Interpellation des Conseils communaux sur
le plan d'urgence en cas d'accident atomique
Bouli Lanners, porte-parole de FDN et du RAN, a interpellé le Bourgmestre et le Conseil communal de Liège sur le plan d’urgence en cas d’accident atomique, le lundi 27 novembre 2017.
Cette interpellation est la première d’une longue série à faire dans toutes les communes de Belgique par tout citoyen conscient du risque inacceptable que nous fait courir la filière de l’énergie atomique. Contactez-nous pour savoir quels membres de
Fin du nucléaire habitent votre commune afin de vous organiser au mieux (voir la
rubrique Contact).
Pour vous aider dans votre démarche, nous mettrons à votre disposition, en plus de l’interpellation de Bouli Lanners, une série de questions à poser ainsi que d’autres documents. Nous vous suggérons de joindre ces questions écrites à votre interpellation (après les avoir adaptées à la situation de votre commune).
L'interpellation de Bouli Lanners du 27 juin 2017 au Conseil communal de Liège retour au sommaire
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ce document sonore est d'assez mauvaise qualité, nous espérons avoir mieux d'ici peu)
Bonjour, mon interpellation va porter sur le plan d’urgence et les mesures mises en place par la ville de Liège en cas d’accident nucléaire de type « INES-7 », à la centrale de Tihange ou à la centrale de Doel.
Nous savons qu’il y a la loi de 2003 qui traite de ce plan et que les différents niveaux de pouvoir sont impliqués.
Nous avons lu la loi de 2003. Celle-ci ne répond à aucune de nos questions de citoyen liégeois.
Du coup, nous avons contacté la province de Liège et voici leur réponse :
« Vous n’êtes pas sans savoir que même si une crise nucléaire est gérée au niveau fédéral, un des acteurs clé reste le bourgmestre. Le gouverneur n’étant qu’un intermédiaire/coordinateur entre le niveau fédéral et le niveau communal. Vous comprendrez aisément qu’il est impossible pour le gouverneur et ses services de répondre à toutes les sollicitations que le contexte actuel concernant le nucléaire suscite. Je ne puis dès lors que vous conseiller de vous adresser directement à votre bourgmestre ».
C’est pourquoi, je m’adresse directement à vous, monsieur Demeyer.
Pour rappel.Il y a sept niveaux sur l’échelle internationale des événements nucléaires. Mais le plan d’urgence fédéral ne prend en compte que les cinq premiers niveaux. C’est à dire, au pire ou au mieux, jusqu’INES-5 c’est-à-dire un accident avec un rejet radioactif limité. Dans ce cas, on n’évacue que dans un rayon de 10 km autour de la centrale. Mais je le rappelle, ce plan ne tient compte que des cinq premiers niveaux.
Nous avons des réacteurs à Tihange et à Doel, dont les durées de vie ont déjà été prolongées de dix ans et même de 20 ans pour trois d’entre eux.
Les cuves des réacteurs Tihange 2 et Doel 3 sont fissurées. De nombreuses pannes, avaries et mises à l’arrêt de plusieurs des réacteurs se sont produites ces dernières années.
De plus, il y a fort à parier qu’après 2025, madame Marghem voudra encore prolonger la durée de vie de ces centrales de dix années supplémentaires. La FEB est très claire là-dessus et la NVA aussi.
Sans compter les possibles attaques terroristes ou sabotages comme celui survenu à Doel 4.
Compte tenu de tous ces éléments, il me paraît légitime de se poser quelques questions relatives à la sécurité.
Si on envisage donc un accident de type INES-6 ou INES-7, on peut tenir compte de l’expérience que nous ont apportée Fukushima ou Tchernobyl. À Fukushima, la zone d’exclusion a été portée progressivement à 20 km et à Tchernobyl à 30 km. Mais dans les 2 cas, des villages situés à plus de 50 km ont fini par être évacués. La ville de Fukushima (300.000 habitants) située à plus de 60 km aurait dû être évacuée car le niveau de radiation excède largement la norme internationale.
Liège est à 25 km à vol d’oiseau au nord-est de Tihange.
On a chez nous en majorité des vents du sud-ouest. La vitesse moyenne du vent à Liège est de 17 km/h, ce qui veut dire que, s’il a un accident grave à Tihange, le nuage radioactif est sur Liège en une heure et demie.
Avec mes amis nous avons préparé une liste de plusieurs dizaines de questions précises à vous poser pour nous permettre de comprendre, nous citoyens liégeois, ce que nous devrons faire en cas d’accident nucléaire. Je sais que le temps qui nous est imparti ne nous permet pas de les aborder toutes.
Je vais donc en poser quelques-unes, un peu au hasard. Et pour le reste, nous allons les rendre publiques sur les sites de Fin du nucléaire et du RAN, pour que tout le monde puisse y avoir accès, bien tranquillement. Et ce sera relayé par d’autres associations comme Greenpeace, Attac, les Amis de la Terre, le mpOC, le Grappe et ACC par exemple.
Les cas de figure
En cas d’accident nucléaire grave, il y a trois cas de figure possible.
- Un confinement de la population concernée.
- Une évacuation de la population concernée.
- Une évacuation de la population après une période de confinement.
La première question est de savoir qui décide du cas de figure à adopter, à quel moment, à quelle condition, sachant que la situation ne sera pas la même au même moment dans toutes les villes de Belgique et de la province de Liège. En sachant aussi qu’au moment de l’accident de Tchernobyl, il n’avait pas d’accord sur les mesures à prendre en Belgique suite à la contamination du territoire.
Personne n’arrivait à communiquer de manière claire et précise.
Vu le manque de coordination entre les pouvoirs, toutes les informations se contredisaient. Pour information, il n’y a pas un site aujourd’hui qui explique la procédure à suivre, mais quatre. Et ils ne disent pas tout à fait la même chose.
Je voudrais donc savoir, vous, à Liège à partir de quelle dose de radiation en millisievert vous allez faire évacuer la ville.
Et puis je voudrais savoir comment on prévient la population de l’accident. Surtout si l’accident a lieu la nuit.
En cas de confinement
Il est conseillé de prendre les pilules d’iode, deux heures avant l’arrivée du nuage radioactif. Donc, avec un vent moyen, même si la population est informée au moment même du rejet d’iode radioactif, on aura déjà une demi-heure dans la vue.
Prenons les enfants par exemple. Les enfants et les femmes enceintes, sont les plus sensibles aux rayons.
Si l’accident a lieu pendant la journée, les enfants sont donc confinés à l’école. En cas d’accident, ils doivent prendre l’iode tout de suite. J’aimerais savoir où sont stockées les pilules dans tous les établissements scolaires de la ville. Mais aussi dans tous les lieux publics, dans les salles de sports, les terrains de foot, les crèches, les administrations, les entreprises, la piscine...
Si l’accident a lieu la nuit. Même chose, il faut prendre l’iode tout de suite. Au moment de l’accident. J’aimerais savoir si les gens ont été mis au courant qu’ils doivent avoir un stock de pilules chez eux.
Puisqu’ils n’auront pas le temps d’aller dans une pharmacie qui de toute façon sera fermée puisque c’est la nuit.
J’aimerais savoir par qui l’information est formulée et comment elle est communiquée. Je voudrais savoir aussi si l’information a été donnée que tout le monde ne peut pas prendre des pilules d’iode. Notamment les personnes âgées et celles qui souffrent de problèmes thyroïdiens.
Je voudrais aussi savoir si on s’est assuré que les stocks de pilules d’iode sont suffisants pour la population liégeoise, notamment en cas de prolongation de l’accident. C’est-à-dire s’il faut prendre des pilules d’iode plusieurs jours de suite.
J’ai été vérifier dans plusieurs pharmacies, et ça ne semble pas être le cas.
En cas d’évacuation
Je voudrais savoir d’abord comment on évacue une ville de deux cent mille habitants dans une agglomération de 700.000 qui devra aussi être évacuée.
On va où ? En Allemagne ? En Hollande ?
Où s’arrête-on ?
Qui nous accueille ?
Est ce qu’il y a des accords interrégionaux pour ce genre de cas de figure ?
Comment on part ? En voiture ? En train ? En autocar ?
Que peuvent prendre les gens avec eux ?
Qu’est ce qu’ils ne peuvent pas prendre ?
Et qui va contrôler ça ?
Qui organise ?
Qui décide des itinéraires ?
La réserve stratégique humaine
Les Japonais sont connus pour être respectueux de la loi et des règles. Pourtant, à Fukushima, beaucoup de cas de « désertion » ont été relevés. Il manquait notamment à l’appel des centaines d’infirmiers et médecins.
Je voudrais savoir, comment vous allez garantir le maintien sur place des forces de l’ordre, des pompiers et des services de santé.
Je voudrais savoir comment les hôpitaux et les maisons de retraites vont être évacués.
Pour ceux qui ne peuvent pas être évacués, je voudrais savoir comment vous allez désigner ceux qui vont rester sur place, en sachant que ceux-ci seront condamnés. Mais est-ce qu’ils le savent, eux ?
Il a fallu 800.000 liquidateurs pour contenir les rejets du réacteur de Tchernobyl. J’imagine qu’ils n’ont pas 800.000 pompiers à Huy, nos pompiers vont certainement être rappelés en renfort. Ils ne suffiront pas, on fera certainement, comme à Tchernobyl et à Fukushima, appel à des volontaires.
Je voudrais savoir si nos pompiers et ces volontaires sont formés à ce genre d’exercice. Si oui, quand est-ce qu’ils ont fait leur dernier exercice ? Est ce qu’ils ont l’équipement adéquat ? Est-ce qu’il y a de l’équipement adéquat pour tous ?
Les pompiers et les volontaires, ne pourront rester au feu qu’une toute petite période. En effet, après une demi-heure ou un peu plus, ils auront pris la dose de radiation maximale « recommandée » (250 millisieverts) et devront être remplacés.
Que vont devenir ces pompiers et ces volontaires après la demi-heure passée au feu ? Où allez vous les évacuer, qui va s’en occuper et qui va les remplacer ?
Je voudrais savoir, messieurs les échevins, monsieur le bourgmestre, si vous, vous allez rester à Liège ou, comme le gouvernement Pierlot en 1940, si vous allez vous exiler pour pouvoir gérer les affaires au mieux ?
Un accident grave survient non pas à Tihange mais à Doel
On a là un million et demi de personnes qui doivent fuir Anvers et son agglomération.
Bon, disons qu’on en accueille un dixième, soit 150.000 personnes, soit les trois quart de la population liégeoise.
Là, je n’ai qu’une question. On fait comment ?
Voilà en gros quelques questions.
Je rappelle qu’une liste non exhaustive de questions sera bientôt disponible pour tout le monde sur les sites de Fin du nucléaire et du RAN.
Et je vous remercie de votre écoute, monsieur Demeyer, mesdames messieurs les échevins, mesdames messieurs les conseillers.
Conclusion
Le propre de la prévention c’est « espérer que ça n’arrive pas, mais être prêt si ça arrive ».
Il est étonnant de voir qu’on ait pris tant de mesures de prévention en cas d’incendie, partout, mais qu’en cas d’accident atomique, rien ne soit fait.
En parler génère le malaise.
Parce qu’on se rend compte qu’en cas d’accident, c’est le bordel le plus total. C’est pourquoi, le plan fédéral ne va que jusqu’à INES-5, parce qu’au delà de INES-5, personne ne sait gérer la situation dans un pays où 7 millions et demi de gens vivent à proximité des réacteurs.
Alors de deux choses possibles, il nous en reste une à faire.
Soit, il reste à prier. Et tant pis pour nos amis namurois, carolos, montois, bruxellois, gantois, anversois et ostendais, il nous reste à prier pour que ce jour-là, il souffle un vent d’est.
Soit, nous pouvons travailler ensemble, comme à Aix-la-Chapelle et comme à Maastricht. Nous pouvons travailler ensemble afin que cette situation ne puisse jamais arriver. Travailler ensemble vous et nous, pour faire pression afin de demander l’arrêt immédiat des réacteurs les plus dangereux, les trois réacteurs les plus vétustes, Tihange 1, Doel 1 et 2 et des deux réacteurs fissurés, Tihange 2 et de Doel 3.
Faire de Liège la première ville de Belgique qui dit non au nucléaire.
Voilà. La balle est dans votre camp. Merci.
À venir...
source : http://findunucleaire.be/echo/interpellation.htm