FIN DE PARTIE
Deux événements ont marqué la vie politique française à quelques heures d’intervalles. Tout d’abord, Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature à l‘élection présidentielle de 2017 le mercredi 10 février.
Cette annonce a pris de cours tant ses « bons amis » du PCF, auquel il est uni par les accords du Front de Gauche que certains des militants du Parti de Gauche lui-même. Pour tout dire, cette annonce semble relever d'une décision si ce n'est personnelle, du moins qui ne fut partagée qu'entre un tout petit nombre de personnes. Ce faisant, il faut remarquer que Jean-Luc Mélenchon adopte le modèle « gaulliste » originel du rapport direct entre l'homme politique et le peuple. Il n'est pas sans ironie que celui qui est explicitement le plus grand pourfendeur des institutions de la Vème république, au point d'appeler à un changement de ces institutions avec l'appel pour une « 6ème république », soit justement obligé d'endosser une posture gaullienne pour échapper à l'étranglement politique préparé tant par les « socialistes » au pouvoir que par le PCF.
© AFP 2016 THOMAS SAMSON
Une candidature de défiance
Revenons ici sur l'annonce faite par Jean-Luc Mélenchon. Cette candidature, et ceci est une évidence, est un acte de défiance contre le « régime des partis » que nous voyons revenir au galop avec le remaniement ministériel. Le « régime des partis », le mot est lâché; c'est cette chose justement que dénonçait le Général de Gaulle et contre laquelle il ne cessât de s'insurger. Ce « régime », nous le voyons effectivement à l'œuvre dans les « combinaisons » multiples qui s'échafaudent aujourd'hui pour tenter d'étrangler l'expression d'une réelle gauche face à l'effondrement et au discrédit de la « gauche » de pouvoir. Cette dernière, que représentent (et l'on évitera de dire illustre) tant François Hollande, que Manuel Valls ou Emmanuel Macron, est aujourd'hui à bout de souffle. De trahisons en trahisons, ces gouvernements successifs ont désespéré les français. Ces trahisons, elles ont commencé dès l'élection de François Hollande dans le refus de renégocier réellement le Traité sur la Gouvernance et la Coopération (TSCG) qui a privé en partie la France de sa souveraineté budgétaire. Cette « gauche » de pouvoir, qui est accrochée à ses prébendes, ses sinécures et ses avantages telle l'arapède à son rocher, s'est avérée une catastrophe pour la France. On se lasse d'énumérer tous les reniements, de la sidérurgie à l'éducation nationale, des actions contre la montée du chômage au revenu des ménages, et à l'international de l'inaction érigée en principe à l'aplatissement serviles derrière les Etats-Unis. La comédie de la « primaire », qui fut au départ engendrée par la méfiance justement qu'inspirait Hollande à certains, mais qui fut rapidement récupérée par les hiérarques de toute obédience, avait pour but d'étrangler l'expression d'une gauche véritable. Jean-Luc Mélenchon ici renverse la table et met fin à cette opération en déclarant sa candidature. Il renvoie les dirigeants du PCF à leurs contradictions. Les glapissements que ces derniers poussent dans les médias le prouvent bien.
L'impératif de cohérence
La décision de Jean-Luc Mélenchon peut le libérer du lacis des compromis qu'il était obligé de passer quotidiennement et qui avaient fini par l'étrangler, par ôter toute lisibilité et toute cohérence à son action. Il devra cependant dire rapidement quelle serait son attitude dans le cas — que bien entendu on ne souhaite pas mais qu'il convient d'évoquer — où il ne serait pas présent au second tour de cette élection. On ne peut se dresser pour dénoncer les anciennes trahisons, prévenir les trahisons futures, et porter l'étendard d'une véritable révolte, et finir par accepter de se couler dans le moule d'un système honni.
La décision de Jean-Luc Mélenchon a pour elle la force de la logique. On a dit sur d'autres médias que ce serait sa dernière chance. Mais, cette décision impose aussi un effort de mise en cohérence. C'est sur ce point que l'on jugera si Jean-Luc Mélenchon s'est réellement hissé au niveau nécessaire pour peser sur l'avenir de la France.
La déroute d'Hollande
Le Président de la République, quant à lui, s'est adressé aux français le jeudi 11 février à 20h15. L'interview qu'il a donnée se voulait un exercice de pédagogie et de clarification. Et il est vrai que le spectacle, assez lamentable, donné par le remaniement ministériel l'imposait. Trois dirigeants des « verts » ont décidé, contre la volonté de leur parti, de rejoindre le gouvernement. Deux d'entre eux, Mme Cosse et M. Placé, vont cumuler le poste au gouvernement et celui d'élu à l'assemblée régionale d'Île de France. Ici meurent, dans le même mouvement, l'engagement de non-cumul des mandats et la notion de probité. On a aussi fait entrer dans ce gouvernement un patron de presse, un magnat de la presse régionale, M. Baylet. Beau symbole de la confusion des pouvoirs.
Engoncé dans les manœuvres politiciennes, François Hollande accrédite aussi l'image d'un retour à la IVème république. Aussi, quand on met en parallèle la décision de Mélenchon et le comportement de François Hollande, il est clair que l'un a compris la situation dans laquelle nous sommes et l'autre non. Mais, il ne suffit pas de comprendre. La question de l'action décisive reste hélas posée alors que clairement nos institutions vivent une fin de partie.
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