jeudi 10 juillet 2025

Relance du nucléaire en Belgique : Un choix idéologique coûteux, dangereux et inutile !

Source : https://www.amisdelaterre.be/actualites/relance-du-nucleaire-en-belgique-un-choix-ideologique-couteux-dangereux-et-inutile/

Le 15 mai 2025, le gouvernement a annulé la loi de sortie du nucléaire votée en 2003.

Rappelons que Les Amis de la Terre – Belgique ont été essentiels dans la lutte qui a conduit à cette loi et dans la réalisation de la chaîne humaine de 2017, qui a uni 50 000 citoyens et citoyennes de 3 pays (Belgique, Hollande, Allemagne) pour clamer :

le risque nucléaire ne connaît pas de frontières !

Cette loi de 2003 prévoyait un arrêt de tous les réacteurs nucléaires belges en 2025, à l’exception de ceux qui ont été récemment prolongés jusqu’en 2035, à savoir Doel 4 (D4) et Tihange 3 (T3).
De plus, une prolongation supplémentaire de ces deux réacteurs nucléaires (D4 et T3), au-delà de cette première prolongation de 10 ans, a été votée par la majorité1.

Cette prolongation est expliquée par la vision dogmatique que l’énergie nucléaire serait une énergie décarbonée2, comme cela est défendu par le Forum nucléaire et que nous aurions toujours besoin de plus d’électricité3.

À côté de cette prolongation supplémentaire éventuelle de deux réacteurs nucléaires de 2035 à 2045, le gouvernement belge envisage de construire de nouvelles centrales nucléaires, telles que les réacteurs de « nouvelle génération » ou les EPR, comme celui actuellement en phase finale de construction à Flamanville (France).

Ces décisions politiques vont mobiliser d’énormes ressources financières et humaines qui seraient bien mieux investies dans les énergies renouvelables, les systèmes de stockage de l’énergie et surtout l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie (U.R.E.) !

Le Groupe Énergie de l’asbl Les Amis de la Terre – Belgique s’indigne de ces décisions.
Nous prônons l’adoption de mesures favorisant la sobriété énergétique depuis des années. C’est la seule voie soutenable à long terme !

Image de Freepik

Le point sur la situation nucléaire en Belgique

Les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 sont prolongés jusqu’en 2035, avec les mises à niveau nécessaires. Mais le coût final (plus d’un milliard d’Euros) sera finalement à notre charge…
L’État belge a proposé, pour partager les risques (et pour convaincre Engie !), une participation financière de 50% dans la coentreprise Be-Nuc4, appartenant à parité à l’État belge et Engie, chargée de gérer D4 et T3 durant 10 ans, et une limite inférieure du prix de l’électricité (81€/mégawattheure) en-dessous de laquelle l’État (donc nous) devra verser une compensation à Engie. En ce qui concerne la gestion du démantèlement et les déchets, comme prévu en 2023, Engie a mis de l’argent de côté sous la forme d’une provision logée, jusqu’à présent, dans sa filiale Synatom.5

D’autres réacteurs (déjà arrêtés ou qui s’arrêteront en 2025) pourraient – en théorie – être relancés à l’avenir, comme le voudraient certains politiciens… Mais cela aurait un coût énorme !
Les 3 plus anciens réacteurs, Tihange 1, Doel 1 et 2 ne sont plus aux normes de sécurité pour être encore prolongés. Et techniquement, il est impossible de les mettre aux normes sismiques actuelles6. De plus, le site de Tihange est dans l’axe d’une piste de l’aéroport de Bierset, à 16 km et des gros porteurs y passent à proximité à basse altitude7.
Quant à Tihange 2 (arrêté en 2023) et Doel 3 (arrêté en 2022), il s’agit des réacteurs dont les cuves sont fragilisées par des milliers de fissures dont on n’a jamais pu expliquer l’origine. Les remettre en service serait une aberration potentiellement criminelle !

Avec ou sans nucléaire, il nous faudra inévitablement aller vers la sobriété énergétique. Avec un peu d’effort, de créativité et un mode de vie plus simple, ce sera possible, tout en conservant l’essentiel de notre qualité de vie. Cela améliorera aussi, et de beaucoup, notre indépendance énergétique, gage de sécurité et de tranquillité pour l’avenir qui s’annonce très incertain.

Dans les faits, les budgets de construction des centrales nucléaires augmentent sans cesse et dépassent tous les plafonds, dans tous les pays. Par contre, le prix de l’électricité produite par les énergies renouvelables diminue de manière continue et régulière. Tout cela rend le recours au nucléaire définitivement non compétitif.

Le nucléaire, nouveau ou prolongé, est lent à installer, trop cher, trop dangereux, et crée des déchets toxiques qui devront être gérés pendant des milliers d’années. Le nucléaire, c’est aussi la dépendance énergétique à des pays lointains (Niger, Kazakhstan, Russie, Mongolie, etc.) qui nous vendent leur uranium… jusqu’à quand, et à quelles conditions ? Enfin, le nucléaire, c’est une énergie pas vraiment décarbonée. Bref tout l’opposé d’une économie circulaire et soutenable ! Il y a pourtant urgence… Et le nucléaire ne sauvera pas le climat, bien au contraire !

La prolongation supplémentaire de T3 et D4 entre 2035 et 2045 reste pour le moment un souhait politique. Il n’est pas du tout certain que cela soit possible, pour des questions techniques, de coût et de sécurité. Par ailleurs, Engie a clairement exprimé son intention de ne pas s’engager dans des projets de nouveaux réacteurs électronucléaires. Au cas où ceux-ci devraient quand même être décidés, ils ne viendront pas en production avant 2040, alors que notre système énergétique doit être réformé dès maintenant. Il faudra aussi nous préparer à d’éventuels pannes et arrêts de Tihange 3 et Doel 4…
Et le gouvernement n’a pas de plan B !

LÉtat devra payer (au plus) 2 milliards en cas d’arrêt prolongé de Doel 4 et Tihange 3 et cela pourrait mener à l’arrêt de la prolongation !

Le gouvernement a investi des millions d’Euros dans le projet de réacteur nucléaire MYRRHA, en développement à Mol. Il n’est en fait qu’un prototype destiné à « transmuter » une toute petite partie8 des produits de fission issus des réacteurs actuels, dans le but utopique d’aider au traitement des déchets ultimes. Il a également comme but de produire de l’énergie grâce à une nouvelle technologie (neutrons rapides et refroidissement au plomb liquide). Il fonctionnerait en mode de démonstration au plus tôt en 2035. Il nécessite un accélérateur de particules de 400 mètres de long, qui consomme beaucoup d’électricité. Il serait intéressant d’en calculer le bilan énergétique global.

Le but du gouvernement est aussi de mettre en production un ou des SMR9, dont les prototypes sont à l’état de recherche préliminaire à Mol. Ces SMR, qui devraient bénéficier de l’expérience du prototype MYRRHA ne seront donc vraisemblablement pas en production avant 2040, et nous n’avons aucune idée de leur prix final. Les projets actuellement envisagés affichent des dépassements de budget catastrophiques. Plusieurs de ces projets ont déjà été abandonnés, un peu partout dans le monde.

La production d’électricité risque d’augmenter dans les années qui viennent, à cause, par exemple, de certains développements technologiques. Cela nous incite, une fois de plus, à promouvoir la sobriété et la prise de conscience de notre responsabilité de consommateur (et de citoyen-électeur).

La généralisation de l’utilisation de l’IA générative, des cryptomonnaies et des clouds géants provoquent une demande supplémentaire d’électricité10. Cela devient un argument « populiste » pour la relance ou la prolongation du nucléaire. Ces nouvelles techniques minent la sobriété énergétique et gaspillent d’autres ressources, notamment les quantités gigantesques d’eau utilisées pour le refroidissement des data centers et des centrales nucléaires.

A terme, cette fuite en avant technologique et aveugle nous mènera à des catastrophes énergétiques, humaines et environnementales… Nous devons urgemment privilégier le bon sens et les options « low-tech ».

Le groupe Energie des Amis de la Terre

Notes supplémentaires

  1. La loi du 15 mai 2025 abroge la loi de 2003relative au calendrier de sortie du nucléaire en 2025.
    Elle supprime l’interdiction de construire de nouvelles capacités de production nucléaire.
    La loi de 2003 avait déjà été modifiée pour permettre des prolongations (D4 et T3) au-delà de 2025.
    https://www.rtbf.be/article/l-arizona-enterre-la-sortie-du-nucleaire-quelles-perspectives-pour-cette-energie-en-belgique-11546727
    https://www.rtbf.be/article/belgique-prolongation-du-nucleaire-l-accord-avec-engie-est-boucle-declare-tinne-van-der-straeten-11295610 ↩︎
  2. Nous constatons que les coefficients CO2 utilisés pour le nucléaire ne sont pas sérieux.
    Ils sont sous-évalués et varient fortement suivant les sources.
    Il est, en tout cas, faux de prétendre que le nucléaire est plus « décarboné » que les renouvelables. Mais, bien sûr, c’est toujours mieux que les énergies fossiles.
    Il n’existe pas de moyenne générale du coefficient de production de CO2 pour le nucléaire.
    Cette valeur dépend du modèle de réacteur, du pays, des techniques utilisées à l’époque de la construction, comment l’uranium a été extrait de la mine, enrichi, transformé ou retraité, quel sera le bilan CO2 et énergétique du traitement des déchets, etc. Les chiffres varient de 12 à 250 gCO2/kWh, selon les sources. Les valeurs les plus crédibles et fiables tournent autour de 150 gCO2/kWh.
    Pour en savoir plus découvrez l’article de l’asbl Fin du nucléaire, maintenant Groupe Energie des Amis de la Terre, https://www.findunucleaire.be/wp/le-nucleaire-bilan-CO2/ ↩︎
  3. Pour en savoir plus sur la sobriété énergétique, le 17 juin 2025, negaWatt ASBL a proposé un scénario énergétique alternatif sans nucléaire pour notre pays, basé sur la sobriété et le renouvelable. Il prend en compte les impacts sur notre environnement et notre qualité de vie. ↩︎
  4. https://www.rtbf.be/article/nucleaire-l-accord-sur-la-prolongation-de-tihange-3-et-doel-4-entre-dans-sa-phase-finale-11517933 ↩︎
  5. Engie va ajouter 15 milliards pour la gestion des déchets (en plus de la provision déjà mise de côté pour le démantèlement), pour solde de tous comptes, pour le démantèlement ET la gestion des déchets. Le tout représente 23 milliards d’Euros (évaluation en 2023). Tous les coûts qui dépasseraient ce montant seront à charge de l’État, donc du contribuable ! L’État devra payer (au plus) 2 milliards en cas d’arrêt prolongé de Doel 4 et Tihange 3 et cela pourrait mener à l’arrêt de la prolongation : https://www.lesoir.be/684336/article/2025-06-27/letat-devra-payer-2-milliards-en-cas-darret-prolonge-de-doel-4-et-tihange-3
    Question subsidiaire : Comme ils n’ont encore aucune idée, de la manière dont les déchets vont être « gérés », comment en ont-ils calculé le coût ? ↩︎
  6. Il faut aussi rappeler que nos centrales nucléaires ont, à l’origine, été conçues pour fonctionner 27 ans (Doel 1 et 2, Tihange 1) et 30 ans (Doel 3 et 4, Tihange 2 et 3). Les faire fonctionner 40 ans, comme la loi de sortie du nucléaire de 2003 le prévoyait, peut éventuellement être envisagé (au prix de lourdes et coûteuses mises à niveau). Mais vouloir faire durer ces réacteurs jusqu’à 50 ans (et plus, comme le prétendent certains) relève de l’utopie dogmatique, potentiellement criminelle ! ↩︎
  7. La centrale de Tihange se trouve dans l’axe d’une piste de l’aéroport de Liège, à 16 km de distance, soit moins de 5 minutes de vol. Voici la vidéo du passage au-dessus de Tihange d’un 747, en pleine manœuvre de descente vers Bierset (à un peu plus de 1000 pieds) et d’« évitement » de la centrale : https://www.youtube.com/watch?v=LefrH2wFHiE (vers 1’40″). Les structures actuelles ne résisteront pas à la chute d’un gros porteur, même avec les réservoirs de kérosène vide.  Et, comme il est prévu de construire sur le site un entrepôt de stockage à sec d’une grande quantité de combustibles nucléaires usagés, pour une durée supérieure à 80 ans, le risque ne s’arrêtera pas avec la fermeture des centrales.
    D’autant plus que, pendant plusieurs années, les tours de refroidissement seront toujours présentes près de l’entrepôt qui sera bientôt construit à leur pied.
    En cas d’effondrement des tours suite à une chute d’avion, l’entrepôt endommagé, ou simplement hors de contrôle, sera submergé par les débris, rendant l’accès extrêmement difficile aux opérateurs et aux pompiers… ↩︎
  8. MYRRHA cible les « actinides mineurs », soit 0,2 % en volume des déchets, ce sont des éléments radioactifs à vie longue. Un tout petit pas dans le traitement des déchets nucléaires, mais le problème de ces déchets est très loin d’être résolu.
    Voir aussi l’article sur le site de l’asbl Fin du Nucléaire, maintenant Groupe Energie des Amis de la Terre, sur le projet français de Bure : https://www.findunucleaire.be/wp/bure_ce_sera/ ↩︎
  9. Un petit réacteur modulaire (PRM) ou small modular reactor (SMR). Pour en savoir plus découvrez l’article de l’asbl Fin du nucléaire, maintenant Groupe Energie des Amis de la Terre,: https://www.findunucleaire.be/wp/smr/
    SMR belge : https://afcn.fgov.be/fr/actualites/lafcn-et-le-sck-cen-entament-un-processus-exploratoire-sur-un-reacteur-modulaire-de
    MYRRHA : https://www.sckcen.be/fr/infrastructure/myrrha ↩︎
  10. En 2035, les « data centers », principalement ceux de Google et de Microsoft, consommeraient 10% de l’électricité belge, soit l’équivalent d’un ou deux réacteurs nucléaires actuels. Source :
    https://www.rtbf.be/article/en-2035-les-data-centers-consommeront-10-de-l-electricite-belge-11555126
    Et au niveau mondial, l’ensemble du réseau Internet et tous ses serveurs informatiques,
    data-centers, clouds, etc., consomme déjà environ 10% de toute l’électricité produite sur notre planète… Et la consommation d’eau est préoccupante :
    https://lareleveetlapeste.fr/ia-les-data-centers-transforment-les-territoires-en-deserts/
    Ces chiffres sont en constante augmentation ! (Évitons de télécharger de gros fichiers vidéo !)
    Consommation électricité Belgique : environ 80 TWh/an. >>> 10% = 8 TWh/an.
    Production d’un réacteur 1000 MW : 1 GW x 8760 h/an x 75% = 6570 GWh/an = 6,5 TWh/an. ↩︎

Crédit photo : @asbl fin du nucléaire

 

(Cockpit view). 747 land at liege airport BELGIUM . Full approach


 

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