La guerre au populisme est donc enfin terminée. Essayez de deviner qui l’a gagnée.
Par C.J. Hopkins – Le 13 avril 2020 – Source Consent Factory
Je vais vous donner un indice. Ce ne sont pas les Russes, ni les suprématistes blancs, ni les Gilets jaunes, ni le Culte Nazi de la Mort de Jeremy Corbyn, ni le misogyne Bernie Bros, ni les terroristes à la casquette MAGA, ni aucune des autres forces «populistes» réelles ou fictives auxquelles le capitalisme mondial fait la guerre depuis quatre ans.
Comment ? Vous ne saviez pas que le capitalisme mondial menait une guerre contre le populisme ? C’est normal, la plupart des gens ne le savaient pas non plus. Ce n’était pas officiellement annoncé, ou quoi que ce soit. Elle a commencé à l’été 2016, juste au moment où la guerre contre le terrorisme se terminait, comme une suite à la guerre contre le terrorisme, ou une variation de la guerre contre le terrorisme, ou la poursuite de la guerre contre le terrorisme, ou … quoi que ce soit d’autre, cela n’a plus vraiment d’importance, parce que maintenant nous menons la Guerre contre la Mort, ou plutôt la guerre contre les symptômes mineurs du rhume, selon votre âge et votre état de santé général.
C’est vrai, encore une fois, le capitalisme mondial – alias «le monde» – est attaqué par un ennemi maléfique et Captain Global ne peut tout simplement pas faire une pause. Depuis le moment où il a vaincu le communisme, devenant ainsi un hégémon idéologique mondial, il a été confronté à des ennemis pervers, l’un après l’autre.
À peine a-t-il célébré la victoire dans la Guerre froide, et commencé à tout restructurer et privatiser impitoyablement, qu’il a été sauvagement attaqué par des «terroristes islamiques», et a donc été contraint d’envahir l’Irak et l’Afghanistan, de tuer et de torturer beaucoup de gens, de déstabiliser l’ensemble du Moyen-Orient, et de surveiller illégalement tout le monde, et… bon, enfin, vous vous souvenez quand même de la Guerre contre le terrorisme.
Puis, juste au moment où celle-ci touchait à sa fin, les seuls terroristes restants étaient les terroristes «auto-radicalisés» – dont beaucoup n’étaient même pas de vrais terroristes – il semblait que Captain Global allait enfin être capable de terminer la privatisation et la mise en esclavage par la dette de tout le monde enfin en paix. Mais, le croiriez-vous, nous avons été attaqués à nouveau, cette fois par le complot mondial des «populistes» néo-fascistes soutenus par la Russie qui ont provoqué le Brexit et élu Trump, ont tenté de faire élire Corbyn et Bernie Sanders, ont lâché les Gilets jaunes sur la France, et menacé le « tissu de la démocratie occidentale », semant la dissension sur Facebook avec des mèmes .
Malheureusement, contrairement à la guerre contre le terrorisme, la guerre contre le populisme ne s’est pas aussi bien déroulée. Après quatre ans de combats, Captain Global – alias la Résistance néolibérale – avait, je l’admets, réussi à étouffer Corbyn et Sanders, mais il avait foiré le psyop du Russiagate, et du coup s’est retrouvé avec encore quatre ans de Trump, et Dieu sait combien de Johnson au Royaume-Uni – qui avait, lui, vraiment quitté l’Union européenne. En plus, les Gilets jaunes ne partaient pas, et, fondamentalement, le «populisme» était toujours en hausse, sinon en fait, du moins dans les cœurs et les esprits.
Et donc, tout comme la guerre contre le populisme avait remplacé la guerre contre le terrorisme – en redéfinissant l’ennemi – la guerre contre la mort a été officiellement lancée pour remplacer – ou redéfinir – la guerre contre le populisme … ce qui signifie, vous l’avez deviné encore une fois, qu’il est temps de déployer une autre «nouvelle normalité totalitaire».
Le caractère de cette «nouvelle normalité totalitaire» est, à ce stade, indubitablement clair … si clair que la plupart des gens ne peuvent pas le voir, parce que leur esprit n’est pas prêt à l’accepter, donc ils ne le reconnaissent pas, bien qu’il soit sous leur nez. Comme Dolores dans la série Westworld, « cela ne ressemble à rien » pour eux. Pour le reste d’entre nous, cela semble plutôt totalitaire.
En l’espace d’environ cent jours, l’ensemble de l’empire capitaliste mondial a été transformé en un État policier de facto. Les droits constitutionnels ont été suspendus. La plupart d’entre nous sont assignés à résidence. La police arrête toute personne ne coopérant pas avec les nouvelles mesures d’urgence. Elle interdit aux passagers les transports en commun, arrête les personnes dont les papiers ne sont pas en règle, harcèle, bat, intimide et détient arbitrairement quiconque, selon lui, est «un danger pour la santé publique».
Les autorités menacent ouvertement de retirer les gens de leur domicile de force et de les mettre en quarantaine. Les flics traquent les grands-mères fugitives. Ils sabotent les services religieux dans les églises et les synagogues. Les citoyens sont obligés de porter des bracelets électroniques aux chevilles. Les familles en promenade sont menacées par des robots et des drones orwelliens.
Des troupes antiterroristes ont été déployées pour faire face aux «briseurs de règles» non conformes. Toute personne que les autorités américaines jugent coupables d’avoir «propagé intentionnellement le coronavirus» peut être arrêtée et accusée de terroriste du coronavirus. Les entreprises d’intelligence artificielle travaillent avec les gouvernements pour mettre en œuvre des systèmes d’enregistrement et de suivi de nos contacts et mouvements. Comme le disait un récent article de Foreign Policy :
«L’analogie antiterroriste est pertinente car elle montre la direction prise par la politique contre la pandémie. Imaginez qu’un nouveau patient coronavirus soit détecté. Une fois qu’il est positif, le gouvernement pourrait utiliser les données de son téléphone portable pour retracer toutes les personnes avec lesquelles il a été en contact, en se concentrant peut-être sur les personnes qui ont été en contact pendant plus de quelques minutes. Le signal de votre téléphone mobile pourrait alors être utilisé pour faire appliquer les décisions de quarantaine. Quittez votre appartement et les autorités le sauront. Laissez votre téléphone derrière vous et ils vous rechercheront. Videz la batterie et une voiture de police sera à votre porte en quelques minutes…»
Je pourrais continuer, mais je pense que vous voyez le panorama, sinon … Euh, eh bien tant pis : vous le voyez ou pas.
Et c’est la partie vraiment terrifiante de la guerre contre la mort et de notre «nouvelle normalité totalitaire… le totalitarisme n’est pas perçu. Quiconque y a prêté attention n’est pas terriblement choqué par la décision de Captain Global de mettre en place un État policier mondial. La simulation de la démocratie est très bien agencée, jusqu’à ce que les masses non décervelées commencent à devenir indisciplinées, et nécessitent un rappel à l’ordre pour leur montrer qui est en charge, c’est ainsi que nous sommes traités actuellement.
La partie terrifiante est la façon dont des millions de personnes ont immédiatement suspendu leurs facultés critiques, se sont mises en ligne et ont commencé à marcher au pas de l’oie et à faire de la propagande hystérique comme des perroquets, et à dénoncer leurs voisins à la police pour être allés marcher ou faire du jogging à l’extérieur, en hurlant des injures sadiques à leur encontre, comme la fille des adieux juifs du film la liste de Schindler, lorsqu’il étaient plaqués au sol et arrêtés.
Ils sont là, en ce moment, sur Internet, des millions de ces fascistes bien intentionnés, patrouillant pour trouver des signes de la moindre déviation du récit officiel du coronavirus, bombardant tout le monde de graphiques dénués de sens, de statistiques de décès décontextualisées, de rayons X de poumons fibreux, de photos de camions réfrigérés à usage de morgue, de fosses communes et d’autres horreurs sensationnalistes destinées à court-circuiter la pensée critique et à arrêter toute forme de dissidence.
Bien qu’indéniablement lâche et écœurant, ce type de comportement n’est pas non plus choquant. Malheureusement, lorsque vous terrorisez suffisamment les gens, la majorité régresse vers ses instincts animaux. Ce n’est pas une question d’éthique ou de politique. C’est purement une question d’auto-préservation. Lorsque vous inhibez la structure normale de la société et placez tout le monde en «état d’urgence»… eh bien, c’est comme ce qui se passe dans une troupe de chimpanzés, lorsque le chimpanzé dominant meurt ou est tué par un concurrent. Les autres chimpanzés courent autour du mort, hurlent et grimacent, jusqu’à ce que le nouveau primate dominant soit clairement déclaré, puis ils se penchent en avant pour manifester leur soumission.
Les totalitaires comprennent cela. Les sadiques et les gourous des sectes le comprennent aussi. Lorsque les personnes que vous dominez deviennent indisciplinées et commencent à remettre en question votre droit de les dominer, vous devez créer un «état d’urgence» et faire en sorte que tous se sentent très effrayés, afin qu’ils se tournent – ou reviennent – vers vous pour se protéger de tout ennemi proche menaçant le culte, la patrie, ou autre chose. Ensuite, une fois qu’ils sont revenus dans le giron et ont cessé de remettre en question votre droit de les dominer, vous pouvez introduire un nouvel ensemble de règles que tout le monde doit suivre pour éviter que ce genre de chose ne se reproduise.
C’est évidemment ce qui se passe en ce moment. Mais ce que vous voulez probablement savoir, c’est… pourquoi cela se produit ? Et pourquoi cela se produit à ce moment précis ?
Heureusement pour vous, j’ai une théorie.
Non, cela n’implique pas Bill Gates, Jared Kushner, l’OMS et une conspiration mondiale de Juifs chinois souillant nos précieux fluides corporels avec leur technologie 5G, étrangère et satanique. C’est un peu moins excitant et plus abstrait que ça – bien que certains de ces personnages en fassent probablement partie… d’accord, probablement pas les Juifs chinois, ni les Illuminati sataniques étrangers.
Vous voyez, j’essaie de me concentrer davantage sur les systèmes – comme le capitalisme mondial – que sur les individus. Et sur des modèles de pouvoir plutôt que sur les personnes spécifiques au pouvoir à un moment donné. En regardant les choses de cette façon, ce confinement mondial et notre « nouvelle normalité totalitaire » sont parfaitement logiques. Restez avec moi maintenant … ça devient un peu grisant.
Ce que nous vivons est une nouvelle évolution du modèle de pouvoir post-idéologique qui a vu le jour lorsque le capitalisme mondial est devenu un système hégémonique mondial après l’effondrement de l’Union soviétique. Dans un tel système d’hégémonie global, l’idéologie est devenue obsolète. Le système n’a pas d’ennemis extérieurs, et donc pas d’adversaires idéologiques. Les ennemis d’un tel système hégémonique ne peuvent, par définition, être qu’internes. Chaque guerre n’est donc qu’une insurrection, une rébellion qui éclate au sein du système, car il n’y a plus d’extérieur.
Comme il n’y a plus d’extérieur – et donc plus d’adversaire extérieur, idéologique ou civilisationnel – le système global se passe totalement de l’idéologie, et de la civilisation. Son idéologie devient la «normalité». Toute contestation de la «normalité» est désormais considérée comme une «anomalie», un «écart par rapport à la norme» et automatiquement délégitimée. Le système n’a pas besoin d’argumenter face à des écarts ou à des anomalies, alors qu’il était contraint d’argumenter avec des idéologies opposées pour se légitimer. Il doit simplement les éliminer. Les comportements opposés deviennent des pathologies… des menaces existentielles pour la santé du système. En d’autres termes, le système hégémonique – c’est-à-dire le capitalisme mondial – devient un corps, le corps unique, sans opposition de l’extérieur, mais attaqué de l’intérieur par une variété d’adversaires… terroristes, extrémistes, populistes, qui que ce soit. Ces opposants internes attaquent le corps hégémonique global un peu comme une maladie, comme un cancer, une infection ou un virus. Et le corps hégémonique global réagit comme n’importe quel autre corps.
Est-ce que ce modèle commence à vous sembler familier ?
J’espère que oui, car c’est ce qui se passe en ce moment. Le système – c’est-à-dire le capitalisme mondial, et pas un groupe de gens dans un bunker qui élabore un plan pour vendre des vaccins – réagit aux quatre dernières années de révolte populiste de manière prévisible. Captain Global attaque le virus qui attaque son corps hégémonique. Non, pas le coronavirus, mais un virus beaucoup plus destructeur et tentaculaire… la résistance à l’hégémonie du capitalisme mondial et de son idéologie post-idéologique.
S’il n’est pas encore clair pour vous que ce coronavirus ne justifie en rien les mesures d’urgence totalitaires qui ont été imposées à la majeure partie de l’humanité, ce sera clair dans les mois à venir. Malgré les meilleurs efforts des «autorités sanitaires» pour compter pratiquement n’importe quel mort comme «un mort de la Covid-19», les chiffres vont dévoiler l’histoire. Les «experts» sont déjà en train de se creuser la cervelle, de recalibrer, ou de contextualiser, leurs projections apocalyptiques initiales. Les médias atténuent l’hystérie. Le spectacle n’est pas encore totalement terminé, mais vous pouvez le sentir se terminer progressivement.
Quoi qu’il en soit, chaque fois que cela se produira, dans des jours, des semaines ou des mois, Captain Global diminuera la pression de son totalitarisme et nous laissera sortir, afin que nous puissions retourner travailler dans ce qui reste de l’économie mondiale… et ne serons-nous pas tous tellement reconnaissants ? Il y aura des célébrations massives dans les rues, des ténors italiens chantant sur les balcons, des chœurs d’infirmières dansant la farandole ! Les Gilets jaunes quitteront les ronds-points, les nazis de Poutine cesseront de nous harceler avec leurs trolls, et les Américains éliront Joe Biden président !
Okay, peut-être pas Biden, mais le fait est que ce sera une merveilleuse nouvelle normalité ! Les gens oublieront tout ce non-sens du populisme et seront simplement reconnaissants pour tous les boulots qu’ils obtiendront chez Mac Do afin de pouvoir payer les intérêts de leurs dettes, parce que, hé… le capitalisme mondial c’est quand même mieux que de vivre en résidence surveillée !
Et, sinon, pas de problème pour Captain Global. Il devra simplement nous enfermer à nouveau, et continuer à nous enfermer, encore et encore, indéfiniment, jusqu’à ce que nous ayons compris ce qui est correct.
Je veux dire que ce n’est pas comme si nous allions faire quoi que ce soit… non ? N’avons-nous pas déjà simplement démontré cela ? Bien sûr, nous râlerons et gémirons à nouveau, mais ensuite ils sortiront des photos de charniers, de camions de la mort, des graphiques, et toutes ces projections effrayantes, les hotlines des Kapo de quartier recommenceront à sonner, pour les dénonciations et …
C. J. Hopkins
Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone