My heart is sad and lonely For you I sigh, for you dear only Why haven't you seen it I'm all for you body and soul I spend my days in longin' And wondering why it's me you're (ogling) I tell you I mean it I'm all for you body and soul I can't believe it It's hard to conceive it That you turn away romance Are you pretending It looks like the ending And less I could have one more chance to prove, dear My life a wreck you're making You know I'm yours for just the taking I'd gladly surrender myself to you body and soul My life a wreck you're making You know I'm yours for just the taking I would gladly surrender myself to you body and soul About Artists: Amy Winehouse, Tony Bennett Movie: Amy Awards: Grammy Award for Best Pop Duo/Group Performance Genre: Pop
Body and Soul : la chanson
Par Jacques Protat, agrégé de l’université
Le compositeur
John Waldo Green, ou Johnny Green (1908-1989), chef d’orchestre, pianiste, arrangeur, compositeur et orchestrateur de musiques de films, est aussi le compositeur d’un petit nombre de chansons de bonne facture. Il travailla pour CBS dans les années 30, fut directeur musical de la MGM de 1949 à 1958, et chef du Hollywood Bowl Orchestra à la même période. Pour le cinéma, il a dirigé entre autres les orchestres que l’on entend dans Un Américain à Paris (Vincente Minelli, 1951, musique de George Gershwin) et West Side Story (Robert Wise et Jerome Robbins, musique de Leonard Bernstein, 1961).
Après ‘Coquette’, déposée en 1928, l’année de son diplôme de Harvard, ‘Body and Soul’ est son premier grand succès, inséré en 1930 dans la revue Three’s A Crowd (271 représentations, malgré la dépression économique). Toutes les autres chansons de ce spectacle étaient d’Arthur Schwartz pour la musique et Howard Dietz pour les paroles (les auteurs de ‘Alone Together’ en 1932 et ‘You and the Night and the Music’ en 1934), mais ‘Body and Soul’ est la seule chanson de Three’s A Crowd qui retint l’attention et passa à la postérité.
La structure de Body and Soul
Elle est la plus courante pour une chanson de broadway des années 30 : un couplet d’introduction de 16 mesures suivi d’un refrain en AABA (4 x 8 mesures).
Le couplet
Entendons-nous bien sur le terme. Pour nous, maintenant, le couplet (en anglais, verse) raconte une histoire, et le refrain (chorus, ou refrain), d’une durée sensiblement égale au couplet, est la partie la plus accrocheuse et la plus répétitive de la chanson. Il s’inscrit dans une structure alternant couplet – refrain – couplet – refrain….
Le couplet d’une chanson de Broadway des années 30 a une fonction différente : il s’agit d’une partie liminaire qui prépare l’auditeur en captant son attention (rôle de transition avec le numéro précédent), annonce le thème de la chanson, apporte des éléments nécessaires à sa compréhension, et à son intégration dans la scène. Il est rarement utilisé en-dehors du contexte spécifique pour lequel il a été conçu.
Il arrive cependant que des standards soient interprétés avec leur couplet d’introduction—pensons à ‘Night and Day’, de Cole Porter (Gay Divorce, 1932) ou, pour le lecteur purement francophile, à “Autumn Leaves/Les Feuilles Mortes” par exemple, que les chanteurs et chanteuses de jazz interprètent assez souvent avec son couplet, “Oh je voudrais tant que tu te souviennes…”. Cette pratique est cependant beaucoup plus rare chez les instrumentistes : musicalement, le couplet est généralement une longue ligne mélodique peu accrocheuse (l’accroche, l’idée musicale la plus séduisante, étant réservée pour le refrain). Il se rapproche fréquemment du récitatif, et, même si une forme en A1A2 (2 x 4 lignes, la même mélodie étant répétée, sauf pour sa conclusion) était courante, l’insuffisance de répétition structurale et d’intérêt harmonique fait généralement du couplet un piètre support pour l’improvisation. Quand il est utilisé, le couplet conserve généralement sa fonction d’introduction — une ouverture ‘composée’, arrangée : comparez par exemple les deux arrangements différents du couplet de ‘Night and Day’ par Django Reinhardt en 1947 et 1953 sur le double-CD Pêche à la mouche (Verve 835 418-2).
Le couplet de ‘Body and Soul’ est de 16 mesures. Voici une description par Alec Wilder de sa musique (notre traduction) :
Son couplet est aussi étrange et sans précédent que son refrain. Basé sur une pédale de Fa [Mi bémol dans notre partition, qui est dans la tonalité courante], il monte jusqu’à un Sol haut par des intervalles difficiles, chacun étant soutenu par un accord. Après quatre mesures, la tonalité change de 4 bémols à un bémol. Après ces 8 mesures dramatiques, nous trouvons une nouvelle idée en La mineur, mais cette fois sans que chaque note soit enveloppée dans un accord. Puis, après un retour à un accord de Do7 de dominante, une dernière croche de La bémol annonce d’autres innovations. Et nous retrouvons effectivement 3 bémols à la clé, et donc Fa mineur, qui est la tonalité dans laquelle le refrain commence.
Il s’agit donc d’un couplet d’une complexité inhabituelle, d’un abord peu aisé. Le public des théâtres new-yorkais devenait exigeant, et les chansons plus intéressantes, faisant appel à une certaine culture, tant musicale que littéraire.
Le refrain
Après le couplet vient le refrain ou chorus, dont on distingue les trois parties A, à-peu-près identiques musicalement, et le pont B (en anglais, release ou bridge). Dans une construction de ce type, A1A2BA3, le pont B est en principe très distinct, des points de vue de la mélodie, de l’harmonie et parfois du rythme, des parties A. Dans ‘Body and Soul’, le contraste A/B est presque exclusivement harmonique, et la relative complexité harmonique et mélodique du pont (dans 2 tonalités différentes de celle des A, soit 3 changement de tonalité en 8 mesures) explique sans doute en grande partie l’intérêt qu’y trouvent les improvisateurs depuis 70 ans : le pont vient relancer l’intérêt d’un thème qui serait un peu terne sans lui.
Pour les jazzmen, et les instrumentistes en particulier, un standard est habituellement limité au refrain : sa mélodie, et surtout sa grille harmonique servant de support à l’improvisation. De là l’expression “prendre un chorus”, pour l’improvisation sur une grille complète. C’est la seule partie de la chanson qui doive retenir l’attention de l’étudiant de ‘Body and Soul’ en tant que standard de jazz.
Les paroles Un travail d’équipePour les spectacles de Broadway comme pour les films des grands studios, les producteurs font généralement appel à une équipe composée d’un compositeur et de son parolier attitré : Arthur Schwartz et Howard Dietz (cités plus haut), Richard Rodgers et Lorenz Hart par exemple dans les années 30, ou encore George Gershwin et son frère Ira. Les deux exceptions les plus notables dans l’histoire de Broadway sont Cole Porter et Irving Berlin, qui écrivaient paroles et musique. Des circonstances particulières — difficulté, urgence… — peuvent faire que cette logique d’une collaboration de spécialistes soit poussée plus loin. Ainsi, pour l’écriture des paroles de ‘Body and Soul’, Johnny Green a utilisé les services de plusieurs paroliers : Edward Heyman, Robert Sour et Frank Eyton. Inversement, ‘Coquette’, citée plus haut, fut en réalité composée par Johnny Green et Carmen Lombardo, avec des paroles de Gus Kahn. Composer ou écrire les paroles d’une chanson à plusieurs reste cependant une pratique assez peu courante. Edward Heyman (1907- ) est également l’auteur des paroles de deux autres chansons de Johnny Green qui sont passées à la postérité, ‘I Cover the Waterfront’ (1933) et ‘I Wanna Be Loved’ (1934, avec Billy Rose). ‘Body and Soul’‘Body and Soul’ est un parfait exemple de torch song, chanson d’amour triste, ou complainte, dont Billie Holiday a été la plus grande interprète (‘Lady Day’ a chanté ‘Body and Soul’). Les années 30 et 40 ont vu fleurir la torch song en même temps que la relation amoureuse prenait une place importante dans les préoccupations populaires.
Le personnage que l’on nomme “le chanteur” — l’équivalent du narrateur dans un roman — fait part dès la première ligne de sa tristesse. Sa vie est “morne”, ou “monotone” et ne vaut pas d’être vécue, puisqu’une personne au cœur de pierre le laisse seul, refusant de prendre le cœur que le chanteur lui offre. Il s’agit à l’origine d’une chanteuse, mais ‘Body and Soul’ peut être interprétée indifféremment par un homme ou une femme : c’est une précaution élémentaire de tout parolier qui se respecte que de faire en sorte que l’adaptation nécessaire soit facile ou, comme c’est le cas ici, inutile.
En affirmant “Je suis tout à vous, corps et âme”, on pourrait croire que le chanteur/la chanteuse s’offre à l’être aimé, mais ce n’est pas encore le cas : il/elle exprime son dépit de n’être pas aimé en retour. Sa tristesse (“Mon cœur est triste et solitaire / Pour vous seul, chéri, je me lamente”) est mêlée de regret : “to sigh for” signifie aussi “regretter”, et “Pourquoi ne l’avez-vous pas vu ? / Je suis à vous, corps et âme !” est l’expression même du dépit amoureux.
Le deuxième A confirme le message du premier, mais à la tristesse et au regret vient s’ajouter le reproche, qui fait écho au “cœur de pierre” du couplet : “Je me languis de vous chaque jour, / Et me demande pourquoi c’est à moi que vous faites du tort, / Je vous le dis du fond du cœur, / Je suis à vous, corps et âme !”.
Pour la première phrase du pont, le compositeur Johnny Green ne joue pas sur un contraste rythmique ou de phrasé, puisque la phrase mélodique correspondant à “I can’t believe it” est identique au début de la dernière phrase de A2 (“I’m all for you”). Identique, mais transposée ½ ton plus haut, ce qui relance l’intérêt, et devrait amener de la part des paroliers la recherche d’une montée équivalente dans l’intensité des sentiments exprimés. La rupture musicale A/B est donc très relative, et c’est également le cas de la variation thématique des paroles. Alors que pont pourrait donner lieu à une digression ou un changement de perspective, le premier thème abordé est l’incompréhension : “Je ne puis le croire / Il est difficile de concevoir / Que vous repoussiez l’amour.” Or le chanteur s’était déjà demandé 3 lignes plus haut pourquoi on lui faisait du tort en repoussant son amour. Avec le deuxième changement de tonalité intervient une deuxième évolution du discours, presque aussi ténue que la première : “Faites-vous semblant, / Il semble que tout soit fini / Sauf si je pouvais avoir encore une chance de prouver, chéri(e)”. La rime ending-pretending est un cliché de la chanson populaire, et il semble que les paroliers y croyaient si peu qu’ils se sont dispensés de mettre un point d’interrogation à la fin de leur question. Néanmoins un nouveau thème est abordé brièvement, celui du soupçon, qui mène directement à celui, plus cohérent, de l’espoir. Cohérent, puisqu’il était annoncé dans le couplet : “Vous pourriez faire que ma vie vaille d’être vécue”, mais aussi la seule lueur dans un ensemble profondément sombre. Juste après, musique et paroles redescendent vers la tonalité première, mais la note d’espoir apportée trouvera sa résonance à la fin.
Le retour au thème musical s’accompagne d’une exacerbation des sentiment exprimés jusque-là. La tristesse se mue dans un premier temps en désespoir : “Vous faites de ma vie un naufrage”. Mais ce paroxysme est immédiatement suivi d’un abandon total à l’être aimé. “Vous savez que je suis à vous, vous n’avez qu’un mot à dire ;/ Je me livre dans la joie / A vous, corps et âme !” Les variations du texteLe texte étudié plus haut est le texte de la chanson telle qu’elle est publiée. Des adaptations sont souvent faites par les interprètes des standards, souvent pour adapter le texte à leur usage de la langue, pour mieux “sentir” le texte et donc mieux le faire passer, ou bien parce qu’ils ont repris le texte de quelqu’un qui l’avait adapté, que leur mémoire les a trompés…. Ainsi, Chet Baker, dans un enregistrement hautement recommandable de 1985 (Chet Baker Sings Again, Timeless Records CD SJP 238), remplace “sigh” par “cry”, et “it looks like the ending, unless I could have” par “don’t say it’s the ending, I wish I could have” ainsi que “wreck” par “hell”. Quel que soit leur auteur, ces trois substitutions s’expliquent facilement par leur aspect plus ‘naturel’ pour une oreille contemporaine. En revanche, rien n’explique que Chet inverse les troisièmes vers de A1 et A2, si ce n’est la reprise d’une erreur ou la trahison de sa mémoire. La traduction d’Emélia RenaudLa Billie Holiday française serait sans doute Edith Piaf. Mais la traduction qui suit, de 1947, évoque plutôt le style dans lequel Jean Sablon aurait pu l’interpréter :
“Le soleil” ne rimerait pas, d’où l’irruption des champs, dont on se demande bien pourquoi le chanteur voudrait les voir, alors que la métaphore du soleil que les larmes empêchent de voir avait un sens, à défaut d’une originalité bouleversante. “To be set on doing something” signifie “tenir absolument à faire qqch.” Une traduction littérale des deux dernières lignes serait donc “Alors que tu pourrais faire en sorte que ma vie vaille d’être vécue, en prenant simplement ce que je tiens à donner.” La tâche du traducteur n’est pas aisée, mais celle d’un traducteur de chanson est particulièrement ardue, car il doit respecter les règles de la prosodie musicale, c’est-à-dire coller à la mélodie en faisant coïncider accents de mots et accents musicaux, tout en respectant le sens et un schéma de rimes. Le traducteur est donc forcément un traître, selon la formule consacrée. L’étudiant attentif saura repérer dans la traduction qui suit quelques trahisons qui viennent détruire la construction décrite plus haut. Il aura également remarqué que l’auteur de ces lignes se garde bien d’en proposer une meilleure !
La traduction d’Emélia Renaud (serait-ce plutôt Amélia ?) a le mérite d’être ‘chantable’, et de rimer approximativement. Pour le reste… Si nous ne prenons comme exemple que le dernier A, la distribution de “Mon cœur est con-ci-li-ant” est malheureuse, avec ses accents rythmiques sur “cœur” et “con-”, et le nécessaire écartèlement de “conciliant” sur 3 noires et une blanche pour le son “an” (chantez-le sur le début du thème, puisqu’il s’agit de sa reprise, vous comprendrez qu’il ne suffit pas de savoir compter les syllabes pour écrire des paroles de chanson !). L’inversion ‘poétique’ de “d’amour pour toi il est rempli”, est aussi peu naturelle à l’oreille que “d’amour, belle marquise, vos beaux yeux me font mourir”, et donc malvenue dans une chanson populaire. Quant à la répétition finale, elle n’a d’autre intérêt que de remplir les deux mesures. | ||||||||||||||||||||||||||||
Body and Soul au cinéma Cette chanson de l'amour fou, de la femme soumise “ corps et âme ” à l'homme qui la délaisse, fut un des grand succès d'Helen Morgan. Ann Blyth — doublée par Gogi Grant — la reprit avec une troublante émotion dans The Helen Morgan Story (Pour elle un seul homme. Michael Curtiz, 1957), à l'intention de Paul Newman, le goujat de l'histoire... Créée par Libby Holman dans le show Three’s a Crowd, elle fut également interprétée par Janis Paige dans Her Kind Of Man (Frederick De Cordova, 1946) et par Ida Lupino, doublée par Peg LaCentra, dans The Man I Love (id. Raoul Walsh, 1947). Trois versions jazz sont à signaler. La première par Coleman Hawkins : elle fut un de ses grands succès en 1939 et on peut l'entendre dans The Color Purple (La Couleur Pourpre. Steven Spielberg, 1985). La seconde, plus récente, par Dexter Gordon dans 'Round Midnight (Autour de minuit. Bertrand Tavemier, 1986). La troisième par Benny Goodman, sur la bande sonore de Radio Days (id. Woody Allen, 1987). Ce grand standard donna son titre à Body And Soul (Sang et or. Robert Rossen, 1947), mais il ne figurait pas dans le remake homonyme de George Bowers en 1981. En revanche, on l'entend dans They Shoot Horses, Don't They? (On achève bien les chevaux. Sydney Pollack, 1969), After Hours (id. Martin Scorsese, 1985), Legal Eagles (L'Affaire Chelsea Deardon. Ivan Reitman, 1986)... Source : http://musique.ac-dijon.fr/bac2001/jazz/chanson1.htm http://musique.ac-dijon.fr/index.php |
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