L’article
que je vous propose ici a été rédigé par Paul Ariès,
journaliste, écrivain et objecteur de croissance français :
Ariès
Paul, J’y
pense et puis j’oublie…,
in La Décroissance – Le journal de la joie de vivre, n°60, juin
2009.
Cet
article a été publié en 2009. Il est plus que jamais d’actualité.
Il m’a fortement impressionné.
Son
auteur nous parle, sans langue de bois, des difficultés que les
individus et les sociétés peuvent rencontrer pour sortir d’une
situation de crise.
Je
vous livre ici les idées principales.
En
introduction à ce résumé d'article, et à travers l'extrait qui
suit, je souhaite vous faire part de l'esprit dans lequel je vis et
je relaye les idées liées à la décroissance :
« (...)
Les idées sont faites pour être vécues. Si nous ne sommes pas
capables de les mettre en pratique, elles n'auront pour seules
fonctions que de faire vibrer nos ego (...) si nous ne cherchons pas
à tendre vers cette recherche de cohérence, nous serons réduits à
nous apitoyer très hypocritement sur les conséquences de nos
propres modes de vie. Evidemment, il n'est pas de mode de vie « pur
» sur la Terre. Nous sommes tous dans le compromis et c'est bien
ainsi. »
Source : http://www.decroissance.info/IMG/pdf/decroissance.pdf
Christophe
Résumé de l'article :
J'y pense
« j'y
pense et puis j'oublie » est une façon d'être qui caractérise
au mieux l'état d'âme de milliards d'êtres humains, dont celui de
nos dirigeants, face à la catastrophe écologique majeure qui menace
et dont les preuves s'accumulent.
Les
médias nous inondent d'émissions relatives à cette crise. Il nous
sera difficile d'expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants
qu'on ne savait pas.
Le
rapport STERN sur l'économie du changement climatique estime qu'en
2050, le coût de la crise climatique serait celui du coût cumulé
de la seconde guerre mondiale et de la crise de 1929.
John
Beddington, directeur du conseil scientifique du gouvernement
britannique, estime que nos réserves alimentaires n’ont jamais été
aussi basses depuis 50 ans. Il conseille d’acheter un lopin de
terre à nos enfants.
Selon
le dernier rapport du GIEC, on attend une augmentation de la
température de 1,4 à 5,8 degrés d'ici à la fin du 21ème siècle.
Le risque d’un emballement climatique est une réalité.
En
2050, nous ne pourrons pas être 8 milliards d'êtres humains à
rouler en voiture, à manger de la viande, à communiquer avec
internet ou un gsm.
... et puis j'oublie
Nous
avons tous nos petits arrangements avec la réalité en fonction de
nos propres intérêts. On oublie la crise environnementale
lorsque, pour résister à l’exploitation économique, on se
contente de revendiquer la défense du pouvoir d’achat ou la
défense de n’importe quel emploi.
Nous
ne croyons pas ce que nous savons lorsque cette vérité est
incroyable. Le déni d'une vérité menaçante constitue un mécanisme
de défense. Les individus et les collectivités sont pris de panique
face à tout ce qui semble trop grave et définitif, face à tout ce
qui dépasse leur imaginaire.
Nous
avons tellement fourni d'efforts pour obtenir une petite place dans
ce monde barbare que reconnaître cette barbarie nous obligerait à
douter de notre propre intégrité.
La
rectification des idées acquises est toujours plus difficile que
l’apprentissage d’idées nouvelles.
Les
drogués du travail et de la consommation ont dû mal à remettre en
question les valeurs productivistes et consuméristes qui leur ont
été enseignées à l'école ou en famille.
Au
cours de sa vie, l’individu est parfois amené à gérer des
« dissonances cognitives» : lorsqu'il est confronté à
deux « vérités » contradictoires, il en résulte
un état de tension (=la dissonance cognitive). Pour éliminer
celui-ci, l'individu va mettre en œuvre des stratégies
inconscientes.
Dans
les sociétés, aujourd'hui comme autrefois, les porteurs de
mauvaises nouvelles,
ceux qui alertent, sont traités comme des boucs émissaires qu'il
convient d'expulser dans un désert. C'est ainsi que, la plupart du
temps, les thèses des objecteurs de croissance sont ignorées ou
déformées par les médias. Les objecteurs sont aussi psychiatrisés
ou servent de faire-valoir des « gens
sérieux ».
On
refoule d'autant plus facilement la vérité lorsque la modernité
réveille le fantasme d'un monde sans limites ou le culte de la
toute-puissance.
Le déni partiel
Nous
sommes nombreux à savoir ce que nous savons mais c'est pour discuter
davantage des détails que de l'essentiel. Exemple : ce
réchauffement est-il aussi important qu'on l'affirme?
Nous
pouvons cultiver une foi béate dans le progrès : les technologies
vont nous permettre de consommer et de produire toujours plus tout en
préservant notre environnement.
On
ne refoule plus, on bricole. Les capitalistes, les syndicats, les
consommateurs s'inventent toutes les meilleures raisons d'y croire
encore. Toutes les idées sont bonnes à prendre pourvu qu'elles ne
remettent pas en cause le système.
Le
déni partiel est le moteur parfait pour trouver des faux remèdes
avec, en plus, la bonne conscience. Ne pas croire ce que l’on
sait est une manière d’entretenir cette bonne conscience tout en
continuant à détruire la planète. Ne pas croire ce qu’on l’on
sait, c’est plus facile que de reconnaître le fait que l’on
s’est fait avoir.
La mauvaise foi
Il
y a la mauvaise foi que l'on pratique sans y penser et celle que l'on
pratique en toute conscience. Par exemple, je dénonce l'alimentation
carnée avant de dévorer une entrecôte.
Il
y a la mauvaise foi d'un certain nombre de militants d'extrême
gauche : pourquoi faire des efforts si les « gros »
ne s'y mettent pas ?
Il
y a aussi la mauvaise foi de nos élus qui expliquent que si on
consomme et si on produit moins, le nombre de chômeurs va augmenter.
Les objecteurs de croissance partagent ce constat mais pas les
solutions.
L'impuissance
On
oublie ce qu'on sait parce qu'on se sent impuissant. Que faire
pour changer le monde ?
On
ne peut combattre ce sentiment d'impuissance qu'en se mettant en
marche. Les objecteurs de croissance, qui ne sont pas épargnés par
les divisions internes, cesseront de refouler ce qu'ils savent le
jour où ils seront capables d'agir.
Il
est fort possible que l'histoire donne raison à Serge Latouche et à
sa pédagogie de la catastrophe mais cela n'exclut pas de préférer
la pédagogie politique.
[Nb : la pédagogie de la catastrophe, c’est l'apprentissage... par la catastrophe. Cette pédagogie ne constitue évidemment pas un idéal; elle part du constat malheureux qu'une collectivité ne peut sortir d'une crise importante que dans une situation catastrophique; elle ne vise pas une catastrophe qui détruirait toute vie sur terre mais plutôt celle qui serait suffisamment importante pour mobiliser la population et provoquer le changement nécessaire.]
Il faut cultiver l'optimisme : la décroissance est un projet désirable.
Au secours les citoyens !
Les
objecteurs de croissance doivent-ils s'organiser de façon autonome
(pour mieux cultiver leurs différences) ou rejoindre des mouvements
existants pour y faire grandir leur sensibilité (au risque de
se faire absorber et neutraliser)? Ce choix s'impose à chaque
objecteur s'il ne veut pas oublier ce qu'il sait.
Petit supplément à ce résumé d'article...
" (...) Le risque de troubles sociaux et de révoltes suite à une baisse de l'économie motivera de plus en plus de politiciens à faire le pari de la guerre pour pouvoir, au moins, garantir l'approvisionnement en ressources. Guerre qui a, de toute évidence, déjà commencé. Il est difficile de prévoir les conflits futurs, notamment lorsque tant d'opérations spéciales ou sous faux drapeau interdisent de savoir avec certitude qui fait quoi et qui combat qui. Guerre maquillée sous un fard de droit-de-l'hommisme...Il faut les bombarder pour leur apporter la démocratie, les tuer pour leur bien, occuper leur pays pour les libérer de leurs dictateurs. Ca paraît hypocrite comme ça, au début, surtout lorsqu'on remarque qu'il n'y a jamais d'interventions militaires là où il n'y a pas de ressources - pétrole en tête. Qui sait, peut-être qu'un jour le masque hypocrite pétri de novlangue tombera ? On partira alors en guerre avec le courage d'en déclarer le but : le vol.
Ces guerres sont de plus en plus futiles, car non seulement elles consommeront des ressources, mais risqueront de détruire les moyens de production. Tout comme le drogué qui cambriole la vitrine d'une pharmacie en s'emparant de toutes les choses qui lui tombent sous la main sans faire de distinction, ces guerres ressembleront de plus en plus à des actes désespérés. Le risque d'embrasement et d'extension de tels conflits est majeur. Surtout lorsque des pays comme les Etats-Unis, vont entrer en collision avec les intérêts stratégiques des nouvelles puissances comme la Chine et la Russie. Ces conflits pourraient être non pas la troisième guerre mondiale, mais la dernière guerre mondiale !
En fait, les guerres pour les ressources sont une forme de déni : si nos efforts ne donnent pas de résultats, si nous ne voulons pas changer nos modes de vie, il nous reste toujours la guerre ! Ah, si seulement on pouvait gagner cette guerre, le pétrole recommencera à jaillir du sol et on pourra continuer à utiliser notre voiture ! Si seulement on pouvait avoir encore un peu plus de ressources, un peu plus longtemps, on pourra poursuivre quelque temps notre mode de vie actuel, histoire d'attendre le miracles des technologies qui nous sauvera ! (...) "
San Giorgio Piero, "Survivre à l'effondrement économique - manuel pratique", Le Retour aux Sources éditeur, Aube, 2011.
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