9 avril 2022 (18H25) – Il faut bien dire un mot pour l’ouverture de la chasse, demain 10 avril, quand la perspective est celle d’un intense désordre, d’une radicalité bien dans l’ordre des “temps-devenus-fous”. Ils ne pourront plus dire que la France “est en retard”, “est rétive”, qu’“elle piétine”, qu’“elle atermoie”, qu’“elle rechigne”, qu’“elle est en repli”, qu’“elle est frileuse”, qu’“elle est réfractaire” en se référant au Gaulois du même nom, – par rapport au reste du monde et aux autres nations. Au contraire, la France est largement dans le flux dominant : désordre, fureur, crises diverses, insurrection contre sa classe dirigeante ; mais surtout “désordre, fureur, crises diverses, insurrection contre” son actuel dirigeant.
Macron est, dans sa personne et dans son illégitimité, ce que ses amis Anglo-Saxons et américanistes désignent comme “a perfect storm”. Toutes les catastrophes en même temps, à la fois tsunami, ouragan, inondation et incendie de forêt, et tout cela en un remarquable laps de temps, très court, absolument tranchant. En... Quoi, trois-quatre semaines ? – il nous les a fait toutes, scandales, écarts de langage, conceptions arrogantes et insultantes, atonie souverainiste et posture insultante, irresponsabilité assumée sinon revendiquée. Il présente le modèle archétypique de la corruption de la modernité-tardive : à la fois corruption vénale, corruption politique, et énorme corruption psychologique.
Du coup, bon, je trouve que notre avocat-national Régis de Castelnau, porteur d’un nom si glorieux, a bien entortillé l’affaire. Son cri : “Tout sauf Macron !” se comprend aisément et se décline avec grâce et élégance. Il en est, fort bellement pour mon goût, à rêver d’une sorte d’“union nationale” anti-Macron, sinon antiSystème, y compris et surtout après l’éventuelle défaite du freluquet. Le symbole est notable puisque Castelnau est de gauche et qu’il montre ainsi qu’il n’y a plus rien à faire à s’attarder aux anciennes étiquettes dès lors que l’adversaire principal sinon unique est ainsi complètement identifié.
« Alors, il faut être réaliste ce sera Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, la première étant en avance dans les sondages de premier tour et bénéficiant de meilleures prévisions pour le deuxième.
» Mais peu importe, l’un ou l’autre s’il l’emporte, ne pourra gouverner seul et devra nécessairement construire des alliances permettant enfin au bloc populaire de se structurer et surtout de peser à nouveau sur la marche du pays. Et prétendre qu’il y a un danger fasciste avec l’une, et un danger bolchevique avec l’autre est simplement grotesque. L’autoritarisme liberticide, il est actuellement au pouvoir avec “l’extrême centre” et son incarnation. »
Maintenant, je vais proposer mon souhait qui ne s’arrange pas d’un vote mais qui s’exprime en termes militaires, et en prenant comme base de départ la situation la plus probable après ce premier tour, celle que Castelnau prend en compte. Bonne fille, mon intuition me souffle qu’il faut une victoire tactique et tatillonne au sortant, qui serait une défaite stratégique majeure pour lui. (Le fameux diptyque antagoniste mais complémentaire tactique-stratégie, comme à La Marne.)
Je ne joue certainement pas à “Madame Soleil” (célèbre voyante radiodiffusée des années soixante), mais je définis ce que je crois être une issue idéale. Cela n’engage en rien, ni un choix ni un souhait partisans de ma part, ni une prospective sérieuse, mais la recherche d’une situation qui impliquerait une “victoire catastrophique” de Macron (disons 50,2% des voix), avec un bon stock d’abstentions ; et les 49,8% devraient aller à Le Pen et à son RN gonflé aux stéroïdes. L’emploi du conditionnel permet de bien fixer l’aspect complètement fictionnel de ma démarche.
Pourquoi la Marine ? Encore une fois ni par choix partisan ni rien de cette sorte, mais parce que son parti est hyper-sous-représenté dans le système électoral et que le risque d’une telle issue aux législatives pour le parti d’une candidate à 49,8% constituerait déjà, en soi, une crise de régime pour tout le monde avec menaces d’insurrection populaire, et spécifiquement pour Macron. Là-dessus, admettons qu’on mette en urgence quelques sparadraps sur ce système de votation de façon à arriver tout de même à des législatives, – où le LREM en lambeaux serait totalement minoritaire, et qu’aussitôt se formerait d’elle-même une forte majorité diversifiée en partis divers mais solidement anti-Macron. On serait placé devant la nécessité d’une “cohabitation” insupportable pour Macron, et que l’opposition devrait d’ailleurs rendre d’autant plus insupportable par des exigences catastrophiques pour ce président-là reconduit dans un océan d’illégitimité. Il y aurait alors une impasse d’autant plus probable et souhaitable que la majorité anti-Macron serait disparate et difficile à rassembler sur un programme stable. Il y aurait d’autres secousses (dissolution éventuellement), mais ne faisant qu’accroître la tension et radicaliser les positions.
Tout cela se ferait au milieu d’un formidable concert d’imprécations, de pressions, de fureurs et d’approbations au niveau européen, sinon transatlantique alors qu’Ukrisis se poursuivrait à un rythme infernal, dans une France absolument déchirée vis-à-vis de ces conditions internationales. Le but de cette anticipation est d’installer en France une atmosphère de communication révolutionnaire qui pèserait de tout son poids sur les structures de ce qu’on nomme l’“État profond”, c’est-à-dire les diverses structures bureaucratiques qui restent pour l’instant hostiles à tout changement profond. Un départ en catastrophe (démission sous la menace des fourches caudines & populaires, etc.) du président fraîchement réélu serait alors à considérer, qui authentifierait la rupture nécessaire pour le régime. L’“État profond” serait mis sur la défensive et verrait sa puissance et sa cohésion radicalement réduites, par la nécessité imposée d’un changement de régime.
Je pense tout cela parce que je crois qu’une hypothétique défaite de Macron, pour l’un ou l’autre adversaire, laisserait le vainqueur devant une tâche quasiment impossible au regard des divers freins et sabotages bureaucratiques qu’il rencontrerait (“État profond”). Ce dont a besoin la France n’est pas d’une pseudo-“alternance” avec le départ légal de Macron, mais d’une rupture avec le départ forcé d’un Macron fraîchement réélu mais blessé à mort. Je ne crois pas une seconde que ce Macron-là ait le caractère et la force, ni même l’influence par les prébendes et les privilèges, d’imposer un régime autoritaire dans un tel chaos dont il a lui-même accouché. Je crois que Macron est déjà grillé et qu’il importe enfin de faire de sa chute un événement cathartique qui puisse donner tout ce qu’il peut pour emporter le régime de totale corruption et de paralysie de la pensée qu’il a mis en place.
Cela dit, bon... C’était mon côté « Rêvons un peu » (Sacha), c’est-à-dire une méditation tout à fait irresponsable et sans la moindre prétention politologique. Comme toujours, ma seule référence est la GrandeCrise, dans laquelle je pense que la France doit jouer un rôle. Je pense et je crois avec force qu’une rupture telle que je la conçois serait un événement profondément bouleversant, qui autoriserait, par des moyens politiques à trouver, à ouvrir des voies telles qu’on pourrait, qu’on devrait envisager des choix révolutionnaires et déstructurants, principalement en politique extérieure (du genre “retrait de l’OTAN” en pleine crise-Système, mise en cause radicale de l’UE, etc.). Je pense et je crois que la politique extérieure et souveraine est le domaine essentiel où la France trouvera la force de se rétablir selon les courants révolutionnaires “en marche” (!), – et il y en a déjà beaucoup.
En attendant, et cessant par conséquent de rêver, on peut et on doit lire Castelnau qui nous présente une exhortation absolument acceptable et compréhensible. J’apprécie particulièrement la description qu’il fait de l’évolution “climatique” d’Ukrisis dans la situation générale en France ; notamment ce « Les délires russophobes occidentaux ont commencé à trouver leurs limites ». Cette remarque indiquerait effectivement que la machine à fabriquer des mensonges comme décrite avec une incroyable impudence par les sources productrices elles-mêmes s’est emballée et qu’elle commence à tourner à vide.
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