À quelques jours d’une élection présidentielle dans laquelle il passe pour favori, Emmanuel Macron, chef de l’État français, président de l’Union européenne, jeune quadragénaire qui fut banquier, envoie les blindés contre le peuple – je n’écris pas son peuple car il n’entretient de relation que brutale et méprisante avec ce peuple qu’il n’a cessé, pendant cinq ans, d’avilir, de salir, de déprécier, d’insulter.
À ces blindés Macron ajoute sa police zélée qui, sous les ordres du fameux préfet Lallemand, tabasse l’un, vandalise la voiture d’un autre en brisant sa vitre, jette à terre un drapeau de la République, voire met en joue un automobiliste dont le véhicule se trouve serré place de l’Étoile, et noie tout ce monde-là dans un nuage de gaz lacrymogène !
Pendant ce temps, la manifestation en faveur des Traoré, bien connus par les services de police comme on dit, bénéficie de toute la bienveillance du pouvoir. On n’a jamais rencontré cynisme plus décomplexé sous la Cinquième république : le pouvoir offre ses « bravos ! » à ceux qui conchient le drapeau tricolore, et ses « salauds ! » à qui croit encore à sa valeur.
Mon prochain livre est consacré à ce président de la République ; il a pour titre Foutriquet : c’est le nom que les Communards donnaient à Thiers pendant la Commune.
Lors de la commémoration de ses cent cinquante ans, en 2021, ce même Macron a fait savoir que « Versailles » était plus que le nom de cette ville où s’était repliée la bourgeoisie de gauche - j’insiste : de gauche, car Thiers était un républicain de gauche et Galliffet, le massacreur des communards, participait à un gouvernement républicain de gauche sous Waldeck-Rousseau…-, parce qu’elle craignait pour ses privilèges. Pour lui, c’est le nom de ce que les maastrichtiens nomment aujourd’hui « le cercle de la raison », à savoir l’idéologie de ceux qui ont remplacé la question sociale par la question sociétale et qui aspirent à effacer la France de la carte pour noyer le pays dans l’État maastrichtien destiné à promouvoir le gouvernement planétaire duquel le peuple sera exclu au seul profit de prétendus techniciens de la gouvernance mondiale dont ils sont l’avant-garde éclairée bien sûr.
Macron qui ne perd pas une occasion de dire qu’il ne faut pas instrumentaliser l’histoire… ne perd pas une occasion de l’instrumentaliser – ici avec Benjamin Stora sur la Guerre d’Algérie, là avec Patrick Boucheron sur la haine de la France. De sorte que, quand il parle de la commémoration de la Commune, c’est encore pour instrumentaliser l’histoire bien sûr. Et comme toujours : à son seul profit confondu à sa réélection.
La Commune, sous son quinquennat, ce sont, selon lui, les Gilets jaunes qui auraient mis la démocratie en péril - du moins pour ce qui en reste sous son règne illibéral. On sait qu’au plus fort de la crise des Gilets jaunes, un hélicoptère l’attendait pour l’exfiltrer de l’Élysée au cas où la jacquerie aurait atteint son palais. On ignore si c’était pour se rendre à Versailles. De toute façon, ça ne pouvait pas être Baden-Baden, la ville est réservée à qui a rencontré l’Histoire en face.
Il a réglé la crise des Gilets jaunes comme on sait : pourrissement de la situation, instrumentalisation des Blacks-Blocs constitués de prétendus antifascistes et de petits soldats encapuchonnés venus des banlieues, sinon de jeunes bobos fascinés par le Grand Soir 2.0, répression d’une grande brutalité avec énucléations, arrachages de mains, sang versé des blessures. Le tout accompagné d’une stratégie hypnotique : prétendus États généraux et consultations organisées par les préfectures qui veillaient à trier le bon grain des élus comme il faut de l’ivraie des Gilets jaunes, verbigérations provinciales amplement retransmises sur les chaines d’infos continues, convocation d’un panel de citoyens prétendument représentatif dans lequel, comme par hasard, se trouvait Daniel Cohn-Bendit, c’est dire le profil sollicité par les algorithmes du gouvernement servi par les instituts de sondage grassement payés avec l’argent du contribuable pour assurer la propagande de l’État maastrichtien.
Abracadabra, la crise des Gilets jaunes, ainsi évaporée par Macron, aidé en cela par les récupérations politicardes de la France Insoumise, du Rassemblement national et autres micropartis en mal d’existence, ne fut plus qu’un lointain souvenir. Le petit peuple s’est fait voler sa révolte. Plus de ronds-points occupés, une avenue des Champs-Élysées repavée, un arc de triomphe nettoyé des slogans des Blacks-Blocs avec juste l’épargne d’un « Gilet jaune vaincront » pour laisser croire que la vandalisation du monument était due aux seuls GJ alors que ce sont eux qui ont protégé la tombe du Soldat inconnu que voulaient profaner les Blacks Blocs, ces amis de Castaner & Macron.
Et puis voilà que la colère étouffée des Gilets jaunes réapparait sous forme d’un Convoi de la Liberté. On sait que l’idée a traversé l’Atlantique, qu’elle vient du Canada et que des routiers, avec leurs mastodontes, ont ouvert la voie à l’idée de La Boétie : « soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ».
Juste un mot sur l’expression : « convois de la liberté ». Les journalistes du système prennent bien soin de dire « convoi dit des libertés ». Mais pourquoi n’entend-on pas ces mêmes thuriféraires maastrichtiens préciser : « la France dite insoumise », « le parti dit les Républicains », « le parti dit communiste français », « le parti dit socialiste » ? Sinon « le dit président de la dite république » ? Ou « la chaîne dite info » pour LCI ? Ou « Radio dite France » ?
De même pourquoi les mêmes disent-ils « le polémiste Eric Zemmour » - ou bien « le polémiste Michel Onfray », car j’y ai droit moi aussi… - mais jamais « le polémiste BHL », ou « le polémiste Alain Minc », sinon « le polémiste Jacques Attali » ? Je ne parle pas de la menue monnaie intellectuelle ou de la valetaille germanopratine toujours épargnée par ce genre d’épithète. Car il y a matière à présenter BHL comme un polémiste haut de gamme depuis au moins 1977, date de sa Barbarie à visage humain. Mais la presse au pied de ses maîtres ne bouge pas…
Revenons aux Convois de la liberté : pour ses participants, il s’agit, en France, venus de partout - le maillage est national -, de converger vers Paris avant d’aller à Bruxelles, pour bloquer les deux villes : voilà le véritable message.
Bien sûr, les journalistes, les médias et les intellectuels du système, cherchent la petite bête et, à coup, sûr la trouvent : un tel, prélevé dans la foule, tient une pancarte sur laquelle il dit être en relation avec la lumière, ce qui suffit pour déclencher des heures de parlottes sur les chaines d’infos pour savoir si l’entièreté des manifestants sont des fous, des débiles, des incultes, des crétins ou des abrutis… Un sociologue spécialisé de l’extrême gauche, comme il est dit sur son étiquette identitaire, se demande en bafouillant s’il s’agit de populisme, ou pas, ou pas trop, ou un peu, ou moyennement.
Du bout des lèvres, les maastrichtiens disent comprendre la colère avant d’inviter à voter pour leur candidat car le problème, selon eux, c’est qu’il n’y a pas encore assez de leur idéologie. Pécresse & Macron qui défendent cette vision du monde dont Marine Le Pen dit à mot couvert qu’elle n’est pas si mal que ça (son parti ne touche plus à l’euro, à Schengen, aux cours européennes de justice, aux traités, plus question de Frexit bien sûr…), ces trois-là, donc, présentés comme le trio de tête au soir du premier tour, jouent leur présence au deuxième tour dont l’issue fera qu’un candidat du système sera élu ce qui, bien sûr, ne résoudra pas le problème des Gilets jaunes dans leur version Convoi pour la liberté.
Car si les Provinces, la « ruralité » ou les « territoires » comme disent les maastrichtiens, qui n’osent pas « la jungle » ou « les ploucs », ont choisi de converger vers la capitale, Paris, puis vers Bruxelles, la capitale de notre ancienne capitale, c’est que ces néo-Gilets jaunes ont bel et bien compris le sens de l’histoire et identifié les lieux d’où partent leur misère.
Certes, les uns sont contre le passe vaccinal, d’autres contre les vaccins, ou bien encore contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre, c’est le sens des coagulations rebelles, des cristallisations colériques : quand on n’en peut plus, on fait flèche de tout bois. Or, ici, ce qui importe n’est pas le bois, mais la flèche.
Mais désigner Paris puis Bruxelles, c’est clairement affirmer un combat anti-maastrichtien : ce petit peuple sait d’où vient son malheur. Désigner la seringue ou le QR code, ainsi que procèdent ses ennemis, c’est regarder le doigt quand les humbles en colère montrent la lune.
Affaire à suivre, bien sûr…
Michel Onfray
Source : https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/l-ordre-maastrichtien-regne
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