samedi 2 avril 2022

Evguéni Grichkovets : Je ne suis pas Charlie. J’ai peur.

 Я не Шарли!

13/01/2015

Je partage avec vous cet article écrit par l’auteur, metteur en scène et comédien Evguéni Grichkovets dans son journal hier. Point de vue venu d’un autre pays.

Cliquer pour voir l’original de l’article en russe.

Evguéni Grichkovets
Evguéni Grichkovets

“Bonjour !

Ceci est mon premier article en 2015.

Je ne suis pas Charlie !

L’année commence très mal. Horriblement mal ! Aucun être humain doté de raison n’attendait de cette année rien de bon, mais il y avait comme un sentiment ou un espoir, que la page lourde de l’année précédente allait se tourner et que nous pourrions recommencer à zéro… L’espoir que la nuit porte conseil.

Raté ! Et l’ancre sanglant qui gribouillait les années passées a transpercé les pages et a souillé celle qui était encore toute blanche.

Je suis profondément triste et presque désespéré au sujet de ce qui s’est passé en France. Je suis horrifié par les attentats sanglants de Paris, faits avec un tel sang-froid, triste et presque désespéré de ce qui a suivi…

Le journal télévisé du monde entier a transmis et retransmis encore et encore l’homme blessé couché par terre, qui à son malheur se tourne et regarde le terroriste armé qui s’approche de lui. Tout va très vite. L’homme couché lève la main comme pour se protéger de la mort qui va sur lui… Une balle, sa main tombe, et l’homme s’immobilise de manière à ce qu’on n’aie plus aucun doute quant à ce qui vient de se produire. Un instant plus tard, le terroriste enjambe celui qu’il vient de tuer, pour avancer.

Mes enfants ont vu ses images. Ils se sont tus devant l’horreur et le simplicité de la mort sur l’écran de télévision, filmée dans une rue quelconque en plein jour. Ma fille, les yeux pleins de larmes, m’a dit : “Papa, il avait levé la main, pour se protéger… Sans défense, si naturellement… N’importe qui ferait ça… Quelle tristesse !… Quelle horreur !… Impossible de voir ça. Pourquoi est-ce qu’ils nous montrent ça ?”

C’est là – dans ce geste, sans défense et si humain, dans cette tentative de se protéger avec sa main de la kalachnikov et de la mort – le cauchemar et le sens de ce qui vient de se passer à Paris. Là, l’horrible symbole de la rencontre entre l’homme et l’inhumain.

Après nous avons suivi, incapables de s’arracher de l’écran de la télévision, les actions sans défense de la police française, à qui les terroristes – l’avaient-ils fait par hasard ou exprès – ont laissé une pièce d’identité, telle une carte de visite. Nous avons vu gendarmes, voitures de police, hélicoptères, forces spéciales françaises équipées à la Dark Vador, escaladant un mur… Nous avons entendu la prise d’otages au supermarché cacher…

Nous avons entendu le détail de comment avaient été tués les malheureux de la rédaction maudite de Charlie Hebdo. Nous avons appris qu’avant de tuer leurs victimes, les terroristes leur avaient exigé de dire leurs prénoms. Nous n’aurons pas assez d’imagination pour reproduire le sang-froid et cette cruauté sans limites, qui animaient ceux qui ont commis ces actes. (Je ne dis pas “ces hommes” car l’on ne peut pas les nommer ainsi).

Nous avons vu les parisiens sortir dans les rues peu après l’attentat. Ils se sont réunis place de la République. Les gens ne pouvaient pas rester chez eux. Les gens avaient envie de fuir la solitude, voir les autres, être ensemble. Ils ne pouvaient pas rester chez eux, en face-à-face avec la terreur et la peur…

Et après a commencé ce qui m’a accablé, affligé, désespéré davantage. C’est-à-dire les commentaires et les conclusions des leaders européens, journalistes, ainsi que simples européens à qui l’on donnait la parole pour la retransmettre aux actualités… Le dimanche 11 janvier des millions de gens sont sortis dans les rues de toutes les villes françaises, dirigés par les chefs d’états et diplomates du monde entier. Les médias ont annoncé la plus grande mobilisation qui ait jamais eu lieu.

Je regardais. J’écoutais. Je lisais les affiches dans les mains des gens… Et je me sentais étouffé et profondément seul. A des moments répugné, même…

Quelqu’un portait un panneau avec les paroles d’Imagine de Lennon, et l’on comprenait que celui qui le portait ne réalisait point ce qui venait de se produire, ce qui se passait ce jour-là et à quelle époque il vivait. Beaucoup avaient des stylos et des crayons pour souligner leur solidarité avec les morts de l’hebdomadaire Charlie. Ils étaient encore plus nombreux à porter des feuilles avec Je suis Charlie écrit dessus, et un très très grand nombre portaient des messages de type Je n’ai pas peur, nous n’aurons pas peur, n’ayez pas peur etc ...

Les leaders européens débitaient énergiquement qu’il s’agissait là d’une tentative de frapper la liberté d’expression et les libertés en général, les valeurs européennes… Ils assuraient que la liberté d’expression n’allait en devenir que plus forte, la société européenne s’unir et se renforcer, et les valeurs européennes prendre de la valeur. Les parisiens pour illustrer ce qui se disait formaient des foules inouïes, se serraient les uns contre les autres et remplissaient rues et places…

Il m’était déjà arrivé de voir dans de nombreux théâtres des mauvais acteurs dans de mauvais spectacles. C’est une expérience désagréable, mais une expérience quand même.

J’étais écœuré de voir François Hollande, comédien sans talent, qui peinait à dissimuler sa joie face à ce qui était en train de se passer. Ce 11 janvier était sa journée, comme si l’on avait organisé une fête à un acteur de deuxième rang, et qu’il avait enfin la chance d’être au centre de l’attention de tous et de jouer un nouveau rôle. Par moments il en oubliait de jouer celui qui porte le deuil. Et quand il le jouait, il n’arrivait pas bien…

Son discours à la nation ce jour-là ressemblait à un discours électoral déplacé, fait de slogans et d’appels, sans la moindre tentative de réfléchir sur ce qui s’était passé, d’avouer ses erreurs et sa faute directe d’avoir mal dirigé, d’avoir joué un jeu dangereux avec les islamistes dans son pays et ailleurs, pour la faiblesse et l’incompétence des forces spéciales, pour l’amalgame dans les cerveaux et la confusion dans la société française, où l’extrême-droite prend de la force et fait jouer de ses muscles, et les gay-prides sont plus célébrés que la prise de la Bastille.

J’attendais n’importe quoi du leader de la France ce jour-là, mais pas cette bêtise pathétique. J’attendais de lui ce que nous les naïfs, nous attendons des européens…

Je voulais entendre quelque chose de sensé de qui que ce soit, quelque chose qui donne l’espoir que des conclusions sérieuses seraient faites de ce qui s’était passé, et surtout, que les prises de position totalement dépassées et bêtes sur l’état du cauchemar que traverse le monde actuel seraient révisée… et que des mesures seraient prises… Des mesures nécessaires depuis longtemps.

Mais non ! Je n’ai entendu rien de cela.

Or à Paris les terroristes avait remporté une victoire écrasante et terrifiante. Je pense même qu’ils ne s’attendaient pas à obtenir un tel succès avec de si petits moyens.

Comme ça fait peur !

Réfléchissons un peu … Les terroristes avaient intelligemment et cyniquement choisi pour cible le journal et les gens que peu de musulmans regretteraient, vu leurs caricatures arrogantes et fondamentalement voyous. Ces caricatures du Prophète n’ont pas de sens, c’est une insolence qui n’a aucun rapport à la liberté d’expression. Ces dessins sont une insulte à n’importe quel musulman, leurs auteurs n’avaient aucune chance d’être compris par le côté musulman de la société. Les caricatures avaient donc été une insolence sans adresse.

Ces malheureux ne sont pas morts pour la liberté d’expression, mais parce qu’ils ont été une cible pratique dans ce jeu inhumain que mène le terrorisme islamique. Qui et où tuer, c’est sans importance pour les terroristes. Cette fois-ci c’était plus intéressant de tuer les gens de Charlie.

Les terroristes ont calmement, avec sang-froid, tué tous ceux qu’ils voulaient tuer, se sont laissés filmer par les caméras et les smartphones, et se sont enfui en plein jour et en plein centre de la capitale au pays de la Liberté. Ils ont laissé leur identité dans la voiture volée, ils ont mis en scène une course poursuite en direct, ils sont restés des heures assiégés de centaines de gendarmes, des hélicoptères les ont survolés… Ils ont donné l’interview au téléphone et dit au monde entier exactement ce qu’ils voulaient dire. Tous ont appris leurs noms, leurs portraits ont été sur tous les écrans. Et puis ils sont morts comme ils l’avaient choisi, arme à la main. Ils ont fait tout ce que voulaient ceux qui les avaient préparés, de la manière prévue.

Un autre terroriste au même moment a pris des gens en otages dans un supermarché cacher – autrement dit juif – ayant au préalable tué une femme-policier. En d’autres termes, il a démontré qu’il n’avait pas simplement pris en otage des gens dans n’importe quel magasin, mais dans un supermarché cacher, il avait pris en otages ceux qu’il lui avait fallu, là où il l’avait voulu, et qu’en général il avait fait tout comme il l’avait planifié. Il a tué quatre. On lui avait donné la parole au téléphone comme il l’avait souhaité, et il est lui aussi mort comme il l’avait voulu.

Au final Paris a réuni des délégations de toute l’Europe et du monde entier, et des millions de gens sont sortis dans les rues. C’est une victoire terrifiante du terrorisme tel qu’il est. Il est improbable que les terroristes aient prévu un tel succès.

Mais cette victoire terrifiante, et cette défaite, doivent être reconnues ! Reconnues avec sérieux et rigueur. Elles doivent être reconnues en connaissance de ce qui se passe, de cette guerre qui dure depuis longtemps. Il faut les reconnaitre pour comprendre à quelle conscience cruelle, sombre, absolument impitoyable, subtilement intelligente et inhumaine nous avons affaire.

Il faut que les européens reconnaissent publiquement et qu’ils se le disent à eux-mêmes, que les terroristes n’ont pas frappé la liberté d’expression, la liberté en général et les valeurs européennes, qui sont fondamentalement communes à toute l’humanité. Ils ont frappé l’organisation hypocrite et moralisatrice de la société des pays européens dits développés. De la société qui ne croit plus depuis longtemps en ce qu’elle proclame.

Ils ont frappé la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et ainsi de suite, où des quartiers, des arrondissements entiers et parfois des villes sont désormais arabes. Ce n’est pas hier qu’ils le sont devenus. La géographie de ces quartiers s’étend avant tout parce que les français et les allemands originaires de ces quartiers et ces villes les quittent, fuyant leurs voisins musulmans, ne voulant pas mettre leurs enfants aux écoles avec des copains majoritairement musulmans, se tenant en général à l’écart des étrangers. On peut les comprendre… Ces étrangers-là ne veulent pas s’intégrer, respecter et protéger les lois et les valeurs qui leur sont étrangères à eux-mêmes.

Mais comment comprendre ceux qui, tout en fuyant les voisins musulmans, prônent le multiculturalisme et la tolérance ? Comment comprendre ceux qui évitent de s’aventurer dans les quartiers arabes de Bruxelles ou de Marseille, alors qu’ils s’efforcent de se montrer en européens patients, tolérants à tout, et aimant tout et tous jusqu’aux bouts des ongles ?!

Comment comprendre ça ?

C’est très simple : c’est hypocrite et moralisateur.

Mais primo, cette hypocrisie ne peut pas être cachée aux voisins musulmans, et secundo, elle est bien visible aux terroristes, qui tuent pour tuer.

La politique migratoire européenne ne peut être considérée que comme bigoterie et hypocrisie, elle flirte avec son public tolérant et son électorat musulman grandissant, mais elle ne contient pas un brin de bon sens, d’évaluation de situation réelle, ni même de sentiment élémentaire d’auto-protection.

C’est cette politique insensée et sauvage qui a créé les conditions pour que les désespérés des pays terriblement pauvres d’Asie et d’Afrique du Nord tentent d’atteindre les côtes européennes par tous les moyens, excepté les moyens légaux. Ils se noient et meurent de soif sur les petites barques et les ferries, étouffent dans les cales, les citernes et les conteneurs en essayant de traverser la Méditerranée, ils escaladent les murs et se tuent au courant électrique qui traverse les barbelés qui clôturent les enclaves espagnoles au Maroc. Ils le font parce qu’ils savent – s’ils traversent ce mur et cette mer, ils ne seront pas renvoyés.

Qui a inventé ce parcours d’obstacles sauvage et mortel, cette épreuve inhumaine ? Ce sont les européens civilisés et tolérants qui l’ont fait. Comment comprendre ?

Et pourquoi ceux qui ont surmonté une telle horreur et une telle humiliation devraient-ils apprécier et respecter les règles de jeu et les lois du pays où ils sont venus en passant par cet enfer ? D’autant plus qu’ils se sont échappés de l’enfer organisé pour beaucoup par ces mêmes pays européens.

C’est hypocrite et moralisant de ne pas remarquer la crise non pas mûrissante mais bien mûrie depuis longtemps déjà, crise d’idées sur l’évolution de la société telle qu’elle est devenue en ce dernier quart de siècle. Société dans laquelle des strates entières – sociales et nationales – ne se font pas confiance, se méprisent voire se haïssent ouvertement.

Des millions de gens sortis dans les rues pour déclarer qu’ils n’ont pas peur, qu’on ne leur fera pas peur. C’est ce qui était écrit sur les feuilles de nombre d’entre eux. Par ailleurs, cette manifestation d’une ampleur sans précédent était surveillée par des forces sans précédent de policiers et gendarmes… C’est bien ça ! Ceux qui avaient conçu et organisé les atrocités inhumaines ont dû bien jubiler en regardant leur télé. Ou bien regardaient-ils ce spectacle par la fenêtre… Qui sait ?

Ces monstres que la conscience humaine ne peut pas comprendre… Monstres remplis de cruauté et des ténèbres ont dû être bien fiers en voyant cette quantité de gens apeurés dans les rues de Paris. Les gens qui ne sont même pas capables de s’avouer que ce qui les a fait sortir, c’est le sentiment, normal et évident, de peur. La peur est de réaliser que la mort venant des mains de terroristes n’existe pas seulement à la télé, elle n’est pas à Manhattan le 11 septembre, pas de l’autre coté de la mer en Syrie, Irak ou Lybie, elle n’est pas au Pakistan ni à Makhatchkala, ni même dans le métro londonien… La mort est tout près dans la rue voisine, la mort a la nationalité française, la mort parle français… La mort vit tout à coté…

Les parisiens et les touristes ont eu besoin ce 11 janvier de se trouver bien serrés dans la foule à coté des autres. Ils ont eu besoin de voir et de s’assurer qu’ils ne sont pas seuls dans leur peur. Les gens ne pouvaient pas rester chez eux, sentir combien leurs maisons ne les défendaient pas, combien leur pays, ainsi que ce modèle échu du monde à l’européenne, ne les défendaient pas.

Si les français sentaient que leurs maisons sont leurs forteresses*, que Paris était la capitale des libertés authentiques et entièrement protégées et de la dignité insoumise, s’ils étaient confiants en la force de leur pays, leur président et leur gouvernement, convaincus de l’inviolabilité de leurs valeurs européennes (j’insiste sur le mot inviolabilité) – ils ne seraient pas venus en si grand nombre dans les rues de leurs villes et de leur belle capitale humiliée par les terroristes.

Quand au grand nombre de musulmans descendus dans la rue, ils ont eu peur non seulement des attentats terrifiants mais du risque que l’islamophobie se renforcerait, que jaillirait la haine pour n’importe quel musulman. Ils se sont empressés de dire à tous qu’ils n’avaient rien à voir avec les autres islamistes radicaux. Ces gens-là ont eux aussi eu peur de rester dans leurs habitats… Même si les caricatures de Charlie Hebdo n’avaient pas pu ne pas outrager leur sentiment religieux.

Les gens marchaient dans Paris. Je regardais leurs visages, accroupi devant ma télé. Le désarroi était sur leur visages, les yeux de beaucoup d’entre eux étaient grand ouverts. Les gens combattaient la terreur et la peur en se serrant les uns aux autres. Comme pour se réchauffer lorsqu’il fait très froid. Ils s’encourageaient. Ils portaient des petits papiers qui disaient qu’on ne pouvait pas leur faire peur… Et des snipers protégeaient cette manifestation des toits des immeubles.

Si j’étais à Paris dimanche dernier, je serais moi aussi descendu dans la rue. J’aurais pris une feuille moi aussi. Sur cette feuille, il serait écrit : Je ne suis pas Charlie, mais j’ai peur !

Je n’ai pas fait de caricatures du Prophète, mais j’ai peur car les terroristes tuent n’importe qui.

J’ai peur que vous… Vous tous qui êtes descendus manifester n’avez rien compris… N’avez pas compris ce qui s’était passé et ce qui passait ce jour-là. Vous n’acceptez pas que votre société soit faible et hypocrite, et que vos leaders n’aient pas de volonté et soient incapables de vous protéger.

J’ai peur que vous ne vous réunissiez plus jamais comme ça… Parce que si, Dieu nous en garde, de nouveaux attentats sanglants éclatent, vous vous cacherez dans vos maisons et vous chercherez le soutien de vos proches, et vous perdrez ce qui reste de la confiance pour votre état. Ou bien vous irez combattre vos voisins et vos concitoyens musulmans.

J’ai bien peur que vos politiciens gagnent des points grâce à cette histoire et qu’ils profitent de cet atout le moment venu.

J’ai surtout peur qu’à cause de votre hypocrisie et votre bigoterie toute la couverture-patchwork européenne, et nous-mêmes y compris d’ailleurs, nous devenions encore plus divisés devant le danger et le gouffre qui pour l’heure vient tout juste de vous effleurer, vous envoyant à Paris seuls quelques terroristes.

Mais je n’étais pas à Paris. Je suis assis à mon bureau en train d’écrire ces lignes. Je comprends que les européens n’entendrons pas mes paroles, tout comme moi je n’ai rien entendu d’intelligible des européens. Je suis triste et presque désespéré.

Je suis terriblement triste pour ceux qui ont été pris pour cibles à la rédaction de Charlie. Horriblement triste pour les clients du magasin cacher que le destin a choisi ce jour-là. Triste pour toutes les victimes de cette 2015 qui vient de commencer. Et je suis inconsolable pour ceux qui ont été explosés dans les derniers jours de 2013, et pour les policiers de Grozny tués juste avant la fin de 2014. C’est aussi leur sang qui a traversé la page de l’année passée pour tacher celle de la nouvelle année. Simplement les parisiens ne le savaient pas et ne le sauront pas. Leurs médias, si pour autant ils ont mentionné ces évènements, l’ont fait au passage et sans dissimuler leur joie. Cette joie qui n’avait pas été cachée sur Internet.

Je suis triste et terrifié à l’idée que la France et l’Europe ne vont pas reconnaître leur faiblesse et ne passeront pas à l’action. Pour les terroristes tous ces discours et ces manifestations sont d’un lyrisme bête. A qui les français voulaient-ils dire quelque chose le 11 janvier dernier ? Aux terroristes ? C’est inutile. Les terroristes ne comprennent que la force et rien d’autre. Pour eux, il n’y a rien d’humain. Rien !!!

Napoléon Bonaparte que les Français apprécient et dont ils sont fiers a dit cette phrase : On peut gagner une bataille mais perdre la campagne, on peut gagner une campagne mais perdre la guerre !

Or les Français ne reconnaissent pas leur défaite et la victoire sanglante des terroristes… Ils ne veulent pas non plus reconnaître qu’ils sont en guerre… Ils ne veulent pas reconnaître leur faiblesse. Mais les terroristes se moquent de savoir si les Français reconnaissent ou pas leur faiblesse. Ils la voient. Et ils n’ont pas de pitié pour la faiblesse. Ils sont sans pitié en général…

Et je ne suis pas Charlie car je n’accepte pas que les malheureuses victimes soient transformées en héros et l’étendard de la liberté d’expression. Ces gens sont simplement victimes malheureuses, choisies cyniquement pour mourir. Ils ne sont pas morts pour leurs convictions, mais parce qu’ils ont été le trophée le plus visible et le plus intéressant dans ce jeu terrifiant.

Je ne suis pas Charlie… J’ai peur ! Je ferme les yeux et je revois encore et encore l’homme sur le trottoir – machinalement, naturellement, sans défense, simplement et… très humainement – se protéger avec sa main contre la kalachnikov. Ce geste désespéré n’a rien d’hypocrite. Dans ce geste il y a tout l’espoir d’être sauvé.

Je ne suis pas Charlie. J’ai peur.

Votre Grichkovets”

Traduction d’Ania Stas, © Appendre-le-russe-avec-Ania.fr

* Ma maison est ma forteresse / Moï dom maïa krépast’ = Мой дом – моя крепость. Proverbe russe qui veut dire “ma maison, ma famille sont fortes et je m’y sens à l’abri de tout danger”.

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