mardi 14 avril 2020

Coronavirus : plus de 80 % des personnes en réanimation seraient en surpoids

Selon des données préliminaires consultées par des journalistes du quotidien Le Monde, 83 % des patients en réanimation seraient en surpoids.
Selon un récent article paru dans le journal Le Monde, repris par La Ligue contre l’obésité, 83 % des patients en soins intensifs seraient en surpoids ou obèses. Mais les données ne sont pas encore réellement consultables et on ne sait pas bien encore si l’obésité ou le surpoids seul (car elle s’accompagne souvent d’autres facteurs de risques) constitue une véritable prédisposition à des formes graves de la maladie.

Une majorité de patients en surpoids en réanimation

Dans plusieurs centres hospitalo-universitaires de France, des médecins constatent la forte présence de patients souffrant de surpoids ou d’obésité. Aucune statistique n’est disponible actuellement à ce sujet mais cela paraît intuitivement logique étant donné que le surpoids favorise également certaines comorbidités. Avec 15 % de sa population souffrant d’obésité, le risque qu’encourent ces personnes pose question. Aux États-Unis, où l’épidémie fait actuellement des ravages, un adulte sur deux est obèse. Des données provenant des États-Unis pourraient permettre de confirmer ou d’infirmer cette tendance.
Pour l’instant, les seules données européennes robustes réellement publiées dans la littérature scientifique à notre disposition sont celles des services de réanimation italiens de Lombardie où il n’y a aucune information sur le poids des personnes admises.

Comment l’expliquer ?

Hors comorbidité identifiée pour le Covid-19, on sait depuis longtemps que l’obésité est un facteur de risque d’embolie pulmonaire. D’autres mécanismes biologiques, comme un terrain inflammatoire ou la présence de graisse dans les poumons, pourraient expliquer que les patients en surpoids soient plus à risque que ceux dont le poids est « sain ». Mais à ce jour, il serait fortuit de se lancer dans l’explication d’un phénomène dont nous ne savons même pas s’il existe. Il faut des données plus robustes pour savoir si les patients en surpoids sont vraiment très représentés parmi l’ensemble des cas admis en réanimation.
Et puisque nous parlons de poids, L’Anses vient de mettre à jour ses repères concernant l’activité physique et la sédentarité en les adaptant à cette période de confinement. Elle conseille notamment de maintenir une activité physique quotidienne suffisante, même dans un petit espace (se déplacer dans son logement, dans son jardin, porter une charge, monter ou descendre les escaliers, réaliser des tâches domestiques) et multiplier les pauses entre les moments devant les écrans pour bouger et éviter de grignoter. Elle rappelle que la sédentarité et l’obésité sont des facteurs de risques majeurs de maladie chronique. À un âge avancé, cela peut aussi entraîner une décroissance irréversible de l’appareil locomoteur.
  • Une majorité de patients admis en réanimation seraient en surpoids mais des données plus robustes manquent pour confirmer cette tendance.
  • Des mécanismes tels qu’un terrain inflammatoire ou la présence de graisse dans les poumons pourraient expliquer cet état de fait s’il venait à être confirmé.
  • L’Anses a actualisé ses repères d’activité physique en cette période de confinement. Il est d’une importance vitale de conserver une activité physique.

Coronavirus : les personnes obèses représentent une proportion très élevée des patients en réanimation en France

Les individus en situation d’obésité risquent plus de présenter une forme grave de Covid. Selon les premières données d’un registre national, 83 % des patients en réanimation sont en surpoids
Les personnes obèses, soit 15 % des adultes en France, sont-elles plus susceptibles de contracter l’infection au SARS-CoV-2 et risquent-elles plus de présenter des formes sévères ? C’est le double motif d’inquiétude des médecins qui les prennent en charge. S’agissant de la gravité, les données sont encore parcellaires, mais sur le terrain, le constat devient évident : les individus en surpoids ou avec une obésité représentent une proportion élevée, voire très élevée, des patients atteints de Covid admis dans les services de réanimation.
En Grande-Bretagne, sur une série de 196 malades hospitalisés en soins intensifs, 32 % étaient en surpoids (indice de masse corporelle ou IMC, soit le poids divisé par le carré de la taille, entre 25 et 30 kg/m2) et 41 % étaient obèses (IMC supérieur à 30 kg/m2), selon un rapport publié le 20 mars. Les statistiques semblent du même ordre en France.
Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, l’IMC moyen des patients Covid actuellement en réanimation est de 29 kg/m2, la corpulence normale se situant entre 18,5 et 25 kg/m2« Parmi nos 40 patients, 95 % sont en surpoids ou obèses, avec souvent une hypertension artérielle et un diabète associés », souligne l’anesthésiste réanimateur Hervé Quintard. Au CHU de Montpellier, 45 % à 50 % des malades Covid hospitalisés en réanimation lors des premières semaines de l’épidémie avaient une obésité cotée sévère (IMC supérieur à 35 kg/m2), voire morbide (IMC supérieur à 40 kg/m2), estime aussi le professeur Xavier Capdevila, responsable du département anesthésie réanimation du site Lapeyronie.
Un registre national des formes graves de Covid permettra bientôt d’en savoir plus sur le profil des patients, leur prise en charge et leur devenir. Lancée le 19 mars par le Réseau européen de recherche en ventilation artificielle (REVA), cette base prospective a déjà enregistré des informations concernant plus de 2 000 malades pris en charge dans 195 services de réanimation francophones, français essentiellement.

Appel à la prudence

« Parmi eux, 83 % sont en surpoids ou obèses, avec souvent une association avec un diabète ou une hypertension artérielle. Il s’agit dans les trois quarts des cas d’hommes et la médiane d’âge est de 63 ans », précise Matthieu Schmidt, réanimateur médical à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), coordinateur du registre. Il appelle cependant à la prudence dans l’interprétation de ces données encore préliminaires, sans analyse fine des facteurs de risque. Le pronostic de ces patients de réanimation ne peut pas non plus être interprété, un certain nombre étant encore hospitalisés.
Dans sa liste des personnes à risque de forme grave de Covid, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a pour l’instant retenu – sur la base des données de la littérature – les individus de plus de 70 ans, avec des antécédents cardiovasculaires, un diabète, une pathologie chronique respiratoire, une insuffisance rénale dialysée ou un cancer sous traitement. Les personnes avec une obésité morbide (IMC supérieur à 40 kg/m2) ont également été incluses dans cette liste, par analogie avec la pandémie de grippe A (H1N1) de 2009. « Le risque est probablement en dessous de ce seuil », estime cependant le professeur Olivier Ziegler, nutritionniste au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy et président du groupe de coordination et de concertation des centres spécialisés de l’obésité, qui insiste sur la nécessité de disposer rapidement de davantage de données internationales et nationales sur ces sujets.
Le pronostic des formes sévères de Covid, qui nécessitent une réanimation, est-il plus défavorable chez les malades avec un IMC élevé, voire très élevé ? « Les résultats d’une petite série américaine sur 24 patients hospitalisés en unités de soins intensifs pour Covid, publiés dans le New England Journal of Medicine le 30 mars, suggèrent que le risque de décès augmente avec la corpulence, poursuit le professeur Ziegler. Ce qui est frappant, dans cette étude, c’est que la mortalité atteint 70 % chez les malades dont l’IMC est supérieur à 35, contre 30 % chez ceux avec un IMC inférieur à 35. »
Pour le nutritionniste, le faible effectif de l’échantillon ne permet pas de tirer de conclusions définitives quant au rôle propre de l’obésité, mais ces données américaines remettent en question le dogme d’un seuil de 40 kg/mde l’IMC comme facteur de gravité. « Dans cette publication, la mortalité qui semble liée aux pathologies associées est élevée même chez les jeunes (37 % chez les moins de 65 ans), ce qui est un autre facteur d’inquiétude », ajoute Olivier Ziegler. Il rappelle qu’en France, le nombre de personnes en situation d’obésité sévère de grade 2 (IMC > 35) est d’environ 1,3 million, et de 600 000 pour l’obésité de grade 3 (IMC > 40).

« L’obésité augmente le risque d’embolie pulmonaire »

« L’obésité augmente le risque d’embolie pulmonaire. Or, l’infection au nouveau coronavirus expose déjà particulièrement aux complications thrombo-emboliques, explique le professeur Jean-Michel Oppert, qui dirige le service de nutrition de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). D’autres anomalies associées à l’obésité peuvent pénaliser ces patients : des troubles ventilatoires, mais aussi un état inflammatoire “à bas bruit” et un déficit immunitaire chronique. Ces facteurs sont délétères lors d’infections virales respiratoires comme la grippe ou le Covid. » Un IMC élevé augmente aussi le risque d’escarre.
En revanche, note le réanimateur Matthieu Schmidt, les personnes avec obésité répondent bien aux séances de décubitus ventral (ventilation sur le ventre), une technique utilisée dans les services de réanimation pour améliorer l’état ventilatoire des malades.
Autre donnée a priori positive : ces dernières années, plusieurs études ont suggéré que la courbe de survie en réanimation serait meilleure chez les sujets obèses, car ils ont une réserve métabolique qui leur permet de mieux résister à la dénutrition que les personnes de poids normal. « C’est un sujet controversé sur lequel il faut rester prudent, car cela dépend des causes de la réanimation », tempère Karine Clément, professeure de nutrition à la Pitié-Salpêtrière. Pour cette spécialiste, également vice-présidente de l’Association française d’étude et de recherche sur l’obésité (Afero), l’une des priorités est d’acquérir des données épidémiologiques plus précises sur les facteurs de risque de formes graves de Covid. « Dans les données disponibles, on retrouve souvent l’association de plusieurs pathologies : diabète de type 2, hypertension artérielle, maladies cardiaques et obésité. Mais il faudrait savoir si une obésité à elle seule, sans comorbidité, prédispose aux formes sévères », s’interroge Mme Clément.
L’autre question qui préoccupe la nutritionniste et ses confrères est celle de la possible susceptibilité accrue des personnes obèses à l’infection au nouveau coronavirus.« Pour certains virus grippaux, il a été montré que les patients avec un IMC élevé ont une durée de portage viral plus longue, mais pour le SARS-CoV-2, on ne sait pas », souligne la professeure.
Dans des recommandations, l’Afero et d’autres sociétés savantes insistent sur l’importance du confinement et des mesures barrières pour ces patients. « Les messages de prévention sont cependant souvent difficiles à faire passer dans l’ensemble de la population, et en particulier dans les populations vulnérables sur le plan socio-économique, deux à trois fois plus touchées par l’obésité », rappelle M. Ziegler. La question est aussi posée d’arrêts de travail préventifs pour les personnes avec une obésité sévère dont les conditions de travail ne permettent pas de respecter les mesures barrières.

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