samedi 21 avril 2018

[Lutte contre le management] LE MONDE LIBRE #1 - LE MANAGEMENT NOUS DETRUIT-IL ? / THE FREE WORLD 1 - DOES THE MANAGEMENT DESTROY US?






Ajoutée le 14 mars 2018



« Le management nous détruit-il ? » Avec ses invités, Aude Lancelin y évoquera le management, cette nouvelle religion du néolibéralisme, qui a envahi nos vies, nos entreprises, nos administrations. Invités : Nicolas Silhol, réalisateur du film « Corporate » François Bégaudeau, écrivain Séverine Leloarne, professeur à Grenoble Ecole de management Vincent Cespédès, philosophe Faites un don pour financer cette émission ici : https://www.lemediatv.fr/faire-un-don Le Média est en accès libre grâce aux Socios, rejoignez-les ! https://www.lemediatv.fr/user/login Abonnez-vous sur nos réseaux http://bit.ly/LeMedia_YouTube http://bit.ly/LeMedia_Twitter http://bit.ly/LeMedia_Facebook http://bit.ly/LeMedia_Instagram https://discord.gg/Yz9jekW Rejoignez nos Socios pour aider à sous titrer les programmes du Média : https://discord.gg/sTyuY37

Même Poutine critique la Russie / Same Putin criticizes Russia




Par Andrew Korybko – Le 6 mars 2018 – Source Oriental Review

President Vladimir Putin 2018 presidential address
Le président Vladimir Poutine

La « glorification politiquement correcte » par les médias alternatifs de tout ce qui est lié à la Russie est une réponse « bien intentionnée »mais instinctive à la russophobie rampante des médias traditionnels ; elle génère néanmoins une vision « trop parfaite » et donc inexacte du pays, vision qui contredit la réalité et qui a été démystifiée par nul autre que le président Poutine lui-même.

Mal comprendre la Russie

Le discours du président Poutine à la nation la semaine dernière a naturellement attiré l’attention des médias internationaux, les médias traditionnels intensifiant leur campagne incessante de peur en exagérant et en décontextualisant ses déclarations  sur le programme d’armes hypersoniques russe pendant que les médias alternatifs se pâmaient devant l’annonce du président et la présentaient comme un autre « mouvement d’échecs de haute volée » mettant pour toujours un terme aux agressions de l’Amérique à l’étranger selon le « plan directeur » de leur héros. Les deux réactions sont hyperboliques à leur manière et se fondent sur l’attrait de leurs publics respectifs. Les MSM ont intérêt à pousser le récit de la « menace russe » parce qu’il renforce la paranoïa autour du « russiagate » et « justifie » le budget militaire gargantuesque de Trump qu’il a dévoilé plus tôt dans le cadre de sa politique étrangère América First centrée sur le Pentagone. En ce qui concerne la communauté des médias alternatifs, beaucoup de ses membres occasionnels, des personnalités officielles et ses outils de communications (qui ne dépendent pas des financements publics) ont déjà « déifié » le président Poutine, ces deux derniers faisant appel aux fantasmes de « vœux pieux » des masses désespérées pour rester pertinent en renforçant la « massification » de leur pensée de groupe .
Ni les MSM ni les médias alternatifs, cependant, n’ont accordé beaucoup d’attention à la majeure partie du discours du président axé sur les questions nationales, car ils semblent tous être arrivés indépendamment à la même conclusion que ces sujets ne sont pas assez « sexy » pour leur auditoire et n’intéressent que les Russes en Russie. En un sens, la Russie aurait pu esquiver une balle parce que le discours de son chef pourrait être exploité par les MSM de la même manière que la partie sur les armes hypersoniques. Dans le même temps, cependant, l’argument peut également être avancé que des médias alternatifs ont par inadvertance privé leur auditoire d’entendre parler de faits, de citations et de stratégies clés qu’ils ne connaîtraient pas autrement s’ils n’avaient pas lu la transcription de ce vaste discours, mais qui aurait pu leur donner une vision plus précise du pays que beaucoup d’entre eux ont jusqu’alors placé sur un pied d’égalité avec le « paradis». C’est dans l’intérêt de tous de rapporter et d’analyser des faits objectifs, quelles qu’en soient les conséquences sur notre propre perception de la Russie. C’est ce que la présente analyse va faire.

Pourquoi les médias alternatifs se trompent-t-ils sur la Russie?

La Russie, comme n’importe quel pays du monde, n’est pas « parfaite », mais tout comme l’objet du désir de chacun, ses adeptes ont tendance à la voir ainsi malgré tout, surtout s’ils n’en sont pas eux-mêmes citoyens mais plutôt attirés par elle pour des raisons géopolitiques ou simplement comme une déclaration d’opposition de principe aux politiques de leur pays d’origine. Quelle qu’en soit la raison, et il n’est pas pertinent dans ce contexte d’effectuer une psychanalyse de cette tendance, le résultat final est que beaucoup de gens à travers le monde apprécient vraiment les efforts de la Russie pour forger un ordre mondial multipolaire plus juste et plus honnête que la version unipolaire qu’elle cherche à remplacer. Cela se passe souvent en négligeant certaines des réalités désagréables du pays. C’est le plus souvent dû à une combinaison de dissonances cognitives dont le refus d’accepter que leur « modèle » déifié ne règne pas sur le « paradis ». C’est même une action délibérée pour éviter de tomber involontairement dans la russophobie dominant le débat général. Pour « noble » que cela puisse être ou ne pas être, cela a néanmoins alimenté une industrie artisanale en ligne en expansion qui décrit à tort la Russie comme n’ayant aucun problème.
Ce récit artificiel est devenu viral au point qu’un nombre croissant de personnes dans la communauté des médias alternatifs y adhère comme s’il s’agissait d’une « religion » avec ses propres « églises » (certains sites et forums) ; ses « prêtres » (écrivains et promoteurs) ; ses « congrégations » (leurs frères « croyants ») ; et des «païens » (ceux qui par « sacrilège »remettent en question le « caractère sacré » de « l’infaillibilité » de la Russie). Il n’y a rien de « mal » intrinsèquement à cela tant que les « membres de la secte » gardent leurs croyances pour eux et ne font pas de « prosélytisme ». Mais c’est un vrai problème quand ils essaient d’imposer leurs points de vue agressivement et/ou tentent de les disséminer comme des « vérités » indiscutables qui forment axiomatiquement la base des relations internationales. La perception déformée de la Russie qui commence à prendre forme dans la communauté des médias alternatifs en raison de la popularité grandissante de cette « religion laïque » (provoquée dans une large mesure par la russophobie des médias) doit être corrigée avant qu’elle échappe à tout contrôle et crée une réalité alternative complètement détachée de la vie réelle. Si ceux qui veulent vraiment comprendre et aider la Russie n’ont pas une idée précise de ce qu’elle est, alors leurs plans et leurs efforts ne serviront à rien.

Prenez-la telle qu’elle est

Les témoignages personnels de Russes et d’étrangers vivant dans le pays à propos de certaines lacunes de l’État ne sont pas non plus efficaces pour communiquer la vérité, car ils sont simplement qualifiés de « propagande Soros » de « fausses nouvelles » ou de « préjugés ». Les reportages factuels sur les médias russes financés par des fonds publics comme TASS ne sont pas non plus suffisants dans cette tâche. La seule façon de détruire la pensée dogmatique et finalement dangereuse de l’infaillibilité de la Russie qui s’est emparée de la communauté des médias alternatifs est d’utiliser les propres mots du président Poutine pour démonter ce faux récit une fois pour toutes, car il s’ensuit que les « croyants » sont forcés d’accepter tout ce que leur « divinité » leur dit, peu importe à quel point ils résisteraient autrement si le message venait de quelqu’un d’autre. En conséquence, étant donné la richesse des documents présentés dans le récent discours marquant du président Poutine à la nation et l’attention mondiale que cet événement a produit, il convient de citer l’homme lui-même en attirant l’attention sur certains des problèmes du pays qui sont complètement ignorés par la Communauté des médias alternatifs.
Il devrait être préfacé que le texte qui va suivre se concentrera intentionnellement sur les critiques constructives que le président Poutine a faites au sujet de son pays afin de sensibiliser sur la situation réelle en Russie, même si le chef du pays a énuméré de manière impressionnante une quantité stupéfiante de faits et de stratégies en prouvant que beaucoup de progrès ont déjà été faits depuis le début du siècle. Afin de ne pas «prêcher avec la chorale » et en comprenant que l’auditoire des MSM ne lira probablement jamais cette analyse, il a été décidé de pratiquer une « thérapie de choc » en citant les passages du discours du président Poutine qui vont paraître probablement «surprenants » et « incroyables » aux masses des lecteurs des médias alternatifs qui ont «déifié » l’homme et proclamé son pays « parfait ». Encore une fois, l’intention est de rétablir la vérité sur la Russie afin que ceux qui en suivent les affaires puissent se faire une idée précise de la réalité dans laquelle elle opère. Accepter ses lacunes est essentiel pour comprendre ses limites actuelles et prévoir ainsi ses actions les plus probables à l’avenir.
Après avoir écarté ces « mises en garde » voici les messages les plus « politiquement incorrects » et « sacrilèges » que le président Poutine a transmis dans son dernier discours et qui brisent puissamment les illusions des médias alternatifs sur « l’infaillibilité » de la Russie.

Plus de procrastination

Extrait :

« Nous n’avons pas le droit de permettre qu’une situation, lorsque la stabilité a été atteinte, conduise à l’autosatisfaction, d’autant plus qu’il reste tant de problèmes non résolus (…). Il est grand temps de prendre un certain nombre de décisions difficiles qui se font attendre depuis longtemps. Nous devons nous débarrasser de tout ce qui entrave notre développement et empêche les gens de libérer pleinement leur potentiel. »

Interprétation :

La Russie tarde depuis trop longtemps à faire le nécessaire et ne peut pas se permettre plus longtemps ce gaspillage inutile. Les jours de procrastination en raison de la complaisance perçue (l’apathie, parfois liée au trait culturel russe de « avos ») sont terminés, et le pays doit le reconnaître avant qu’il ne soit trop tard.

Source: Kremlin.ru
Source: Kremlin.ru

La Russie « prend du retard »

Extrait :

« Il ne s’agit pas de conquérir ou de dévaster notre terre. Non, le danger n’est pas là. La principale menace et notre principal ennemi est le fait que nous sommes à la traîne. Si nous sommes incapables d’inverser cette tendance, nous le serons encore plus. C’est comme une maladie chronique grave qui ruine constamment l’énergie du corps et le détruit progressivement de l’intérieur. Bien souvent, le corps ne s’aperçoit pas de ce processus destructeur. »

Interprétation :

Les ennemis extérieurs ne sont plus la menace principale de la Russie, car ils seront tenus à distance par l’armée nationale et ses armes hypersoniques récemment dévoilées qui ont rétabli l’équilibre stratégique mondial. Au lieu de cela, la principale menace pour le pays est son manque de développement. La Russie n’a pas su saisir l’occasion de capitaliser sur les nouvelles tendances et, par conséquent, elle prend du retard. Si on ne corrige pas cette trajectoire, elle sera détruite avant même de savoir ce qui lui est arrivé.

La structure de l’emploi est brisée

Extrait :

« Nous devons revoir la structure de l’emploi, devenu inefficace et archaïque, proposer de bons emplois qui motivent les gens, améliorer leur bien-être et les aider à découvrir leurs talents. Nous devons créer des emplois décents et bien rémunérés. »

Interprétation :

La Russie a de manière étonnante sorti des millions de personnes de la pauvreté et réduit le chômage, mais les emplois tenus par ses citoyens ne les inspirent pas suffisamment pour réaliser leur potentiel, à la fois personnellement et économiquement. Toute la structure est cassée et doit être réformée.

Les retraités sont aussi pauvres qu’ils sont supposés l’être

Extrait :

« Nous nous efforcerons également de réduire l’écart entre le montant des pensions et les salaires des pré-retraités. »

Interprétation :

Les retraités vivent dans la pauvreté et luttent pour maintenir un niveau de vie respectable.

L’espérance de vie en Russie est encore en dessous de celui des pays du G7

Extrait :

« L’espérance de vie a augmenté de plus de sept ans et se monte actuellement à 73 ans. Mais bien sûr, ce n’est pas suffisant non plus. Aujourd’hui, nous devons nous fixer un tout nouvel objectif. D’ici la fin de la prochaine décennie, la Russie doit rejoindre avec confiance le club des pays affichant une espérance de vie de 80 ans et plus, qui comprend le Japon, la France et l’Allemagne. »

Interprétation :

Les Russes ne devraient pas se satisfaire de vivre maintenant plus longtemps que durant les chaotiques  années 1990, alors que l’espérance de vie n’était que de 65 ans et que celle des hommes tombait en dessous de 60 ans, mais ils devraient aspirer à atteindre ou dépasser celle de leurs homologues du G7 s’ils veulent vraiment donner un avenir meilleur à la nouvelle génération.

Le logement est trop cher et le système est corrompu

Extrait :

« La rénovation urbaine devrait être soutenue par l’introduction de techniques et de matériaux de construction de pointe, de solutions architecturales modernes, de technologie numérique pour les services sociaux, les transports et les services publics. Entre autres choses, cela rendrait le secteur du logement plus transparent et plus efficace, de manière à ce que les gens bénéficient de services de qualité à un coût raisonnable. »

Interprétation :

Il n’est pas suffisant de construire de nouvelles et meilleures maisons pour les Russes, mais ce processus doit être plus « transparent » (un euphémisme pour « sans corruption ») et les gens ne doivent pas payer les « yeux de la tête » pour acheter une maison et utiliser les services publics. De plus, tout doit être efficace, ce qui n’est pas le cas en ce moment, sans quoi le président n’insisterait pas sur ce point.

Les bureaucrates locaux ignorent la volonté du peuple et doivent être tenus pour responsables par leurs électeurs

Extrait :

« Bien entendu, beaucoup dépendra des autorités municipales et locales, si elles seront réceptives aux idées nouvelles. La capacité de répondre aux divers besoins des différentes générations, y compris les familles avec enfants, les retraités et les personnes handicapées, sera également déterminante. La population doit avoir son mot à dire sur l’avenir de ses villes et villages. Nous en avons discuté à maintes reprises avec les dirigeants des municipalités. Aujourd’hui, je ne dis pas cela uniquement pour cocher la case. Je vous demande de le porter à l’attention des décideurs à tous les niveaux. »

Interprétation :

Le président Poutine sait qu’il n’est qu’un homme seul et que ses paroles ne peuvent pas faire grand chose dans un pays qui a hérité de l’époque communiste de millions de bureaucrates sans scrupules, dont beaucoup travaillent encore dans les structures de l’État et ont même enraciné leurs mentalités obsolètes et contreproductives dans la «culture de leur lieu de travail ». La Russie ne se développera pas et ne rattrapera pas l’Occident (et de plus en plus l’Asie) au rythme dont elle a un besoin urgent, à moins que la population ne prenne ces faits en considération en faisant plus que simplement voter. Ils doivent recourir à une pression « ascendante » lorsque cela est nécessaire.

Il n’y a pas assez de Russes propriétaires de leur propre maison

Extrait :

« Je comprends combien il est important pour chacun, pour chaque famille, d’avoir sa propre maison, son propre foyer. Je sais que c’est le problème des problèmes en Russie. Il perdure de décennie en décennie. Combien de fois les gouvernement ont promis et essayé, sincèrement essayé, de le résoudre. Mais nous pouvons et nous devons le faire maintenant (…) Je vois trois facteurs clé pour rendre le logement plus accessible. Le premier est l’augmentation des revenus des gens. J’en ai déjà parlé dans le passé et nous devons nous en assurer. Ensuite, une baisse des taux d’intérêt et, bien sûr, une augmentation de l’offre sur le marché du logement. »

Interprétation :

Les Russes, comme n’importe qui d’autre dans le monde, rêvent d’avoir leur propre foyer et de quitter leurs parents une fois qu’ils atteignent un certain âge ou se marient. C’est malheureusement très difficile à faire, surtout à Moscou et dans d’autres grandes villes en raison des coûts excessifs, de la rémunération inadéquate de leurs emplois, du dysfonctionnement du système financier et de la corruption endémique qui aggrave la situation.

Le système financier doit être réparé

Extrait :

« En décembre, le taux d’intérêt moyen en roubles est descendu pour la première fois en dessous de 10%. Nous savons bien sûr que les conditions de prêt sont individuelles et peuvent différer d’un emprunteur à l’autre. Mais nous devons continuer à réduire le taux d’intérêt à 7%-8%. Nous avons eu de longues discussions sur le chiffre que je devrais énoncer ici. Je suis sûr que le chiffre que nous devons viser devrait être 7%. Ces six prochaines années, les prêts hypothécaires doivent devenir accessibles à la majorité des familles russes, aux travailleurs et aux jeunes professionnels. »

Interprétation  :

Les taux d’intérêt sont prohibitifs pour la majorité des Russes, ce qui les empêche de contracter des emprunts, ce qui a un impact négatif sur leurs habitudes de dépenses pour stimuler l’économie par le biais des achats de consommation et dans l’immobilier, par exemple. Le système financier doit donc être réparé afin de rendre les prêts plus accessibles à la population et stimuler une croissance économique stable dans le pays, car cela pourrait aider à résoudre certains des problèmes que la Russie connaît actuellement dans le logement et dans d’autres domaines.

L’impôt foncier est injuste et hors de prix

Extrait :

« Je propose aussi de réviser l’impôt foncier des particuliers. Il doit être juste et abordable. Certaines personnes, y compris celles qui sont dans cette salle, ont essayé de me convaincre que cet impôt devrait être basé sur la valeur de la propriété sur le marché. Ils m’ont dit que recourir à l’évaluation désuète du Bureau de l’inventaire technique est un anachronisme. Mais il s’est avéré en réalité que la valeur cadastrale, qui devrait être comparable à la valeur marchande, la dépassait souvent de loin. Ce n’était pas prévu dans l’accord. Et les gens ne s’attendaient pas à cela de nous. Nous devons revoir le mode de calcul de l’impôt ainsi que celui de la valeur cadastrale de la propriété. D’une manière ou d’une autre, elle ne doit pas dépasser la valeur réelle du marché. Toutes les décisions sur ce plan doivent être prises sans délai au cours du premier semestre de cette année. »

Interprétation :

Qu’il s’agisse de corruption, d’inertie bureaucratique inepte, d’inefficacité, d’incompréhension d’une loi bureaucratique complexe ou autre, l’impôt foncier que les citoyens doivent payer est évidemment excessif et ne correspond pas à la valeur marchande du bien. Cela a provoqué beaucoup de frustration parmi la population et de ressentiment envers les autorités, sapant la confiance du public dans l’État. Si la Russie veut développer et élargir son marché du logement en le rendant plus accessible à la personne moyenne, elle doit également améliorer également cette question.

Les conditions de circulation sur les routes locales sont « complètement inacceptables »

Extrait :

« Nous avons restructuré les routes fédérales. Maintenant, nous devons moderniser les routes régionales et locales. Je ne parlerai pas des chiffres ici, mais je les connais. C’est un fait que les routes fédérales ont été en grande partie rénovées. La situation est un peu moins bonne pour les routes régionales et elle est totalement inacceptable pour les routes locales. »

Interprétation :

La connectivité est l’un des mots à la mode du XXIe siècle et si la refonte des routes fédérales par la Russie lui permettra de relier plus efficacement l’Europe occidentale à l’Asie de l’Est, la situation des routes régionales et locales est encore problématique. Ces dernières laissent en effet beaucoup à désirer, ce que le président Poutine considère comme « totalement inacceptable » et qui doit être traité le plus rapidement possible.

Les liaisons aériennes intérieures doivent être améliorées

Extrait :

« Nous rénoverons et étendrons le réseau d’aéroports régionaux dans toute la Russie. Dans six ans, la moitié des régions seront reliées les unes aux autres par des vols directs. La situation où il fallait prendre une correspondance à Moscou lorsqu’on voulait se rendre dans une région voisine appartiendra au passé. Nous y travaillons déjà. »

Interprétation :

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le président Poutine a raison : parfois les Russes doivent d’abord s’envoler vers Moscou pour se rendre dans une région voisine, ce qui peut sembler absurde mais reflète la réalité de la situation actuelle. Le gouvernement fait des progrès dans l’amélioration de cette situation, mais cela reste une situation très consommatrice de temps.

Le risque de stagnation des salaires publics

Extrait :

« Nous ne devons pas perdre les positions que nous avons déjà atteintes. Je me réfère au niveau des salaires. Les salaires du secteur public doivent continuer à augmenter, ainsi que la qualité du travail et les compétences des personnes travaillant dans la santé, l’enseignement et d’autres domaines qui définissent le bien-être de la population. »

Interprétation :

Le président Poutine craint que les salaires publics ne stagnent, entravant ainsi la croissance du pays en privant ses employés publics de l’incitation dont la plupart des gens ont besoin pour améliorer la qualité de leur travail et de leurs compétences. Bien que non déclarée, la solution consiste pour l’État à engager plus d’argent dans cette sphère.

Certains changements administratifs dans les hôpitaux ont été désastreux

Extrait :

« Ces dernières années, nous avons optimisé le réseau hospitalier du pays. Cela a été fait pour proposer un système de soins efficace. Cependant, dans certains cas, je dois le dire aujourd’hui, trop de changements administratifs ont été introduits : des hôpitaux dans de petites villes et villages ont été fermés. Personne n’a proposé une alternative, et les gens ont été abandonnés pratiquement sans aide médicale. Le seul conseil qu’on leur donnait était : ‘Allez en ville pour recevoir un traitement’. Je dois dire que c’est inacceptable. Ils ont oublié l’essentiel : les gens, leurs intérêts et leurs besoins, des chances égales et la justice. »

Interprétation :

Presque aussi incroyable que de devoir parfois parcourir la moitié du pays en passant par Moscou pour atteindre une région russe voisine est le fait que certaines petites villes et villages n’ont pas d’hôpital. Les habitants sont au contraire forcés de se rendre ailleurs pour recevoir des soins de santé, et les autorités locales se moquent soigneusement de leur sort. Comme l’a dit le président Poutine, « c’est inacceptable » et cela va de pair avec son appel à ce que les gens demandent des comptes aux bureaucrates au-delà de la saison électorale.

Les défis environnementaux persistent toujours

Extrait :

« Nous avons renforcé les exigences environnementales pour les entreprises, ce qui devrait réduire la pollution industrielle. À partir de 2019, 300 entreprises industrielles ayant un impact négatif sur l’environnement devront se convertir aux meilleures technologies respectueuses de l’environnement disponibles et toutes les entreprises à haut risque environnemental devront le faire à partir de 2021. Nous nous sommes attaqués de nombreuses fois à ce problème, et chaque fois nos entreprises se plaignaient des difficultés que cela entraînait. Maintenant, il n’y a plus de retour en arrière. Je veux que tout le monde sache que nous ne retarderons plus ce programme plus longtemps. »

Interprétation :

La pollution est un problème en Russie, et le gouvernement semble avoir déjà cédé à la pression des entreprises en retardant l’application de diverses exigences. Cela ne se produira plus, et le président Poutine a clairement fait savoir qu’il était sérieux quant à l’application de nouvelles normes et sur la garantie qu’elles soient respectées à temps. Cela pourrait même être un message oblique à « l’oligarchie » qui exerce une énorme influence dans ce domaine.

Tout le monde n’a pas un accès fiable à l’eau potable

Extrait :

« Nous devons sérieusement améliorer la qualité de l’eau potable. Dans certaines petites villes, l’eau n’est accessible que quelques heures par jour. Nous devons utiliser les technologies de l’industrie de la défense pour régler ces problèmes. »

Interprétation :

Cela pourrait choquer certaines personnes, mais le fait est qu’une partie (vraisemblablement petite) des Russes n’a pas un accès fiable à l’eau potable, un problème associé de manière caricaturale aux pays de « l’hémisphère Sud ».

La naturalisation doit être plus facile à obtenir

Extrait :

« Je propose également de créer les conditions les plus confortables et les plus attrayantes pour que les jeunes gens talentueux issus d’autres pays puissent aussi s’inscrire dans nos universités. Ils viennent déjà étudier ici. Mais nous devons également créer les conditions pour que les meilleurs diplômés étrangers de nos universités travaillent en Russie. Cela s’applique pleinement aux scientifiques et aux spécialistes qualifiés étrangers. Je pense que nous devons sérieusement améliorer la procédure d’octroi de la nationalité russe. L’accent devrait être mis sur les ressortissants étrangers dont la Russie a besoin : des jeunes, en bonne santé et instruits. Pour eux, nous devons créer un système simplifié pour obtenir la nationalité russe. »

Interprétation :

La Russie a l’une des politiques migratoires les plus strictes au monde, ce qui l’a malheureusement empêchée de tirer profit des énormes talents étrangers qui arrivent chaque année dans le pays pour apprendre. Une fois que ces étudiants obtiennent leur diplôme, ils quittent la Russie pour la plupart et n’ont jamais l’occasion de revenir à moins d’avoir un visa touristique, ce qui est dommage pour ceux qui aiment sincèrement notre pays et veulent s’y installer. L’une des raisons pour lesquelles l’Occident a si bien réussi par le passé est qu’il a été capable d’intégrer avec souplesse les experts étrangers en leur offrant la citoyenneté, ce que la Russie a finalement compris qu’elle devait aussi faire.

La productivité du travail est toujours à la traîne

Extrait :

« Tout d’abord, il est important d’augmenter la productivité de la main-d’œuvre sur une nouvelle base technologique, gestionnaire et personnelle. Nous accusons toujours un retard important par rapport à cet indicateur. Il est nécessaire de faire en sorte que la productivité du travail dans les moyennes et grandes entreprises des industries de base, telles que la fabrication, la construction, les transports, l’agriculture et le commerce, augmente d’au moins 5% par an, ce qui nous mettra niveau des principales économies mondiales d’ici la fin de la prochaine décennie. »

Interprétation :

La transition de la Russie de sa dépendance ancienne aux exportations d’énergie vers une économie du secteur réel plus durable a déjà fait des progrès phénoménaux, mais son développement complet prendra encore un certain temps. Il est absolument impératif que le pays améliore sa productivité pour devenir compétitif avec les principales économies du monde et qu’il le reste, sinon il continuera à être à la traîne et à saper la vision globale du président Poutine d’une réforme socio-économique à la Trump en Russie.

L’économie de la Russie post-soviétique est encore trop contrôlée par l’État

Extrait :

« L’État doit progressivement réduire sa part dans l’économie. À cet égard, il convient de noter que celui-ci a repris un certain nombre d’actifs financiers dans le but de relancer le secteur bancaire. Ces initiatives vont dans la bonne direction et ont mon soutien. Cela dit, ces actifs doivent être mis sur le marché et vendus sans délai. »

Interprétation :

La Russie doit ouvrir son économie à l’investissement privé et permettre aux hommes d’affaires d’exercer plus d’influence sur la dynamique globale du pays. L’État a déjà fourni un soutien au secteur financier, mais il est temps que le gouvernement abandonne son contrôle sur ces actifs et les vende sur le marché libre dès que possible. Pour faire simple, l’économie russe doit être libéralisée plus tôt que plus tard.

Les fonctionnaires et les policiers corrompus intimident le monde des affaires

Extrait :

« Nous devons nous débarrasser de tout ce qui permet aux fonctionnaires corrompus et aux forces de l’ordre de faire pression sur les entreprises. Le Code pénal ne devrait pas servir d’outil de règlement des différends corporatifs. Ceux-ci devraient être soumis aux tribunaux administratifs et d’arbitrage. »

Interprétation :

En aucun cas, les fonctionnaires corrompus et les flics ne devraient abuser de la loi, surtout quand cela freine le développement économique. Cela crée un terrible précédent et est complètement contraire à tout ce que défend le président Poutine. La Russie ne peut améliorer sa position internationale à moins que cela ne change.

Les normes juridiques à double standard doivent disparaître

Extrait :

« En même temps, le droit pénal devrait être strictement appliqué dans le cas d’infractions portant atteinte aux intérêts des citoyens ou de la société, ou violant les libertés économiques. Je veux parler des infractions contre les biens et avoirs détenus par les citoyens, des prises de contrôle illégales, des violations du droit de la concurrence, de l’évasion fiscale et du détournement de fonds publics. »

Interprétation :

La corruption ronge l’efficacité de la Russie et lui coûte également des sommes d’argent incalculables qui pourraient autrement être investies dans l’économie pour le bénéfice de tous. Personne ne devrait jamais être au-dessus de la loi, mais malheureusement, certaines personnes l’ont été depuis un bon moment maintenant et c’est un problème si répandu que le président Poutine a utilisé cette tribune nationale pour y remédier.

Le gouvernement pourrait faire « beaucoup plus »pour aider les entreprises

Extrait :

« Maintenant, je voudrais m’adresser à tous les représentants des entreprises russes, ceux qui dirigent leur propre petite entreprise, une entreprise familiale ou une ferme, une entreprise innovante ou une grande entreprise industrielle. Je sais, je sais que nous avons encore beaucoup à faire. »

Interprétation :

L’un des thèmes principaux du président Poutine dans son discours a été de souligner que le gouvernement a finalement entendu les plaintes des citoyens et répondra à leurs problèmes. Les insuffisances structurelles qui ont retenu la Russie depuis l’indépendance ne pourront pas persister.

Certains fonctionnaires du gouvernement sont peu concernés et inefficaces

Extrait :

« Les fonctionnaires de tous les niveaux devraient être intéressés à améliorer leur efficacité et à se concentrer uniquement sur l’obtention de résultats concrets (…). Cette ligne de pensée devrait être utilisée pour reconstruire le système de service public, le cas échéant, et pour introduire des méthodes de travail par projet. »

Interprétation :

Le président Poutine a déclaré avec audace ce qu’aucun autre officiel n’oserait dire en public. Une partie du service public doit être « reconstruite » parce qu’elle est irrémédiablement déficiente. À cette fin, comme l’a suggéré le dirigeant russe, les fonctionnaires doivent absolument être plus concernés et plus efficaces.

Réflexions finales

Tous les messages ci-dessus, extraits et interprétations, donnent un aperçu brut de la situation réelle en Russie aujourd’hui, qui est celle d’une grande puissance qui monte, mais qui a néanmoins été freinée par de nombreuses difficultés intérieures dont certaines sont systémiques. Mais le président russe reconnaît finalement ce qui doit changer de toute urgence pour rattraper ses concurrents et réussir. Aucun des points soulevés ne devrait être un moyen de dénigrer la Russie, et personne ne devrait les exagérer pour adapter un récit décontextualisé sur son niveau de développement socio-économique, institutionnel et infrastructurel. Cependant, ces « faits gênants » ne devraient pas non plus être exclus de toute analyse objective sur le pays et ses capacités, car leur absence empêche les gens de trouver les solutions appropriées pour les corriger.
La Russie a parcouru un long chemin depuis 1991, mais elle a encore du chemin à faire, comme l’a souligné le président Poutine, et c’est justement à cause de son « incorrection politique » pour faire ressortir les problèmes de son pays qu’il est le mieux placé pour les affronter. Son exemple frappant, en abordant sans crainte les problèmes de la Russie, devrait servir d’exemple parfait à tous ses amis internationaux qu’il est tout à fait acceptable de critiquer de manière constructive le pays tant que ses intentions sont d’identifier ce qui ne va pas pour le réparer. Surmonter les différentes imperfections afin de faire avancer un récit hostile est inacceptable et manipulateur, mais si les médias alternatifs aspirent sincèrement à refléter exactement le véritable état des choses en Russie aujourd’hui, alors ils doivent inévitablement aborder ce sujet de façon mesurée et respectueuse.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographieGuerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
Liens
Une tragique actualité montre bien le travail à accomplir

Note du Saker Francophone

Décidément cet auteur est surprenant de sagesse et de recul. Même s'il a des accents libéraux dans son analyse sans soulever les dangers de prise de contrôle du pays par le fait économique, au détour d'une libéralisation économique mal maîtrisée, il est évident que la Russie a de la marge. Ce n'est pas non plus un facteur limitant car la mise aux normes d'un pays ayant un certain retard peut être une belle occasion de faire un saut qualitatif. C'est l'Allemagne que l'on sent baver devant le gâteau, mais pour l'instant le maitre atlantiste a dit « Au pied ».
Traduit par Hervé pour le Saker Francophone
source : http://lesakerfrancophone.fr/meme-poutine-critique-la-russie