurogendfor », autorisé à intervenir dans chacun des États membres, est la preuve d’une grave détermination des pouvoirs européens à gérer l’affrontement social par la violence.
Eurogendfor doit être démantelée.
Les dirigeants actuels voudraient émettre certaines réformes des traités avec encore plus de coercition, sans qu’il ne soit aucunement prévu de les soumettre au jugement populaire. Nous affirmons que des réformes d’une telle importance ne peuvent pas être décidées sans le consentement des peuples, et qu’aucun État ne peut être contraint à des décisions qu’il ne partage pas.
La situation qui ne devra pas se représenter est celle dans laquelle les peuples ont dû s’exprimer par référendum, mais se sont retrouvés face à des centaines de pages écrites par des lobbyistes dans un langage compréhensible seulement pas des spécialistes.
Des décisions de niveau continental ont été débattues de manière confuse, par chamailleries, sans aucun esprit européen, ou bien n’ont tout simplement pas été débattues.
Les normes constitutionnelles doivent être exprimées dans un langage simple. Les peuples d’Europe doivent pouvoir décider sur la base de textes compréhensibles qui leur permettent de choisir entre plusieurs options clairement définies.
Le lieu institutionnel que nous proposons doit être le plus large, représentatif et institutionnellement équilibré possible : il s’agit d’une « Convention » préliminaire où seront représentés les parlements nationaux et celui européen, les délégués des sociétés civiles, mais à laquelle participeront également les Chefs d’États et de gouvernement, ainsi que celui de la Commission européenne. L’assemblée ainsi constituée aura pour mission d’élaborer une déclaration de principes.
Cette déclaration sur les principes fondamentaux devra indiquer les pouvoirs octroyés à l’Union, et définir les principes de représentation à l’intérieur des institutions européennes, ainsi que les règles de vote.
À ce stade, chacun des États membres pourra accepter ou pas, la charte des principes de base en fonction de sa propre Constitution. Les électeurs devront pouvoir élire leurs représentants nationaux respectifs pour la Seconde Convention qui, à partir des principes de base, rédigera le texte final. C’est seulement ainsi que l’on pourra légitimer les décisions. Jusqu’à maintenant, nous avons fait tout le contraire, voire, n’importe quoi.
La seconde phase de la Convention ne pourra pas remettre en cause les principes fondamentaux. Elle devra donc soumettre le texte à une cour constitutionnelle spéciale qui en évaluera la conformité juridique. Tous les juges des hautes cours de chaque État membre devront en faire partie. Le texte final produit pas la Convention devra être approuvé par référendum populaire dans tous les États membres.
C’est un parcours qui ne fixe pas une seule issue possible. Mais les auteurs de ce Manifeste avancent dans le même temps certaines suggestions pour cette nouvelle conception institutionnelle de la Nouvelle Europe :
La Commission européenne, qui représente la synthèse des aspects les plus négatifs de la technocratie et du lobbyisme, sera abolie.
Le Conseil européen et le Conseil des ministres européens devront converger vers une institution européenne unique pour tout ce qui touche aux aspects communautaires (Politique étrangère et de défense commune).
Les sujets relevant actuellement de la compétence du Conseil des ministres européens devront revenir en grande partie au niveau de chaque État ou à celui du Parlement européen.
Comme on le comprend dans ce qui précède, il est à prévoir que tous les peuples de l’actuelle Union européenne ne voudront pas nécessairement continuer à en faire partie. Ou bien, certains voudront faire une pause de réflexion, en fonction de contraintes ou de restrictions qui pourraient ne pas correspondre à leurs intérêts, ou qui se révèleraient incompatibles avec leur propre Constitution.
Le traité sera valide seulement pour les parties consentantes, mais devra permettre aux autres (ou à celles seulement partiellement consentantes) de participer à toutes les activités dans les domaines où une vision commune aura été établie.
Nous croyons en une Europe de solidarité, polycentrique, intégrée, pacifique, qui travaille à effacer les différences économiques et sociales en son sein. Notre Europe devra se doter d’un gouvernement démocratique et d’une Banque centrale qui applique la politique des gouvernements, et non le contraire. Les États qui décideront d’en faire partie ne devront pas être considérés comme les actionnaires minoritaires d’une entreprise. Ce sont des États souverains qui délèguent une partie de leur propre souveraineté exclusivement à un niveau de gouvernement, lui-même démocratiquement élu, chapeautant les gouvernements qu’il est appelé à coordonner.
Il faudra, plutôt que l’OTAN comme actuellement, mettre en place une armée européenne dont l’objectif sera non pas d’intervenir dans une guerre globale, mais de défendre les territoires des États de l’Union en cas de menace locale prouvée. Cette armée devra par ailleurs se consacrer à prévenir et à affronter les menaces réelles qui pourraient frapper les populations en cas de catastrophes naturelles de tous types, ou d’urgence humanitaire, qui sont les seules menaces réelles du présent et du futur. Une armée européenne qui, pour les raisons indiquées plus haut, devra revenir à des formes de conscription nationale obligatoire. C’est seulement après la formation d’une armée européenne autonome que pourront être lancées des négociations avec les membres demeurés dans l’OTAN et avec la Russie, pour la création d’un nouveau système de sécurité continentale.
Le Parlement européen doit devenir l’organe démocratique central de l’organisation institutionnelle européenne, le lieu où seront prises les décisions politiques fondamentales. Dans cette perspective, après une transition de cinq ans, le Parlement européen devra pouvoir dénoncer directement le gouvernement européen, et éventuellement émettre une motion de censure à son encontre.
Nous sommes convaincus que seule une Nouvelle Europe démocratique peut servir de pilier à la cohabitation pacifique dans le monde multipolaire du XXIe siècle.
Pour pouvoir jouer un rôle de paix et de détente, la Nouvelle Europe devra être forte et autonome dans ses décisions. Le schéma « ennemi ou ami » qui caractérisait la Guerre froide est maintenant dépassé. La Nouvelle Europe, ainsi définie, n’a plus d’ennemis.
Son premier objectif doit être de construire des relations durables d’amitié et de coopération stratégique à 360 degrés, puisque toute guerre globale signifierait la fin de l’humanité tout entière. Les États-Unis, d’alliés-protecteurs privilégiés qu’ils ont été, doivent devenir les amis dans une nouvelle alliance basée sur la parité avec l’Union européenne. La Russie, qui a besoin de l’Europe, et qui malgré les différences de régime politique, est déjà fortement interconnectée avec elle, est notre plus grand voisin, et nous ne pouvons qu’être amis. L’Europe doit la considérer comme un partenaire stratégique, partie intégrante de la sécurité indivisible de l’Europe. La Chine et l’Inde sont des protagonistes importants pour affronter la crise historique que traverse la planète. Sans elles, il n’existe aucune solution réaliste. Sept milliards d’individus ont le droit d’accès aux ressources disponibles. Il n’y a pas d’alternative si l’on veut un futur de paix. C’est cela, la seule voie que nous connaissions. Toute autre signifierait obligatoirement aller vers la guerre.
Signataires :
- Alternativa
- Agostino C. Alciator
- Bruno Amoroso
- Gilberto Borzini
- Pino Cabras
- Gian Paolo Calchi Novati
- Francesco Caudullo
- Giulietto Chiesa
- Gaetano Colonna
- Alberto Conti
- Pierfrancesco De Iulio
- Laura Di Lucia Colletti
- Roberto Germano
- Pierluigi Fagan
- Margherita Furlan
- Nando Ioppolo
- Daniele Mallamaci
- Giampiero Obiso
- Piero Pagliani
- Orazio Parisotto
- Alessandra Pisa
- Roberto Quaglia
- Franco Romano
- Simone Santini
- Ivano Spano
- Fabrizio Tomadoni
(traduit de l’italien par IlFattoQuotidiano.fr – version italienne ici)
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