Source : https://stop-ttip.org/fr/blog/commerce-et-migration-ttip-tafta/
de Cornelia Reetz
Ne seraient-ce que ces deux dernières semaines, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont arrivées en Europe. Certaines d’entre-elles fuient la guerre, la persécution et les violations des droits de l’homme – en Syrie, au Yémen, en Irak et ailleurs. D’autres fuient dans l’espoir d’une vie meilleure en Europe. Mais ce dont presque personne ne parle est que le TTIP/Tafta renforcerait l’afflux des migrants. La politique commerciale unilatérale de l’UE et de ses partenaires occidentaux a déjà eu de graves répercussions sur les pays en voie de développement, et au lieu de réformer cette politique commerciale de manière à améliorer les conditions vie des populations ayant tendance à migrer, l’UE et les États-Unis ont l’intention de sceller cette politique par le biais du TTIP/Tafta et d’autres accords commerciaux similaires, avec des conséquences désastreuses.
Accès plus difficile aux marchés de l’UE et des États-Unis
Pour beaucoup de pays en développement, l’exportation de produits agricoles et de matières premières fait partie des sources de revenu les plus importantes. Si les Etats-Unis et l’UE se mettent d’accord pour réduire les tarifs douaniers sur les produits agricoles, les prix vont baisser. Les produits venant de pays tiers deviendront automatiquement moins compétitifs, ce qui aura un impact direct sur leurs producteurs.
Les multinationales contre les fermes paysannes
Par le biais du TTIP/Tafta, l’UE et les Etats-Unis prévoient une harmonisation des normes et régulations qui vont de fait s’aligner sur celles freinant le moins le commerce, donc les normes les moins contraignantes; dans le domaine agricole et alimentaire cela aura par exemple un impact négatif sur l’étiquetage des OGM, sur la longueur de la liste des pesticides autorisés ou sur leurs seuils résiduels limites. Ceci favorise évidemment l’agriculture industrielle qui peut ainsi réduire ses coûts de production. En même temps, les agriculteurs européens reçoivent des subventions, qui leur permettent de réduire encore davantage les prix de leurs produits. Dans de nombreux pays émergents ou en développement, les agriculteurs et notamment les petits producteurs ne sont guère capables de résister à cette spirale de prix vers le bas et sont obligés d’abandonner leur activité. En Afrique de l’Ouest par exemple, le marché de la volaille a été envahi par de grandes quantités de viande bon marché et subventionnée (souvent des morceaux de poulets qui sont considérés comme déchets chez nous), les prix ont été cassés, et de très nombreux éleveurs de poulets ont été évincés du marché. Ce problème serait aggravé par le TTIP/Tafta. Pourtant, ce sont exactement ces petits producteurs qui sont si important pour lutter contre la faim et la pauvreté dans les pays en développement et dans les pays émergents. Et ce sont précisément ces petites structures que le système actuel du commerce international détruit, ôtant au passage aux populations leurs moyens de subsistance.
Renforcement d’un système malade
Dans les années 1990 et 2000, les pays en développement et émergeants ont été forcés de libéraliser leurs marchés de biens, de services et d’investissement dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ainsi que sous l’influence du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale. Dans la même période, ces pays n’ont pas pu obtenir pour leurs produits de bonnes conditions d’accès aux marchés des nations industrialisées. Il n’y a que lors du dernier cycle de négociation de l’OMC que les pays du Sud ont réussi à résister à davantage de libéralisation. De ce fait, le cycle de Doha, débuté en 2001, n’a toujours pas été conclu. Actuellement les pays industrialisés tentent de contourner le problème et prennent leur revanche en concluant de plus en plus d’accords de commerce bilatéraux, c’est à dire ne concernant que deux pays ou un groupe de pays. Ainsi, un pays en voie de développement est soit totalement exclu, soit est seul dans une négociation bilatérale et ne fait donc pas le poids. Les pays en voie de développement n’ont d’autres choix que de rester dans leur vieux rôle de fournisseurs de matières premières et de main-d’oeuvre bon marché.
Le système économique mondial détruit les moyens de subsistance des populations
Lorsque des ressources naturelles sont exploitées sans aucune restriction il en résulte une destruction de l’environnement et des violations des droits fondamentaux. Les revenus tirés de ces exploitations vont directement dans la poche des investisseurs étrangers, et non des populations locales. Ajouté à cela, le changement climatique touche durement les plus pauvres des pauvres, alors qu’il a été causé par nos modes de vie occidentaux. Les événements météorologiques extrêmes tels que les sécheresses et les inondations sont des catastrophes pour les habitants des campagnes, qui n’ont aucun moyen de s’adapter à ces conditions. Le TTIP/Tafta est l’expression d’une volonté de préserver un ordre économique mondial centré sur une croissance économique débridée et la libéralisation des marchés, alors même qu’il est clair que ce modèle est responsable du changement climatique, du pillage des ressources naturelles et des destructions qui l’accompagne.
Conclusion
Le TTIP/Tafta poursuit une politique commerciale qui a contribué à l’augmentation de la pauvreté et de la misère dans les pays émergeants et en développement. La destruction des moyens de subsistance d’une partie des populations du Sud est un des nombreux facteurs responsables des migrations – sans parler des guerres qui peuvent trouver leurs racines dans la répartition inégale des richesses. Lorsque l’on sème la pauvreté et les inégalités, on récolte des réfugiés. Ceci est encore une raison de plus pour rejeter le TTIP/Tafta et les accords similaires !
Image: Ulys, http://www.ulystrations.com/?Pilleurs
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