jeudi 17 février 2022

Indépendance du Donbass : hésitation du Kremlin et reprise de l'activité militaire ukrainienne sur le front

 

jeudi 17 février 2022



Ces dernières 24 heures, la situation s'est sensible dégradée sur la ligne de front, l'armée ukrainienne reprend de l'activité. Il est vrai que la marche-arrière toute opérée par le Kremlin concernant la reconnaissance de l'indépendance des républiques de Donetsk et Lougansk ouvre à nouveau la voie à l'activité armée ukrainienne. Ou comment le tout-communicationnel du Kremlin conduit à un suicide politique : on ne gouverne pas par la comm.

Les renseignements venant du front du Donbass, ces dernières 24 heures, ne sont pas positives. L'emballement médiatique de "l'agression russe" est tombée, le public retourne à son quotidien, l'activité de l'armée ukrainienne, elle, continue son oeuvre de sape.

Jeudi, à 5h30 du matin, l'artillerie ukrainienne a attaqué 4 zones d'habitation de la région de Lougansk. Les forces de défense de Lougansk notent que la situation s'est fortement dégradée, une escalade est en cours. A Donetsk, c'était la même chose ce matin :

"Ils ont tiré 8 mines sur Petrovsky et 12 mines sur Novolaspa. Le feu a été tiré à partir de mortiers de 120 mm. En outre, les forces armées ukrainiennes ont tiré sur les villages de Kominternovo et d'Oktyabr à l'aide de lance-grenades automatiques lourds. Au total, 42 grenades ont été tirées."

C'est un exemple parmi d'autres. Etrange recrue des agressions militaires ukrainiennes ? Non, conséquence logique de la marche arrière politico-médiatique opérée par le Kremlin, concernant la reconnaissance de l'indépendance de Donetsk et Lougansk.

Macron demande à Poutine de ne pas le faire, le Département d'Etat estime que ce serait une erreur, que la Russie "violerait" ses engagements dans les accords de Minsk, ce qui appellerait une réponse forte. 

Ils sont manifestement en phase avec le Kremlin, entre Poutine, qui immédiatement en appelle aux Accords de Minsk, faisant passer le refus d'action réelle avec une tirade de comm sur le "génocide" dans le Donbass, Peskov, qui ne peut imaginer que la Russie viole les accords de Minsk.

Finalement, par ce discours, le Kremlin récuse sa position de garant et, comme l'Occident l'y incite, se positionne en "partie", qui a des obligations juridiques découlant de ces Accords. Outre le fait que, la reconnaissance de l'indépendance par la Russie du Donbass n'entraîne pas une violation juridique des Accords de Minsk (voir notre texte ici), il semblerait surtout que la Russie ne veuille pas prendre le risque d'assumer ses obligations politiques.

La manière dont pour l'instant se déroule la question de la reconnaissance de l'indépendance de Donetsk et Lougansk est un désastre politique, pour la Russie autant que pour le Kremlin. Ouvertement, le Kremlin déclare qu'il n'a aucune volonté politique de reconnaître l'indépendance de ces entités, son approche "humanitaire" se bornant à une aide indirecte, tout en reconnaissant la question du génocide. Cette position objectivement amorale, dans le sens où elle nie toute morale, risque de ne pas renforcer la légitimité du Président, déjà beaucoup critiqué à l'intérieur pour sa gestion globalisée covidienne et le fanatisme numérique. Au moins jusque-là, la figure présidentielle bénéficiait de l'aura du discours de Munich et du rattachement de la Crimée, qui politiquement permettait de compenser sa politique intérieure néolibérale. Si cette barrière, déjà branlante, tombe, les risques de mécontentement intérieurs vont aller grandissant.

En ce qui concerne la Russie, comme pays, cette incapacité à sortir de la comm pour entrer dans le réel et la gouvernance va profondément entacher son image. Pour ses alliés - comment faire confiance à un pays sur des questions aussi sensibles, quand les députés, dont ceux de la majorité présidentielle, adoptent une résolution politiquement forte et que le Président, se mettant en faux de sa majorité parlementaire et de l'opinion publique, commence immédiatement à les démentir ? Pour ses ennemis - quelle est la force de ses menaces, si elle reste uniquement dans la communication, donc dans la non-action?

Surtout, survient la question : que reste-t-il de la Russie, comme pilier et défenseur du Monde russe ? Que peut-elle proposer aujourd'hui, à part des vaccins et du gaz ? Quand les habitants du Donbass se sont levés au nom du Monde russe, ils ne l'ont pas fait pour "cette Russie" de Golikova et Sobianine, vaccinée et managériale, mais pour la Russie éternelle, dont la richesse et la puissance dépasse de loin ces visions commerçantes actuelles.  

Il faut reconnaître, par ailleurs, que la mise en oeuvre de l'indépendance du Donbass est très difficile, avec des institutions faibles et une frontière non protégée. Mais, il fallait y penser avant de lancer ce mouvement politique et de créer des attentes. Lorsque les députés ont voté comme un bloc cette résolution, notamment les députés de la majorité présidentielle, ils ont envoyé un message politique, et non pas communicationnel, fort, car la reconnaissance d'indépendance est un acte politique et non pas un acte de comm. 

Il ne reste donc qu'une alternative pour analyser ce fiasco politique. Soit, l'on part du principe que les députés de la majorité ont coordonné leur position avec le Kremlin, mais le Kremlin, lui, reste enfermé dans une logique de communication et non de gouvernance. Soit, le Président est entré en opposition idéologique avec les députés, et dès le départ le Kremlin ne voulait pas de cette résolution.

Dans tous les cas, il serait bon de se souvenir que le "tout-communicationnel" a des limites : ni dans le Donbass, ni en Russie, ne vivent des followers, mais des être humains, dont l'existence n'a pas à être prise en otage d'intérêts situatifs.

Source : http://russiepolitics.blogspot.com/2022/02/independance-du-donbass-hesitation-du.html#more

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