La perfection. Préparez vos mouchoirs.
"Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement" BOUDDHA; Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." MARTIN LUTHER-KING; "Veux-tu apprendre à bien vivre, apprends auparavant à bien mourir." CONFUCIUS ; « Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir ». SOLJENITSYNE
vendredi 28 juillet 2017
mardi 25 juillet 2017
Faut-il détester la Russie ou faut-il réfléchir ? / Is it necessary to hate Russia or it is necessary to think?
source : http://www.investigaction.net/fr/faut-il-detester-la-russie-ou-faut-il-reflechir/
- 25 Jul 2017
- MICHEL COLLON
Comprendre comment nous en sommes arrivés là, comprendre les «règles du jeu» entre grandes puissances est essentiel pour que chaque citoyen puisse répondre à la question «Guerre ou Paix» aujourd’hui !
En 1945, les Français savaient. En 2015, ils ne savent plus.
En mai 1945, à la question «Qui a le plus contribué à la défaite allemande ?», 57% des Français répondaient : l’Union soviétique. 20% seulement répondaient les Etats-Unis et 12% la Grande-Bretagne.
En mai 1945, à la question «Qui a le plus contribué à la défaite allemande ?», 57% des Français répondaient : l’Union soviétique. 20% seulement répondaient les Etats-Unis et 12% la Grande-Bretagne.
Mais cinquante ans plus tard, tout a basculé : en 1994, à l’occasion du cinquantième anniversaire du débarquement allié en Normandie, 49% des Français citent les Etats-Unis, 25% l’URSS et 16% la Grande-Bretagne. En 2004, la tendance s’accentue : 58% pour les Etats-Unis, 20% seulement pour l’URSS. En 2015, le sondeur britannique ICM obtient des résultats pires encore en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Pourtant, les faits sont indiscutables. Hitler a engagé, et perdu, ses meilleures troupes devant Moscou et Stalingrad. Il utilisait dans cette offensive l’énorme appareil de production volé en France et en Belgique, il mobilisait de nombreuses forces étrangères, il bénéficiait de l’étrange passivité des Etats-Unis. Lesquels, des années durant, refusèrent d’ouvrir un second front à l’Ouest et ne débarquèrent qu’en juin 44, à la dernière minute. L’essentiel de l’Europe était déjà libéré ou en passe de l’être. «Voler au secours de la victoire» est l’expression qui convient.
D’ailleurs, dans cette guerre antifasciste, l’URSS a perdu vingt-sept millions de morts, les Etats-Unis quatre cents mille (dont 184 000 sur le front européen). Les journalistes et intellectuels occidentaux qui aujourd’hui minimisent ou discréditent le rôle de l’URSS sont bien ingrats : sans ces horribles Slaves, peut-être parleraient-ils allemand aujourd’hui dans une quelconque section de la Propaganda Abteilung ?
Le vol de l’Histoire
Comment peut-on poser la même question – non sur des préférences personnelles, mais sur des faits historiques – et obtenir un résultat assez juste et puis un résultat complètement faux ? En réalité, ce résultat faux n’est pas spontané, il a été fabriqué. Par un conditionnement de l’opinion occidentale : avec un battage publicitaire sur les «Etats-Unis, nos libérateurs» et une diabolisation sur «l’URSS, complice d’Hitler».
Est-ce grave, cette ignorance ? Ne s’agit-il pas d’une question du passé, à réserver aux historiens ? Non, il ne s’agit pas seulement de notre passé. Connaître l’Histoire est crucial. Comprendre comment nous en sommes arrivés là, comprendre les «règles du jeu» entre grandes puissances est essentiel pour que chaque citoyen puisse répondre à la question «Guerre ou Paix» aujourd’hui !
Voilà pourquoi le nouveau livre de Robert Charvin « Faut-il détester la Russie ? »* est précieux, mieux : indispensable. Il nous met en garde contre ce qu’il appelle le «vol de l’Histoire». Nous montrant que celle-ci n’est jamais dépassée, surtout lorsqu’on la déforme et manipule au service d’ambitions inavouables.
«Vol de l’Histoire»! L’expression n’est-elle pas trop forte? Non. En s’appuyant sur des faits précis et des sources incontestables, Charvin nous fait comprendre combien sont artificielles les présentations de certains intellectuels et journalistes occidentaux. En fait, ils fabriquent de fausses évidences simplistes, ou ils y adhèrent sans réfléchir.
L’enjeu est énorme, il s’agit de questions fondamentales : avons-nous, ici en France et en Europe occidentale, compris les véritables causes de la guerre de 14-18 ? Non. Avons-nous compris en quoi cette Première Guerre mondiale a entraîné la Seconde ? Non. Avons-nous compris ce qu’on a appelé le «Pacte Hitler – Staline» ? Non. Avons-nous compris la véritable stratégie des Etats-Unis entre 40 – 45 ? Non.
Mais peut-être s’agit-il de simples oublis, d’une mémoire qui s’estompe ou d’erreurs de jugements ? Non, c’est bien plus grave, accuse Charvin : «Les pouvoirs publics occidentaux travaillent avec persévérance sur les mêmes bases falsifiées, afin que la mémoire soit orientée conformément aux besoins politiques du moment.»
On réécrirait l’Histoire pour nous manipuler ? Accusation grave. Mais il faut reconnaître qu’elle s’appuie sur quatre dossiers que Charvin éclaire remarquablement.
Quatre silences coupables
En fait, Charvin accuse l’information et l’historiographie occidentale de négationnisme et de révisionnisme.
1. La réhabilitation du fascisme en Lettonie. Pourquoi aucun média occidental ne signale-t-il qu’en Lettonie, notre cher nouvel allié et membre de l’Union européenne, on diabolise la résistance antinazie et on réhabilite discrètement les fascistes collabos de la Seconde Guerre mondiale ? L’appareil judiciaire de ce pays s’est acharné contre un héros de la résistance lettonne, allant jusqu’à le jeter en prison à l’âge de 75 ans, mais cela a été entièrement passé sous silence. Pourquoi ?
2. L’utilisation par l’Ouest de pronazis antisémites en Ukraine. Pourquoi notre nouvelle alliée réhabilite-t-elle les anciens collabos d’Hitler ? Pire : pourquoi les introduit-elle dans l’administration issue du coup d’Etat et à des postes clés ? Toujours dans le silence des médias qui les rebaptisent simples «nationalistes».
3. La négation du génocide tenté par Hitler contre l’URSS. Le programme était pourtant clair, dans les textes même des nazis : les Slaves étant des «sous-hommes», le «Plan Ost» prévoyait d’exterminer 40% des Russes, pour faire place à l’envoi de dix millions de colons allemands et germanisés. Programme qui fut mis en pratique, mais aussi mis en échec par la résistance de tout un peuple. Pourquoi, aujourd’hui, présente-t-on la Seconde Guerre mondiale comme une affaire entre Hitler et les Juifs alors qu’il y eut plusieurs génocides ?
4. La dévalorisation des vrais vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Cela commence par la falsification de l’avant-guerre : l’URSS est accusée d’avoir été complice d’Hitler ! Alors qu’elle n’avait cessé de proposer aux Occidentaux de s’allier pour barrer la route au nazisme, mais cette alliance fut refusée par Londres et Paris qui pactisèrent avec Hitler à Munich, approuvèrent son alliance avec la Pologne et lui cédèrent la Tchécoslovaquie, l’encourageant ainsi à attaquer à l’Est, ayant les mains libres à l’Ouest. Quelle inversion des responsabilités !
Cela continue par le négationnisme sur les victimes : qui en Occident rappelle que l’URSS perdit vingt-sept millions de citoyens, la Chine vingt millions et que les pertes britanniques représentent 1,8% du total, les pertes françaises 1,4% et les pertes US 1,3% ? Et cela se conclut par la mise en valeur ethnocentrique et trompeuse du débarquement en Normandie présentée comme l’événement décisif alors qu’Hitler avait déjà perdu la guerre en 1941 lorsqu’il échoua à prendre Moscou et s’enlisa dans le piège soviétique, ce que confirma la défaite de Stalingrad durant l’hiver 42-43 !
Extrait de la préface de Michel Collon du livre “Faut-il détester la Russie?” *
* Robert Charvin, “Faut-il détester la Russie?”, Investig’Action, Bruxelles, avril 2016, 15 euros
lundi 17 juillet 2017
La première rencontre Poutine–Trump donne… quelque chose de très proche de rien / First meet Poutine-Trump give something very close of nothing
Par le Saker – Le 7 juillet 2017 – Source The Saker
http://lesakerfrancophone.fr/la-premiere-rencontre-poutine-trump-donne-quelque-chose-de-tres-proche-de-rien
Tout d’abord, nous avons la manière dont les Américains ont préparé le sommet du G20. Comme nous le savons tous, en diplomatie, les actions comptent autant, voire plus, que les mots. Voici quelques-unes des mesures récemment prises par les Américains pour préparer le sommet du G20 et la première rencontre de Trump avec Poutine (sans ordre particulier).
Les États-Unis ont rejeté le plan conjoint des Russes et des Chinois pour désamorcer la crise dans la péninsule de Corée, même si ce plan était du bon sens simple et direct et, franchement, la seule manière d’éviter la guerre.
Les États-Unis ont accusé le gouvernement syrien de préparer une attaque chimique et ont mis en garde contre un « prix élevé à payer ».
Les États-Unis ont envoyé leur bombardier survoler les îles chinoises dans la mer de Chine méridionale.
Les États-Unis ont accusé la Russie de déstabiliser l’Europe de l’Est.
Les États-Unis ont menacé la Corée du Nord de « graves conséquences ».
Les États-Unis ont déclaré qu’ils déploieraient des missiles Patriot en Pologne pour protéger les Polonais des missiles Iskander russes (-: LOL ! Bonne chance avec ça, mes amis Polonais :-)
Les États-Unis ont également promis aux Polonais du GNL américain pour « assurer l’indépendance énergétique de la Pologne par rapport à la Russie » (-: et bonne chance avec ça aussi, mes amis polonais :-)
Les États-Unis ont envoyé un F-16 polonais intercepter le vol civil (et annoncé depuis longtemps) du ministre russe de la Défense dans l’espace aérien international au-dessus de la mer Baltique.
Les États-Unis ont envoyé un destroyer porteur de missiles guidés près de l’île Triton dans la mer de Chine méridionale.
Les États-Unis se sont retirés de l’Accord de Paris sur le climat.
Les États-Unis ont critiqué les pratiques commerciales de l’Allemagne.
Les États-Unis ont critiqué la Chine pour ses relations commerciales avec la RPDC.
Les États-Unis ont accusé la Chine de « viol commercial ».
En parcourant cette liste, vous pouvez admirer le sens américain du calendrier et de la diplomatie…
Mais sérieusement, maintenant.
Peu importe que ces actes ne soient que le résultat de l’arrogance et du délire, d’un manque total de formation diplomatique, les conséquences de la stupidité humaine simple et directe de tous les éléments de quelque plan diabolique pour placer les États-Unis sur une trajectoire de collision avec la planète entière. Ce qui importe est l’arrogance hallucinante de tout cela, comme si les États-Unis étaient un chevalier blanc revêtu d’une armure étincelante, digne d’éloges et d’admiration, et comme si le reste de planète était composé d’écoliers turbulents qui ont besoin de bien écouter les paroles de leur directeur et de commencer à mieux se conduire, sinon ils recevront une bonne fessée de l’Oncle Sam.
Si c’est ainsi que Trump espère « rendre à l’Amérique sa grandeur », il devrait envisager d’autres options car ce genre d’attitude fait que l’« Amérique » (il veut dire les États-Unis, bien sûr) ne paraît pas « grande » mais arrogante, décalée et suprêmement irritante. Discutons du monde, tout le monde en même temps, semble être le grand plan de cette administration.
Le résultat de tous ces efforts « diplomatiques » était prévisible : rien.
Bon, presque rien. Voici à quoi ressemble « rien » en langage diplomatique :
Selon le ministre des Affaires étrangères Lavrov, les présidents Trump et Poutine
étaient « mus par leurs intérêts nationaux » (qui l’aurait cru ?) et ils s’accordent sur un certain nombre de mesures concrètes :
Accélérer la procédure de nomination de nouveaux ambassadeurs RU-US et US-RU.
Ils ont discuté des sièges diplomatiques russes saisis par Obama.
Ils créent un groupe de travail pour discuter d’un certain nombre de problèmes incluant le terrorisme, le crime organisé, le piratage informatique et la cybersécurité.
Ils ont discuté de la Syrie et de l’Ukraine et ont parlé pendant deux heures et 15 minutes.
Selon RT, la Russie et les États-Unis se sont mis d’accord sur un cessez-le-feu dans les provinces syriennes de Daraa, Kuneitra et Soueïda. C’est très bien, évidemment, mais c’est dans un coin de la Syrie (au sud-ouest) où il se passe peu de chose (en ce moment, toutes les choses importantes se déroulent entre Raqqa et Deir Ez-Zor). Oh, et puis il y a déjà des zones de désescalade dans le sud-ouest :
Donc à moins que Trump et Poutine ne gardent un secret vraiment important, il semble que ce sommet a donné exactement ce que je craignais : rien, ou quelque chose de très proche de rien. Si nous découvrons plus tard que, malgré tout, les deux parties ont discuté de quelque chose d’important, je publierai une mise à jour. Et croyez-moi, personne ne sera plus heureux que moi si cela arrive.
Mais hélas, il semble que plusieurs mois d’une campagne néocon soutenue pour s’assurer que la Russie et les États-Unis ne pourraient jamais coopérer sérieusement ont pleinement réussi.
Donc où tout cela nous laisse-t-il, nous les millions de personnes qui avaient au moins quelques espoirs que Trump soit un outsider qui pourrait essayer de parvenir à quelques vrais changements et peut-être libérer les États-Unis du régime néocon au pouvoir depuis au moins Bill Clinton (sinon avant) ?
Le 14 février de cette année, après le coup anti-Flynn, et la trahison par Trump de son ami, j’ai reçu énormément de critiques pour avoir écrit cela, d’autant plus que j’avais fermement pris parti pour Trump contre Hillary pendant la campagne. Malheureusement, je crois que mes conclusions de février se sont révélées justes.
Je comprends que certains voudront présenter cette rencontre sinon comme un succès du moins comme un « bon départ » ou un « demi-succès ». D’une part, être le porteur de mauvaises nouvelles n’a jamais rendu personne populaire. Ensuite, ceux qui soutiennent Trump ou Poutine (ou les deux) voudront montrer que le dirigeant qu’ils soutiennent a réalisé quelque chose. Enfin, si les deux parties rapportent que la rencontre a été une réussite, qui sommes-nous pour dire autre chose ?
Je ne sais pas pour les autres, mais je dis et dirai toujours les choses telles que je les vois. Et ce que je vois, c’est simplement du rien ou quelque chose de très proche du rien. Désolé, les gars, je voudrais pouvoir vous dire autre chose.
Quant à répartir la faute pour ce non-événement, je place 100% de la culpabilité sur le côté américain, qui a fait tout faux avec une détermination presque maniaque et qui se trouvera maintenant dans la position assez peu enviable de combattre à peu près toute la planète tout seul. Oh désolé, j’oubliais. La Pologne soutient inconditionnellement les États-Unis et Trump !
Eh bien, c’est bien pour eux. Ils se méritent tout à fait l’un et l’autre.
The Saker
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone
http://lesakerfrancophone.fr/la-premiere-rencontre-poutine-trump-donne-quelque-chose-de-tres-proche-de-rien
Tout d’abord, nous avons la manière dont les Américains ont préparé le sommet du G20. Comme nous le savons tous, en diplomatie, les actions comptent autant, voire plus, que les mots. Voici quelques-unes des mesures récemment prises par les Américains pour préparer le sommet du G20 et la première rencontre de Trump avec Poutine (sans ordre particulier).
Les États-Unis ont rejeté le plan conjoint des Russes et des Chinois pour désamorcer la crise dans la péninsule de Corée, même si ce plan était du bon sens simple et direct et, franchement, la seule manière d’éviter la guerre.
Les États-Unis ont accusé le gouvernement syrien de préparer une attaque chimique et ont mis en garde contre un « prix élevé à payer ».
Les États-Unis ont envoyé leur bombardier survoler les îles chinoises dans la mer de Chine méridionale.
Les États-Unis ont accusé la Russie de déstabiliser l’Europe de l’Est.
Les États-Unis ont menacé la Corée du Nord de « graves conséquences ».
Les États-Unis ont déclaré qu’ils déploieraient des missiles Patriot en Pologne pour protéger les Polonais des missiles Iskander russes (-: LOL ! Bonne chance avec ça, mes amis Polonais :-)
Les États-Unis ont également promis aux Polonais du GNL américain pour « assurer l’indépendance énergétique de la Pologne par rapport à la Russie » (-: et bonne chance avec ça aussi, mes amis polonais :-)
Les États-Unis ont envoyé un F-16 polonais intercepter le vol civil (et annoncé depuis longtemps) du ministre russe de la Défense dans l’espace aérien international au-dessus de la mer Baltique.
Les États-Unis ont envoyé un destroyer porteur de missiles guidés près de l’île Triton dans la mer de Chine méridionale.
Les États-Unis se sont retirés de l’Accord de Paris sur le climat.
Les États-Unis ont critiqué les pratiques commerciales de l’Allemagne.
Les États-Unis ont critiqué la Chine pour ses relations commerciales avec la RPDC.
Les États-Unis ont accusé la Chine de « viol commercial ».
En parcourant cette liste, vous pouvez admirer le sens américain du calendrier et de la diplomatie…
Mais sérieusement, maintenant.
Peu importe que ces actes ne soient que le résultat de l’arrogance et du délire, d’un manque total de formation diplomatique, les conséquences de la stupidité humaine simple et directe de tous les éléments de quelque plan diabolique pour placer les États-Unis sur une trajectoire de collision avec la planète entière. Ce qui importe est l’arrogance hallucinante de tout cela, comme si les États-Unis étaient un chevalier blanc revêtu d’une armure étincelante, digne d’éloges et d’admiration, et comme si le reste de planète était composé d’écoliers turbulents qui ont besoin de bien écouter les paroles de leur directeur et de commencer à mieux se conduire, sinon ils recevront une bonne fessée de l’Oncle Sam.
Si c’est ainsi que Trump espère « rendre à l’Amérique sa grandeur », il devrait envisager d’autres options car ce genre d’attitude fait que l’« Amérique » (il veut dire les États-Unis, bien sûr) ne paraît pas « grande » mais arrogante, décalée et suprêmement irritante. Discutons du monde, tout le monde en même temps, semble être le grand plan de cette administration.
Le résultat de tous ces efforts « diplomatiques » était prévisible : rien.
Bon, presque rien. Voici à quoi ressemble « rien » en langage diplomatique :
Selon le ministre des Affaires étrangères Lavrov, les présidents Trump et Poutine
étaient « mus par leurs intérêts nationaux » (qui l’aurait cru ?) et ils s’accordent sur un certain nombre de mesures concrètes :
Accélérer la procédure de nomination de nouveaux ambassadeurs RU-US et US-RU.
Ils ont discuté des sièges diplomatiques russes saisis par Obama.
Ils créent un groupe de travail pour discuter d’un certain nombre de problèmes incluant le terrorisme, le crime organisé, le piratage informatique et la cybersécurité.
Ils ont discuté de la Syrie et de l’Ukraine et ont parlé pendant deux heures et 15 minutes.
Selon RT, la Russie et les États-Unis se sont mis d’accord sur un cessez-le-feu dans les provinces syriennes de Daraa, Kuneitra et Soueïda. C’est très bien, évidemment, mais c’est dans un coin de la Syrie (au sud-ouest) où il se passe peu de chose (en ce moment, toutes les choses importantes se déroulent entre Raqqa et Deir Ez-Zor). Oh, et puis il y a déjà des zones de désescalade dans le sud-ouest :
Donc à moins que Trump et Poutine ne gardent un secret vraiment important, il semble que ce sommet a donné exactement ce que je craignais : rien, ou quelque chose de très proche de rien. Si nous découvrons plus tard que, malgré tout, les deux parties ont discuté de quelque chose d’important, je publierai une mise à jour. Et croyez-moi, personne ne sera plus heureux que moi si cela arrive.
Mais hélas, il semble que plusieurs mois d’une campagne néocon soutenue pour s’assurer que la Russie et les États-Unis ne pourraient jamais coopérer sérieusement ont pleinement réussi.
Donc où tout cela nous laisse-t-il, nous les millions de personnes qui avaient au moins quelques espoirs que Trump soit un outsider qui pourrait essayer de parvenir à quelques vrais changements et peut-être libérer les États-Unis du régime néocon au pouvoir depuis au moins Bill Clinton (sinon avant) ?
Le 14 février de cette année, après le coup anti-Flynn, et la trahison par Trump de son ami, j’ai reçu énormément de critiques pour avoir écrit cela, d’autant plus que j’avais fermement pris parti pour Trump contre Hillary pendant la campagne. Malheureusement, je crois que mes conclusions de février se sont révélées justes.
Je comprends que certains voudront présenter cette rencontre sinon comme un succès du moins comme un « bon départ » ou un « demi-succès ». D’une part, être le porteur de mauvaises nouvelles n’a jamais rendu personne populaire. Ensuite, ceux qui soutiennent Trump ou Poutine (ou les deux) voudront montrer que le dirigeant qu’ils soutiennent a réalisé quelque chose. Enfin, si les deux parties rapportent que la rencontre a été une réussite, qui sommes-nous pour dire autre chose ?
Je ne sais pas pour les autres, mais je dis et dirai toujours les choses telles que je les vois. Et ce que je vois, c’est simplement du rien ou quelque chose de très proche du rien. Désolé, les gars, je voudrais pouvoir vous dire autre chose.
Quant à répartir la faute pour ce non-événement, je place 100% de la culpabilité sur le côté américain, qui a fait tout faux avec une détermination presque maniaque et qui se trouvera maintenant dans la position assez peu enviable de combattre à peu près toute la planète tout seul. Oh désolé, j’oubliais. La Pologne soutient inconditionnellement les États-Unis et Trump !
Eh bien, c’est bien pour eux. Ils se méritent tout à fait l’un et l’autre.
The Saker
Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone
mardi 11 juillet 2017
Les divisions internes du capitalisme : analyse de Pierre Hillard / The internal divisions of the capitalism: Pierre Hillard's analysis
Sur l'échiquier politique, il y a du monde, et j'essaye d'écouter tout ce monde pour comprendre le monde. C'est ainsi que j'écoute, par exemple, Pierre Hillard, un chrétien plutôt très conservateur et clairement inscrit dans la mouvance survivaliste. Ce qui m'intéresse chez lui, c'est son analyse "matérialiste" et factuelle du mondialisme, en particulier son analyse du processus de régionalisation de l'Europe au service d'un gouvernement mondial non démocratique.
Concernant son analyse mystique, en gros il dénonce une volonté d'expansion du judaïsme sur l'ensemble du monde non juif (il estime que, pour l'essentiel, c'est le noachisme qui génère notre histoire contemporaine. Cf. l'art. déjà traité sur ce blog : http://trodetou.blogspot.be/2013/11/pierre-hillard-comprendre-le-nouvel.html), je préfère relativiser : l'islam et la chrétienté, notamment, ont aussi leurs lots de fondamentalistes prosélytes et violents.
En tant qu'agnostique, j'imagine la transcendance comme un ensemble d'énergies interconnectées qui forment des champs d'énergie que l'on pourrait appeler des matrices. Ces matrices, qui résultent de la somme des actes et des pensées du vivant, sont susceptibles d'entrer en antagonisme. Elles produisent des effets qui agissent sur la matière, sur l'histoire et peuvent échapper... ou non, selon notre degré de connaissance du phénomène (faits + croyances), à notre volonté. Autrement dit, "dieu", c'est l'ensemble du vivant, un tout qui n'est pas la somme des parties. Dans cette hypothèse donc, et sur Terre, l'avenir reste notamment entre les mains des êtres humains, notamment, car ils ne sont qu'une partie du vivant.
Si l'action de l'esprit sur la matière vous intéresse, je vous recommande chaudement cette passionnante conférence de Gregg Braden ... c'est accessible mais... euh à voir par morceaux (durée 4h).
Quelques petites citations salutaires...
"Aide-toi et le ciel t'aidera."
"Sois toi-même le changement que tu veux voir dans le monde."
"Puisque les deux principes sur lesquels repose tout ordre social, l'autorité et la liberté, d'un côté sont contraires l'un à l'autre et toujours en lutte, et que d'autre part ils ne peuvent ni s'exclure ni se résoudre, une transaction entre eux est inévitable. quel que soit le système préféré, monarchique ou démocratique, communiste ou anarchique, l'institution ne se soutiendra quelque temps qu'autant qu'elle aura su s'appuyer, dans une proportion plus ou moins considérable, sur les données de son antagoniste" (Proudhon, Fédératif, 67)
En gros, nous n'aurions pas d'autres choix que de concilier les contradictions, de les équilibrer.
Pierre Hillard nourrit une sympathie certaine pour la monarchie. Selon lui, c'est la personne du Roi (de France) qui, historiquement, est la mieux placée pour accomplir la volonté de dieu, un dieu chrétien il va sans dire.
Dans Pierre-Joseph Proudhon, l'anarchie sans le désordre, Isabel Thibault précise qu' "Il existe en l'homme des aspirations antinomiques, divergentes, qui rendent la vie difficile. Nous désirons en même temps une chose et son contraire, et ne pouvons donc être pleinement satisfaits. Les faiseurs d'utopie sont dangereux parce qu'ils nient le caractère tragique de l'existence. En réalité, nous ne verrons jamais naître un pays de cocagne où tout le monde sera heureux. L'admettre constitue le premier pas en dehors des sentiers de perditions Car, à rêver d'une société idyllique, on ne crée jamais que des royaumes de cauchemar, et les "lendemains qui chantent" assurent surtout la prospérité des dictateurs." p71-72.
Je crois que l'utopie et le rêve sont nécessaires mais qu'il faut tenir compte, aussi, du caractère tragique de l'existence.
A mon sens, sur l'échiquier politique actuel (et dissident), Etienne Chouard s'intéresse à l'essentiel : comment reprendre la démocratie en mains, quel que soit le système mis en place.
Ces quelques considérations étant faites, l'analyse de Pierre Hillard à propos du capitalisme et de ses divisions internes ne manque pas d'intérêt pour garder un certain esprit critique à l'égard de la géopolitique mondiale en cours. Dans tous les cas, il est clair que la Russie a un rôle important à jouer.
Mise ne garde : son analyse plombe un peu le moral. Sauf qu'il nous reste, d'après moi, non pas une mais deux possibilités : participer à l'effondrement du système ou construire un nouveau monde... sans lendemains qui chantent (même si j'apprécie beaucoup le chant grégorien).
Je refuse de croire que l'histoire est systématiquement écrite d'avance.
vendredi 7 juillet 2017
« Comprendre les guerres pour l’énergie, savoir anticiper, pouvoir en tirer parti !! » L’édito de Charles SANNAT / " Understand(include) the wars for the energy, know how to anticipate, be able to take advantage of it!! " Charles SANNAT's Editorial
source : https://insolentiae.com/comprendre-les-guerres-pour-lenergie-savoir-anticiper-pouvoir-en-tirer-parti-ledito-de-charles-sannat/
Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
J’ai vu comme vous finir le monde ancien.
J’ai vu mes illusions, à l’âge de 26 ans, s’effondrer avec les ruines du World Trade Center.
J’avais commencé à comprendre, encore étudiant, qu’il y avait le monde que l’on nous racontait, et l’indicible vérité, froide, glaciale, inhumaine, incompréhensible pour 97 % de la population. Les gens sont paradoxaux.
Si beaucoup peuvent être mesquins, parfois vilains, souvent décevants, ils savent aussi être gentils, et ce qui est certain c’est que l’immense majorité ne veut pas être méchante, ils ne veulent pas tuer, ou faire souffrir les autres, fussent-ils des étrangers à l’autre bout de la planète.
Pourtant, en leur nom, des armées entières envahissent, bien loin de chez nous, des pays entiers, asservissent des peuples et des nations, avec un objectif bien déterminé : s’arroger les ressources des autres et des plus faibles car notre système économique, notre “civilisation”, nécessite chaque année encore plus de matières premières et d’énergie que l’année précédente.
Nous sommes devenus, souvent sans le savoir, des assassins de masse.
Rien ne justifie le terrorisme, mais le terrorisme est un mot impropre. Nous ne sommes pas en guerre contre le terrorisme, nous sommes en guerre tout simplement.
Des guerres que nous avons déclarées et que nous avons choisies de mener.
Rassurez-vous, pas vous, pas plus moi d’ailleurs, mais nos dirigeants. Ils ne dirigent plus depuis longtemps pour leurs peuples.
Ils dirigent pour des intérêts financiers pour quelques immenses corporations, et les armées jadis de conscrits et nationales sont devenues, avec la professionnalisation, en réalité des milices privées au service du totalitarisme marchand le plus abject mais financées par des contribuables crédules et gentils.
Vous pensez que nous vivons en paix, que l’Europe c’est la paix, eh bien vous pensez mal ou plus précisément vous pensez ce que l’on veut exactement que vous pensiez.
Vous vivez dans une belle fiction imaginaire.
L’Europe est un empire en constitution, un empire qui veut s’étendre, un empire ambitieux et autoritaire qui ne pourra émerger qu’après avoir annihilé peuples entiers et nations millénaires.
L’Europe, l’idée européenne, le projet européen ne peut pas être la paix. Il est inévitablement l’affrontement pour éradiquer ce qui existait avant et qui est un obstacle à l’existence de l’Empire européen. Il faut faire de la place avant de laisser la place.
De la même manière, nous ne vivons pas en paix. Nous avons l’illusion de la paix, sauf lorsque quelques éclaboussures de sang dans nos rues viennent nous rappeler que nous avons porté la guerre là-bas, bien loin de chez nous.
Nous voulons croire naïvement que nous sommes les gentils, le camp du bien, et la propagande se charge à merveille de vous conter cette belle histoire. Comme nous sommes les gentils, il ne peut rien nous arriver.
Pourtant, nous sommes pris dans un engrenage, un terrible engrenage, et ceux qui pensent que la paix est éternelle, qu’elle est la seule voie possible, se trompent lourdement.
Depuis très longtemps, jamais la tentation de se faire la guerre, la vraie, n’a été aussi forte. Croire que la sagesse collective prévaudra en toutes circonstances n’est pas une croyance très raisonnable ces derniers temps.
Nous arrivons à la fin d’un cycle, d’un système et d’un mode de production. Notre environnement est à bout de souffle, notre système financier exsangue, notre endettement colossal, nous vivons de bulles et de mensonges.
Pendant des années, j’ai soutenu l’idée que jamais le système ne voudrait d’une guerre qui, nucléaire, pourrait détruire notre planète.
Lorsque je contemple ce que je vois, je suis de moins en moins sûr que nous ne risquons rien. Je commence même à penser que nous avons pris une pente bien dangereuse. Il y a de terribles pulsions de mort qui tiraillent notre monde et nos sociétés.
Il y a une terrible envie de se battre, de se combattre.
Il y a une monumentale montée des haines, et bien peu de sagesse pour la combattre.
C’est pour toutes ces raisons que j’ai consacré ma lettre STRATÉGIES du mois de juin, une lettre un peu exceptionnelle, aux guerres pour l’énergie. Vous pouvez vous abonner ici, et en vous abonnant, vous aurez en plus accès à toutes les archives et aux rapports spéciaux que j’ai déjà écrits – comme “Quelle banque choisir”, ou encore “Comment survivre à l’eurocalypse”, sans oublier “Le guide spécial placements” et tout le reste !!
Depuis maintenant plus de 20 ans, les guerres que vous voyez ne sont en réalité que des guerres pour l’énergie ou pour l’accès à l’énergie.
Mes amis, plus que jamais, prévoyez dans vos plans d’articuler votre patrimoine, autour du PEL, votre patrimoine, votre emploi et évidemment votre localisation.
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Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Charles SANNAT
“Insolentiae” signifie “impertinence” en latin
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« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »
mardi 4 juillet 2017
Terrorisme, la face cachée de la mondialisation / Terrorism, the dark side of the globalization
- 02 Jul 2017
- ALEX ANFRUNS
Faut-il s’habituer au terrorisme devenu partie intégrante de notre quotidien ? Ou bien analyser intelligemment ses causes pour le contrer ? Ancien rédacteur en chef à Radio France Internationale et aujourd’hui directeur du site spécialisé prochetmoyen-orient.ch, l’écrivain et journaliste franco-suisse Richard Labévière a publié Terrorisme, la face cachée de la mondialisation, un ouvrage remarquable qui dresse le bilan de quinze ans de « guerre contre la terreur » et apporte des clés d’analyse sur un phénomène complexe et de plus en plus répandu dans nos sociétés.
Dans votre livre vous affirmez que l’option militaire ne peut pas mettre fin au terrorisme. Pourquoi croyez-vous que les dirigeants occidentaux persistent à faire croire le contraire ?
D’abord parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’imagination, parce qu’ils ne font pas les bonnes analyses du phénomène terroriste et parce qu’ils privilégient d’abord leurs intérêts économiques. En ce moment, on parle beaucoup du Qatar et de l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite, bien avant le Qatar, est le premier bailleur de fonds et soutien financier de l’expansion du wahhabisme et du salafisme, qui ont inspiré beaucoup de groupes terroristes dans le monde, autant au Proche-Moyen Orient, qu’en Asie, en Afrique ou en Europe.
Les pays occidentaux pour la plupart, à l’image des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, ont déclaré une « guerre à la terreur, au terrorisme »… ce qui est, dans les termes, d’une stupidité insondable et d’une bêtise absolue, pour la bonne et simple raison que le terrorisme n’est pas une substance déterminée, mais un mode opératoire, une méthodologie. C’est un mode de guerre asymétrique – du faible au fort. On ne fait pas la guerre à une méthodologie, ni à un mode opératoire.
Les militaires le savent très bien. Cela a été dit dernièrement par des officiers supérieurs et généraux français : on ne bombarde pas une idéologie, on ne détruit pas des discours radicaux par les armes ! Donc les militaires, bien plus que les politiques, savent parfaitement qu’on ne viendra pas à bout du terrorisme contemporain par de simples opérations militaires. L’option militaire garantit une posture d’immédiateté qui permet de gagner du temps ou de déplacer la question. Mais aucune opération militaire ne saurait venir à bout des causes profondes du terrorisme, de sa permanence, de son expansion et de sa reconfiguration dans le monde globalisé d’aujourd’hui.
Depuis l’attentat de janvier 2015 à Paris, les actions terroristes se sont multipliées sur le sol européen et ailleurs. Comment en est-on arrivé là ?
On vient d’avoir une série d’attentats en Grande Bretagne et à Melbourne, à Paris un cinglé a attaqué un policier à Notre Dame avec un marteau, un autre a tenté de se faire exploser sur les Champs Elysées… Pendant ce temps-là, au sud des Philippines, l’armée nationale combat – avec des moyens lourds – des groupes salafo-djihadistes qui revendiquent leur allégeance à Dae’ch – ces derniers revendiquant aussi un territoire de l’archipel ! En Irak, en Syrie, de même que dans la bande sahelo-saharienne et la Corne de l’Afrique, d’autres groupes armés – au nom de Dae’ch comme de Al-Qaïda -, revendiquent aussi le contrôle de vastes territoires.
Des attentats très meurtriers ravagent aussi des quartiers de Kaboul et des localités de l’Est de l’Afghanistan. Leurs auteurs prétendent aussi agir au nom de l’organisation « Etat Islamique ». Il y a des groupes dans l’Afrique sahélienne et subsaharienne de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique qui agissent également au nom de ces mêmes groupes terroristes, alors qu’on sait très bien que leurs razzias visent d’abord l’accumulation d’un capital financier et humain local… Dans tous les cas de figure, le terrorisme contemporain recouvre un phénomène qui s’est largement mondialisé. Maintenant, il faut chercher à comprendre les raisons de cet élargissement qui s’installe dans la durée…
Y-aurait-il un lien plus profond, de cause à effet, entre la politique occidentale menée à l’étranger et le terrorisme ?
Certainement. Depuis que George W. Bush a déclaré sa « guerre contre la terreur » au lendemain des attentats du 11 septembre, les postures et les réactions des Etats-Unis et des pays occidentaux n’ont certainement pas fait diminuer le problème, mais au contraire l’ont décuplé et ont accentué son expansion, à commencer par les opérations militaires occidentales en Afghanistan, en Irak évidemment – l’invasion anglo-américaine de l’Irak a été un désastre qui a clairement écrit la préhistoire de Dae’ch -, l’intervention et le démantèlement de la Libye a tout autant généré une onde de choc qui s’est transformée en une multitude de conflits.
L’intervention franco-britannique, soutenue par les Etats-Unis et l’OTAN en Libye, a détruit ce pays, a créé trois ou quatre Libye, l’a fragmentée, et aujourd’hui l’Est et le Sud de la Libye sont un sanctuaire de camps de formation de djihadistes. Ils vont ensuite se répandre non seulement au Mali, mais aussi au Tchad, au Burkina Faso et dans toute la bande sahelo-saharienne sinon dans toute l’Afrique de l’Ouest, avec des groupes comme Boko Haram, les Shebabs, en augmentant ainsi les zones d’insécurité totale.
Dans votre livre vous proposez une grille de lecture qui pourrait sembler pessimiste sur le court terme ; en revanche, elle a le mérite d’être très audacieuse car elle se fonde sur un raisonnement rigoureux qui va à l’encontre des idées dominantes…
Aujourd’hui je dis qu’il faut renverser le paradigme, en n’analysant plus le terrorisme comme une crise, un accident ou un phénomène extraordinaire, sinon une pathologie, mais au contraire comme quelque chose d’ordinaire, de normal, dont les logiques et les machines se sont inscrites au coeur même de la normalité de la mondialisation économique, commerciale et financière.
Depuis la fin de la Guerre froide, avec la révolution numérique et les nouvelles technologies (réseaux numériques et autres Big Data et Clouds computing), la multiplication des crises au Proche et Moyen Orient, en Afrique et ailleurs connaît une duplication et re-duplication où l’on voit interagir syndicats du crime, cartels de la drogues, Etats faillis et groupes terroristes, dans des logiques constitutives d’une économie politique : l’économie politique de la terreur dont s’accommode parfaitement l’économie politique globale.
Aujourd’hui, la mondialisation a trois conséquences majeures : elle casse les Etats-nation, les services publics et les politiques de redistribution sociale. La mondialisation contemporaine, c’est la course à l’argent d’abord ! Eh bien, cette course à l’argent a un besoin vital, essentiel et consubstantiel du terrorisme. D’où le titre de mon ouvrage, Terrorisme, la face cachée de la mondialisation1, cherchant à remonter aux causes profondes d’un terrorisme qui s’est imposé comme une variable absolument nécessaire au fonctionnement des mécanismes de la mondialisation contemporaine.
Je cite souvent le constat de l’ethnologue et essayiste français Georges Bataille qui, dès 1957, dans son essai fameux – La Part maudite – expliquait que tout phénomène d’expansion économique a son revers, sa part maudite de gaspillage qu’il appelait « consumation ». Aujourd’hui, le terrorisme est devenu cette part de consumation du capitalisme mondialisé. Tout comme Lénine parlait d’ « impérialisme, stade suprême du capitalisme », on pourrait tout aussi bien parler du terrorisme comme d’un stade suprême de la mondialisation…
Vous affirmez aussi que les médias participent d’une certaine façon au phénomène du terrorisme, en relayant des éléments sensibles liés aux attentats. Pouvez-vous nous en expliquer davantage ?
Le terrorisme, c’est terroriser. C’est utiliser des armes diverses dans un rapport de force asymétrique. Lorsqu’un groupe terroriste passe à l’acte et fait acte de terreur, il est clair que cet acte doit être relayé à travers un processus de communication, le plus largement possible, voire même à travers une communication de masse. Ainsi, l’événement terroriste, forcément très localisé, prend une ampleur plus large, sinon planétaire relayé par les moyens de communication modernes d’aujourd’hui.
Il y a forcément un rapport ambigu entre la propagation et l’effet recherché par le terrorisme, c’est une très vieille question. Souvenez-vous des unes de la presse comme Le Petit Illustré ou autres, dessinant les bombes des anarchistes du 19ème siècle. Plus récemment encore, quand vous prenez les attentats de 1995 en France dans le RER et dans le métro, ces attentats étaient commis à 19h00 ou 19h15. Les auteurs s’étaient ainsi assurés de faire l’ouverture du journal de 20 heures.
On voit aujourd’hui comment l’organisation « Etat Islamique »/ Dae’ch, s’est dotée de plusieurs centaines de sites internet. Elle dispose même d’un hebdomadaire en langue française – Dabiq, le nom de la ville syrienne où différentes traditions sectaires annoncent l’apocalypse -, réalisé de manière très professionnelle, avec des conseillers en communication qui sont basés en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et dans le Golfe…
Vieille équation terrorisme/presse, on constate que la communication constitue l’une des dimensions incompressibles du phénomène terroriste dans ses liens avec l’extérieur. En réaction, sinon en symétrie, les autorités chargées d’actionner les différents moyens de riposte du contre-terrorisme produisent – elles-aussi – une communication extérieure et à usage interne, à destination du grand public.
Il est clair que les rédactions privées et publiques ont, en la matière, une grande part de responsabilité. La plupart du temps aujourd’hui, on est condamné au spontané, à une immédiateté (qui annule la médiation nécessaire à l’analyse et à la compréhension). Les chaînes de télévision en continu ou les grands journaux comme Le Soir ou La Libre à Bruxelles, ou encore Le Monde ou Libération, se font trop souvent les complices des groupes terroristes actuels, de leur idéologie qui se nourrit de cette résonnance qui n’est pas questionnée. La plupart des médias traite le terrorisme dans ses effets les plus spectaculaires et émotionnels sans véritablement chercher à remonter à ses causes profondes.
Comment expliquez-vous cet échec de nos sociétés démocratiques en ce qui concerne le droit à l’information ?
Trop peu de médias s’efforcent de remonter aux causes, puisque le faire mérite plus de temps, d’espace, d’investigation, donc d’expertise réelle. Et celle-ci a, aussi, un coût ! Travailler correctement sur les causes profondes du terrorisme nécessite des enquêtes minutieuses, des reportages de terrain qui demandent des connaissances historiques et anthropologiques des lieux et temps dans lesquels le problème se développe, perdure, se répète et se transforme. Cet investissement journalistique demande des moyens qui s’inscrivent dans la durée. Malheureusement, les modèles économiques de nos médias nationaux ne peuvent relever ce défi…
Quand bien même les moyens seraient là, le voudraient-ils ? Rien n’est moins sûr, et je ne sombre pas dans la conspirationnisme, car la remontée aux causes profondes du terrorisme contemporain réclame aussi certaines analyses politiques parfaitement incompatibles avec les a priori idéologiques de nos médias mainstream.
La plupart du temps, ces sociétés privées et publiques ne font que relayer les mêmes blablas, les mêmes témoignages éplorés et les discours convenus sur « les réponses au terrorisme », judiciaires ou autres. Après un acte terroriste, la totalité des pouvoirs exécutifs et législatifs du monde adoptent de nouvelles lois. En France, depuis 2012, on a aligné une douzaine de textes de loi qui, aussitôt prononcés, ont été mal appliqués voire pas appliqués. Donc, les médias accompagnent ces discours sans faire un travail sérieux, sans déconstruire les rationalités de la propagation des idéologies radicales ; sans enquêter sur les structures de recrutement et les opérateurs-acteurs des financements du terrorisme contemporain.
Bref, on parle beaucoup sans vraiment ouvrir les enquêtes nécessaires ad hoc, susceptibles de servir de base à l’élaboration des ripostes appropriées. La problématique du financement du terrorisme est sur la table depuis plus de trente ans. Elle empile plusieurs étages. On sait très bien que ce n’est pas l’acte même ou le passage à l’acte qui coûte cher (les attentats du 11 septembre 2001 ont coûté moins de 500 000 dollars).
La plupart des actes terroristes dans leur phase opérationnelle ne coûtent pas cher! Ce qui coûte vraiment cher c’est l’amont, c’est-à-dire le recrutement des activistes, leur formation, la prise en charge des assurances de leur famille dans les cas des attentats suicides ou des opérations chirurgicales esthétiques au Brésil, au Liban ou ailleurs pour qu’ils changent de visage… Tout cela coûte bien plus cher que le passage à l’acte en lui-même.
Admettons que la plupart des médias n’aient pas eu le temps ni les moyens de traiter ce sujet aux ramifications complexes. Pourtant, vous avez été parmi les analystes qui ont alerté très tôt sur les sources de financement du terrorisme contemporain…
En effet, j’ai travaillé sur l’attentat de Louxor de novembre 1997 en Egypte où 63 touristes ont été découpés à coup de machettes par des terroristes de la Gami’a Islamiya. Sur ces 63 touristes, 35 étaient des ressortissants suisses. Le tour opérateur s’appelait Hôtel-Plan. A l’époque je travaillais pour la Télévision suisse romande (TSR). Mon patron – Claude Torracinta – a eu l’intelligence de détacher une équipe de journalistes et de réalisateurs qui a ainsi pu travailler durant six mois de manière approfondie sur cet acte terroriste de Louxor, afin de remonter les filières des Gami’a Islamiya et de leurs financements.
On a ainsi pu débusquer la société Al-Taqwa, qui à l’époque était la banque des Frères musulmans, interdite en Egypte en 1983. Elle s’était aussi implantée aux Bahamas. D’autres filiales et des sociétés fiduciaires s’étaient installées en Suisse, notamment au Tessin à Lugano, à Genève et ailleurs en Europe en partenariat avec de grandes banques occidentales.
Tout cela avec l’appui des banques saoudiennes dont je tairai le nom pour éviter de nouveaux procès, puisque j’ai eu plusieurs procès dans cette lutte que j’ai menée contre les banques et les opérateurs financiers saoudiens qui financent l’expansion du wahhabisme et du salafisme, voire directement des groupes armés. Donc l’Arabie Saoudite reste responsable au premier chef, bien avant le Qatar et tout autre Etat dans le monde. La monarchie wahhabite et ses satellites sont responsables de cette expansion du « terrorisme islamiste » dans le monde depuis plus de trente ans.
A l’époque vous aviez déjà écrit un livre, intitulé « Les dollars de la terreur », publié en 1998. Quel accueil ont eu vos recherches auprès des médias dominants et ses soi-disant experts ?
Ce livre est sorti avec un succès d’estime, manifesté par quelques spécialistes. Evidemment, il n’a pas interpellé les pouvoirs publics, qui, dans le même temps, continuaient à entretenir de très juteuses relations commerciales avec l’Arabie Saoudite et les autres monarchies pétrolières du Golfe.
La deuxième raison de ce silence poli, au-delà de l’aspect financier, c’est la et les dimensions stratégiques du phénomène. Dans la mesure où l’Arabie Saoudite et les pays du Conseil de la Coopération du Golfe (CCG) sont arrimés aux Etats-Unis et se rapprochent d’Israël contre leur ennemi commun – un grand défi régional qui s’appelle l’Iran -, il est bien clair que dénoncer la finance du terrorisme, au premier rang desquels agissent les bailleurs de fonds wahhabites, devient effectivement très politiquement incorrect. Cela affaiblit le front commun que les Etats-Unis essaient de construire contre l’Iran depuis sa Révolution Islamique en 1979.
La troisième raison pour laquelle ce livre – cette enquête sur le financement du terrorisme qui est sorti quelques années avant les attentats du 11 septembre – n’a pas intéressé grand monde, c’est qu’elle met directement en cause plusieurs appareils d’Etat américains, à commencer par les services spéciaux qui ont recruté et formé des milliers de djihadistes pour aller lutter en Afghanistan contre l’armée soviétique.
Ce scandale – le binladengate – s’est amplifié par la suite, après le retrait soviétique en 1989 suite à la chute du mur de Berlin, parce que les mêmes services américains ont continué à employer ces djihadistes – leurs djihadistes – en Asie centrale, au Yémen, au Proche et Moyen Orient et ailleurs. Evidemment, expliquer et dénoncer cette réalité n’était pas très soutenu ni encouragé, même par les médias les plus irrespectueux…
Mais peu après, les mentalités vont être un peu plus réceptives…
Oui, après les attentats du 11 septembre, le livre a été traduit aux Etats-Unis et a eu plus d’écho. Avec quelques-unes de mes sources, on a pu expliquer davantage quel a été le rôle de l’Arabie Saoudite, du Koweït, des Emirats Arabes Unis et du Qatar dans ces processus-là. Maintenant il est plus admis par le grand public et les autorités politiques que le rôle de l’Arabie Saoudite depuis 30 ans est central et demeure dans les mécanismes de financement du terrorisme islamiste.
Cette compréhension, cette dénonciation, commence à porter ses fruits, et à créer des problèmes à tous ces gens qui font du commerce et du business avec l’Arabie Saoudite, à commencer par Donald Trump voire même d’autres pays européens dont la France. Raison pour laquelle il fallait inventer un leurre qui porterait toute l’actualité du financement sur le… Qatar, pour dédouaner et blanchir l’Arabie Saoudite et les autres membres du CCG. Mais c’est un tour de passe-passe qui ne convainc personne.
Pourtant on a pu remarquer une certaine convergence dans les stratégies de l’Arabie Saoudite et du Qatar, par exemple dans le scénario du conflit syrien et au Yémen… Peut-on dire que ces pays poursuivent les mêmes objectifs sur le plan de la politique extérieure ?
Cette affaire de financement du terrorisme, voire de rivalités entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, est une affaire de famille pour les monarchies pétrolières du Golfe qui sont toutes peu ou prou impliquées. Ce n’est pas seulement l’affaire du Qatar, du Koweït ou de l’Arabie Saoudite, ces rationalités concernent l’ensemble de la finance islamique et de ses acteurs, avec le prélèvement de la zakat, la collecte des dons et leurs utilisations via, par exemple, la Banque islamique de développement, l’Organisation de la Conférence Islamique et les différents outils de multilatéralisme islamique dominés par l’Arabie Saoudite, sans compter une myriade d’ONGs où l’on retrouve les Frères musulmans et leurs devantures caritatives européennes.
Cette structuration rhizomatique (ayant des ramifications souterraines – NDLR) est largement transnationale et profite des paradis fiscaux occidentaux et des places offshore dans le monde qui, je vous le rappelle, sont majoritairement sous pavillon américain et britannique.
Le dossier du financement du terrorisme relève d’une problématique en millefeuille qui ne saurait relever que du seul Qatar. Vous avez raison de mentionner la proximité idéologique et politique du Qatar et de l’Arabie Saoudite, car ces deux pays partagent la même doctrine théologico-politique : le wahhabisme. Le problème c’est que le Qatar est tout petit et l’Arabie Saoudite très grande. C’est la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. La rivalité entre ces deux pays est ancienne. Ce tronc commun du wahhabisme fait qu’ils sont toujours très impliqués dans le soutien à des groupes terroristes sunnites, non seulement en Irak et en Syrie, mais aussi au Yémen et dans la répression contre la population chi’ite de Bahrein.
Historiquement, dès l’instant où elle a été interdite par Nasser (à partir de 1956), la Confrérie des Frères musulmans et ses principaux cadres se sont réfugiés en Arabie Saoudite et ont bénéficié de largesses et de la générosité pécuniaire du Roi Fayçal, qui a donné de l’argent aux deux principaux responsables de l’époque, Saïd Ramadan, et Youssef Nada, qui était un banquier, pour s’implanter hors du monde arabo-musulman, en Europe et particulièrement à Munich, puis à Genève à partir de 1961. Ils ont choisi de s’implanter d’abord à Munich en 1957, parce que les Frères musulmans avaient noué des liens pendant la Seconde Guerre Mondiale avec les agents des services secrets du IIIème Reich allemand. Ils ont ainsi créé un premier centre à Munich cette année-là, et ensuite il y a eu l’ouverture du Centre islamique des Eaux Vives à Genève en 1961, qui est toujours dirigé par Hani Ramadan. A partir de là, les Frères musulmans ont beaucoup essaimé en Europe, créant des officines, des sociétés caritatives, des centres culturels en France (dans la région lyonnaise), en Belgique et ailleurs.
C’est donc l’Arabie Saoudite qui a favorisé l’expansion internationale des Frères musulmans, jusqu’à ce que les Frères musulmans commencent à créer des problèmes et à contester la monarchie des Saoud dans la Péninsule arabique et le reste du monde arabo-musulman. Si bien que, à partir des années 1980, la monarchie saoudienne a commencé à se méfier des Frères qui, progressivement, ont choisi d’autres lieux d’implantation. Ce fut le cas notamment du Qatar, où M. Qardawi – porte-parole internationale des Frères – pouvait répandre ses messages de haine dans le monde entier par l’intermédiaire de la chaîne de télévision Al-Jazeera. De la même façon, la chaine Al-Jazeera a été le vecteur de communication d’Oussama Ben Laden, comme elle l’a été de la propagande de Dae’ch et d’autres mouvements.
A partir des années 1990, il est clair qu’une mutation s’est opérée en Arabie Saoudite. Sa diplomatie du chéquier s’est mise à soutenir et financer davantage les groupes salafistes intervenant surtout hors de ses frontières : en Indonésie, en Asie centrale, du Proche Orient à la Corne de l’Afrique, de l’Afrique Subsaharienne jusqu’à l’Europe. Tandis que le Qatar, lui, s’est plutôt spécialisé dans l’accueil des Frères musulmans et leurs filiales internationales. Les Frères musulmans et le wahhabisme sont les deux filiations idéologiques du terrorisme contemporain. Ces deux filiations restent très proches, voire communes par beaucoup d’aspects.
On voit comment les bailleurs de fonds saoudiens et qataris ont favorisé l’émergence de l’organisation « Etat islamique » ou Dae’ch, avec l’aide des services spéciaux turcs dès la chute de Bagdad au printemps 2003. A partir du démantèlement de l’Irak en 2003, Abu Moussab Al Zarqawi sera le premier chef de cette organisation qui s’installe au Kurdistan d’Irak. Comme par hasard, cette organisation s’implante à côté des services israéliens et américains qui laissent prospérer Abu Moussab Al Zarqawi et ses tueurs… On peut se demander pourquoi ! Ensuite, Zarqawi deviendra l’une des principales menaces de la région et provoquera un schisme entre la Qaïda et ce qui deviendra Dae’ch à partir de 2012-13, qui va déboucher sur la prise de Mossoul en juin de 2014 et la proclamation du califat le 29 juin 2014.
Dans toute cette évolution, cette reconfiguration rizhomatique post-Qaïda, on assiste à l’émergence d’un nouveau type de terrorisme avec l’organisation « Etat islamique ». L’Arabie Saoudite a une responsabilité, tout comme le Qatar, le Koweït, les Emirats Arabes Unis, les bailleurs de fonds égyptiens et les services spéciaux israéliens, turcs et américains notamment. Donc, il est clair que ce n’est pas simplement en accusant le Qatar qu’on adopte une posture pertinente et responsable.
Pensez-vous que la récente rupture des liens diplomatiques entre le Qatar et ses pays voisins pourrait aider à débloquer certains conflits dans la région ?
Non, cela ne va rien débloquer du tout. Cette mise en accusation internationale est un maquillage qui a été largement inspiré par le Pentagone afin de dédouaner et blanchir l’Arabie Saoudite. J’étais à Téhéran le 19 mai, le jour de l’élection présidentielle iranienne, qui a été une élection démocratique exemplaire pour beaucoup de pays, avec l’élection de Hassan Rohani avec 60 % des suffrages d’un électorat qui avait voté à 70%, ce qui est quand même assez unique dans cette région. Il est clair qu’il n’y a jamais d’élections démocratiques ni en Arabie Saoudite, ni au Qatar, ni au Koweit ni ailleurs dans la région…
Eh bien, le lendemain même de cette élection présidentielle iranienne qui reconduisait le président Hassan Rohani, Donald Trump était à Riyad, aux côtés du roi Salman d’Arabie ayant convoqué un sommet d’une cinquantaine de pays sunnites avec 37 chefs de gouvernement et représentants de ces pays. Le président américain en a profité pour décréter une alliance sunnite contre l’Iran. Il a même accusé l’Iran de soutenir le terrorisme !!!
Certes, l’Iran a des accords stratégiques et militaires connus avec la Russie, la Syrie et le Hezbollah libanais et donc, défend ses intérêts et une vision géopolitique du Proche et Moyen-Orient qui n’est pas celle de Washington et Tel-Aviv. C’est la raison pour laquelle – et depuis Riyad – Donald Trump décrète qu’il faut encercler l’Iran, voire lui faire la guerre… Certains de ses conseillers lui ont quand même dit qu’il poussait le bouchon un peu loin, parce que déclarer cela depuis Riyad, qui demeure quand même l’épicentre du terrorisme, « c’est un peu paradoxal, sinon franchement contradictoire… »
Comment définiriez-vous alors cette déclaration de lutte contre le terrorisme de Donald Trump en visite en Arabie Saoudite ?
C’est une opération de pure communication montée par le Conseil de Coopération du Golfe pour isoler le Qatar. C’est de la com’ pour blanchir et excuser le fait que Donald Trump continue à vendre des milliards de dollars d’armement à l’Arabie Saoudite, qui investit simultanément des milliards aux Etats-Unis pour acheter leur soutien. La boucle est bouclée. Ce cercle qui n’est pas vertueux mais purement affairiste, nécessiterait un peu d’être remis à plat. Dans cette affaire, Washington a surtout cherché à disculper l’Arabie Saoudite de tout lien avec le financement du terrorisme.
Or, aujourd’hui, qui continue à acheter Les mercenaires tchétchènes, chinois, européens et africains qui sont engagés en Syrie et en Irak, si ce n’est l’Arabie Saoudite ? Certes, le Qatar aide les djihadistes de l’Afrique subsaharienne, notamment en Libye et dans d’autres pays de la zone. Mais l’Arabie Saoudite n’est pas plus vertueuse que le Qatar dans ces opérations. Et le fait qu’un certain nombre d’Etats arabes rompent leurs relations diplomatiques avec Doha ne va certainement pas permettre de trouver une solution ou d’améliorer la situation des guerres civilo-globales en Syrie, en Irak, au Yémen, au Bahreïn ni dans les crises de la bande sahelo-saharienne, sans parler des réseaux dormants des pays européens, à commencer par la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne et la Belgique.
Je voudrais insister sur Bahreïn où perdure une situation extrêmement dramatique dont personne ne parle pour des raisons, là aussi, d’intérêt financier. Bahreïn est quasiment un état saoudien rattaché à l’Arabie Saoudite par un pont et une autoroute, et où les mouvements de la population majoritairement chi’ite sont réprimés dans le sang : arrestations massives et tortures sont quotidiennement menées par l’armée saoudienne, avec l’aide des services spéciaux américains. A Bahreïn est installé l’état-major de la Vème flotte américaine.
Dans “Terrorisme, la face cachée de la mondialisation”, vous indiquez quelques pistes d’action pour enrayer l’inquiétante évolution actuelle. Pourriez-vous revenir là-dessus ?
Revenir toujours à quelque chose d’absolument essentiel. Aux lendemains du 11 septembre 2001, j’ai eu la chance d’accompagner le ministre français des Affaires étrangères de l’époque – Hubert Védrine – à l’Assemblée générale des Nations unies, qui avait été décalée en novembre en raison des attentats.
Hubert Védrine a fait un discours-événement qui n’a pas beaucoup plu aux Américains, parce qu’il a dit en substance : écoutez, si on veut lutter efficacement contre le terrorisme, il faut d’abord assécher son terreau, les réseaux financiers et idéologiques. Mais parallèlement, il faut intervenir diplomatiquement pour essayer de résoudre par la politique et la diplomatie les crises du Proche et Moyen Orient, au premier rang desquels le conflit israélo-palestinien…
Il est clair que ce conflit – en dépit de la propagande de la presse occidentale qui l’a transformé après le 11 septembre 2001 en une question purement sécuritaire et de lutte anti-terroriste -, demeure central et vital pour l’ensemble du monde arabo-musulman. Le conflit israélo-palestinien demeure l’épicentre des crises, des malentendus, des deux poids deux mesures appliqués à la région.
Essayez d’expliquer à la rue arabe que l’OTAN bombarde Belgrade en dehors de toute résolution des Nations Unies, que les Occidentaux mènent des guerres soi-disant « humanitaires » en Afghanistan, en Irak, en Libye et ailleurs, pour la promotion de la défense des droits de l’homme et la démocratie, alors que, quotidiennement, la soldatesque israélienne tue des enfants palestiniens dans les Territoires occupés. Depuis 1948, depuis la création d’Israël, il y a eu pas moins de 450 résolutions du Conseil de Sécurité, de l’Assemblée Générale et de la Commission des droits de l’homme, alors que pas une seule n’a été appliquée, sauf partiellement, la 475, avec le retrait d’Israël du Liban sud en juillet 2000…
Je ne dis pas qu’il suffit de résoudre d’une manière équitable et en justice le conflit israélo-palestinien pour éradiquer le terrorisme. Mais en tout cas, il est clair que la gestion et la résolution politique et diplomatique du conflit israélo-palestinien par la reconnaissance d’un Etat palestinien libre avec continuité territoriale et avec Jérusalem pour capitale, serait susceptible d’atténuer l’un des référents centraux et symboliques du terrorisme islamiste.
Et quels sont les chantiers à creuser au sein même de nos sociétés ?
Après la résolution du conflit israélo-palestinien et la casse des filières internationales du financement du terrorisme, les principaux chantiers à ouvrir concernent les dysfonctionnements internes de nos propres sociétés. Dans cet impératif catégorique de remonter aux causes, j’insiste sur le fait qu’on ne bombarde pas une idéologie : face à une idéologie radicale il faut opposer des contre-récits et d’autres grands récits structurants. Sans aborder les programmes de déradicalisation, il faut comprendre pourquoi autant de jeunes français, allemands, belges et britanniques s’enrôlent dans les katibas de Dae’ch en Syrie et en Irak.
L’origine de cette migration mortifère est à mettre au compte des dysfonctionnements de nos propres sociétés dans des quartiers de non-droit où même les pompiers ne mettent pas les pieds. Je pense aussi à la situation carcérale dans les prisons, où les frères Kouachi, les auteurs de l’attentat de janvier 2015, peuvent rencontrer Djamel Beghal qui est le Franco-algérien le plus élevé dans l’ancienne structure de la Qaïda… Aberration totale ! Comment de petits délinquants qui n’ont pas mis le pied au Proche Orient, qui sont de purs produits de la société britannique, peuvent ainsi se radicaliser (souvent en prison) avant de passer à l’acte en Grande Bretagne et ailleurs ?
Le troisième problème qui renvoie à nos propres dysfonctionnements, c’est l’école, qui ne fabrique plus des citoyens qui s’intègrent, mais au contraire, qui conforte et reproduit les logiques de marginalisation sociale. Et le dernier niveau, on en a parlé, c’est la presse, qui continue à entretenir les méfiances sinon les haines communautaires, dans sa précipitation et sa volonté de faire du catastrophisme, ou bien de nier les problèmes. D’un côté les médias relaient la propagande des groupes terroristes et de l’autre côté ils nient la réalité et refusent de voir les vrais problèmes internes à nos propres sociétés.
Ce n’est pas seulement la presse mais aussi les quartiers, l’école, les prisons, qui sont autant de chantiers pour essayer de moderniser et réactiver le contrat social de base qui fait que des gens d’origines culturelles différentes puissent vivre dans un même pays, répondant aux mêmes devoirs et observant les mêmes règles. En définitive, il s’agit de travailler sur toutes les dimensions susceptibles de consolider le pacte républicain et les machineries du « vivre ensemble » au détriment des pratiques communautaires qui ne sont pas compatibles avec la préservation des libertés civiles et politiques.
- Terrorisme, la face cachée de la mondialisation. Editions Pierre-Guillaume de Roux, novembre 2016.
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