L’interview de George Friedman par Kommersant
Source :
http://www.dedefensa.org/article-l_interview_de_george_friedman_par_kommersant_22_01_2015.html
Comme nous l’annoncions le , nous publions l’entièreté du texte de l’interview de George Friedman par le quotidien russeKommersant le 21 décembre 2014 (dont nous avons parlé lors de cette parution initiale, le 22 décembre 2014). Notre travail a été fait à partir de la traduction anglaise que vient d’en donner Russia Insider. Nous écrivions hier à ce propos :
«Russia Insider” a eu l’excellente idée de reprendre l’entièreté de l’interview de Friedman à “Kommersant” et de le traduire en anglais. (Voir RI, le 20 janvier 2015, traduction en anglais de Paul R. Grenier, de “US-Russia.org”.) Nous-mêmes avons décidé de traduire cette version anglaise en français, car elle nous a paru particulièrement importante: 1) d’abord par les vérités indubitables qu’elle établit sur les responsabilités fondamentales de la crise ukrainienne; ensuite, 2) parce qu’elle développe une conception géostratégique qui est celle de l’“establishment” US, et du Système lui-même à la lumière de l’“idéal de puissance”, avec son impeccable logique interne mais aussi et surtout avec ses distorsions fondamentales de conception et de vision du monde (y compris celle qui est attribuée à la Russie). Tout cela explique la marche des événements vers l’inéluctabilité d’une crise majeure, sinon finale, dont la responsabilité sera tout entièrecelle des USA, c’est-à-dire celle du Système. Pas de surprise, certes, mais il est bon d’en avoir la documentation quasi-officielle et abondante.»
Voici donc la traduction intégrale de l’interview, avec bien entendu la reprise de la première partie déjà présente dans le texte du 21 janvier 2015...
Kommersant : «Dans vos analyses, vous vous référez à la fragmentation de l’Europe. Comment se manifeste cette fragmentation ?»
George Friedman : «Durant la Guerre froide, les frontières en Europe ont été préservées. Il était entendu que, si l’on changeait quelque chose, une déstabilisation s’ensuivait. Une fois la Guerre froide terminée, le bouleversement des frontières a commencé avec la Yougoslavie. Ensuite, il y a eu les changements de facto dans les frontières des pays du Caucase. Très récemment, 45% des Écossais ont voté pour l’indépendance. Les Catalans veulent aussi leur indépendance.
»Dans le contexte de ce mouvement de fond, je ne pense pas que la situation ukrainienne (où une partie du pays est attirée par un rapprochement avec l’UE tandis que l’autre veut être proche de la Russie) est unique. La situation ukrainienne prend parfaitement sa place dans les tendances centrifuges que nous avons observées en Europe depuis un certain temps. Bien entendu et jusqu’à récemment, personne ne pensait à la question des rapports entre l’Angleterre et l’Écosse, qui semblait être réglée depuis 300 ans, et qui est réapparue de façon si soudaine et urgente. En d’autres mots, la crise ukrainienne, si elle est connectées avec la situation russe, est aussi une partie d’un processus qui marque la crise européenne elle-même.»
Kommersant : «Les politiciens européens disent que ce qui a causé la déstabilisation de l’Europe c’est l’action de la Russie en Ukraine.»
George Friedman : «Les Européens sont très fiers de ce qu’ils nomment leur “exceptionnalité”. Cela implique qu’ils se sont débarrassés de toute menace de guerre interne, depuis au moins un demi-siècle, et qu’ils ont vécu dans un monde de stabilité et de prospérité. Mais jusqu’aux années 1990, l’Europe a vécu, en fait, sous l’occupation conjointe des USA et de l’URSS. Et puis, il y a eu la Yougoslavie, et puis le Caucase. Le continent européen n’a jamais été complètement pacifié.»
Kommersant : «Mais les officiels US, aussi bien que les directions des États-membres de l’UE, ont justifié leur politique très dure contre la Russie par le fait que, avec l’annexion de la Crimée, la Russie a “redessiné des frontières par la force” depuis la Seconde Guerre mondiale.»
George Friedman : «Les Américains savent que c’est un non-sens. Le premier exemple de changement des frontières par la force a été la Yougoslavie. Et le Kosovo fut seulement l’achèvement du processus. Et les USA sont directement impliqués dans ce processus.»
Kommersant : «Quel est le but de la politique US pour ce qui concerne l’Ukraine ?»
George Friedman : «Durant les cent dernières années, les Américains ont poursuivi avec constance une politique étrangère très consistante: empêcher quelque nation que ce soit de constituer une trop grande puissance en Europe. D’abord, les USA ont cherché à empêcher l’Allemagne de dominer l’Europe, ensuite ils ont cherché à limiter l’influence de l’URSS.
«L’essence de cette politique est ceci: maintenir aussi longtemps que possible un certain rapport de forces en Europe [qui les avantage], en aidant les partis les plus faibles, et lorsque le rapport de forces existant était [ou est] sur le point d’être modifiée, – en intervenant au dernier moment. Ce fut le cas durant la Première Guerre mondiale, lorsque les USA intervinrent seulement après l’abdication du tsar Nicolas II en 1917 pour éviter que l’Allemagne s’affirmât d’une façon prééminente. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les USA ouvrirent un second front très tardivement (en juin 1944), après qu’il fût devenu évident que les Russes allaient l’emporter sur les Allemands.
»Par-dessus tout, l’alliance potentiellement la plus dangereuse, selon le point de vue des USA, a toujours été une alliance entre la Russie et l’Allemagne. Cela serait une alliance entre la technologie et le capital allemands avec les ressources naturelles et humaines de la Russie.»
Kommersant : «Aujourd’hui, que croyez-vous que les USA tentent de contenir ?»
George Friedman : «Aujourd’hui, les USA cherchent à bloquer l’émergence d’un ensemble d’hégémonies régionales potentielles : la Serbie, l’Iran, l’Irak. En même temps, les USA utilisent des attaques de diversion. Par exemple, dans une bataille, quand l’ennemi est sur le point de parvenir à une victoire, vous le frappez de façon à déstabiliser son avantage. Les USA ne cherchent pas à “vaincre” la Serbie, l’Iran ou l’Irak, mais ils cherchent à créer le chaos dans ces zones pour empêcher ces pays de devenir trop forts.»
Kommersant : «Et pour ce qui est de la Russie, quelle tactique utilisent-ils ?»
George Friedman : «La fragmentation de l’Europe est accompagnée par l’affaiblissement de l’OTAN. Les pays européens n’ont pratiquement par de réelles armées qui leur soient propres. Dans l’alliance, seuls les USA sont puissants en termes militaires. Dans le cadre de l’affaiblissement de l’Europe, la puissance relative de la Russie a considérablement grandi.
»L’impératif stratégique de la Russie est d’établir une zone de sécurité la plus profonde possible sur ses frontières occidentales. Par conséquent, la Russie a toujours été particulièrement sensibles à ses relations avec la Biélorussie, l’Ukraine, les pays baltes et les autres pays d’Europe de l’Est. Ils sont d’une très grande importance pour la sécurité nationale de la Russie.
»Au début de cette année [2014], il existait en Ukraine un gouvernement assez pro-russe mais très faible. Cette situation convenait parfaitement à la Russie: après tout, la Russie ne voulait pas contrôler complètement l’Ukraine ni l’occuper; il était suffisant pour elle que l’Ukraine ne rejoignît ni l’OTAN ni l’UE. Les autorités russes ne peuvent tolérer une situation où des forces militaires occidentales seraient stationnées à une centaine de kilomètres de Koursk ou de Voronezh.
»Les USA, pour leur part, étaient intéressés par la formation d’un gouvernement pro-occidental en Ukraine. Ils voyaient que la puissance russe augmentait et ils cherchaient à empêcher la Russie de consolider cette position dans l’espace post-soviétique. Le succès des forces pro-occidentales en Ukraine devait permettre de contenir la Russie.
»La Russie définit l’événement qui a eu lieu au début de cette année [en février 2014] comme un coup d’Etat organisé par les USA. Et en vérité, ce fut le coup [d’État] le plus flagrant dans l’histoire.»
Kommersant : «Vous parlez bien de la liquidation de l’accord du 21 février [2014], c’est-à-dire du processus Maidan ?
George Friedman : «Tout le processus. Après tout, les USA ont soutenu ouvertement les groupes des droits de l’homme en Ukraine, y compris par des soutiens financiers. Pendant ce temps, les services de renseignement russes rataient complètement l’identification de cette tendance et sa signification. Ils n’ont pas compris ce qui était en train de se passer, et quand ils ont enfin réalisé ils se trouvèrent incapables de stabiliser la situation, et ils firent une mauvaise évaluation de l’état d’esprit dans l’Est de l’Ukraine.»
Kommersant : «En d’autres mots, la crise ukrainienne est le résultat de la confrontation entre la Russie et les USA ?»
»Vous avez là deux puissances: l’une veut une Ukraine neutre, l’autre une Ukraine qui forme un élément d’une ligne de restriction de l’expansion russe. On ne peut dire que l’une des deux parties se trompent: tous les deux agissent selon leurs intérêts nationaux. Il y a juste le fait que leurs intérêts nationaux sont antagonistes.
»Pour les Américains, comme je l’ai dit, il est important d’empêcher l’émergence d’une hégémonie en Europe. Récemment, les USA ont commencé à s’inquiéter des intentions et du potentiel de la Russie. La Russie est en train d’évoluer de la position défensive qu’elle avait depuis 1992 vers une restauration de son influence. Il s’agit d’une divergence des intérêts nationaux de deux grandes puissances»
Kommersant : «Quels actes du côté russe pourraient avoir causé la préoccupation des USA ?»
George Friedman : «La Russie a commencé à entreprendre certaines initiatives que les USA considéraient comme inacceptables. D’abord en Syrie. C’est là que les Russes démontrèrent aux Américains qu’ils étaient capables d’influer sur les processus en cours au Moyen-Orient. Les USA ont assez de problèmes au Moyen-Orient sans y ajouter la concurrence des Russes.
»Les Russes sont intervenus dans les processus du Moyen-Orient parce que, entre autres raisons, ils espéraient acquérir une capacité de levier pour influencer la politique étrangère des USA dans d’autres domaines. Mais ils ont fait une erreur de calcul. Les USA ont pensé qu’ils cherchaient à s’opposer à eux.
»C’est dans ce contexte que l’on doit évaluer les événements en Ukraine. Apparemment, les Russes n’ont pas bien mesuré avec quelle hostilité les USA percevraient leur action [en Syrie] , ou bien ils n’ont pas vu la capacité des USA à trouver aisément des contre-mesures. C’est dans cette situation que les USA ont observé la Russie et en sont arrivés à conclure qu’ils pouvaient au moins prendre cette mesure de riposte : l’instabilité en Ukraine.»
Kommersant : «Donc, vous pensez que l’Ukraine est une sorte de revanche sur la Syrie ?»
George Friedman : «Non non, pas une revanche. Mais l’intervention des Russes dans le processus syrien, alors que les USA étaient encore en train de traiter les problèmes d’Irak, et qu’ils négociaient avec l’Iran ... A Washington, beaucoup de gens ont eu l’impression que les Russes voulaient déstabiliser la position US déjà bien fragilisée au Moyen-Orient, – Une région d’une importance capitale pour les USA.
»A propos de cette question, il y avait deux points de vue différents à Washington : celle selon laquelle les Russes essayaient maladroitement de jouer un rôle [pour faire les importants], et celle selon laquelle ils avaient trouvé un point faible dans la position des USA et qu’ils essayaient d’en tirer avantage. Je ne suis pas en train de dire que l’intervention en Syrie de la Russie est la cause de la crise ukrainienne, cela serait simplifier et caricaturer. Mais cette intervention a achever de faire pencher la balance de l’opinion prédominante à Washington vers l’idée que la Russie était un problème. Et alors, que fallait-il faire? Il valait mieux ne pas les affronter directement au Moyen-Orient, il fallait orienter leur attention vers un problème nouveau dans une autre région.
»Bien sûr, tout cela est très simplifié, c’est beaucoup plus complexe dans la pratique mais la cause et l’effet sur les relations sont exactement comme je le dis. Le point central, l’argument fondamental, c’est que l’intérêt stratégique des USA est d’empêcher la Russie de devenir hégémonique. Et il est dans l’intérêt stratégique de la Russie de ne pas permettre aux USA de venir jusque sur ses frontières...»
Kommersant : «Selon vous, quelle est l’idée qui se trouve derrière les sanctions US ? Les autorités russes disent que les USA veulent parvenir à un changement de régime en Russie.»
George Friedman : «Le but des sanctions, c’est, – avec un minimum de dommages pour les USA et des dommages un peu plus conséquents pour l’Europe, – de faire pression sur la Russie de façon à ce qu’elle capitule et remplisse les conditions exigées par les USA.
»Les sanctions démontrent la puissance des USA. Et les USA sont très heureux d’en faire usage contre les pays qui n’ont pas les moyens de répondre et de riposter d’une façon adéquate. C’est aussi une opportunité pour “réaligner” les Européens. Je ne pense pas que le but principal des USA soit le changement de régime en Russie. Le but principal, c’était de limiter le plus possible les capacités de manœuvre des autorités russes, ce qui est effectivement en train de survenir. Mais il y a bien sûr d’autres facteurs qui jouent un rôle, comme par exemple le ralentissement de l’économie russe et la chute du prix du pétrole.»
Kommersant : «En Russie, beaucoup disent que les prix du pétrole ont été manipulés par une conspiration entre les USA et les pays du Golfe.»
George Friedman : «Il est toujours plus facile d’expliquer une difficulté par une référence à des actions délibérées d’autres personnes. Il est un fait qu’un certain nombre de pays, dont la Chine, l’Inde et le Brésil, ont réduit leurs prévisions pour ce qui concerne leur rythme d’expansion économique. Et, par ailleurs, l’Europe est au niveau zéro pour sa croissance. Et là-dessus, une révolution se développe dans le secteur pétrolier, et le volume de pétrole disponible grandit.
»La chute des prix du pétrole était inévitable. Qu’est-ce que vous pouviez attendre d’autre ? Mais vous [vous, Russes]avez construit toute votre stratégie économique non seulement sur un prix levé du pétrole, mais aussi sur l’exportation des ressources d’énergie en tant que telles. Cela vous rend si vulnérables ! Vous auriez dû employer les 10 ou 15 dernières années de rentrées importantes de la vente des ressources d’énergie à la diversification de l’économie, mais votre gouvernement n’a pas fait cela.»
Kommersant : «Peut-on attendre une amélioration des relations entre les USA et la Russie après les prochaines élections présidentielles US ?»
George Friedman : «En Russie, vous personnalisez trop la politique américaine. Aux USA, le président est seulement une des institutions du pouvoir, il n’est pas tout-puissant. Obama est aussi pieds et poings liés que ses prédécesseurs. Si au Moyen-Orient des groupes comme l’“État Islamique” se développent à un rythme très rapide, peu importe que le président soit démocrate ou républicain, – il devra intervenir avec force contre eux.
»Aucun président américain ne peut se permettre de rester assis sans rien faire si la Russie devient de plus en plus influente. Les actions de la Russie au Moyen-Orient ou, disons, dans le cas de l’asile politique accordée à Edward Snowden, ont été perçues aux USA comme des attaques directes contre les intérêts US. N’importe quel président doit réagir contre cela. Il y a trois ans, dans un de mes livres, je prédisais que dès que la Russie commencerait à accroître sa puissance et à montrer cet accroissement, une crise éclaterait en Ukraine. C’était évident.»
Kommersant : «Que croyez-vous qu’on puisse dire du rapprochement entre la Russie et la Chine ?»
George Friedman : «La Chine a beaucoup de problèmes qui lui sont propres, – freinage de la croissance, inflation élevée, chômage. Il n’y a aucun cadeau à espérer de Pékin. Et la construction du pipeline vers la Chine, où les autorités russes vont devoir dépenser beaucoup d’argent, n’aura probablement aucun impact tangible sur l’économie russe.»
Kommersant : «Comment croyez-vous que la situation en Ukraine va se développer?»
George Friedman : «La Russie ne fera aucune concession sur la Crimée, c’est évident. Mais je pense qu’elle aura de sérieux problèmes pour assurer le ravitaillement et la subsistance de la péninsule. D’autre part, elle ne peut pas reculer sur certaines de ses positions vis-à-vis de l’Ukraine. Elle ne peut pas permettre à des forces militaires occidentales de stationner sur le territoire ukrainien. C’est un cauchemar pour la Russie, avec fort peu de possibilités de manœuvres.
»Les USA vont devoir prendre une décision stratégique, pas maintenant mais dans le futur, soit pour intervenir plus activement en Ukraine, ce qui présente beaucoup de difficultés, soit pour construire une nouvelle alliance, – au sein de l’OTAN ou hors de l’OTAN, – avec la Pologne, la Roumanie, les pays baltes et, par exemple, la Turquie. Cela a déjà commencé à se former, doucement mais cela a commencé. Et c’est quelque chose que les Russes n’accepteront pas, – un “cordon sanitaire”. Pour les USA, l’essentiel n’est pas de contrôler l’Ukraine; l’essentiel est que les Russes ne la contrôlent pas.
»Beaucoup dépendra de Kiev. Le gouvernement de Kiev est le maillon faible. S’il se fragmente, – ce qui, de façon assez surprenante, n’est pas encore arrivé, – alors les Russes essaieront de faire tourner les choses en leur faveur.
»Mais la question principale est bien de savoir si la Russie peut évoluer dans tout cela en n’éclatant pas. Elle fait face désormais à tous les facteurs qui ont conduit à l’effondrement de l’Union Soviétique: l’absence d’un système de transport efficace; une attitude de scepticisme dans beaucoup de régions du pays pour la capitale, du Caucase à l’Extrême-Orient; mais la chose principale est une économie qui ne fonctionne que dans certaines circonstances, – essentiellement, le prix de l’énergie élevé. Vous n’avez qu’un seul produit, et il est aujourd’hui en offre excessive sur le marché global.»
Ukraine-Russie: quand l’Empire tombe le masque (de la bataille contre le Système, épisode VIII)
Source : http://www.entrefilets.com/Quand%20l_Empire_tombe_le_masque.html
15/04/2015
Il y a des moments comme cela où la vérité surgit soudain et vient brièvement parasiter l’écran de fumée de la vertueuse narrative propagée par les médias-Système. L’effet est toujours saisissant, jubilatoire même. Le 3 février dernier, le directeur de la fameuse agence privée de renseignement Strafor, George Friedman, nous a donc offert l’un de ces moments devant le Council on Foreign Relations de Chicago. Evoquant sans complexe la stratégie de domination globale de l’Empire US, il a parlé de l’opération menée actuellement par les Etats-Unis pour fracturer l’Eurasie et empêcher ainsi la constitution d’un bloc concurrent euro-asiatique, détaillant à cet égard le rôle-clé des USA dans la déstabilisation de l’Ukraine. Il a aussi stigmatisé cette Europe «qui n’existe pas» où seule l’Allemagne compte, bref, toutes ces sortes de choses qui n’ont rien à voir avec la bouillie pour les chats que vous sert la presse-Système subventionnée au quotidien. Moment rare donc, riche d’enseignements, où tout est dit de l’ivresse de puissance d’un Empire froid comme l’acier, sans âme et donc sans état d’âme.
La « CIA de l’ombre »
L’officine que dirige George Friedman est surnommée outre-Atlantique la «CIA de l'ombre», et conseille d’ailleurs comme il se doit l’administration américaine. George Friedman est donc pratiquement un «officiel» de Washington, moins les élans partisans ou les prudences électorales. Pour Friedman, les USA sont donc bel et bien un Empire dont le seul défaut est de ne pas encore oser s’assumer totalement comme tel.
Il avait déjà fait sensation en décembre 2014 (pas dans Libé ou Le Monde ne cherchez pas) lorsqu’il avait déclaré au quotidien russe Kommersant (1) que la pseudo révolution de Maïdan à Kiev avait bien été «le coup [d’État] le plus flagrant de l’histoire», confirmant d’ailleurs ce que nous disons depuis le début de l’affaire (2).
Si tout ce que Monsieur Friedman dit n’est pas nécessairement juste, son analyse représente toutefois ce qui se rapproche le plus aujourd’hui de la «vérité de la situation» au cœur de l’Empire.
Voici la transcription du discours (3).
De l’Europe qui n’existe pas, à l’Ukraine
«Aucun pays ne peut rester éternellement on paix, surtout les USA. Je veux dire que les USA sont constamment concernés par les guerres. À mon avis, l’Europe ne sera plus impliquée dans de grandes guerres comme avant, mais l'Europe subira le même sort que les autres pays: ils auront leur guerre, puis leur période de paix, et ils y laisseront des vies. Il n'y aura pas des centaines de millions de morts, mais l'idée d'une exclusivité européenne à mon avis... l'amènera à des guerres. Il y aura des conflits en Europe. Il y a déjà eu des conflits, en Yougoslavie et maintenant en Ukraine.
Quant aux relations entre l'Europe et les États-Unis, nous n'avons pas de relation avec l'Europe. Nous avons des relations avec la Roumanie, nous avons des relations avec la France etc., il n'y a pas d'Europe, avec qui les USA aurait des relations.
(…)
[L’extrémisme islamique] est un problème pour les États-Unis, mais ce n'est pas une menace pour notre survie. Il doit être traité, mais il doit être traité de manière proportionnelle. Nous avons d'autres intérêts de politique étrangère.
Quant aux relations entre l'Europe et les États-Unis, nous n'avons pas de relation avec l'Europe. Nous avons des relations avec la Roumanie, nous avons des relations avec la France etc., il n'y a pas d'Europe, avec qui les USA aurait des relations.
(…)
[L’extrémisme islamique] est un problème pour les États-Unis, mais ce n'est pas une menace pour notre survie. Il doit être traité, mais il doit être traité de manière proportionnelle. Nous avons d'autres intérêts de politique étrangère.
La menace Russo-allemande
Donc l'intérêt primordial des États-Unis, pour lequel nous avons fait des guerres pendant des siècles, lors de la première, la deuxième et la Guerre Froide, a été la relation entre l'Allemagne et la Russie par ce qu'unis, ils représentent la seule force qui pourrait nous menacer, et nous devons nous assurer que cela n'arrive pas.
Que faites-vous si vous êtes un Ukrainien? Il est essentiel d'établir le dialogue avec le seul pays qui vous aidera, et ce pays ce sont les États-Unis.
Que faites-vous si vous êtes un Ukrainien? Il est essentiel d'établir le dialogue avec le seul pays qui vous aidera, et ce pays ce sont les États-Unis.
L’armée ukrainienne, «notre armée»
»La semaine dernière, il y a une dizaine de jours, le général Hodges, commandant de l'armée américaine en Europe, s'est rendu en Ukraine pour y annoncer que les formateurs américains viendraient désormais officiellement, et non plus officieusement. Il a remis des médailles aux combattants ukrainiens, ce qui est contraire au règlement de l'armée qui ne permet pas de décorer des étrangers, mais il a fait. Ce faisant, il a montré que c'était son armée. Ensuite, il est parti pour aller annoncer aux Pays Baltes que les États-Unis allaient disposer des blindés, de l'artillerie et autres matériels en Pologne, Roumanie et en Bulgarie. C'est un point très intéressant. Donc les États-Unis ont annoncé hier qu'ils allaient envoyer des armes. Ce soir, bien sûr, les USA l’ont nié mais les armes partiront bien.»Faisant tout cela, les États-Unis ont agi en dehors du cadre de l'OTAN. Parce que dans le cadre de l'OTAN, il doit y avoir un accord à l'humanité et n'importe quel pays peut opposer son veto sur n'importe quoi. Et les Turcs opposeront leur veto «juste pour rire». Le fait est que les États-Unis sont prêts à créer un cordon sanitaire autour de la Russie. La Russie le sait. Elle croit que l'intention des États-Unis et de faire éclater la Fédération de Russie. Je pense que, comme l'avait dit Pierre Lory, «nous ne voulons pas vous tuer, nous voulons juste vous faire un peu mal». De toute façon, nous sommes revenus au jeu d'antan. Et si vous interroger un Polonais ou un Roumain, ils évoluent dans un univers totalement différent d'un Allemand qui est aussi différent de l'univers d'un Espagnol. Bref, il n'y a pas de dénominateurs communs en Europe.
C’est cynique, amoral, mais ça marche
Mais si j’étais ukrainiens, je ferais exactement ce qu'ils font : essayer de s'appuyer sur les Américains. Les États-Unis ont un avantage fondamental : ils contrôlent tous les océans du monde. Aucune autre puissance ne l'a jamais fait. Par conséquent, nous arrivons à envahir les peuples et ils ne peuvent pas nous envahir, ceci est une très bonne chose. Maintenir le contrôle de la mer et le contrôle de l'espace et la base de notre pouvoir.
La meilleure façon de vaincre une flotte ennemie est de l'empêcher de se construire. La façon dont les Britanniques ont réussi à s'assurer qu'aucune puissance européenne ne puisse construire une flotte a été de faire en sorte que les Européens s'entre-déchirent. La politique que je recommande et celle adoptée par Ronald Reagan en Irak et en Iran. Il a financé les deux côtés, de sorte qu'ils se battent entre eux afin de ne pas nous combattre. C'était cynique, ce n'était certainement pas moral, mais ça a marché.
Et c'est le point central: les États-Unis ne peuvent pas occuper l’Irak. Au moment où les premières bottes touchent le sol, la différence démographique est telle que nous sommes totalement en infériorité numérique. Nous pouvons vaincre une armée, nous ne pouvons pas occuper l'Irak… l'idée que 130’000 hommes puissent occuper un pays de 25 millions d'habitants... eh bien le ratio policiers-civils à New York est supérieur à celui déployé en Irak.
Donc, nous n'avons pas la capacité d'aller partout, mais nous avons la capacité de, premièrement: soutenir diverses puissances rivales afin qu'elles se concentrent sur elles-mêmes en leur procurant le soutien politique, quelques soutiens économiques, militaires, des conseillers et, en dernière options, faire comme avec le Japon, je veux dire au Vietnam, en Irak ou en Afghanistan, par des mesures de désorganisation. L’objectif des mesures de désorganisation n'est pas de vaincre l'ennemi mais de le déstabiliser. C'est ce que nous avons fait dans chacune de ces guerres, par exemple, nous avons fait perdre son équilibre à Al Qaïda.
La meilleure façon de vaincre une flotte ennemie est de l'empêcher de se construire. La façon dont les Britanniques ont réussi à s'assurer qu'aucune puissance européenne ne puisse construire une flotte a été de faire en sorte que les Européens s'entre-déchirent. La politique que je recommande et celle adoptée par Ronald Reagan en Irak et en Iran. Il a financé les deux côtés, de sorte qu'ils se battent entre eux afin de ne pas nous combattre. C'était cynique, ce n'était certainement pas moral, mais ça a marché.
Et c'est le point central: les États-Unis ne peuvent pas occuper l’Irak. Au moment où les premières bottes touchent le sol, la différence démographique est telle que nous sommes totalement en infériorité numérique. Nous pouvons vaincre une armée, nous ne pouvons pas occuper l'Irak… l'idée que 130’000 hommes puissent occuper un pays de 25 millions d'habitants... eh bien le ratio policiers-civils à New York est supérieur à celui déployé en Irak.
Donc, nous n'avons pas la capacité d'aller partout, mais nous avons la capacité de, premièrement: soutenir diverses puissances rivales afin qu'elles se concentrent sur elles-mêmes en leur procurant le soutien politique, quelques soutiens économiques, militaires, des conseillers et, en dernière options, faire comme avec le Japon, je veux dire au Vietnam, en Irak ou en Afghanistan, par des mesures de désorganisation. L’objectif des mesures de désorganisation n'est pas de vaincre l'ennemi mais de le déstabiliser. C'est ce que nous avons fait dans chacune de ces guerres, par exemple, nous avons fait perdre son équilibre à Al Qaïda.
Rome et l’Empire britannique pour modèles
Notre problème, car nous sommes jeunes et stupide, est que après avoir déstabilisé les ennemis et de nous dire: «c'est bon, le travail est fait, rentrons chez nous…», ce fut si facile alors pourquoi ne pas y construire une démocratie. Et c'est à ce moment que la démence nous frappe.
La solution est que les États-Unis ne peuvent pas constamment intervenir dans toute l'Eurasie, ils doivent intervenir de manière sélective et très rarement. Ce doit être fait en dernier recours. L'intervention militaire ne peut pas être la première mesure à appliquer. Et en envoyant les troupes américaines nous devons bien comprendre en quoi consiste notre tâche, se limiter à elle et ne pas développer toutes sortes de fantasmes psychotiques. Donc, j'espère que nous avons retenu la leçon. Parfois les enfants ont besoin de temps pour apprendre les leçons.
Mais je pense que vous avez absolument raison, en tant qu’Empire, nous ne pouvons pas nous comporter de la sorte. La Grande-Bretagne n'a pas occupé l’Inde, elle a monté les différents états indiens les uns contre les autres, puis elle a fourni quelques officiers britanniques à l'armée indienne. Les Romains n'avais pas envoyé de grandes armées dans leurs territoires conquis : ils avaient placé des gouverneurs pro-romains et ces gouverneurs, comme par exemple Ponce Pilate, étaient responsables du maintien de la paix.
Donc, les empires qui contrôlent directement les territoires se soldent par un échec, comme c'était le cas avec l'empire nazi. Personne n'est suffisamment puissant pour le faire. Vous devez vous montrer plus intelligent. Cependant, notre problème n'est pas encore ça, notre problème en fait est d'admettre que nous avons un Empire. Donc, nous n'avons pas encore atteint ce point car nous ne pensons pas que nous pouvons rentrer à la maison parce que le travail est bel et bien terminé. Donc, nous ne sommes qu'au début du chemin nous ne sommes même pas prêt à lire le chapitre trois du livre.
La solution est que les États-Unis ne peuvent pas constamment intervenir dans toute l'Eurasie, ils doivent intervenir de manière sélective et très rarement. Ce doit être fait en dernier recours. L'intervention militaire ne peut pas être la première mesure à appliquer. Et en envoyant les troupes américaines nous devons bien comprendre en quoi consiste notre tâche, se limiter à elle et ne pas développer toutes sortes de fantasmes psychotiques. Donc, j'espère que nous avons retenu la leçon. Parfois les enfants ont besoin de temps pour apprendre les leçons.
Mais je pense que vous avez absolument raison, en tant qu’Empire, nous ne pouvons pas nous comporter de la sorte. La Grande-Bretagne n'a pas occupé l’Inde, elle a monté les différents états indiens les uns contre les autres, puis elle a fourni quelques officiers britanniques à l'armée indienne. Les Romains n'avais pas envoyé de grandes armées dans leurs territoires conquis : ils avaient placé des gouverneurs pro-romains et ces gouverneurs, comme par exemple Ponce Pilate, étaient responsables du maintien de la paix.
Donc, les empires qui contrôlent directement les territoires se soldent par un échec, comme c'était le cas avec l'empire nazi. Personne n'est suffisamment puissant pour le faire. Vous devez vous montrer plus intelligent. Cependant, notre problème n'est pas encore ça, notre problème en fait est d'admettre que nous avons un Empire. Donc, nous n'avons pas encore atteint ce point car nous ne pensons pas que nous pouvons rentrer à la maison parce que le travail est bel et bien terminé. Donc, nous ne sommes qu'au début du chemin nous ne sommes même pas prêt à lire le chapitre trois du livre.
La bataille de l’intermarium
La question à l'ordre du jour pour les Russes est: ont-ils créé une zone tampon qui sera au minimum une zone neutre, ou bien l'Occident va-t-il s’introduire beaucoup plus loin en Ukraine… et s’installer à 100 kilomètres de Stalingrad et à 500 km de Moscou.
Pour la Russie, le statut de l'Ukraine représente une menace pour sa survie, et les Russes ne peuvent pas laisser faire. Et la question pour les États-Unis, dans le cas où la Russie s'accroche à l'Ukraine: où cela s'arrêtera-t-il. Ce n'est donc pas un hasard si le général Hodges, (qui a été nommé pour porter le chapeau), parle du pré-positionnement de troupes en Roumanie, Bulgarie, Pologne et jusqu'à la Baltique. Par ses actions les USA préparent leur intermarium (4) de la mer Noire à la Baltique, dont rêvait Pilsudski (5). C'est la solution pour les États-Unis.
Pour la Russie, le statut de l'Ukraine représente une menace pour sa survie, et les Russes ne peuvent pas laisser faire. Et la question pour les États-Unis, dans le cas où la Russie s'accroche à l'Ukraine: où cela s'arrêtera-t-il. Ce n'est donc pas un hasard si le général Hodges, (qui a été nommé pour porter le chapeau), parle du pré-positionnement de troupes en Roumanie, Bulgarie, Pologne et jusqu'à la Baltique. Par ses actions les USA préparent leur intermarium (4) de la mer Noire à la Baltique, dont rêvait Pilsudski (5). C'est la solution pour les États-Unis.
L’inconnue allemande
La question pour laquelle nous n'avons pas de réponse est que va faire l'Allemagne? La vraie inconnue dans l'équation européenne ce sont les Allemands. Pendant que les États-Unis mettent en place le cordon sanitaire entre l'Europe et la Russie, pas en Ukraine mais à l'ouest, et que les Russes essaient de trouver comment tirer parti des Ukrainiens, nous ignorons la position allemande.
L'Allemagne est dans une position très particulière, l'ancien chancelier Gerhard Schröder et membre du conseil d'administration de Gazprom et ils ont une relation très complexe avec les Russes. Les Allemands eux-mêmes ne savent pas quoi faire. Ils doivent exporter et les Russes peuvent acheter. Et d’un autre côté s’ils perdent la zone de libre-échange ils doivent construire quelque chose de différent. Pour les États-Unis, la peur primordiale est la technologie allemande et le capital allemand avec les ressources naturelles russes et la main-d'œuvre russe comme la seule combinaison qui a fait très peur aux USA pendant des siècles.
»Alors, comment cela va-t-il se jouer. Eh bien les États-Unis ont déjà joué cartes sur table. C'est la ligne de la Baltique à la mer Noire. Quant aux Russes, leurs cartes ont toujours été sur la table. Ils doivent avoir au moins une Ukraine neutre, pas une Ukraine pro-occidentale. La Biélorussie est une autre question.
»Maintenant, celui qui peut me dire ce que les Allemands vont faire, me dira ce que seront les 20 prochaines années de l'Histoire. Mais malheureusement, les Allemands n'ont pas pris leur décision. Et c'est toujours le problème récurrent de l'Allemagne avec son économie très puissante et sa géopolitique très fragile, et qui ne sait jamais trop comment concilier les deux.
Depuis 1871, la question de l'Europe a été la question allemande. Comme la question allemande ressurgit, c'est bien la question que nous devons régler, et nous ne savons pas comment l'aborder, nous ne savons pas ce qu'ils vont faire."
L'Allemagne est dans une position très particulière, l'ancien chancelier Gerhard Schröder et membre du conseil d'administration de Gazprom et ils ont une relation très complexe avec les Russes. Les Allemands eux-mêmes ne savent pas quoi faire. Ils doivent exporter et les Russes peuvent acheter. Et d’un autre côté s’ils perdent la zone de libre-échange ils doivent construire quelque chose de différent. Pour les États-Unis, la peur primordiale est la technologie allemande et le capital allemand avec les ressources naturelles russes et la main-d'œuvre russe comme la seule combinaison qui a fait très peur aux USA pendant des siècles.
»Alors, comment cela va-t-il se jouer. Eh bien les États-Unis ont déjà joué cartes sur table. C'est la ligne de la Baltique à la mer Noire. Quant aux Russes, leurs cartes ont toujours été sur la table. Ils doivent avoir au moins une Ukraine neutre, pas une Ukraine pro-occidentale. La Biélorussie est une autre question.
»Maintenant, celui qui peut me dire ce que les Allemands vont faire, me dira ce que seront les 20 prochaines années de l'Histoire. Mais malheureusement, les Allemands n'ont pas pris leur décision. Et c'est toujours le problème récurrent de l'Allemagne avec son économie très puissante et sa géopolitique très fragile, et qui ne sait jamais trop comment concilier les deux.
Depuis 1871, la question de l'Europe a été la question allemande. Comme la question allemande ressurgit, c'est bien la question que nous devons régler, et nous ne savons pas comment l'aborder, nous ne savons pas ce qu'ils vont faire."
Conclusions
Le discours de Friedman est donc totalement décomplexé. Pour un presque «officiel» de Washington, il y a là la marque de cette espèce d’ivresse de puissance qui permet aujourd’hui aux élites de l’Empire de dire tout haut ce qu’il convenait de dissimuler hier.
Cette «liberté de ton» nouvelle nous rappelle par exemple celle d’un Karl Rove qui, lorsqu’il officiait comme conseiller de W. Bush, avait déclaré en 2002: «Nous sommes un empire maintenant, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement, comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons des réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’histoire. (...) Et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous faisons.»
L’exposé de Friedman est taillé dans la même glace. Celle d’un Empire US en train de s’émanciper du poids de la nécessité de plaire à ses sujets, de jouer encore et toujours les grands frères protecteurs et désintéressés là où il n’y a toujours eu que voracité et volonté de domination sans partage. Et en effet, cet émancipation s’est accompagnée d’une violence redoublée en matière de projection de sa force avec, en un petit quart de siècle, près de 4 millions de morts à la clé (6) (toujours pour la bonne cause bien sûr).
Aujourd’hui, la carte des positionnements militaires US à l’extérieur des frontières du pays; son budget de défense pharaonique et son inculpabilité à attiser ou provoquer des guerres, pour protéger ses intérêts ou étendre sa rapine, ne laissent donc plus planer aucun doute sur le fait que nous sommes bel et bien face à un Empire dans toute l’acception du terme.
Un Empire ivre de puissance, froid comme l’acier de ses armes, sans âme et donc sans état d’âme.
Et comme le dit si justement Friedman: «C’est cynique, ce n'est certainement pas moral, mais ça marche.»
Publié par entrefilets.com le 15 avril 2015
Cette «liberté de ton» nouvelle nous rappelle par exemple celle d’un Karl Rove qui, lorsqu’il officiait comme conseiller de W. Bush, avait déclaré en 2002: «Nous sommes un empire maintenant, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement, comme vous le souhaitez, nous agissons à nouveau et nous créons des réalités nouvelles, que vous pouvez étudier également, et c’est ainsi que les choses se passent. Nous sommes les acteurs de l’histoire. (...) Et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous faisons.»
L’exposé de Friedman est taillé dans la même glace. Celle d’un Empire US en train de s’émanciper du poids de la nécessité de plaire à ses sujets, de jouer encore et toujours les grands frères protecteurs et désintéressés là où il n’y a toujours eu que voracité et volonté de domination sans partage. Et en effet, cet émancipation s’est accompagnée d’une violence redoublée en matière de projection de sa force avec, en un petit quart de siècle, près de 4 millions de morts à la clé (6) (toujours pour la bonne cause bien sûr).
Aujourd’hui, la carte des positionnements militaires US à l’extérieur des frontières du pays; son budget de défense pharaonique et son inculpabilité à attiser ou provoquer des guerres, pour protéger ses intérêts ou étendre sa rapine, ne laissent donc plus planer aucun doute sur le fait que nous sommes bel et bien face à un Empire dans toute l’acception du terme.
Un Empire ivre de puissance, froid comme l’acier de ses armes, sans âme et donc sans état d’âme.
Et comme le dit si justement Friedman: «C’est cynique, ce n'est certainement pas moral, mais ça marche.»
Publié par entrefilets.com le 15 avril 2015
2 Enfumage ukrainien: contre-propagande (et si vous avez encore un doute : voici)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire