Inconnu du grand public, Etienne Chouard est une star de la politique sur Internet. - Capture d'écran Thinkerview
Militant infatigable du référendum d'initiative citoyenne (RIC), le blogueur Etienne Chouard s'est imposé comme une référence des gilets jaunes. Mais ses fréquentations sulfureuses et ses ambiguïtés avec l'extrême droite ont valu à François Ruffin, qui l'a cité, une polémique au sein de la France insoumise.
Bastien Lachaud et Caroline Fiat échangent un regard interloqué. Adrien Quatennens sursaute et tourne la tête vers ses collègues, bientôt suivi dans sa surprise par Michel Larive. Le mardi 18 décembre, réunis pour une conférence de presse de soutien à l'idée de "référendum d'initiative citoyenne" (RIC), les députés de la France insoumise (LFI) sont pris de court. François Ruffin, membre du groupe parlementaire, vient de rendre un hommage inattendu à Etienne Chouard : "Le référendum d’initiative citoyenne a fleuri. Oh, il n’a pas fleuri par hasard. Il a fleuri parce que des hommes de conviction – nommons-les : Etienne Chouard et ses amis – ont semé, ont arrosé, depuis des années".
QUI EST ETIENNE CHOUARD
La référence au blogueur de 61 ans n'est pas anodine : depuis 2005, ce professeur de gestion est devenu un des chantres de la démocratie directe, un penseur influent voire un gourou pour certains… mais dans le même temps, ses "errances" et ambivalences lui ont valu d'être considéré comme infréquentable par toute une partie de la gauche. Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, a ainsi dégainé un tweet offensif à l'encontre de François Ruffin : "Je suis évidemment en phase avec la proposition pour le RIC mais j'avoue, je n'aurais pas pris en modèle Etienne Chouard. Mais sans doute suis-je trop sensible aux dérives rouge-brun…".
Le qualificatif est lancé : "rouge-brun", adjectif infamant désignant des personnalités politiques issues du marxisme et du communisme ayant dérivé vers le fascisme ou l'extrême droite. Il a forcé François Ruffin à une mise au point, via Twitter lui aussi : "J’ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points : le sien. Parce que, avec honnêteté, il faut dire que sur ce RIC, avec foi, il a battu la campagne et les estrades depuis une décennie. Ce qui n’ôte rien à nos désaccords, déjà signalés avec force, avec clarté, il y a plusieurs années. Depuis, Chouard a mis fin à ses étranges liens. Alors, doit-on éternellement traiter les hommes en pestiférés ? Tel n’est pas [mon] choix".
J'ai cité Chouard dans mon discours sur le RIC hier. Parce que, objectivement, quel nom revient sur les ronds-points: le sien. Parce que, avec honnêteté, il faut dire que sur ce Ric, avec foi, il a battu la campagne et les estrades depuis une décennie. 1/2 https://www.fakirpresse.info/L-air-du-soupcon …
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Qui donc est Etienne Chouard, et pourquoi fait-il tant parler ? Inconnu de la plupart des Français, le militant politique est devenu en une grosse dizaine d'années une des étoiles de la contre-culture politique sur Internet. Sa notoriété remonte à 2005, au moment de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Âgé de 48 ans, Etienne Chouard est alors un anonyme prof de lycée à Marseille, électeur sans grande conviction du Parti socialiste (PS). Happé par les débats autour du TCE, il se décide à analyser de près le projet de nouveau traité européen, et en tire une tribune percutante, publiée sur son blog, qui dénonce le projet comme un "secret cancer de notre démocratie". Fouillé, argumenté, offensif voire excessif, le texte est partagé en masse et se répand comme la poudre. Etienne Chouard devient, à sa propre surprise, un des chefs de file discrets du camp du "non", qui triomphe au référendum. Il change de dimension. Le professeur se fait penseur et militant : lui qui ne s'y était jamais intéressé dévore des milliers de livres sur la politique et économique, partage ses réflexions sur son blog, donne des conférences. Il forme autour de lui une communauté de fidèles qui répandent ses idées, surnommés les "gentils virus".
UN PROMOTEUR DU RIC
Chantre de l'éducation populaire, Etienne Chouard élabore de bric et de broc sa propre doctrine politique. Au centre de sa réflexion, la nécessité d'un "processus constituant". D'après lui, l'origine des maux de nos sociétés est inscrite dans la Constitution : en laissant le soin aux "responsables politiques, aux mains des grands marchands", de "l'écrire à notre place", nous (c'est-à-dire les 99% de moins riches) leur (les 1%) avons cédé le pouvoir. Dans la pensée de Chouard, toutes les dérives du capitalisme financier (inégalités, pauvreté, disparition des services publics, destruction de l'écosystème) sont reliées à ce péché originel : confier le pouvoir à des représentants, acte qui équivaudrait immanquablement à en priver le peuple.
"Les grands marchands, notamment les marchands d'argent ont pris le contrôle du politique et c'est une catastrophe, affirmait-il ainsi l'an dernier dans un long entretien pour Thinkerview, visible sur YouTube. Depuis 200 ans, les marchands se sont mis à écrire la Constitution, ils ont donc mis en place l'élection leur permettant de désigner les acteurs qui les aideraient et qui sont donc leur "chose" écrivant leurs lois". Afin d'y remédier, le blogueur exclut logiquement toute élection : il veut former une assemblée constituante tirée au sort, qui définirait par la discussion collective des nouvelles institutions. Celles-ci devraient faire la part belle à la démocratie directe : les responsables seraient tirés au sort, pourraient être révoqués à tout moment, et le peuple prendrait lui-même l'initiative d'écrire les lois… grâce au RIC, évidemment. "Le suffrage universel digne de ce nom, c'est : nous devrions voter nos propres lois", soutient le professeur Chouard.
En attendant cette révolution pacifique, le blogueur s'est attaché à appliquer ses principes au niveau local, en organisant des "ateliers constituants" destinés à faire de simples citoyens des "adultes politiques", souverains et capables de penser le bien commun. Influencé par la pensée anarchiste, il se définit comme un démocrate radical, persuadé que le peuple est "capable de mener lui-même ses affaires" ; convaincu de la nature intrinsèquement bonne des humains, Etienne Chouard est convaincu que "si on prend les décisions ensemble à la majorité, ce ne seront pas les quelques affreux, égoïstes, violents, méchants, qui sont minoritaires, qui vont faire la loi."
INFLUENCEUR RECONNU DES GILETS JAUNES
A cette pensée politique, le sexagénaire adjoint des idées économiques radicalement opposées au libéralisme de l'Union européenne. Dénonçant le statut de la Banque centrale européenne, Chouard affirme que "le premier privilège est celui pour un petit nombre de créer la monnaie", et que "les peuples qui ont perdu, renoncé à la création monétaire publique ont perdu en même temps leur souveraineté politique. La création monétaire est actuellement entre les mains des banquiers."
Invité de l'émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais en 2014, Etienne Chouard s'y livre à une longue tirade, très partagée sur Internet, qui synthétise ses idées. Elle lui permet d'accroître encore sa notoriété : "C'est une erreur de penser que les politiques sont impuissants, incapables ou ne comprennent pas. Comme s'ils voulaient servir l'intérêt général et n'étaient pas bons. Si on renverse la perspective en comprenant que ces gens-là servent les intérêts de ceux qui les ont fait élire, à savoir les 1% les plus riches de la population, à ce moment-là ce n'est pas une catastrophe. C'est même formidable : tout se passe comme prévu. (...) Tout se passe bien du point de vue des 1% qui se gavent plus que jamais. (...) Les gens sont gentils, ils croient les candidats pendant les campagnes électorales. Mais après 200 ans d'échec du suffrage universel qui permet aux riches d'acheter le pouvoir politique… Le fait de désigner des maîtres au lieu de voter des lois est une imposture politique. Nous ne sommes pas en démocratie. En démocratie, nous voterions nos lois nous-mêmes. L'impuissance politique est programmée, il y a un endroit où il est proclamé que le peuple n'a aucune puissance : ça s'appelle la Constitution, le problème c'est que tout le monde s'en fout".
Détournement de la démocratie, désir de représentation des idées populaires, impuissance du politique face aux grands intérêts économiques : les thèmes développés par Etienne Chouard depuis 13 ans sont en parfaite concordance avec le mouvement des gilets jaunes. Il n'est donc pas très étonnant de voir le blogueur, abondamment cité sur les rond-points par des gilets jaunes ayant formé leur réflexion politique sur Internet, soutenir le mouvement et s'afficher à ses côtés. Jacline Mourand, l'une des têtes d'affiches, l'a spontanément mentionné comme influence clé auprès de Marianne. Le 4 décembre, à Saint-Claire du Rhône (Isère), il a tenu une réunion publique sur le RIC en compagnie de plusieurs gilets jaunes, dont Maxime Nicolle, alias "Fly Rider", un autre leader.
SULFUREUSES FRÉQUENTATIONS
Mais Etienne Chouard, ce n'est pas que la démocratie directe et la critique des banques. Entre 2005 et aujourd'hui, dans sa volonté effrénée de dialogue avec tous les pans de la société, le professeur a frayé avec de nombreuses figures controversées… sans s'en détacher clairement, et parfois en les soutenant ouvertement. Ainsi, le 9 décembre 2007, Etienne Chouard conseille sur son blog le visionnage d'un "entretien passionnant" entre Thierry Meyssan (écrivain et diffuseur privilégié de théories du complot concernant le 11 septembre 2001) et l'essayiste Alain Soral, connu pour sa vision conspirationniste et violemment antisémite du monde. Ce dernier, qu'il rencontre en chair et en os dans les années 2010, ne va plus cesser d'empoisonner la réputation d'Etienne Chouard : incapable de s'en détacher clairement, le blogueur s'est longtemps montré d'une complaisance incompréhensible avec ce pamphlétaire virulent, condamné par la justice à de multiples reprises pour injures antisémites ou incitation à la haine raciale.
Récusant les propos de Soral concernant les homosexuels et les féministes, Chouard ne le situe pas moins dans L'Express en 2014 comme "à gauche parce qu'il se bat contre les privilèges", et indique qu'il l'a "rendu sensible" à la problématique du sionisme. Les qualificatifs élogieux pleuvent : "courageux", "résistant", "lanceur d'alerte qui proteste contre l'ordre établi"... Comme un renvoi d'ascenseur, Etienne Chouard est alors mis régulièrement en valeur sur Egalité et Réconciliation (E&R), le site internet qui promeut les idées d'Alain Soral. Culture libre, une association dont l'animateur est un responsable local d'E&R, diffuse et commercialise même certaines des conférences de Chouard.
Iconoclaste ou sulfureux, Etienne Chouard brouille en tout cas tous les repères politiques traditionnels : originellement identifié dans les rangs de la gauche radicale, il s'affiche avec des personnalités de l'autre versant : conférence commune sur les Lumières avec Marion Sigaut, militante d'E&R, en novembre 2012. Proximité avec François Asselineau, candidat souverainiste à la présidentielle de 2017 (Chouard a finalement voté pour Jean-Luc Mélenchon) et fondateur de l'Union populaire républicaine (UPR). Il conseille aussi des lectures pour le moins curieuses aux visiteurs de son blog - notamment les ouvrages du conspirationnistes Antony C. Sutton et du négationniste Eustace Mullins. Chouard défend son éthique politique : la volonté de se situer en dehors des clivages partisans et des critères de respectabilité édictés par le mainstream. "Cela fait douze ans que je travaille, parle en public, réfléchis aux pouvoirs et abus de pouvoir ; que je cherche à mettre un processus constituant qui, à mon avis, doit intégrer tout le monde", argumente le prof de gestion, bien décidé à n'exclure personne tout en enjambant le clivage gauche-droite.
PROXIMITÉ DE LA SPHÈRE "DISSIDENTE"... D'EXTRÊME DROITE
Mais il ne s'est pas contenté de discuter : au fil des années, les contacts avec la sphère "dissidente" ont semblé infuser dans les analyses d'Etienne Chouard. Dans un entretien vidéo en 2014, il qualifie l'Union européenne de "projet fasciste", et applaudit la manière dont Alain Soral "dénonce le colonialisme guerrier du sionisme, explique que le sionisme est un projet colonial, raciste, militaire (...)".
Ses développements s'apparentent fréquemment au complotisme : on y trouve les mêmes méthodes d'analyse, trouvant dans un grand complot ourdi par les plus riches l'unique explication des malheurs du monde, élaborant des chaînes d'équivalence bancales mais définitives, faisant référence à des faits historiques parfois obscurs (notamment la création de la banque d'Angleterre en 1694) mais considérés comme capitaux… Etienne Chouard a également une manière bien à lui de définir le fascisme : dans un entretien avec le média Internet La Mutinerie, il explique refuser de "lyncher untel ou untel parce qu'il est fasciste, parce qu'il est d'extrême droite".
D'après lui, on commet une erreur en utilisant le vocable 'fasciste' pour "désigner ceux qui ont un avis non conforme sur les étrangers, sur la peine de mort, sur l'avortement, sur la religion catholique, sur la nation." Les vrais fascistes ? Ce sont "les grands propriétaires, les possédants, les ultra-privilégiés, qui veulent bien de la République quand les élections leur donnent tout le pouvoir. Ils se montrent comme fascistes et d'extrême droite quand ils sentent qu'ils vont perdre les élections. C'est les 1% contre les 99%. C'est ça l'extrême droite." Une classification qui permet notamment à Chouard de ranger le Parti socialiste dans le camp du fascisme…
A sa manière, Etienne Chouard est parfaitement représentatif des "gentils virus" qui le soutiennent : comme eux, il a construit sa culture politique sur le tas. Sur Internet et dans les livres plutôt que par l'intermédiaire de professeurs dispensant un savoir officiel. Chouard indique avoir dévoré, depuis 2005, plus de 3.500 ouvrages en tous genres. "(...) Je lis beaucoup, dans toutes les directions, tout ce qui touche aux pouvoirs, aux abus de pouvoir et aux institutions : histoire, droit, économie, philosophie politique, sociologie, anthropologie, de la bible à nos jours, tout m’intéresse, pourvu que ça me donne des idées et des forces pour organiser la résistance des êtres humains à tous les systèmes de domination", écrit-il sur son blog. Tout y passe, et est partagé instantanément et "exposé à l'intérêt et à la critique de [ses] lecteurs". Résultat : les constructions idéologiques traditionnelles sont totalement brouillées.
Dans cette "culture YouTube", faite de liberté et de désordre, on a parfois l'impression que tout ce qui se situe en dehors du mainstream est adoubé par principe comme faisant partie du combat pour la démocratie. Ce que résumait ainsi Chouard en 2014 dans L'Express : "Mon curseur politique est simple, c'est celui de la révolution. Celui qui soutient le peuple qui veut se soulever contre ses maîtres est à gauche. A droite, il y a la défense des privilèges." Philippe Marlière, universitaire de gauche opposé au professeur de gestion, est plus sévère : "Pour Chouard, il suffit de critiquer l’Union Européenne, les banques, la mondialisation, le capitalisme, pour être du bon côté".
SENTIMENTS MÊLÉS DE RUFFIN
Dans une longue analyse publiée en 2013, où il était déjà accusé de complaisances avec Etienne Chouard, François Ruffin livrait une lecture similaire, qualifiant la "construction idéologique" du blogueur, bâtie "en accéléré, de bric et de broc, comme tout le monde", de "bien récente, bien fragile, bien confuse". "Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent enpolitique, jugeait alors Ruffin. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance." Ces errances ont valu de nombreuses excommunications à Chouard, faisant souvent suite à des pressions exercées par des groupes antifascistes. Comme en novembre 2012, où les cinémas Utopia et le Front de gauche annulent la venue du blogueur à une projection, après avoir découvert que le site de Chouard mentionnait dans sa liste de liens le Réseau Voltaire ainsi qu'Egalité & Réconciliation.
Un an plus tard survient la première explication avec François Ruffin, que le fondateur de Fakir a donc relatée sur le site de son journal, qui venait alors de faire la promotion de la pièce de théâtre d'Etienne Chouard, La dette expliquée à mon banquier. Après une première rencontre peu productive en 2009, Ruffin aborde frontalement la question de l'antisémitisme d'Alain Soral avec Chouard, qui se borne alors à répondre que l'auteur de Comprendre l'empire évoque l'antisionisme, refuse de "trier selon les appartenances politiques" et affirme sa volonté de "toucher tout le monde de gauche à droite". Finalement, Ruffin tiendra encore un dialogue avec Etienne Chouard, sans parvenir à se mettre tout à fait d'accord avec lui, mais indiquant qu'il se sent "davantage son 'ami', un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges."
PLUS DE LIENS AVEC SORAL DEPUIS 2014
Depuis, le blogueur qui divise s'est-il rangé de ces douteuses fréquentations ? C'est toute la question. D'après le site Conspiracy Watch, la réponse est non. "Non seulement le blogueur n’est jamais revenu sur les multiples théories du complot qu’il a pu diffuser publiquement sur son blog ou dans des interviews mais, le 6 août 2018, Le Média pour tous, la chaîne YouTube récemment lancée par l’ancien collaborateur d’Alain Soral, Vincent Lapierre, mettait en ligne un entretien de 14 minutes avec lui", relève l'observatoire sur son site, tout en précisant que "Chouard n’a, du reste, jamais pris ses distances avec la nébuleuse antisémite gravitant autour d’Alain Soral et d’E&R" et n'est "jamais non plus revenu sur ses propos élogieux concernant Alain Soral".
Une assertion quelque peu inexacte. En novembre 2014, Etienne Chouard s'est nettement éloigné du penseur d'extrême droite. Faisant le constat des "accusations violentes" reçues après avoir posté le lien d'E&R sur son blog, le militant écrivait avoir "rapidement compris que [Soral] n'est pas du tout un démocrate", mais estimait que "une partie de son analyse du monde actuel" lui semblait "utile". Abordant enfin la question de l'antisémitisme, Chouard regrette que l'injure "antismémite" serve trop souvent "à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont absolument racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien". Mais il se rend enfin à l'évidence, après avoir découvert une vidéo accablante datée de juin 2014, dans laquelle Soral tient "des propos terribles et dangereux".
Reconnaissant s'être "trompé en publiant un lien sans mise en garde", Chouard retire le lien d'E&R de son site, dénonçant un "mélange toxique" entre une "lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination" et "un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés". Et aujourd'hui ? A franceinfo, il assure qu'il refuse désormais les invitations d'E&R et a coupé tous les liens avec son leader, tout en objectant : "Le danger pour la société humaine, ça n'est pas Soral ! On n'en a rien à foutre de ces mecs-là, ils ne représentent que des groupuscules". Il a également publié une nouvelle note de blog ce jeudi 20 décembre, dans laquelle il assure que depuis son billet de 2014, il "ne parle jamais de Soral, absolument jamais, et que, par contre, tous ceux qui [l’]accusent de le fréquenter (ce qui n’est pas vrai), eux, en parlent tout le temps…"
ILLUSTRATION DES CLIVAGES DE FI
Populaire et controversée, la figure d'Etienne Chouard illustre à sa manière les clivages qui minent la France insoumise en interne. Certains, adeptes d'une stratégie "populiste", estiment que LFI a vocation a s'adresser à des figures qui transcendent son électorat traditionnel de gauche radicale, devenu très minoritaire - sans forcément aller jusqu'à prôner un dialogue régulier avec Etienne Chouard. D'autres, qui défendent plutôt une union de la gauche, sont partisans d'un strict "cordon sanitaire" et jugent que LFI se compromettrait en approchant des figures n'étant pas clairement identifiées sur le spectre politique. Les deux conceptions ont leurs raisons d'être, et également leurs dérives.
A vouloir ratisser trop large pour ne pas s'enfermer à gauche, on court ainsi le risque de s'acoquiner avec des personnalités a priori peu compatibles avec le "nouvel humanisme" défendu par Jean-Luc Mélenchon ; de l'autre côté, en cherchant à excommunier tous ceux qui ne s'identifient pas à la gauche, la base se rétrécit, et ceux qui cherchent à dialoguer avec d'autres reçoivent des anathèmes insensés. Autre lecture possible : François Ruffin, qui donne des gages à l'une ou l'autre des deux options à intervalles réguliers, a tout simplement pris acte du fait que s'agissant du référendum d'initiative citoyenne, Etienne Chouard est devenu en France une référence incontournable. Qu'on l'apprécie ou non.
source : https://www.marianne.net/politique/vrai-democrate-ou-complotiste-infrequentable-le-blogueur-etienne-chouard-divise-la-france
L’AIR DU SOUPÇON
PAR FRANÇOIS RUFFIN 10/09/2013
ON A BESOIN DE VOUS
Pierre Carles, Hervé Kempf, Alain Gresh, Étienne Chouard, Jean Bricmont… tous fachos ? Les accusations pleuvent sur les sites des « antifas ».
Et Fakir n’échappe pas à cette suspicion : des « nationaux-staliniens moisis », qui entretiendraient des liens obscurs avec des gens pas clairs.
Alors, amis lecteurs, êtes-vous, sur le site d’un journal d’une officine du Front National ? Marcherez-vous bientôt au pas de l’oie à nos côtés ?
Et Fakir n’échappe pas à cette suspicion : des « nationaux-staliniens moisis », qui entretiendraient des liens obscurs avec des gens pas clairs.
Alors, amis lecteurs, êtes-vous, sur le site d’un journal d’une officine du Front National ? Marcherez-vous bientôt au pas de l’oie à nos côtés ?
Cet été, à peine le numéro sorti, j’ai reçu ce courriel de Sarah :
De : sarah@mac.com
À : francois@fakirpresse.info
À : francois@fakirpresse.info
Objet : Explication
Cher François,
J’imagine que tu es déjà au feu de la nouvelle polémique qui vous secoue sur le réseau : affiliation véritable avec ce cher Chouard ?
Je sais ton ignorance des réseaux sociaux, mais j’espère que tu nous feras l’honneur d’une explication de tout ceci.
Je t’embrasse
J’imagine que tu es déjà au feu de la nouvelle polémique qui vous secoue sur le réseau : affiliation véritable avec ce cher Chouard ?
Je sais ton ignorance des réseaux sociaux, mais j’espère que tu nous feras l’honneur d’une explication de tout ceci.
Je t’embrasse
Non, je n’étais pas au courant de la « nouvelle polémique » ni de cette « affiliation » avec Étienne Chouard. J’ai donc à mon tour demandé des explications.
De : sarah@mac.com
À : francois@fakirpresse.info
À : francois@fakirpresse.info
Objet : Ce qui fait débat
Antifa 75 dit :
5 juillet 2013 à 15:35
De pire en pire Pierre Carles salit la mémoire de Clément Méric. Mais ce n’est pas une première : son film récent « DSK, Hollande, etc. » a été réalisé avec une proche du dieudonniste Olivier Mukuna, la colloniste Aurore Van Opstal (1). On peut y visionner une séquence dans laquelle François Ruffin du journal Fakir fait l’apologie de Cheminade et Dupont-Aignan (2). Rien de surprenant donc à ce que Carles salisse aujourd’hui la mémoire de Clément.
À propos de Ruffin, avez-vous lu le dernier Fakir ? Il y est fait l’apologie de Chouard (dont Ruffin, tout comme Lordon, est un ami) (3) et de la nation et Ruffin y rend hommage à « l’hyper-efficacité » du FN (4) dans une interview assez hallucinante d’Emmanuel Todd. A noter que dans ce journal une rubrique est tenue par les souverainistes de Bastille-République-Nations qui compte parmi ses membres le négationniste Bruno Drewski et le cadre de l’UPR Laurent Dauré (5), ceci sans compter les nombreux autres dérapages passés de Fakir (apologie des « matons humanistes » de la prison d’Amiens (6), des super flics que sont les douaniers (7) ou interview de l’économiste larouchiste Maurice Allais (8). Mais comme dirait Bricmont, c’est sûrement de la « culpabilité par association »… En tout cas tous ces nationaux-staliniens moisis n’ont vraiment aucune leçon d’antifascisme à donner !
Apparemment, ce gloubi-boulga circulait sur Facebook et trois lecteurs m’ont, à leur tour, réclamé des « explications ». Cette salade, touillée par une passionaria de l’antifascisme, Ornella Guyet, m’a paru grotesque. Mais tellement symptomatique, en même temps, d’une littérature qui pollue le Net, qui assimile, en vrac, Frédéric Lordon, Alain Gresh, Étienne Chouard, Jean Bricmont, Hervé Kempf, maintenant Pierre Carles, et j’en passe, à du « rouge-brun ». Du coup, je me suis dit : « Tiens, on va s’arrêter sur ces quelques lignes, on va faire une mise au point », non pas pour Fakir, mais parce que ces petits procureurs qui confondent leur écran avec des miradors, qui flinguent toute idée qui dépasse, non seulement salissent des hommes, mais pourrissent le débat démocratique de leur suspicion généralisée. Et si l’ « antifascisme » c’est ça, cette police de la pensée, ma foi, c’est une publicité vivante pour leurs adversaires.
Je vais donc étudier ce texte, phrase par phrase, comme un cas d’école, pour trier le grain de l’ivraie.
De pire en pire Pierre Carles salit la mémoire de Clément Méric. Mais ce n’est pas une première : son film récent « DSK, Hollande, etc. » a été réalisé avec une proche du dieudonniste Olivier Mukuna, la colloniste Aurore Van Opstal (1). On peut y visionner une séquence dans laquelle François Ruffin du journal Fakir fait l’apologie de Cheminade et Dupont-Aignan (2). Rien de surprenant donc à ce que Carles salisse aujourd’hui la mémoire de Clément.
À propos de Ruffin, avez-vous lu le dernier Fakir ? Il y est fait l’apologie de Chouard (dont Ruffin, tout comme Lordon, est un ami) (3) et de la nation et Ruffin y rend hommage à « l’hyper-efficacité » du FN (4) dans une interview assez hallucinante d’Emmanuel Todd. A noter que dans ce journal une rubrique est tenue par les souverainistes de Bastille-République-Nations qui compte parmi ses membres le négationniste Bruno Drewski et le cadre de l’UPR Laurent Dauré (5), ceci sans compter les nombreux autres dérapages passés de Fakir (apologie des « matons humanistes » de la prison d’Amiens (6), des super flics que sont les douaniers (7) ou interview de l’économiste larouchiste Maurice Allais (8). Mais comme dirait Bricmont, c’est sûrement de la « culpabilité par association »… En tout cas tous ces nationaux-staliniens moisis n’ont vraiment aucune leçon d’antifascisme à donner !
Apparemment, ce gloubi-boulga circulait sur Facebook et trois lecteurs m’ont, à leur tour, réclamé des « explications ». Cette salade, touillée par une passionaria de l’antifascisme, Ornella Guyet, m’a paru grotesque. Mais tellement symptomatique, en même temps, d’une littérature qui pollue le Net, qui assimile, en vrac, Frédéric Lordon, Alain Gresh, Étienne Chouard, Jean Bricmont, Hervé Kempf, maintenant Pierre Carles, et j’en passe, à du « rouge-brun ». Du coup, je me suis dit : « Tiens, on va s’arrêter sur ces quelques lignes, on va faire une mise au point », non pas pour Fakir, mais parce que ces petits procureurs qui confondent leur écran avec des miradors, qui flinguent toute idée qui dépasse, non seulement salissent des hommes, mais pourrissent le débat démocratique de leur suspicion généralisée. Et si l’ « antifascisme » c’est ça, cette police de la pensée, ma foi, c’est une publicité vivante pour leurs adversaires.
Je vais donc étudier ce texte, phrase par phrase, comme un cas d’école, pour trier le grain de l’ivraie.
(1) Pierre Carles
Le réalisateur de Pas vu, pas pris a publié, dans Siné Mensuel, une tribune autour de l’affaire Méric : « Méric et ses amis n’ont-ils pas été victimes d’un certain complexe de supériorité sociale ? Ne faut-il pas percevoir dans ce drame l’incapacité de certains membres de la petite bourgeoisie intellectuelle à percevoir à quel point un fils d’immigré espagnol Esteban Murillo peut se sentir profondément humilié par des jeunes perçus comme des nantis ? »
Pierre Carles avait, au préalable, adressé son article à Fakir. Mais Siné l’a accepté avant que nous n’ayons eu le temps de le refuser. Car nous l’aurions refusé : l’enquête nous apparaissait insuffisante, les faits trop maigres pour soutenir sa thèse. N’empêche, dans le martyrologue consacré à ce drame, ça tranchait, ça apportait un autre regard.
Mais il ne suffisait pas, alors, à nos « antifas » de contester ce papier, d’argumenter contre cette lecture de classe d’un fait divers, il fallait encore montrer que cette prise de position n’avait « rien de surprenant » : car Pierre Carles serait, sinon « facho », du moins pas très clair. Et comment le prouver ?
Pierre Carles avait, au préalable, adressé son article à Fakir. Mais Siné l’a accepté avant que nous n’ayons eu le temps de le refuser. Car nous l’aurions refusé : l’enquête nous apparaissait insuffisante, les faits trop maigres pour soutenir sa thèse. N’empêche, dans le martyrologue consacré à ce drame, ça tranchait, ça apportait un autre regard.
Mais il ne suffisait pas, alors, à nos « antifas » de contester ce papier, d’argumenter contre cette lecture de classe d’un fait divers, il fallait encore montrer que cette prise de position n’avait « rien de surprenant » : car Pierre Carles serait, sinon « facho », du moins pas très clair. Et comment le prouver ?
Par une espèce de contagion du soupçon.
Le site La Horde – « portail méchamment antifasciste » – a ainsi dégotté une photo de Pierre Carles aux côtés de l’écrivain Marc-Édouard Nabe, et une autre photo de l’écrivain Marc-Édouard Nabe aux côtés de Dieudonné. Pierre Carles était ainsi assimilé à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
La bloggeuse « Antifa 75 » procède de même : Pierre Carles a co-réalisé un documentaire avec une jeune journaliste, Aurore Van Opstal, dont jamais une prise de position n’est citée. Mais elle-même serait proche d’un dénommé Olivier Mukuna, qui lui-même a écrit un livre sur Dieudonné, et voilà Pierre Carles ramené à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
C’est mathématique, non ?
À ce tarif-là, les suspects seront nombreux.
Le site La Horde – « portail méchamment antifasciste » – a ainsi dégotté une photo de Pierre Carles aux côtés de l’écrivain Marc-Édouard Nabe, et une autre photo de l’écrivain Marc-Édouard Nabe aux côtés de Dieudonné. Pierre Carles était ainsi assimilé à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
La bloggeuse « Antifa 75 » procède de même : Pierre Carles a co-réalisé un documentaire avec une jeune journaliste, Aurore Van Opstal, dont jamais une prise de position n’est citée. Mais elle-même serait proche d’un dénommé Olivier Mukuna, qui lui-même a écrit un livre sur Dieudonné, et voilà Pierre Carles ramené à Dieudonné… c’est-à-dire à Le Pen !
C’est mathématique, non ?
À ce tarif-là, les suspects seront nombreux.
(2) Ma pomme
Circonstance aggravante pour Pierre Carles : il m’a filmé.
J’ai la mémoire courte, parfois : je ne me souvenais pas avoir fait une « apologie de Cheminade et Dupont-Aignan » – moi qui me considère plutôt, en gros, comme un compagnon de route du Front de Gauche.
J’ai donc re-visionné « DSK, Hollande et Cie ».
Durant la dernière campagne présidentielle, sur Canal +, Jacques Cheminade était qualifié de « candidat inutile » par Jean-Michel Apathie. Et Nicolas Dupont-Aignan était traité avec la même condescendance par Michel Denisot, toujours sur Canal + : « Si vous promettez le retour au franc, moi je promets le retour de la télé en noir et blanc ».
Interrogé sur ces séquences, je réagissais comme suit : « Quand on dit “Cheminade est un candidat inutile”, certes, il ne sera pas président de la République, mais est-ce qu’il n’a pas des idées sur la finance, par exemple, qui peuvent être utiles ? De la même manière pour Nathalie Artaud de Lutte Ouvrière. C’est, au contraire, les candidatures les plus utiles sur le terrain démocratique, parce qu’elles portent des idées, qui peuvent être des idées loufoques, mais qui peuvent être aussi des idées de rupture intéressantes. On voit bien le mépris pour Nicolas Dupont-Aignan parce qu’il envisage de rompre avec l’euro, qui est quand même une question qui peut se poser légitimement quand on a 80% des ouvriers qui y sont favorables. Donc ça n’est pas une question qui peut se traiter avec mépris, dédain, arrogance. »
Qui lira dans ces lignes une « apologie » ? Il est évident que je ne partage pas les idées de Cheminade, par exemple, sur la colonisation de la planète Mars, ni davantage celles de Dupont-Aignan sur l’immigration. Mais réclamer que, pour une fois qu’ils passent à la télé, on les écoute sans morgue, on les laisse s’exprimer, cela dépasse-t-il, déjà, le seuil de tolérance de nos « antifas » ?
J’ai la mémoire courte, parfois : je ne me souvenais pas avoir fait une « apologie de Cheminade et Dupont-Aignan » – moi qui me considère plutôt, en gros, comme un compagnon de route du Front de Gauche.
J’ai donc re-visionné « DSK, Hollande et Cie ».
Durant la dernière campagne présidentielle, sur Canal +, Jacques Cheminade était qualifié de « candidat inutile » par Jean-Michel Apathie. Et Nicolas Dupont-Aignan était traité avec la même condescendance par Michel Denisot, toujours sur Canal + : « Si vous promettez le retour au franc, moi je promets le retour de la télé en noir et blanc ».
Interrogé sur ces séquences, je réagissais comme suit : « Quand on dit “Cheminade est un candidat inutile”, certes, il ne sera pas président de la République, mais est-ce qu’il n’a pas des idées sur la finance, par exemple, qui peuvent être utiles ? De la même manière pour Nathalie Artaud de Lutte Ouvrière. C’est, au contraire, les candidatures les plus utiles sur le terrain démocratique, parce qu’elles portent des idées, qui peuvent être des idées loufoques, mais qui peuvent être aussi des idées de rupture intéressantes. On voit bien le mépris pour Nicolas Dupont-Aignan parce qu’il envisage de rompre avec l’euro, qui est quand même une question qui peut se poser légitimement quand on a 80% des ouvriers qui y sont favorables. Donc ça n’est pas une question qui peut se traiter avec mépris, dédain, arrogance. »
Qui lira dans ces lignes une « apologie » ? Il est évident que je ne partage pas les idées de Cheminade, par exemple, sur la colonisation de la planète Mars, ni davantage celles de Dupont-Aignan sur l’immigration. Mais réclamer que, pour une fois qu’ils passent à la télé, on les écoute sans morgue, on les laisse s’exprimer, cela dépasse-t-il, déjà, le seuil de tolérance de nos « antifas » ?
(3) Étienne Chouard
Suite à ces alertes, j’ai cherché, dans le dernier numéro, une « apologie d’Étienne Chouard ». Je n’ai rien trouvé.
Je l’ai re-parcouru.
Ah, ça y est.
C’était dans l’agenda, page 2, en tout petit : « À Avignon, ne manquez pas “ la dette expliquée à mon banquier ! ”, une pièce d’Étienne Chouard. » Et c’était tout. Un peu court, comme « apologie ». Mais bon, cette pub m’avait échappé, sans doute rajoutée en dernière minute par Eric, notre Monsieur Commerce, ou par Mathilde, notre metteuse en page. Pas trop au courant des controverses gauchistes, eux ignoraient que, depuis quelques semaines, Étienne Chouard était devenu « facho ». Ils avaient manqué un épisode. On m’avait prévenu, moi, que le héraut du « non » en 2005 était passé chez les méchants.
Je l’ai re-parcouru.
Ah, ça y est.
C’était dans l’agenda, page 2, en tout petit : « À Avignon, ne manquez pas “ la dette expliquée à mon banquier ! ”, une pièce d’Étienne Chouard. » Et c’était tout. Un peu court, comme « apologie ». Mais bon, cette pub m’avait échappé, sans doute rajoutée en dernière minute par Eric, notre Monsieur Commerce, ou par Mathilde, notre metteuse en page. Pas trop au courant des controverses gauchistes, eux ignoraient que, depuis quelques semaines, Étienne Chouard était devenu « facho ». Ils avaient manqué un épisode. On m’avait prévenu, moi, que le héraut du « non » en 2005 était passé chez les méchants.
Puisqu’on proclame, comme ça, qu’Étienne Chouard serait mon « ami », je voudrais décrire nos maigres liens – non pas pour prendre mes distances, mais parce que c’est tout simplement la vérité. J’ai rencontré Étienne Chouard une fois, chez lui, à côté de Marseille, en 2009, avant le passage de Fakir en national. Une heure ensemble, une seule : avouez que ça fait un peu court pour des « amis ».
À moins que ce ne soit un coup de foudre. Ce ne le fut pas. Pourquoi ? Mon impression est confuse, mais j’avais le sentiment qu’il raisonnait trop en juriste, prenant les mots – la Constitution, sa marotte – pour les choses, ne partant pas assez du réel, des conditions effectives d’existence. Que du coup, ses propositions, le tirage au sort des élus, par exemple, intéressantes en soi, rouvrant l’imaginaire démocratique, me paraissaient plaquées, utopie voulant recréer un monde idéal en dehors du monde – alors que, à l’inverse, je pars de la gadoue où nous traînons, et de la boue dont nous sommes faits. Et puis, intervenant dans mes débats, ou aux Rencontres Déconnomiques d’Aix-en-Provence, il m’a gentiment gonflé, ramenant tout - le protectionnisme, la crise économique, la guerre des classes - à ses lubies, « tirage au sort… tirage au sort… tirage au sort… », comme une espèce de Géo Trouvetout qui aurait découvert la pierre angulaire.
Pour toutes ces raisons, embrouillées, intuitives, je n’ai pas accroché à sa pensée. Et en quatre années de Fakir, malgré son aura dans les milieux militants, et des réclamations de nos lecteurs, jamais nous n’avons réalisé une interview d’Étienne Chouard.
Voilà pour notre « amitié ».
À moins que ce ne soit un coup de foudre. Ce ne le fut pas. Pourquoi ? Mon impression est confuse, mais j’avais le sentiment qu’il raisonnait trop en juriste, prenant les mots – la Constitution, sa marotte – pour les choses, ne partant pas assez du réel, des conditions effectives d’existence. Que du coup, ses propositions, le tirage au sort des élus, par exemple, intéressantes en soi, rouvrant l’imaginaire démocratique, me paraissaient plaquées, utopie voulant recréer un monde idéal en dehors du monde – alors que, à l’inverse, je pars de la gadoue où nous traînons, et de la boue dont nous sommes faits. Et puis, intervenant dans mes débats, ou aux Rencontres Déconnomiques d’Aix-en-Provence, il m’a gentiment gonflé, ramenant tout - le protectionnisme, la crise économique, la guerre des classes - à ses lubies, « tirage au sort… tirage au sort… tirage au sort… », comme une espèce de Géo Trouvetout qui aurait découvert la pierre angulaire.
Pour toutes ces raisons, embrouillées, intuitives, je n’ai pas accroché à sa pensée. Et en quatre années de Fakir, malgré son aura dans les milieux militants, et des réclamations de nos lecteurs, jamais nous n’avons réalisé une interview d’Étienne Chouard.
Voilà pour notre « amitié ».
Malgré ces réserves, je l’ai toujours considéré, de loin, comme un homme sincère, un profond démocrate. Alors, quand Fabien – un copain de Lyon – m’a prévenu par courriel : « J’ai rencontré Chouard, et quand un mec te dit (ce qu’il m’a dit à moi, en face) que « quand même on peut pas nier que Soral est un patriote et qu’il est tout sauf d’extrême droite », ça a de quoi te scotcher », quand Sarah et Arthur m’ont raconté le même genre d’anecdotes, ça m’a troublé.
Parce que, pour moi, on ne blague pas avec Alain Soral : c’est un mec d’autant plus dangereux que talentueux. Son site, Égalité et Réconciliation, fait un carton. Son influence dans les quartiers populaires est réelle. Et j’entends combien, jusque dans mon entourage, des jeunes se politisent par Soral, adoptent son discours.
Et quel discours ?
« Quand avec un Français, Juif sioniste, déclare Alain Soral, en 2004, sur France 2, tu commences à dire “y a peut-être des problèmes qui viennent de chez vous. Vous avez peut-être fait quelques erreurs. Ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds.” Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire, tu vois. Ça fait quand même 2 500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort, sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à hurler, à devenir dingue, tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C’est-à-dire, je pense, c’est qu’il y a une psychopathologie, tu vois, du judaïsme sionisme qui confine à la maladie mentale. » Bref, la Shoah, c’est quand même un peu parce qu’ils l’ont cherchée.
Son chemin le conduit, naturellement, au Front National : « Le Pen méritait la France mais je ne suis pas sûr que la France méritait Le Pen », déclare-t-il au lendemain de la présidentielle 2007. Il est alors nommé, à l’automne, au Comité central du FN. Un parti qu’il quitte, deux années plus tard – mais non pas pour des divergences idéologiques : parce qu’il n’obtient pas la tête de liste FN en Île-de-France.
Profondément dandy, avant tout opportuniste, en quête de renommée, Alain Soral avait démarré bien à gauche, au Parti communiste, avant de basculer à l’extrême-droite. Il se prétend aujourd’hui « transcourants », réconciliant « la gauche du travail et de la droite des valeurs », affiche Hugo Chavez en une de son site – mais tout en rejoignant Dieudonné sur « l’antisionisme et le lobby juif ».
Parce que, pour moi, on ne blague pas avec Alain Soral : c’est un mec d’autant plus dangereux que talentueux. Son site, Égalité et Réconciliation, fait un carton. Son influence dans les quartiers populaires est réelle. Et j’entends combien, jusque dans mon entourage, des jeunes se politisent par Soral, adoptent son discours.
Et quel discours ?
« Quand avec un Français, Juif sioniste, déclare Alain Soral, en 2004, sur France 2, tu commences à dire “y a peut-être des problèmes qui viennent de chez vous. Vous avez peut-être fait quelques erreurs. Ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds.” Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire, tu vois. Ça fait quand même 2 500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort, sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à hurler, à devenir dingue, tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C’est-à-dire, je pense, c’est qu’il y a une psychopathologie, tu vois, du judaïsme sionisme qui confine à la maladie mentale. » Bref, la Shoah, c’est quand même un peu parce qu’ils l’ont cherchée.
Son chemin le conduit, naturellement, au Front National : « Le Pen méritait la France mais je ne suis pas sûr que la France méritait Le Pen », déclare-t-il au lendemain de la présidentielle 2007. Il est alors nommé, à l’automne, au Comité central du FN. Un parti qu’il quitte, deux années plus tard – mais non pas pour des divergences idéologiques : parce qu’il n’obtient pas la tête de liste FN en Île-de-France.
Profondément dandy, avant tout opportuniste, en quête de renommée, Alain Soral avait démarré bien à gauche, au Parti communiste, avant de basculer à l’extrême-droite. Il se prétend aujourd’hui « transcourants », réconciliant « la gauche du travail et de la droite des valeurs », affiche Hugo Chavez en une de son site – mais tout en rejoignant Dieudonné sur « l’antisionisme et le lobby juif ».
De voir que, en effet, Étienne Chouard donne des entretiens à Égalité et Réconciliation, participe à des débats publics avec les membres de ce groupe, et défend Alain Soral - « un type bien » - au nom de la liberté d’expression, voilà une ambiguïté qui, pour moi, devenait rédhibitoire.
Il fallait rendre cette position publique.
Sans pour autant blesser un homme isolé, et déjà largement attaqué.
Il fallait rendre cette position publique.
Sans pour autant blesser un homme isolé, et déjà largement attaqué.
Mardi 23 juillet, Trets.
Au milieu de ces réflexions, je voyageais justement dans le Sud, pour le « Fakir Provença Tour ». J’ai envoyé un SMS à Étienne Chouard, l’avertissant que je souhaitais l’interroger sur « les antifascistes », et je me suis pointé chez lui, en plein cagnard, entre la piscine et la table de jardin.
Sur Soral
Étienne Chouard : Je ne supporte pas quand il parle des féministes et des “pédés”. Ça me hérisse. Mais il m’a rendu sensible à un point qui, pour moi, n’existait pas auparavant : c’est le sionisme, le poids du sionisme au niveau mondial.
Fakir : Mais tu pouvais y parvenir par Mermet, par Gresh, par des lectures beaucoup plus nettes, sans trace d’antisémitisme !
Étienne Chouard : C’est vrai. Mais je suis rentré par là.
Fakir : Et quand il parle du « lobby juif »…
Étienne Chouard : Il évoque davantage les sionistes. Mais si certains Juifs disent : « Nous, on est élus, et on va dominer le monde », c’est grave. C’est grave aussi quand ce sont des musulmans ou des chrétiens.
Fakir : Mais tu pouvais y parvenir par Mermet, par Gresh, par des lectures beaucoup plus nettes, sans trace d’antisémitisme !
Étienne Chouard : C’est vrai. Mais je suis rentré par là.
Fakir : Et quand il parle du « lobby juif »…
Étienne Chouard : Il évoque davantage les sionistes. Mais si certains Juifs disent : « Nous, on est élus, et on va dominer le monde », c’est grave. C’est grave aussi quand ce sont des musulmans ou des chrétiens.
Sur les complots
Fakir : Tu crois qu’il y a un complot, alors, pour dominer le monde ?
Étienne Chouard : Mais il y en a plein, des complots. C’est normal. Les gens conspirent, ils complotent pour maintenir leur pouvoir.
Fakir : Mais par exemple, le MEDEF : est-ce qu’il s’organise ou est-ce qu’il complote ?
Étienne Chouard : Bien sûr qu’ils se réunissent en secret…
Fakir : Quand j’entends Pierre Gattaz à la radio, à peine élu à la tête du Medef, et qu’il assène ses objectifs avec clarté, j’ai pas tellement l’impression qu’il garde ses buts secrets… Pour moi, toutes les forces sociales s’organisent pour défendre leurs intérêts – et avec, à l’intérieur de cette organisation, une part de secret, mais qui est une part minoritaire.
Étienne Chouard : Mais il y en a plein, des complots. C’est normal. Les gens conspirent, ils complotent pour maintenir leur pouvoir.
Fakir : Mais par exemple, le MEDEF : est-ce qu’il s’organise ou est-ce qu’il complote ?
Étienne Chouard : Bien sûr qu’ils se réunissent en secret…
Fakir : Quand j’entends Pierre Gattaz à la radio, à peine élu à la tête du Medef, et qu’il assène ses objectifs avec clarté, j’ai pas tellement l’impression qu’il garde ses buts secrets… Pour moi, toutes les forces sociales s’organisent pour défendre leurs intérêts – et avec, à l’intérieur de cette organisation, une part de secret, mais qui est une part minoritaire.
Sur le FN
Fakir : Et que Soral ait appartenu au FN, qu’il ait déclaré que « la France ne méritait pas Jean-Marie Le Pen » ?
Étienne Chouard : Mais alors, on va faire quoi ? On va trier selon les appartenances politiques : « Toi tu votes mal, je ne discute pas avec toi », ça n’est pas ça la démocratie. Quand tu dis à un raciste, « t’es un sale raciste », il va rester raciste. Mais si tu parles avec lui, il peut évoluer.
Fakir : Qu’on cherche à convaincre les électeurs du Front National, qu’on change les conditions économiques et sociales qui produisent ce vote, c’est une priorité politique. Mais là, il ne s’agit pas du mécontent de base, mais bien d’un idéologue, d’un cadre du FN.
Étienne Chouard : Moi, je suis le défenseur de toutes les paroles. Il faut débattre avec tout le monde, là où le régime des partis nous enferme dans une guerre électorale.
Fakir : Je ne suis pas d’accord. Je suis partisan d’un cordon sanitaire autour du FN.
Étienne Chouard : Et qu’est-ce que je devrais faire, alors ? Insulter leurs dirigeants ?
Fakir : Je ne te demande pas d’insulter quiconque, juste de ne plus te répandre dans leurs médias, ne plus te compromettre dans des débats avec eux. Et, éventuellement, une fois que tu l’aurais mûrie, de rédiger un texte qui explique ta nouvelle position.
Étienne Chouard : Mais alors, on va faire quoi ? On va trier selon les appartenances politiques : « Toi tu votes mal, je ne discute pas avec toi », ça n’est pas ça la démocratie. Quand tu dis à un raciste, « t’es un sale raciste », il va rester raciste. Mais si tu parles avec lui, il peut évoluer.
Fakir : Qu’on cherche à convaincre les électeurs du Front National, qu’on change les conditions économiques et sociales qui produisent ce vote, c’est une priorité politique. Mais là, il ne s’agit pas du mécontent de base, mais bien d’un idéologue, d’un cadre du FN.
Étienne Chouard : Moi, je suis le défenseur de toutes les paroles. Il faut débattre avec tout le monde, là où le régime des partis nous enferme dans une guerre électorale.
Fakir : Je ne suis pas d’accord. Je suis partisan d’un cordon sanitaire autour du FN.
Étienne Chouard : Et qu’est-ce que je devrais faire, alors ? Insulter leurs dirigeants ?
Fakir : Je ne te demande pas d’insulter quiconque, juste de ne plus te répandre dans leurs médias, ne plus te compromettre dans des débats avec eux. Et, éventuellement, une fois que tu l’aurais mûrie, de rédiger un texte qui explique ta nouvelle position.
J’étais pressé.
J’ai dû partir à la va-vite pour un débat à Aubagne. En roulant, j’ai réfléchi à cet échange, et mon intuition se confirmait : Étienne Chouard est un homme de bonne foi. Mais en même temps, sa construction idéologique me paraissait bien récente, bien fragile, bien confuse : avant 2005, la politique ne l’intéressait pas trop, et d’un coup, voilà que le référendum sur le TCE l’a porté au pinacle, mis sous le feu des projecteurs, transformé lui-même en modeste guide. Et c’est ensuite, seulement après, qu’il s’est formé politiquement. En accéléré. De bric et de broc, comme tout le monde. Sauf que chacune de ses réflexions, chacun de ses errements, sont publics, consultés par vingt mille lecteurs, twittés et facebookés. Alors que ce mûrissement aurait réclamé, peut-être, un temps de retrait, de silence et de solitude.
J’ai dû partir à la va-vite pour un débat à Aubagne. En roulant, j’ai réfléchi à cet échange, et mon intuition se confirmait : Étienne Chouard est un homme de bonne foi. Mais en même temps, sa construction idéologique me paraissait bien récente, bien fragile, bien confuse : avant 2005, la politique ne l’intéressait pas trop, et d’un coup, voilà que le référendum sur le TCE l’a porté au pinacle, mis sous le feu des projecteurs, transformé lui-même en modeste guide. Et c’est ensuite, seulement après, qu’il s’est formé politiquement. En accéléré. De bric et de broc, comme tout le monde. Sauf que chacune de ses réflexions, chacun de ses errements, sont publics, consultés par vingt mille lecteurs, twittés et facebookés. Alors que ce mûrissement aurait réclamé, peut-être, un temps de retrait, de silence et de solitude.
Mercredi 24 mars, Marseille.
Étienne Chouard m’a adressé un long texte, déjà préparé d’avance, pour répondre aux détracteurs qui lui reprochent ses « mauvaises fréquentations ». Je le lis, et bien des choses m’horripilent. Cette opposition, déjà, entre un « faux suffrage universel » et une « vraie démocratie » :
« La scène politique actuelle est, de mon point de vue un théâtre trompeur qui permet de tout décider sans nous. Et ce n’est pas nouveau, c’est structurel : depuis deux cents ans, on nous donne le spectacle (et on nous invite à lutter dans) une fausse confrontation, un jeu de dupes… Je rappelle que nous ne pouvons rien gagner politiquement dans la cage du faux « suffrage universel »… Si on en cherche la cause des causes, c’est l’élection de maîtres parmi des candidats, le faux « suffrage universel »…
Ensuite, ce consensus nécessaire à la rédaction d’un nouveau contrat social :
« Mais pour arriver à un tel résultat (notre mutation en très grand nombre en citoyens constituants), il faut que je touche tout le monde, de gauche à droite et même les abstentionnistes (qui se méfient souvent de tous les partis), et pas seulement « le peuple de gauche » ! Je ne peux évidemment pas dire, même diplomatiquement : « non, pas vous : vous êtes « fascistes », ni vous car vous êtes nationalistes, ou racistes, ou machistes, ou nucléophiles, ou bourgeois, ou banquiers, ou publicitaires, etc. donc on ne vous parle pas »… Impossible de faire société en tenant à l’écart de l’écriture du contrat social des pans entiers de la société. Ces gens dont tu hais l’idéal de société (je le redoute moi aussi), ce sont bien des êtres humains, n’est-ce pas, on ne va pas les tuer ? Alors ? On va bien (être obligés de) vivre ensemble dans le même pays avec le même contrat social, non ? »
Et plein d’autres désaccords.
Du coup, je reprends rendez-vous avec Étienne, à Marseille cette fois, l’après-midi, accompagné de mon copain Kamel, un gars de la cité, camionneur et intello.
Et cette fois, j’ai décidé de mettre la gomme – quitte à démarrer mollo :
Du coup, je reprends rendez-vous avec Étienne, à Marseille cette fois, l’après-midi, accompagné de mon copain Kamel, un gars de la cité, camionneur et intello.
Et cette fois, j’ai décidé de mettre la gomme – quitte à démarrer mollo :
Sur la démocratie
Fakir : Tu essentialises le suffrage universel, comme s’il n’était, pour toujours et depuis toujours, qu’une gigantesque tromperie, comme s’il n’y avait pas des étapes. Comme si, surtout, toutes les conquêtes sociales du XXème siècle n’étaient pas liées, pour partie, à ce suffrage universel, avec des élus qui même à droite ne doivent pas complètement se brouiller avec le peuple.
Étienne Chouard : C’est possible. Mais tu considères que, aujourd’hui, on vit dans une vraie démocratie ? Étymologiquement, « le pouvoir au peuple » ?
Fakir : Mais cette expression de « vraie démocratie », moi, je ne peux pas l’endosser. Je considère qu’on est dans un système imparfait mais que, de toute façon, on sera toujours dans un système imparfait, que l’imperfection de l’homme, de la société, ça fait partie du monde, qu’on est juste dans des dégradés de gris. Et qu’à défaut d’un idéal, je me bagarre juste pour que ce soit un peu mieux ou un peu moins pire. Donc la « vraie démocratie », la république pure et parfaite, je n’y crois pas, moi, ni hier à Athènes ni demain en France.
Et le risque, c’est que tu invites à balayer la « fausse démocratie » – dans laquelle, tout de même, et je ne le compte pas pour rien, nous pouvons exprimer nos opinions – et ton message contre cette « fausse démocratie » est entendue, répandue, même à l’extrême-droite, mais qui garantit que, derrière, nous n’aurons pas une vraie tyrannie ?
Étienne Chouard : Mais parce qu’il y a tout le travail des citoyens constituants, avec l’instauration du tirage au sort. Je parie sur une prise de conscience, sur une contagion.
Étienne Chouard : C’est possible. Mais tu considères que, aujourd’hui, on vit dans une vraie démocratie ? Étymologiquement, « le pouvoir au peuple » ?
Fakir : Mais cette expression de « vraie démocratie », moi, je ne peux pas l’endosser. Je considère qu’on est dans un système imparfait mais que, de toute façon, on sera toujours dans un système imparfait, que l’imperfection de l’homme, de la société, ça fait partie du monde, qu’on est juste dans des dégradés de gris. Et qu’à défaut d’un idéal, je me bagarre juste pour que ce soit un peu mieux ou un peu moins pire. Donc la « vraie démocratie », la république pure et parfaite, je n’y crois pas, moi, ni hier à Athènes ni demain en France.
Et le risque, c’est que tu invites à balayer la « fausse démocratie » – dans laquelle, tout de même, et je ne le compte pas pour rien, nous pouvons exprimer nos opinions – et ton message contre cette « fausse démocratie » est entendue, répandue, même à l’extrême-droite, mais qui garantit que, derrière, nous n’aurons pas une vraie tyrannie ?
Étienne Chouard : Mais parce qu’il y a tout le travail des citoyens constituants, avec l’instauration du tirage au sort. Je parie sur une prise de conscience, sur une contagion.
Sur le contrat social
Fakir : Tu écris, par ailleurs, qu’il faut discuter avec le Front National – et y compris, semble-t-il, avec leurs dirigeants – parce que, pour rédiger le nouveau contrat social, il faudrait que tout le monde, le peuple entier, soit d’accord…
Étienne Chouard : C’est bien ça.
Fakir : Mais quand est-ce que ça a fonctionné avec cet unanimisme ? Le contrat de 1789 se fait très largement contre l’aristocratie, contre le clergé, et contre des fractions importantes des classes populaires qui se solidarisent avec leurs anciens maîtres. En 1944, le Conseil National de la Résistance n’a pas demandé l’avis des collabos – et encore moins de Pétain et de ses ministres – pour rédiger son programme !
Étienne Chouard : Mais s’il n’y a pas un consensus, allez, des 99 % contre les 1 %, ça signifie que, derrière, il y aura des violences.
Fakir : D’abord, je ne suis pas d’accord du tout sur cette structure de classes : 99% contre 1%. Ça serait trop facile pour nous. Et ensuite, si tu souhaites vraiment une redistribution des cartes – des richesses, des statuts, des lois –, ça se fera de toute façon avec une immense tension. D’autant plus si, d’après toi, ça ne peut pas passer par les élections.
Étienne Chouard : C’est bien ça.
Fakir : Mais quand est-ce que ça a fonctionné avec cet unanimisme ? Le contrat de 1789 se fait très largement contre l’aristocratie, contre le clergé, et contre des fractions importantes des classes populaires qui se solidarisent avec leurs anciens maîtres. En 1944, le Conseil National de la Résistance n’a pas demandé l’avis des collabos – et encore moins de Pétain et de ses ministres – pour rédiger son programme !
Étienne Chouard : Mais s’il n’y a pas un consensus, allez, des 99 % contre les 1 %, ça signifie que, derrière, il y aura des violences.
Fakir : D’abord, je ne suis pas d’accord du tout sur cette structure de classes : 99% contre 1%. Ça serait trop facile pour nous. Et ensuite, si tu souhaites vraiment une redistribution des cartes – des richesses, des statuts, des lois –, ça se fera de toute façon avec une immense tension. D’autant plus si, d’après toi, ça ne peut pas passer par les élections.
Sur Soral (fin)
Fakir : Vas-y, Kamel, raconte-lui ta rencontre avec Alain Soral.
Kamel : L’an dernier, tu sais, Soral est venu à Marseille. Comme il attire vachement de jeunes dans les quartiers, comme mon petit frère était sous son charme, je suis allé l’écouter. Y avait plein de mecs avec des djellabas, des barbes, les filles avec le voile, et là Soral leur dit en gros : « Si vous êtes dans la merde, c’est à cause d’un banquier sioniste à New-York. » Moi j’ai pris la parole, après, et je lui ai demandé pourquoi il indique « sioniste » ? pourquoi il dit pas un « capitaliste », un « oligarque » ? Et là, il m’a répondu qu’il fallait appeler un chat un chat.
Étienne Chouard : C’est pas raciste. Il ne dit pas « Juif », il dit « sioniste ».
Fakir : Est-ce qu’il a précisé, dans son exposé, qu’il ne fallait surtout surtout surtout pas confondre « juif » et « sioniste » ?
Kamel : Non, il n’a rien précisé.
Fakir : Mais Étienne, comment tu penses que c’est reçu, dans la salle ? Tu penses qu’ils donnent dans la nuance, les mecs ? Moi, pendant que je faisais mon bouquin Quartier nord, à Amiens, y a plein de gars qui me prenaient pour un juif à cause de mon gros pif, et c’était pas amical crois-moi.
Étienne Chouard se tait, frappé.
Kamel : C’est dangereux ce jeu-là. Là, pour moi, Soral déplace la question de la lutte des classes à la lutte des races.
Kamel : L’an dernier, tu sais, Soral est venu à Marseille. Comme il attire vachement de jeunes dans les quartiers, comme mon petit frère était sous son charme, je suis allé l’écouter. Y avait plein de mecs avec des djellabas, des barbes, les filles avec le voile, et là Soral leur dit en gros : « Si vous êtes dans la merde, c’est à cause d’un banquier sioniste à New-York. » Moi j’ai pris la parole, après, et je lui ai demandé pourquoi il indique « sioniste » ? pourquoi il dit pas un « capitaliste », un « oligarque » ? Et là, il m’a répondu qu’il fallait appeler un chat un chat.
Étienne Chouard : C’est pas raciste. Il ne dit pas « Juif », il dit « sioniste ».
Fakir : Est-ce qu’il a précisé, dans son exposé, qu’il ne fallait surtout surtout surtout pas confondre « juif » et « sioniste » ?
Kamel : Non, il n’a rien précisé.
Fakir : Mais Étienne, comment tu penses que c’est reçu, dans la salle ? Tu penses qu’ils donnent dans la nuance, les mecs ? Moi, pendant que je faisais mon bouquin Quartier nord, à Amiens, y a plein de gars qui me prenaient pour un juif à cause de mon gros pif, et c’était pas amical crois-moi.
Étienne Chouard se tait, frappé.
Kamel : C’est dangereux ce jeu-là. Là, pour moi, Soral déplace la question de la lutte des classes à la lutte des races.
Sur l’adolescence
Fakir : Mon sentiment profond, c’est que tu es comme un adolescent en politique. Tu voles d’émerveillements en indignations. C’est beau, en un sens, ça apporte de la naïveté, de la fraîcheur, de la hardiesse aussi. Mais ça comporte une part d’errance.
Moi, avant de lancer Fakir, je me suis tapé une traversée du désert : durant sept années, j’ai écrit écrit écrit, sans que rien ne soit publié. « Malheureusement », je pensais à l’époque. « Heureusement », je me dis aujourd’hui. Parce que c’était complètement immature : en gros, il fallait flinguer l’humanité (à commencer par les présentateurs du jité).
Tu es loin de ces sommets du ridicule, mais je vois là un danger, avec des prises de position un peu sur tout. D’autant plus que tu aimes flirter avec la ligne jaune.
Moi, avant de lancer Fakir, je me suis tapé une traversée du désert : durant sept années, j’ai écrit écrit écrit, sans que rien ne soit publié. « Malheureusement », je pensais à l’époque. « Heureusement », je me dis aujourd’hui. Parce que c’était complètement immature : en gros, il fallait flinguer l’humanité (à commencer par les présentateurs du jité).
Tu es loin de ces sommets du ridicule, mais je vois là un danger, avec des prises de position un peu sur tout. D’autant plus que tu aimes flirter avec la ligne jaune.
Ça tournait à la leçon.
Et je devais filer à mon débat.
Il m’a remercié.
J’ai reçu un SMS, encore : « Je te remercie pour ta gentillesse et ta patience. » Et c’est là que Chouard est un mec pas banal. Parce que c’est lui, l’aîné, vingt ans de plus que moi, c’est lui le prof, c’est lui la star, « Don Quichotte du non », etc., et moi un gamin m’aurait avoiné comme ça, je n’aurais pas apprécié. Mais lui, plus tu lui rentres dans la gueule, plus il te remercie ! C’est soit un masochiste, soit un démocrate !
Et je devais filer à mon débat.
Il m’a remercié.
J’ai reçu un SMS, encore : « Je te remercie pour ta gentillesse et ta patience. » Et c’est là que Chouard est un mec pas banal. Parce que c’est lui, l’aîné, vingt ans de plus que moi, c’est lui le prof, c’est lui la star, « Don Quichotte du non », etc., et moi un gamin m’aurait avoiné comme ça, je n’aurais pas apprécié. Mais lui, plus tu lui rentres dans la gueule, plus il te remercie ! C’est soit un masochiste, soit un démocrate !
On a repassé une heure, ensemble, le jeudi, à Aix cette fois.
Et j’ignore ce que va donner, politiquement, tout ce baratin, s’il va rompre avec ces machins de Soral et de complots. Je crains que non. Je sais, en revanche, qu’au fil de ces trois jours, j’ai mesuré le fossé qui, politiquement, nous sépare. Mais aussi que, personnellement, je me sens davantage son « ami », un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges.
Et j’ignore ce que va donner, politiquement, tout ce baratin, s’il va rompre avec ces machins de Soral et de complots. Je crains que non. Je sais, en revanche, qu’au fil de ces trois jours, j’ai mesuré le fossé qui, politiquement, nous sépare. Mais aussi que, personnellement, je me sens davantage son « ami », un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges.
(4) Le Front National
Dans le dernier numéro de Fakir, Emmanuel Todd déclarait : « Au Front de Gauche, sur le protectionnisme, ça avance, mais avec quel retard sur les classes populaires ! »
J’ajoutais : « Et quel retard sur le Front National, aussi, qui est devenu hyper-efficace sur ces questions. Vous voyez le FN comme le parti des dominés, le refuge pour le refus du libre-échange, pour le refus de l’euro…
- Le parti des dominés, il n’y a qu’à regarder les statistiques, il n’y a qu’à regarder les cartes. Le vote FN se déplace des marges anti-maghrébines, situées à l’est, pour aller se loger dans le vieil espace révolutionnaire égalitaire français. »
J’ajoutais : « Et quel retard sur le Front National, aussi, qui est devenu hyper-efficace sur ces questions. Vous voyez le FN comme le parti des dominés, le refuge pour le refus du libre-échange, pour le refus de l’euro…
- Le parti des dominés, il n’y a qu’à regarder les statistiques, il n’y a qu’à regarder les cartes. Le vote FN se déplace des marges anti-maghrébines, situées à l’est, pour aller se loger dans le vieil espace révolutionnaire égalitaire français. »
Je ne rends pas hommage, ni ici ni dans mon esprit, à l’efficacité du FN : elle m’inquiète. Le virage idéologique pris avec Marine Le Pen – fût-il superficiel, traversé par des contradictions –, le tranchant des prises de position – notamment par la voix du vice-président à la stratégie, Florian Philippot – marquent des points, je le crains, j’en ai l’impression quand je bois un coup au bistro. Ce que vérifient les législatives partielles.
Je ne m’en réjouis pas, bien au contraire. Mais jamais je ne méprise l’adversaire – qu’il soit patronal, eurocrate, libéral, président de la Banque centrale européenne, ou en l’occurrence d’extrême-droite : oui, il peut être « hyper-efficace » et « talentueux ». Non, nous ne sommes pas forcément les plus intelligents, complexe de supériorité culturelle qui habite, bien souvent, une gauche truffée d’étudiants, d’universitaires, de surdiplômés. Oui, « l’ennemi de classe » est parfois plus stratège, plus organisé, plus malin que nous ne le sommes. Sans quoi, nous n’en serions pas là.
Je ne m’en réjouis pas, bien au contraire. Mais jamais je ne méprise l’adversaire – qu’il soit patronal, eurocrate, libéral, président de la Banque centrale européenne, ou en l’occurrence d’extrême-droite : oui, il peut être « hyper-efficace » et « talentueux ». Non, nous ne sommes pas forcément les plus intelligents, complexe de supériorité culturelle qui habite, bien souvent, une gauche truffée d’étudiants, d’universitaires, de surdiplômés. Oui, « l’ennemi de classe » est parfois plus stratège, plus organisé, plus malin que nous ne le sommes. Sans quoi, nous n’en serions pas là.
(5) BRN
Il y a deux ans, déjà, en juin 2011, Ornella Guyet nous sommait de « supprimer le partenariat qui vous lie à BRN ». Et pour quelles raisons, déjà ?
« Dans son comité de rédaction figure Laurent Dauré, membre de l’UPR - un groupuscule souverainiste situé très à droite sur l’échiquier politique. Vous ne pouvez donc pas, en toute décence, travailler en confiance avec une revue animée par un tel personnage.
Par ailleurs, je vous signale qu’on trouve aussi dans l’équipe de cette revue Bruno Drewsky, un ami du négationniste Claude Karnoouh, qu’il publie régulièrement dans sa revue La Pensée libre (la plus récente remonte à janvier 2011) : http://lapenseelibre.fr/contenudesnumeros.aspx
Le même Drewsky a donné en 2009 une interview à Rebellion, organe d’un groupuscule d’extrême droite toulousain qui est une émanation du Parti national-bolchevique russe en France et est distribué par la maison d’édition d’Alain Soral : http://rebellion.hautetfort.com/archive/2009/10/28/entretien-avec-bruno-drweski.html
Je demande donc à ce qu’une mesure de rétorsion immédiate soit prise par Fakir à l’encontre de BRN et le partenariat qui vous lie à cette revue supprimé.
O. »
Nous avions repoussé cette mise à l’index :
« Chère Ornella,
La citation est notre arme préférée, à Fakir - comme dans bien d’autres publications de médias-critique et de critiques des médias qui nous ont précédés.
Pour me convaincre de ne pas publier quelques brèves de BRN, un argument primera donc : qu’à partir de citations, tu démontres leur appartenance ou leur proximité avec l’extrême droite. Pour l’instant, sans adhérer à tout leur contenu, ce qui m’intéresse dans BRN – et ce qui, je pense, peut intéresser les lecteurs de Fakir – ce sont leurs citations, justement, des commissaires européens, des parlementaires, de Business Europe, etc.
Pour me convaincre, là, tu me dis que Bruno Drewski (que je n’ai jamais rencontré) collabore à BRN – ce qui suffirait à disqualifier la revue. Mais qu’a donc dit ou écrit Bruno Drewski de si scandaleux ? Tu ne m’apportes, sur ce point, aucune citation. A la place, tu me dis qu’il a accordé une interviou à Rebellion (que je ne connais pas). J’ai lu l’interview : sans être, encore une fois, en accord avec tout, je ne vois absolument pas dans ses propos de quoi discréditer un homme. Ça me paraît même de plutôt bonne tenue. Tout comme son Que sais-je, sur la Biélorussie (que j’ai lu).
Pour me convaincre encore, tu me dis que Bruno Drewski publie avec le négationniste Claude Karnouh sur le site La Pensée libre. J’ai circulé sur ce site et, à première vue, très rapidement, je n’ai rien aperçu de cette nature. Bien que, en toute sincérité, ce compagnonnage me trouble.
De même, pour dénoncer l’UPR et François Asselineau (mouvement que je méconnais : je ne suis franchement pas un spécialiste de toute cette mouvance), dans ton article, tu ne fais pas une seule citation, démontrant qu’ils seraient bel et bien « ultra-nationalistes », « fascistes », etc.
Pour me convaincre, et pour convaincre tous les hommes de bonne volonté (qui existent), mieux vaudrait, à mon sens, en revenir à cette arme majeure : la citation. L’analyse. Les preuves, comme disait Jaurès.
Quant à un futur éventuel oukase sur Fakir, j’aimerais qu’il s’établisse sur des bases claires : qu’avons-nous publié qui le mérite ? »
Cette réponse, je l’avais également transmise à Pierre Lévy, le directeur de BRN. Pour l’avertir que, bien sûr, nous romprions notre partenariat au moindre propos en faveur, par exemple, du Front National. Mais notre vigilante « antifasciste » ne nous a, en retour, pas adressés la moindre citation – et n’en continue pas moins de récidiver, usant sans la moindre preuve de l’accusation – extrêmement grave – de « négationniste ».
(6) Le maton sympa
Dans un dossier consacré à la maison d’arrêt d’Amiens, en 2003, nous avons, en effet, consacré un portrait à Luc Rody, gardien de prison, habitant juste derrière, et délégué CGT : « À la réunion d’arrivants, témoignait-il, on leur raconte des histoires : “ Avec la Mission locale, on va vous aider à trouver du boulot, un logement, une formation… ”, mais c’est faux. On promet, on promet énormément, mais on ne fait rien. Alors, le gars a la haine. La nuit, j’en surprends beaucoup qui pleurent, même si ça joue aux hommes…
- La prison compte combien de travailleurs sociaux ?
- Six. Six pour plus de six cents prisonniers. Comment ils peuvent faire ? comment ils régleraient des difficultés de santé, de famille ? Certains détenus, ils ne les voient qu’une fois en deux ans ! Pour la sortie, ils ne peuvent même plus payer un billet de train, même pas donner un ticket repas, on grignote sur tous les budgets. Alors, dehors, les gars retournent à la rue, limite clochards… J’en croise, souvent : “Alors, tu as décroché un job ? – Non. – Qu’est-ce que tu vas faire ? – Je vais remonter bientôt.” La vérité, c’est qu’on fait de la répression, mais à côté, rien n’existe. Le vide. On n’a même pas le plaisir de se dire ‘on fait un métier utile’, même pas, parce que derrière, la réinsertion, c’est du bidon… »
Voilà qui, apparemment, ne mérite pas d’être entendu. Et constitue un grave « dérapage », une « apologie des matons humanistes ».
- La prison compte combien de travailleurs sociaux ?
- Six. Six pour plus de six cents prisonniers. Comment ils peuvent faire ? comment ils régleraient des difficultés de santé, de famille ? Certains détenus, ils ne les voient qu’une fois en deux ans ! Pour la sortie, ils ne peuvent même plus payer un billet de train, même pas donner un ticket repas, on grignote sur tous les budgets. Alors, dehors, les gars retournent à la rue, limite clochards… J’en croise, souvent : “Alors, tu as décroché un job ? – Non. – Qu’est-ce que tu vas faire ? – Je vais remonter bientôt.” La vérité, c’est qu’on fait de la répression, mais à côté, rien n’existe. Le vide. On n’a même pas le plaisir de se dire ‘on fait un métier utile’, même pas, parce que derrière, la réinsertion, c’est du bidon… »
Voilà qui, apparemment, ne mérite pas d’être entendu. Et constitue un grave « dérapage », une « apologie des matons humanistes ».
(7) Les douaniers
Notre antifasciste qualifie de « dérapage », à nouveau, notre « apologie » des « superflics que sont les douaniers ». C’est en-deçà de la vérité, pour une fois : car c’est avec constance que nous dérapons !
« Vive les douaniers ! » proclamions-nous en Une de notre numéro 57. Un titre que je reprenais pour un chapitre de mon ouvrage, Leur grande Trouille. Et la même déclaration nous sert encore, cet été, pour notre T’chio Rouge et Vert : « Contre le libre-échange, vive les douaniers ! »
Réclamer une transformation de la douane, exiger qu’elle s’occupe moins des clandestins – à vrai dire plus du tout – mais davantage d’entraver la circulation des capitaux et des marchandises, voilà qui, bizarrement, est douteux. Tend vers le fascisme.
« Vive les douaniers ! » proclamions-nous en Une de notre numéro 57. Un titre que je reprenais pour un chapitre de mon ouvrage, Leur grande Trouille. Et la même déclaration nous sert encore, cet été, pour notre T’chio Rouge et Vert : « Contre le libre-échange, vive les douaniers ! »
Réclamer une transformation de la douane, exiger qu’elle s’occupe moins des clandestins – à vrai dire plus du tout – mais davantage d’entraver la circulation des capitaux et des marchandises, voilà qui, bizarrement, est douteux. Tend vers le fascisme.
(8) Maurice Allais
Depuis son virage protectionniste, au début des années 90, Maurice Allais était privé de médias. Au printemps 2009, Fakir sera le seul journal à avoir publié un entretien avec le seul prix Nobel d’Économie – ou plus exactement : le prix de la banque de Suède d’économie. Doit-on tenir cela, franchement, pour une honte ?
Et pourquoi le qualifier de « larouchiste » ? Parce que, après la chute de Lehman Brother, Maurice Allais a signé une lettre soutenant l’appel de Lyndon Larouche – le Cheminade américain – pour le « sauvetage de l’économie mondiale ».
Mais signer une lettre, une fois, sur un thème précis, suffit-il à faire de vous un « larouchiste » dans l’âme ? Et à discréditer tout propos qui sort de votre bouche, ou de votre plume ? Fût-il de bon sens : « L’histoire n’est pas écrite,concluait pour nous Maurice Allais, et je ne vois dans ce processus mondialiste aucune fatalité. C’est en fait de l’évolution des opinions publiques, c’est du poids relatif des forces politiques, que dépendent les changements de politique réalistes qui nous sauveront du désastre et détermineront notre avenir.
Et si j’insiste sur le “-isme”, c’est que je dresse un parallèle. Les perversions du socialisme ont entraîné l’effondrement des sociétés de l’Est. Mais les perversions laissez-fairistes mènent à l’effondrement des sociétés occidentales.
En réalité, l’économie mondialiste qu’on nous présente comme une panacée ne connaît qu’un seul critère, “l’argent”. Elle n’a qu’un seul culte, “l’argent”. Dépourvue de toute considération éthique, elle ne peut que se détruire elle-même. »
Et pourquoi le qualifier de « larouchiste » ? Parce que, après la chute de Lehman Brother, Maurice Allais a signé une lettre soutenant l’appel de Lyndon Larouche – le Cheminade américain – pour le « sauvetage de l’économie mondiale ».
Mais signer une lettre, une fois, sur un thème précis, suffit-il à faire de vous un « larouchiste » dans l’âme ? Et à discréditer tout propos qui sort de votre bouche, ou de votre plume ? Fût-il de bon sens : « L’histoire n’est pas écrite,concluait pour nous Maurice Allais, et je ne vois dans ce processus mondialiste aucune fatalité. C’est en fait de l’évolution des opinions publiques, c’est du poids relatif des forces politiques, que dépendent les changements de politique réalistes qui nous sauveront du désastre et détermineront notre avenir.
Et si j’insiste sur le “-isme”, c’est que je dresse un parallèle. Les perversions du socialisme ont entraîné l’effondrement des sociétés de l’Est. Mais les perversions laissez-fairistes mènent à l’effondrement des sociétés occidentales.
En réalité, l’économie mondialiste qu’on nous présente comme une panacée ne connaît qu’un seul critère, “l’argent”. Elle n’a qu’un seul culte, “l’argent”. Dépourvue de toute considération éthique, elle ne peut que se détruire elle-même. »
Mise au point : Pour un cordon sanitaire
Je le disais à Étienne Chouard, je le répète ici : je suis partisan d’un cordon sanitaire avec l’extrême-droite. On ne joue pas avec le feu, on ne fait pas mumuse avec les héritiers de Doriot et Déat, même relookés et souriants.
C’est d’autant plus impératif pour Fakir – et pour d’autres intellectuels de gauche, Lordon, Todd, Sapir, etc. – que, avouons-le, nous partageons des analyses avec le Front National : sur l’Europe et la mondialisation.
Circonstance aggravante, nous sommes prêts à recourir à quelques outils communs : protectionnisme, sortie de l’euro, cadre national.
Raison de plus, alors, pour ne pas se mélanger, et pour rappeler que les fins poursuivies sont aux antipodes : à nous l’émancipation sociale (avec, notamment, une réduction et un partage du temps de travail), la justice fiscale (relèvement des impôts sur les sociétés, ainsi que des taxes sur les hauts revenus), la transformation environnementale (tout est à revoir, ici, des transports à la production). Autant de thématiques qui ne figurent pas dans le fonds de commerce des Le Pen and co.
C’est d’autant plus impératif pour Fakir – et pour d’autres intellectuels de gauche, Lordon, Todd, Sapir, etc. – que, avouons-le, nous partageons des analyses avec le Front National : sur l’Europe et la mondialisation.
Circonstance aggravante, nous sommes prêts à recourir à quelques outils communs : protectionnisme, sortie de l’euro, cadre national.
Raison de plus, alors, pour ne pas se mélanger, et pour rappeler que les fins poursuivies sont aux antipodes : à nous l’émancipation sociale (avec, notamment, une réduction et un partage du temps de travail), la justice fiscale (relèvement des impôts sur les sociétés, ainsi que des taxes sur les hauts revenus), la transformation environnementale (tout est à revoir, ici, des transports à la production). Autant de thématiques qui ne figurent pas dans le fonds de commerce des Le Pen and co.
Le combat contre le FN n’est clairement pas la raison d’être de Fakir.
Ou alors, indirectement.
Notre ADN, depuis la naissance du journal en 1999, c’est une attention portée aux classes populaires, à leurs conditions d’existence, et en particulier à ce fléau qui les lamine depuis trois décennies : le chômage. Rédigeant ce journal depuis Amiens, nous avons assisté à des délocalisations en série, des lave-linge (Whirlpool), des canapés (Parisot), des pneus (Goodyear), et même des chips (Flodor) ! Voilà le meilleur carburant pour un vote de désespoir – et nous voyons lentement la Picardie, « première région ouvrière de France » (d’après le Figaro), terre jacobine durant la Révolution, à la tradition rouge dans bien des coins, nous la voyons glisser lentement au Front National. Alors, rouvrir l’espoir, rassurer un peu sur l’avenir, nous paraît plus utile que de dessiner des moustaches d’Hitler à la Marine, que de crier « F comme fasciste, N comme nazi ». L’un, il est vrai, n’empêchant pas l’autre.
Ou alors, indirectement.
Notre ADN, depuis la naissance du journal en 1999, c’est une attention portée aux classes populaires, à leurs conditions d’existence, et en particulier à ce fléau qui les lamine depuis trois décennies : le chômage. Rédigeant ce journal depuis Amiens, nous avons assisté à des délocalisations en série, des lave-linge (Whirlpool), des canapés (Parisot), des pneus (Goodyear), et même des chips (Flodor) ! Voilà le meilleur carburant pour un vote de désespoir – et nous voyons lentement la Picardie, « première région ouvrière de France » (d’après le Figaro), terre jacobine durant la Révolution, à la tradition rouge dans bien des coins, nous la voyons glisser lentement au Front National. Alors, rouvrir l’espoir, rassurer un peu sur l’avenir, nous paraît plus utile que de dessiner des moustaches d’Hitler à la Marine, que de crier « F comme fasciste, N comme nazi ». L’un, il est vrai, n’empêchant pas l’autre.
Mais comme nous y sommes peu attentifs, justement, nous avons besoin de vigies. Des guetteurs, qui examinent la nouvelle rhétorique du FN, qui veillent sur ses clubs de pensée, qui informent sur ses stratégies de récupération. Et qui nous avertissent, à l’occasion : « Attention, là, faites gaffe ! Terrain miné ! »
Les antifascistes que nous citons ici, largement repris sur le web, qui nous fustigent, ne remplissent pas ce rôle.
Ou fort mal.
Ils s’avèrent même, de notre point de vue, contre-productifs.
Les antifascistes que nous citons ici, largement repris sur le web, qui nous fustigent, ne remplissent pas ce rôle.
Ou fort mal.
Ils s’avèrent même, de notre point de vue, contre-productifs.
À force de crier « au loup », qui croira qu’il existe encore un loup ? Comment puis-je lire avec sérieux, maintenant, un auteur qui trace un trait d’union entre Pierre Carles et Dieudonné ? des sites qui font un petit paquet avec Frédéric Lordon, Hervé Kempf ou moi-même, et vous classent tout ça allègrement dans le « rouge-vert-brun » ? Et pourtant, en ces temps politiquement troublés, brouillés, ce serait une nécessité : des lanceurs d’alerte en qui, sur ce terrain, nous ayons confiance. Mais il y a, chez ces « antifas », une telle joie de la calomnie, un tel bonheur d’avoir découvert une tâche – quitte à l’inventer, avec malhonnêteté.
À la moindre incartade, avérée ou fantasmée, les voilà qui traitent des camarades d’hier en quasi-ennemis. Un vague courriel privé fut-il, par exemple, adressé à Hervé Kempf, avant que ne soit publiquement pointé le « confusionnisme » de son site Reporterre, parce que le communiqué d’un « micro-parti fascisant » - la Dissidence française - se serait égaré dessus ?
À la moindre incartade, avérée ou fantasmée, les voilà qui traitent des camarades d’hier en quasi-ennemis. Un vague courriel privé fut-il, par exemple, adressé à Hervé Kempf, avant que ne soit publiquement pointé le « confusionnisme » de son site Reporterre, parce que le communiqué d’un « micro-parti fascisant » - la Dissidence française - se serait égaré dessus ?
Le risque, aussi, c’est de créer des Dieudonné en série. Car qu’était cet humoriste ? Une outre politiquement vide et qui, prétendant s’engager, pouvait se remplir de n’importe quoi. Je me souviens de son passage, au journal télévisé de France 2 en 1997, alors qu’il se présentait aux élections législatives à Dreux. C’était gentiment démago de gauche, il se voulait l’héritier de Coluche, il rouvrirait les casernes pour les SDF. Et puis il y eut ce sketch chez Fogiel, pas drôle, mais non, pas antisémite, et le lendemain, le voilà lapidé en place publique, banni des peoples, et sans grand monde pour le défendre, sans personne pour lui ouvrir une porte de sortie. Il est resté avec ceux qui lui restaient, les pires. Et empirant chaque jour avec eux.
Voilà ce que produisent des mises à l’index hâtives.
Voilà ce que produisent des mises à l’index hâtives.
J’ai gardé le plus grave pour la fin : la paresse de ces raisonnements, qui prolifèrent désormais à gauche. Il n’y a plus à argumenter et contre argumenter, à comprendre les forces à l’œuvre dans le peuple, à imaginer les chemins tortueux de la transformation, non : il suffit de vous amalgamer à des noms propres, supposés sales, « dieudonniste », « colloniste », « larouchiste », « Dupont-Aignan », « Cheminade », pour que la vilénie vous couvre à votre tour. Il suffit d’annoncer qu’Untel a débattu avec Machin qui a publié une préface pour Truc qui connaît bien Bidule, lui-même proche de l’extrême droite, pour qu’Untel soit compromis. Et il devient dès lors inutile d’écouter ses propos, de contester son point de vue avec des chiffres, des concepts, des comparaisons historiques.
C’est à un terrorisme de la pensée – et des fréquentations – qu’aspirent ces inquisiteurs : songer à un nouveau rôle pour les douaniers, réfléchir au cadre national, et même discuter avec un surveillant de prison, voilà qui relève de l’interdit. Et vous vaut, sans débat, d’ajouter votre patronyme à une liste noire, publiquement tenue.
C’est à un terrorisme de la pensée – et des fréquentations – qu’aspirent ces inquisiteurs : songer à un nouveau rôle pour les douaniers, réfléchir au cadre national, et même discuter avec un surveillant de prison, voilà qui relève de l’interdit. Et vous vaut, sans débat, d’ajouter votre patronyme à une liste noire, publiquement tenue.
Pareille malhonnêteté intellectuelle, même juste 10 %, vous vaudrait, à la fac, dans un parti, même dans la presse, un discrédit immédiat. Sauf qu’Internet bénéficie, en la matière, d’un régime d’exception.
Mais regardons ces anathèmes comme un signe, aussi.
Presque encourageant.
Pourquoi ces salves d’injures qui s’intensifient, sur Lordon, Todd, Sapir, etc., voire Mélenchon ? C’est qu’une controverse s’ouvre, à gauche, comme un clivage. Il a vécu, le consensus altermondialiste, ou alter-européiste, le temps où l’on se laissait bercer par un internationalisme angélique et impuissant. Face à la débâcle de l’Euro, aux dommages du libre-échange, l’offensive est lancée, et nous en sommes des artilleurs : « frontières », « souveraineté », ces mots ne nous sont plus tabous. Une réponse politique, concrète, réaliste, de masse, ne pourra plus demain, pensons-nous, se priver d’eux, s’interdire de les prononcer et de les repenser.
Cette bataille des idées, interne à notre camp, peut être, doit être menée en douceur, autant que possible, sans désir de heurter, de déchirer, de perdre des camarades en route : à quoi bon se brouiller, quand on se retrouvera côte à côte dans les grèves et les manifs ? Mais on comprend que ces avancées – de notre point de vue, ces reculades du leur – hérissent le poil de militants, libertaires par exemple, que ces vocables à eux seuls font gerber, et qu’ils nous renvoient, comme par réflexe, sans trop s’embarrasser de fioritures, à la guerre de 14 ou au fascisme.
Presque encourageant.
Pourquoi ces salves d’injures qui s’intensifient, sur Lordon, Todd, Sapir, etc., voire Mélenchon ? C’est qu’une controverse s’ouvre, à gauche, comme un clivage. Il a vécu, le consensus altermondialiste, ou alter-européiste, le temps où l’on se laissait bercer par un internationalisme angélique et impuissant. Face à la débâcle de l’Euro, aux dommages du libre-échange, l’offensive est lancée, et nous en sommes des artilleurs : « frontières », « souveraineté », ces mots ne nous sont plus tabous. Une réponse politique, concrète, réaliste, de masse, ne pourra plus demain, pensons-nous, se priver d’eux, s’interdire de les prononcer et de les repenser.
Cette bataille des idées, interne à notre camp, peut être, doit être menée en douceur, autant que possible, sans désir de heurter, de déchirer, de perdre des camarades en route : à quoi bon se brouiller, quand on se retrouvera côte à côte dans les grèves et les manifs ? Mais on comprend que ces avancées – de notre point de vue, ces reculades du leur – hérissent le poil de militants, libertaires par exemple, que ces vocables à eux seuls font gerber, et qu’ils nous renvoient, comme par réflexe, sans trop s’embarrasser de fioritures, à la guerre de 14 ou au fascisme.
No pasaran !
Nous ne cèderons pas à ces autoproclamés « antifas », sectaires, paranos, minoritaires, qui dénaturent l’antifascisme, le trahissent, qui en font la chose d’un clan, recroquevillé sur lui-même, excluant les hérétiques, gardiens d’une nouvelle pensée unique. Quand le véritable antifascisme, historique, généreux, né en 1934 avec les syndicats ouvriers et les partis de gauche, existant toujours mais avec moins de tumultes, doit retrouver les profondeurs du pays et embrasser tout le mouvement social.
Dont nous sommes.
Nous ne cèderons pas à ces autoproclamés « antifas », sectaires, paranos, minoritaires, qui dénaturent l’antifascisme, le trahissent, qui en font la chose d’un clan, recroquevillé sur lui-même, excluant les hérétiques, gardiens d’une nouvelle pensée unique. Quand le véritable antifascisme, historique, généreux, né en 1934 avec les syndicats ouvriers et les partis de gauche, existant toujours mais avec moins de tumultes, doit retrouver les profondeurs du pays et embrasser tout le mouvement social.
Dont nous sommes.
PS : Fakir est si manifestement fasciste que, dans le dernier numéro en kiosques, nous consacrons quatre pages à une usine tunisienne (contre une relocalisation en France !), autant à un portrait de Kamel, deux pages et un livre au Résistant – et antifasciste de la première heure – Maurice Kriegel-Valrimont.
source : https://www.fakirpresse.info/L-air-du-soupcon
Chouard se défend
Qui est d'extrême droite ?
Qui est d'extrême droite ?
Comme tous ceux qui voient dans les attentats criminels du 11 septembre la POSSIBILITÉ (et pas du tout la certitude) d'un coup d'État destiné à réduire les libertés publiques et à légitimer un état de guerre permanent, je deviens apparemment le "fasciste" des chiens de garde de la vérité officielle.
Un papier assez venimeux, plutôt bête et surtout très calomnieux, vient de paraître, là :
conspishorsdenosvies...faux-ami-etienne-chouard-en-tournee/
conspishorsdenosvies...faux-ami-etienne-chouard-en-tournee/
Il y est dit que je suis désormais "un conspirationniste d'extrême droite" (sic), que l'"on doit" (re sic) considérer comme un "ennemi politique" (re re sic)…
Je dois aller en cours ce matin et je n'ai pas le temps de développer, mais je peux dire rapidement quelques choses simples et fortes : je suis prêt à débattre (mais pas à me battre) avec n'importe qui :
1) de ce qui CARACTÉRISE la pensée d'extrême droite (on en profitera pour caractériser ce qu'est une vraie pensée de gauche),
2) de ce qui constitue ma propre pensée, pour savoir si, finalement, je suis de droite ou de gauche.
En deux mots, si c'est possible :
• De ce que j'en sais, le projet d'extrême droite est un projet de domination d'une bande de riches privilégiés, au moyen d'un chef unique pas ou peu contrôlé par "son" peuple : l'extrême droite veut un homme fort, un leader maximo, un duce, un führer, un roi, un dieu.
La maîtrise de l'État (c'est-à-dire du monopole de l'usage de la force) par ces privilégiés leur permet de rendre éternels leurs privilèges, et l'une des missions du chef d'extrême droite, c'est de faire régner l'ordre des propriétaires par la terreur inspirée aux travailleurs, à qui l'extrême droite rêve d'interdire les syndicats et les associations, et, finalement, de priver les pauvres de toute possibilité de résistance politique aux riches du moment.
• La vision que j'ai de la société, qui est radicalement démocratique (au sens strict et honnête du terme, et pas au sens "moderne" dévoyé par les élus) est diamétralement opposée à celle de l'extrême droite : JE NE VEUX PAS DE CHEF (c'est d'extrême droite, ça ? Il faut arrêter de dire des bêtises) ; je cherche à mettre tous les aspirants chefs sous le contrôle quotidien de ceux qu'ils prétendent dominer ; je cherche les conditions d'un processus constituant honnête qui donnera aux peuples des institutions leur permettant — à tout moment et de leur propre initiative — de résister contre tout projet de domination, quel qu'il soit ; je prétends que toutes les décisions importantes pour la société doivent être débattues et prises par les citoyens eux-mêmes, sous leur propre contrôle, effectif et quotidien ; je conteste toute vérité officielle, quelle qu'elle soit, et je défends l'iségoria, droit de parole publique pour tous, à tout moment et à tout propos…
Sauf à être de mauvaise foi, on ne peut pas dire que ces convictions soient le marqueur de l'idéologie d'extrême droite. Il faut être sacrément inculte (ou un fieffé menteur) pour le prétendre.
Quand je dis que les nouveaux étendards de la prétendue "gauche" socialiste sont secondaires, je sais très bien ce que je dis : SECONDAIRE NE SIGNIFIE PAS SANS INTÉRÊT, SECONDAIRE SIGNIFIE QU'IL Y A DES CHOSES PLUS IMPORTANTES (et ça ne fait pas de moi un "fasciste") :
- je suis évidemment pour l'égalité politique et sociale entre les hommes et les femmes ; mais je ne considère pas ceux qui pensent le contraire comme des ennemis ;
- je suis évidemment pour la plus grande liberté sexuelle entre adultes consentants (comme le dit fort bien Michel Onfray) et, bien sûr, pour la liberté de se marier entre homosexuels (les gens font bien ce qu'ils veulent) ; mais je ne considère pas ceux qui pensent le contraire comme des ennemis ;
- je suis contre la peine de mort (une barbarie n'en justifie pas une autre) ; mais je ne considère pas ceux qui pensent le contraire comme des ennemis ;
- je ne suis pas raciste et je pense que le racisme LA PLUPART DU TEMPS est une erreur, une peur mal fondée, une opinion politique qui peut être changée par un débat respectueux et approfondi — alors que cette pensée politique (raciste) s'endurcit quand elle est sottement caricaturée et criminalisée par des Torquemada arborant frauduleusement l'étendard "antiraciste" ; mais je ne considère pas ceux qui pensent le contraire comme des ennemis.
Sur tous ces sujets, mes idées sont sans importance et je prétends que nous devrions d'abord beaucoup débattre entre nous (plutôt qu'entre "représentants") et surtout décider par RÉFÉRENDUM POINT PAR POINT sans nous déchirer à leur sujet car là n'est pas l'essentiel.
Alors, où est l'essentiel ? Je pense qu'en remplaçant la résistance des pauvres contre les projets de domination des riches par la résistance des immigrés contre le racisme, les nouveaux "hommes de gauche" ont vidé la gauche de son sens et de sa force, ils ont trahi et désarmé ceux qui travaillent : je pense effectivement que ceux qui confisquent aujourd'hui l'étiquette "socialiste" ne sont pas de gauche. Je pense que, à quelques détails secondaires près, les prétendus "socialistes" font la même politique que l'extrême droite, à commencer par la construction de l'Union européenne, projet de domination politique épouvantable, de mon point de vue.
Dire cela fait de moi peut-être l'ennemi de ces faux socialistes, mais ça ne fait pas de moi un fasciste
L'essentiel, à mon sens, c'est de savoir comment ceux qui travaillent peuvent résister aux projets de domination de ceux qui font travailler les autres. Le vrai clivage gauche droite, à mon sens, il est là.
Mais pour en revenir à ma première impression, je pense que la raison réelle de ces accusations fantaisistes de "fascisme" n'a rien à voir avec le fond de ce que je pense : il s'agit de salir, par la vieille technique de la calomnie, ceux qui résistent aux projets de domination du moment. La liberté de penser sur les attentats du 11 septembre est un marqueur très intéressant, et je commence à identifier ceux qui traitent les autres de "conspirationnistes" comme des COMPLICES objectifs du système en formation.
Ce qui devrait conduire à se poser cette question : les auteurs de telles calomnies sont-ils bien "de gauche" ? Ou ne sont-ils, pas précisément, des faux-nez des privilégiés s'affublant de l'étiquette frauduleuse "antifasciste" ?
En tout cas, ma devise reste : BIEN FAIRE ET LAISSER BRAIRE.
J'attends sereinement les prochains débats sur le fond de toutes ces accusations.
Étienne.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/09/12/141-qui-est-d-extreme-droite