
Article publié le 22 avril sur Essentiel News, interview sur Tocsin
Après
s’être désigné comme sauveur avec le lancement de l’Opération Warp
Speed, qui a permis de produire des vaccins “miraculeux” anti-Covid,
Trump revient dans le rôle du grand justicier de la pandémie. Au banc
des accusés, la Chine, l’OMS, l’ONG Eco Health Alliance, Anthony Fauci,
et toute une série d’acteurs que le nouveau Secrétaire à la santé Robert
Kennedy Junior avait également dénoncés dans son ouvrage “Labo P4 de Wuhan: que nous a-t-on caché?”
Désormais,
la thèse officielle est celle d’un accident survenu au laboratoire de
Wuhan qui a été dissimulé par le gouvernement chinois et les autorités
de la santé mondiale, dont le Dr Anthony Fauci. Ce dernier est coupable
d’avoir manipulé l’enquête sur les origines du virus et d’avoir
recommandé des mesures sanitaires inutiles et désastreuses.
L’annonce
intervient dans le climat de guerre économique avec la Chine et
renforce le lobby de la biosécurité. En revanche, les éléments pointant
vers une responsabilité propre ou un évènement planifié et orchestré par
un “Etat profond” transnational ne font pas partie du tableau. “Le
marais à assécher” semble donc bien délimité.
LA vérité selon Trump
Enième
bouleversement à Washington: Trump et son équipe imposent une révision
du ‘narratif’ Covid. La Maison Blanche vient de modifier son site d’information sur la pandémie
de manière radicale. Au lieu d’une page présentant des données, des
tests et différents types de mesures sanitaires, on y découvre
aujourd’hui le président Trump au milieu d’un titre géant: “Lab Leak”,
the true Origins of Covid-19. Ce visuel choc se réfère bien entendu à la
thèse selon laquelle une fuite de laboratoire est à l’origine de la
pandémie.
La page reprend les éléments du rapport final de la sous-commission chargée de l’enquête sur les origines du virus dans
le cadre de la Commission de contrôle de la gestion pandémique, soumis à
la Chambre le 4 décembre 2024. En guise d’introduction, on y lit la
phrase suivante:
La
publication « The Proximal Origin of SARS-CoV-2 » – qui a été utilisée à
maintes reprises par les responsables de la santé publique et les
médias pour discréditer la théorie de la fuite de laboratoire – a été
réalisée à l’initiative du Dr Fauci afin de promouvoir la thèse
privilégiée selon laquelle le Covid-19 est d’origine naturelle.
L’argument se décline ensuite en 5 points clés:
Le virus possède des caractéristiques biologiques qui ne sont pas naturelles.
Les
données montrent que tous les cas de Covid ont émergé suite à une
transmission unique vers l’homme. Cela contredit les épidémies où il y a
eu différentes sources de contamination par les animaux.
Wuhan abrite le plus important laboratoire de recherche sur le SRAS en Chine,
qui mène depuis longtemps des recherches sur le gain de fonction
(modification génétique et aggravation de la dangerosité) dans des
conditions de biosécurité inadéquates.
Des
chercheurs de l’institut de virologie de Wuhan ont été malades et ont
présenté des symptômes typiques du Covid, à l’automne 2019, plusieurs
mois avant que l’on ne parle de patients provenant du marché de Wuhan.
Selon presque toutes les recherches scientifiques, s’il existait des preuves d’une origine naturelle, elles auraient déjà été découvertes. Mais ce n’est pas le cas.
Revirement sur les “mesures Covid”
La
suite est une série d’affirmations brèves et incisives, incluant la
condamnation de plusieurs politiques sanitaires et de leurs auteurs. On y
lit par exemple que:
Les
confinements prolongés ont causé des dommages incommensurables non
seulement à l’économie américaine, mais aussi à la santé mentale et
physique des Américains, avec des effets particulièrement négatifs sur
les jeunes citoyens. Plutôt que de donner la priorité à la protection
des populations les plus vulnérables, les politiques fédérales et
étatiques ont contraint des millions d’Américains à renoncer à des
éléments essentiels d’une vie saine et financièrement stable.
Ou encore que:
La
recommandation de distanciation sociale — qui a entraîné la fermeture
des écoles et des petites entreprises dans tout le pays — était
arbitraire et non fondée sur des données scientifiques. Lors d’une
audition à huis clos, le Dr Fauci a déclaré que cette recommandation
«était en quelque sorte apparue toute seule».
Et à propos des masques:
Qu’il
n’existait aucune preuve concluante que les masques protégeaient
efficacement les Américains contre la Covid-19. Les responsables de la
santé publique ont changé d’avis à plusieurs reprises sur l’efficacité
des masques sans fournir de données scientifiques aux Américains, ce qui
a entraîné une forte augmentation de la méfiance du public.
Les coupables du désastre
Dans
ce véritable pamphlet, les coupables sont désignés: en premier lieu la
Chine, l’Institut national de la santé et son directeur Anthony Fauci,
Eco Health Alliance, la société qui finançait les recherches de gain de
fonction et son patron Peter Daszak, mais aussi Joe Biden et son
gouvernement, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo ou encore les
scientifiques et les médias impliqués dans la censure et la manipulation
des informations.
Pas
de pitié non plus pour l’OMS, dont la réponse est qualifiée
d'”abominable échec” (an “abject failure”), parce qu’elle se serait
pliée à la pression du Parti communiste chinois. Et le texte en profite
d’ailleurs pour rappeler que selon Trump et son gouvernement:
L’initiative
visant à résoudre les problèmes exacerbés par la pandémie de Covid-19 —
par le biais d’un « traité sur les pandémies » — pourrait nuire aux
États-Unis.
En
somme, il s’agit non seulement d’imposer avec force une nouvelle vérité
officielle sur le Covid, mais surtout d’en faire une arme politique.
Le renseignement en renfort
S’il
n’y a pas de grandes révélations, puisque ces conclusions avaient déjà
été exposées il y a quelques mois, la force et le ton surprennent.
D’autant que ces annonces sont appuyées par le patron de la CIA, John
Ratcliffe, qui a ordonné la divulgation d’un rapport de synthèse sur
l’origine du Covid, au lendemain du retour de Donald Trump à la Maison
Blanche. Dans ce document, l’agence privilégiait la thèse de la fuite de
laboratoire, sur celle d’une transmission naturelle par les animaux.
Ratcliffe,
qui avait déclaré à la commission sur les origines du Covid que cela
lui semblait être la seule explication plausible, répète depuis 2021 que
la Chine est coupable d’avoir orchestré une gigantesque opération
visant à masquer sa responsabilité dans la pandémie. Selon lui,
le CCP aurait procédé à “la destruction de tests médicaux,
d’échantillons et de données, à l’intimidation et à l’élimination de
témoins et de journalistes, en passant par le mensonge et la coercition
des autorités sanitaires mondiales, voire la diffusion de propagande”.
Par
ailleurs, 2 autres agences, le FBI et le Département de l’énergie,
avaient rendu les mêmes conclusions, mais sans révéler leurs sources.
Christopher Wren, le directeur du FBI, avait déclaré que la Chine faisait tout pour entraver l’enquête. Et le Département de l’énergie,
qui supervise le programme américain d’armement nucléaire et gère un
réseau de laboratoires nationaux, avait rendu un avis similaire.
Tensions renouvelées avec la Chine
Il
faut dire que dès le départ, Donald Trump n’a cessé de pointer son
rival du doigt, en parlant du Covid comme du “virus chinois”. Dans une interview datée de mai 2021, il dressait le contexte géopolitique de cette obsession à un journaliste de la BBC:
Qu’est-ce
qui vous donne un haut degré de confiance dans le fait que le Covid
provient de l’Institut de virologie de Wuhan ? Donald Trump :
Je ne suis pas autorisé à vous dire cela, mais poursuivez vos questions.
Monsieur
le Président, envisageriez-vous que les États-Unis ne paient pas leurs
dettes envers la Chine en guise de punition pour le virus ?
Donald Trump :
Disons
que je peux agir différemment. Je peux faire la même chose, et même
pour plus d’argent, en imposant des droits de douane. Je n’ai donc pas
besoin de recourir à cette solution. Il s’agit d’environ un trillion de
dollars, un peu plus si j’ai bien compris, un trillion de dollars. Mais
nous pouvons le faire d’une manière, je pense, probablement un peu plus
directe. Quand on commence à jouer à ces jeux, c’est difficile. Mais,
nous devons protéger le dollar. Nous devons protéger le caractère sacré
et l’importance du dollar.
En
réaction au rapport du Département de l’énergie américain de février
2023, le ministère chinois des affaires étrangères avait exprimé son vif
mécontentement. Son porte-parole Mao Ning avait déclaré
que «les parties concernées devraient cesser d’agiter des arguments sur
les fuites de laboratoires, cesser de dénigrer la Chine et cesser de
politiser la question de l’origine du virus».
La
nouvelle doxa sur l’origine du virus s’inscrit donc bien dans ce
théâtre politique d’une escalade face à la Chine, avec des perspectives
qui dépassent la seule guerre commerciale. Car, si la Chine était
accusée d’avoir voulu développer une arme biologique à Wuhan, cela
ouvrirait potentiellement la porte à une réponse nucléaire des
États-Unis.
La course aux armes biologiques
La saga de l’origine du virus,
qui a été décrite de manière très détaillée dans le livre de Robert
Kennedy Junior, “Labo P4 à Wuhan: que nous a-t-on caché?”, revêt ici une
importance particulière dans la mesure où elle s’attarde sur les
expériences de “gain de fonction” menées dans le cadre d’une “terrifiante course aux armes biologiques“, pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage.
En
exposant de manière passionnante les décennies de recherches visant à
développer des armes biologiques, de l’Allemagne nazie aux États-Unis,
en passant par le Japon, Kennedy confirme l’importance de cette
thématique dans les programmes militaires. Malheureusement, cet
éclairage alimente la rhétorique de la menace bioterroriste ou des
risques liés à l’utilisation d’armes de destruction massive.
L’on
voit déjà comment Trump et ses supporters sont prêts à s’en saisir. Il
suffirait de quelques nouveaux rapports de la CIA pour lancer de telles
accusations et enclencher des logiques guerrières, ou à tout le moins
leur financement massif. Pourtant, il ne faudrait pas grand chose pour
calmer le jeu. Si l’on investit bien des montants astronomiques dans ce
type de recherches, cela ne signifie pas que la menace soit aussi
importante qu’on ne le prétend.
C’est en tout cas l’avis du prof. Martin Zizi,
ancien expert en armes chimiques et biologiques auprès du Conseil de
sécurité de l’ONU durant 15 ans. À l’entendre, la possibilité de
concevoir des armes biologiques pour créer des pandémies est quasi
nulle, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si le fait de
manipuler un virus dans un laboratoire n’est guère compliqué, en faire
une arme de destruction massive efficace que l’on peut contrôler à
l’échelle planétaire est particulièrement difficile. Ensuite vient la
difficulté de se protéger soi-même des conséquences de cette arme (il
serait bien plus simple d’utiliser des vaccins qui permettent de
sélectionner et limiter les cibles). Enfin, il est assez aisé de
détecter une trace biologique de ce type d’armes, ce qui ouvre la porte à
une réplique par l’utilisation d’armes de destruction de masse.
D’un narratif à l’autre
La
version “chauve-souris et pangolin” servait l’agenda d’un gouvernement
mondial protecteur face à un ennemi insaisissable composé de virus, de
chaleur et de carbone. C’est le récit qui promeut la surveillance et le
contrôle des populations par l’anticipation de menaces communes
invisibles. L’on parle ici des politiques de l’OMS et des agences
onusiennes telles: “une seule santé”, “la santé liée au climat”, “le
traité pandémie” ou le passe sanitaire.
Le
manque d’enthousiasme des peuples à la démesure de ce projet devait
fatalement conduire à acclamer sa version contraire (accélérer).
La
présentation de la saga du “supervirus expérimental venu du laboratoire
de l’ennemi” correspond à la réaction en miroir. Ici, plus question de
noyer l’individu dans la masse du “one world” contre le virus, ni de
mettre l’accent sur le bien commun. C’est le versant complémentaire qui
prend le relais: celui où chacun est clairement identifié. Le héros agit
en surhomme pour défendre ses intérêts propres, face à des ennemis
nommés comme tels. C’est Trump contre Fauci, Daszak, Cuomo et l’OMS ou
même la Chine toute entière.
Ce ne sont pas les traités de l’OMS ni ‘le consensus scientifique’ qui imposeront leur loi, mais “celui qui a été élu”.
Cette fois la stratégie accélérationiste,
qui vise à “démolir pour mieux reconstruire” un nouvel ordre mondial,
se déclinera sous d’autres motifs: la nécessité de sauver le dollar et
l’hégémonie américaine face aux BRICS et à la concurrence chinoise, et
le besoin de durcir le ton face à des nations hostiles, quitte à
provoquer une 3ème guerre mondiale.
La version manquante
Plusieurs éléments manquent au nouveau “narratif” pour qu’il soit réellement inspirant.
Tout
d’abord une tentative, une once de mea culpa ou de prise de
responsabilité personnelle de la part de Trump, qui a toutes les
circonstances atténuantes d’avoir été trompé, aurait été de bon ton. Ou
faut-il se contenter d’admirer le tour de force qui consiste à se poser
en justicier pour dénoncer des politiques que l’on a soi-même
approuvées?
Car,
s’il veut réellement s’opposer à l’État profond qu’il prétend
combattre, Trump a ici tous les éléments nécessaires et l’occasion rêvée
pour le faire. A titre d’exemple, il peut citer le rôle de Bill Gates
et d’un nombre d’acteurs impliqués dans la “planification” des pandémies
comme Robert Kadlec ou des compagnies mafieuses comme Emergent
Biosolutions.
Il
peut déconstruire la notion même de pandémie, en dénonçant la
supercherie des tests PCR en provenance d’Allemagne et en expliquant
qu’il s’agit d’une fausse menace. Et il peut même en profiter pour
retirer du marché les fameux vaccins Covid, en disant qu’on lui a caché
les traitements existants, efficaces et bon marché et que la pandémie
est finie.
Mieux
encore, il peut pointer du doigt les géants de la finance et les
banquiers centraux qui se sont réunis le 22 août 2019 pour approuver le
plan de Blackrock et lancer le grand reset économique “de la prochaine
grande crise/pandémie en arrivage” (le plan monétaire lié à la pandémie
est connu sous le nom du “Going down reset“).
Et, dans ce monde parallèle, Trump pourrait même renvoyer la balle vers la communauté scientifique en lui demandant de prouver l’existence du virus Sars-cov-2… et de tous les autres. Histoire d’avoir la paix pendant la suite de son mandat.
Pourquoi pas? Puisque Trump peut tout.