Le débat est lancé par la diffusion d’un extrait du 19/20 de France 3. L’accroche du sujet ne fait pas dans la dentelle : "Après les autographes et le cinéma, le casse du siècle du système bancaire, c’est le nouveau créneau d’Eric Cantona."
Le "casse du siècle", vraiment ? Comme vous y allez, chers journalistes de France 3 ! Ainsi, Eric Cantona, ainsi que le
collectif qui a repris l’idée qu’il a lancée "à la cantonade" lors d’une interview télévisée, serait un appel à faire un braquage dans une banque ? Voyons voir :
si je comprend bien, aller récupérer NOTRE argent dans notre banque, c’est BRAQUER la banque ? Intéressant. On va le voir, ce raisonnement va être confirmé implicitement par Catherine Lubochinsky et explicitement par Paul Jorion dans la suite des propos qui vont être tenus tout au long du débat.
Madame Lubochinsky commence en disant qu’elle n’est pas inquiète, mais qu’elle ne trouve pas drôle du tout, cette idée de Cantona. Ah ? Mais donc, si ce n’est "pas drôle du tout", ne serait-ce pas qu’il y a là quelque chose d’un peu inquiétant tout de même ?
Elle enchaîne aussitôt par une énorme contre vérité, en répétant à nouveau ce
mythe que
"ce sont les dépôts qui font le crédit, donc s’il n’y a plus de dépôts, il n’y aura plus de crédit, donc tous ceux qui ont besoin de crédit à la consommation n’en auront plus". Enfin, je dis "mythe", mais en réalité, cette explication est
en partie vraie bien sûr. Comme tout bon mensonge, il faut qu’il repose sur un fonds de vérité, histoire d’être crédible, et d’autre part sur l’ignorance des mécanismes du crédit contemporain - ignorance entretenue par le mythe de la "bonne banque". Elle continue en outre en nous expliquant que
75 % de l’activité économique est financée par les banques. Intéressant également, ça : cela confirme donc implicitement - pour ceux qui ont encore du mal à l’admettre - que ce sont bien les banques qui dirigent réellement notre société. On comprend mieux pourquoi de plus en plus de gens se lèvent en dénonçant l’inqualifiable subordination des représentants politiques aux milieux de la finance et des banques.
Puis, elle poursuit sur la sa lancée en nous disant que "ce n’est pas le moment de foutre la pagaille dans le système bancaire". Mais enfin, Madame Lubochinsky, je croyais que vous n’étiez pas inquiète ? Et là vous sous-entendez que ce serait foutre la pagaille ? ...
La suite devient drôle, lorsqu’elle avoue - non sans une certaine "gêne" (elle a
broubelé) -
"que certes, les banques ont sûrement commis des erreurs et sont, euh, un ... hum, enfin, une des composantes de la crise financière dans laquelle elles nous ont mis". Alors, faudrait savoir : les banques sont "une" des composantes de la crise ? Ou bien ce sont effectivement
elles qui nous y ont mis ? Décidez-vous. Il va falloir "
entre guillemets" les punir, dit-elle ensuite,
"puisqu’elles ont fauté". Et que nous propose Madame Lubochinsky pour punir les banques (et accessoirement "comprendre ce qui s’est passé") ? Tenez-vous bien :
aller voir un film ! Oui, vous lisez bien : en allant tous en cœur au cinéma voir "l’excellent" film
Inside Job, nous punissons les banques (sic) ! Punir les banques en allant voir un
film, fallait l’oser
[1] : elle l’a fait ! Bravo Madame Lubochinsky, vous vous êtes surpassée. Mazette. Je comprend mieux le "punir
entre guillemets".
Frédéric Taddéï demande alors si c’est possible d’aller, comme ça, dans les banques retirer son argent, si c’est aussi simple, ce à quoi Paul Jorion répond "non, on ne pourra pas parce que ce n’est pas comme ça que cela fonctionne". Et il explique : "ce que les gens oublient c’est que quand ils déposent leur argent à la banque, et bien ce n’est plus vraiment leur argent".
J’ai bien entendu, là ? Lorsque je dépose mon argent dans une banque, ce n’est plus vraiment mon argent ? Madre de dios ! Ce serait donc encore pire que tout ce que nous craignions, alors ? Mama mia ! Je comprend ce que voulait dire cette accroche du 19/20 de France 3 lorsqu’ils parlaient de "casse du siècle". En effet : si l’argent que nous déposons à la banque n’est plus "vraiment" notre argent, alors le retirer c’est effectivement braquer la banque. Oui, mais euh, non ! Non, non, non !C’est mon pognon, bordel ! Je n’ai fais que le déposer à la banque parce que somme toute, dans le système actuel, ben je n’ai pas le choix : je suis pratiquement obligé d’avoir un compte en banque. Alors quoi ? Les banques nous volent nos sous ? Ben faut croire que oui, mon bon Monsieur. En tout cas, on en déduit au minimum qu’elles en disposent comme bon leur semble, et peuvent le cas échéant refuser de nous le rendre. Je sais pas vous, mais moi, oui, ça a tendance à m’inquiéter !
Jorion nous offre ensuite son interprétation des propos de Cantona : "Mais c’est pas ça, qu’il a dit Cantona, hein, c’est pas vraiment ça : il a dit "il faut faire la révolution". Il a dit "il faut faire la révolution", alors, c’est vrai que c’est un footballeur, c’est pas un technicien de la finance. Il ne va pas vous dire "ça fonctionne comme ça dans les banques, donc il faut faire comme ça". Il lance une idée en l’air. Il lance une idée en l’air pour dire "on en a marre", "on en a assez", "on en a plein le ..."Bon. (...) Il parle de la révolution, il ne parle pas des banques. Bon, alors il y a des gens qui ont pris ça au vol, alors lui, il va peut-être retirer son argent maintenant de la banque, (mais) c’est parce qu’il ne connaît pas de meilleur moyen pour le moment."
Ah ? Il ne parle pas des banques ? Tiens, pourtant, j’aurais cru ... Attendez, revoyons cette vidéo, voulez-vous : qu’est-ce qu’il a dit, Cantona ?
"(...)Tu parlais de la révolution : on (ne) va pas aller prendre les armes, on va pas aller prendre des"machins" (mitraillettes ?), on va pas aller tuer des gens. La révolution, elle est très simple, au contraire, à faire. Le système, c’est quoi ? Le système, il tourne autour des banques. Le système estbâti sur le pouvoir des banques. Donc il peut être détruit par les banques. C’est-à-dire qu’au lieu qu’il y ait trois millions de gens qui aillent dans la rue avec leurs "machins"(calicots), ils vont à labanque, ils retirent leur argent, et les banques s’écroulent. Trois millions... ou dix millions de gens. Et là, il y a une vraie menace, là il y a une vraie révolution. La révolution, elle se fait dans lesbanques. Et là, on commencera à nous entendre autrement."
Dix phrases et le termes "banque" est mentionné six fois. Alors, effectivement, Cantona parle bien de la révolution, nous sommes parfaitement d’accord. Mais lorsqu’il conclu par "la révolution, elle se fait dans les banques", vous ne pouvez plus dire que Cantona "ne parle pas des banques", qu’il "ne dit pas vraiment ça". Désolé de vous contredire, mais c’est ce qu’il dit, il ne tortille pas du cul, il dit : il faut vider nos comptes en banque, point barre. Paul Jorion modère cependant son interprétation en précisant que Cantona dit cela "parce qu’il ne connaît pas de meilleur moyen". C’est vrai, Cantona il est comme la plupart d’entre nous, simples citoyens, pas vraiment initié aux arcanes de la finance et à l’opacité du système bancaire.
On nous dit - comme le fait encore Lubochinsky - que "nos dépôts font le crédit", alors, quand on voit, comme Cantona, que les grèves, les manifestations, les syndicats, tout ce cirque ne sert plus a rien, qu’on se fiche du peuple et de ses revendications, qu’on renfloue les banques en dressant la facture aux peuples qui n’y sont strictement pour rien, ben qu’est-ce qu’on peut encore faire ?
Raisonnement par A + B : je récupère mon pognon à la banque. "Simplissime", nous dit à un moment Madame Lubochinsky. Ben oui, simplissime, précisément. Mais les choses simples s’énoncent clairement, que je sache, non ? Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. Même
d’Ockham l’affirmait, nous dit-on en cours de sciences.
Mais dites-moi, je pensais à quelque chose, là : que font les escrocs lorsqu’ils montent une arnaque ? D’abord, ils se font passer pour des personnes de confiance, membres d’un organisme au dessus de tout soupçon par exemple - au service du public si possible. Puis ils présentent un produit ou une solution simple, facile et avantageuse à un problème courant. Ils embobinent le pigeon par des propos mielleux, noient les réponses aux éventuelles questions clefs dans un charabia technique, puis lorsque le pigeon est ferré, ils lui font signer un document et l’affaire est faite. Le pigeon est cuit, le mouton tondu et l’alouette plumée. Curieux, ça me rappelle quelque chose. Mais quoi ?
Bon, revenons à notre débat. Jorion nous expose une idée d’action pour punir les banques. Il dit :"Je propose qu’on interdise les paris sur toutes les fluctuations de prix. Là, vous réduisez les moyens de la finance tels qu’ils sont maintenant, vous les réduisez de 80 % d’un coup et vous la cantonnez à faire des choses utiles." Okay. Peut-être. Pourquoi pas ? Moi j’y connais pas grand chose, moi. Lui, il a l’air de s’y connaître, alors oui, moi je veux bien. Mais je fais comment, moi, simple citoyen, pour "interdire les paris sur les fluctuations de prix" ? Je vais à la Bourse avec un grand calicot "INTERDIT DE PARIER SUR LES FLUCTUATIONS DE PRIX !" ? J’aurais pas l’air con, tiens (remarquez, j’ai l’habitude).
Lubochinsky réplique à cela par une mauvaise astuce de
dialectique éristique qui tombe à l’eau, parce que Paul Jorion a visiblement l’air rompu à cet exercice. Et celui-ci de lui river son clou par une autre astuce à la
Schopenhauer : l’argument technique.
"Je dis : interdiction des paris sur les fluctuations de prix. Par exemple les "CDS position nues"[2], puisque vous voulez être technique."J’aime bien quand un débatteur s’y entend en dialectique et ne se fait pas avoir. Elle n’en menait pas large sur le sujet, du coup, la pauvre Madame Lubochinsky. Jorion one point - Lubochinsky zéro point. Elle ne recommencera pas.
Monsieur Taddéï, qui a tout de même dû, comme moi, cogiter depuis tout à l’heure à cette question de retirer son pognon de la banque, revient avec une question plus directe ; il veut savoir si oui ou non les banques sont tenues de nous rendre notre fric. Réponse collégiale : "Oui, mais pas immédiatement, pas instantanément." Madame Lubochinsky précise : "Sur un dépôt - sur un compte à vue - ils sont tenus de vous le rendre. Alors, il y a des limites "techniques" : au delà d’un certain montant, vous devez nous donner deux ou trois jours, ça dépend des montants." ... Des limites "techniques". Ben tiens. Foutredieu, je reste un indécrottable paysan, moi : dès qu’on me cause "technique", je deviens méfiant, c’est plus fort que moi. Et Lubochninsky de conclure : "Mais quel est l’intérêt de faire ça ? Aucun !"
Et là, Frédéric Taddéï va nous sortir un truc énorme ! "L’intérêt, vous le savez bien, c’est qu’il y a environ 1,5 milliards d’argent dans les banques, et sur les comptes courants, il y a 270 milliards, donc vous savez très bien que vous pouvez créer la panique."
Parle-t-il réellement d’argent "en banque" ou veut-il parler d’espèces "en circulation" (dont une partie serait en banque, et l’autre en circulation) ? Si quelqu’un peut déjà trancher ça ? Cantona, lui, parle de trois millions de personnes qui iraient chercher leur argent à la banque. Le collectif
bankrun2010 propose, lui, de retirer son argent des comptes d’épargne et comptes courant. Si effectivement
3 millions de Français (soit environ 5 % de la population Française, seulement) allaient retirer leur argent, ils
pourraient en moyenne retirer chacun 500 euros. Cinq cents euros par personne, pour vider un compte courant et/ou un compte d’épargne, c’est pas beaucoup, hein. Et vlan ! plus un kopeck en banque ? Si c’est vrai, alors Cantona a indéniablement raison. Par "sécurité", il monte même le nombre de personnes à dix millions, mais même avec trois millions, on y arrive. Il y a environ
4,6 millions de sans emploi en France : si chacun d’eux allait retirer le même jour 325 euros, les banques seraient vidées ... Là, ceux qui croient encore que les simples citoyens n’ont aucun moyen de faire trembler les banques par le simple retrait de leurs fonds, ben je ne sais pas ce qu’il leur faut.
Bon, d’accord, il n’y aura peut-être en réalité qu’entre 50 et 100 fois moins de gens qui iront réellement retirer leur fric le 7 décembre. Le système ne s’écroulera pas. Pas encore. Mais il va se prendre une bonne petite douche froide. Comme quand on se prend un verre à la figure. En fait, ils savent, eux. Ils savent qu’ils sont fragiles, et que si on veut, on les tient par les couilles. Cela va être démontré par la suite dans le débat.
Madame Lubochinsky nous explique alors que l’on appelle cela effectivement un "bank run" (course au guichet en français). Elle nous dit : "En général, ces courses aux guichets se produisent quand il y a une incertitude sur la qualité de la banque." Oui, Madame Lubochinsky, exactement : "une incertitude sur la qualité de la banque", c’est bien de cela qu’il s’agit. Vous ne croyez pas que l’on a largement de quoi avoir des "incertitudes sur la qualité des banques", après le bordel de 2007 qui nous a plongés dans la crise où nous sommes encore en ce moment ? Vous ne croyez pas qu’il y a une incertitude sur la qualité de la banque quand on voit qu’il faut à grands coups de "rigueur budgétaire" des états, voter en force des plans de sauvetage en Grèce, en Irlande, et demain, où ça ? Le Portugal, l’Espagne, la Belgique et pourquoi pas la France, même ? Bon, alors.
En fait, personnellement, j’ai bien l’impression que le pire va effectivement venir. Je pense que le premier semestre, peut-être même le premier trimestre 2011 verra le système s’effondrer, lorsque le dollar dégringolera. Ce que de toute façon, tôt ou tard, il fera ! Alors tant qu’à faire, autant retirer ses billes avant que cela n’arrive, sans quoi, effectivement, on sera doublement baisés.
Sur ce, Paul Jorion ne nous rassure pas, en répondant à Frédéric Taddéï que oui, cela se produit, il l’a même vécu chez
IndyMac, en Californie.
"C’est possible, et c’est le talon d’Achille du système bancaire", précise-t-il, confirmant ce que je déduisais ci-dessus. Madame Lubochinsky ne dit pas autre chose, en parlant elle d’un autre exemple de bank run, daté de 2007, en Angleterre, avec la banque Northern Rock,
"qui avait simplement un problème de liquidités, qui est un problème vieux comme le monde dans les banques", dit-elle. Ah bon ? Un problème vieux comme le monde ? Vous m’en direz tant.
Comprenant que les propos de Paul Jorion concernant le retrait d’argent à la banque sont de nature à faire peur aux citoyens, Madame Lubochinsky revient sur le sujet : "(...) je m’inscris en faux, je suis désolée : les dépôts des ménages, c’est de l’argent qui leur appartient (aux simples citoyens, ndlr) et la banque les leur rend immédiatement" nous dit-elle. Nous voilà rassurés. Quoique : les exemples ne manquent pas - même en dehors de bank run (je n’en ai jamais connu de mon vivant) - où la banque rechigne à rendre l’argent. J’en ai objectivement connus, notamment avec la Caisse d’Epargne Écureuil, en France. Pour des raisons "techniques" a-t-on répondu à ma compagne, après lui avoir simplement dit "on ne peut pas" sans autre explication (agence de Sedan). Alors à choisir qui je vais croire entre les propos rassurants de Lubochinsky et ceux inquiétants de Jorion, je pense que les faits penchent hélas pour le dernier.
Madame Lubochinsky, mise sur la sellette par Jorion, se défend en expliquant :
"Je comprend que les inégalités ce sont extrêmement accrues au cours de ces vingt dernières années à cause du développement de la finance. Ceci étant, ceux qui vont aller - et ceux qui seront le plus pénalisés ! - par des problèmes dans les banques, ce ne sera pas les personnes aisées, ce sera la catégorie des gens les moins aisés." Et que propose-t-elle pour punir les banques ? A part aller voir un film didactique qui nous explique comment le monde de la finance nous plume ?
"Vous voulez punir les banques, Monsieur Jorion, c’est pas compliqué, vous limitez l’effet de levier GLOBALEMENT." Très bien, Madame Lubochinsky : par un "effet de levier". C’est que je suis un simple paysan, moi, voyez-vous. Quand on me demande quel est ma culture, je répond "la betterave". Un "effet de levier", je sais ce que c’est : pour soulever mon tracteur, par exemple. Mais pour protester contre les banques et les punir, par contre, je vois pas trop. Sauf à utiliser une barre à mine pour défoncer les portes de mon agence. Ce n’est pas ça que vous suggéreriez, par hasard ? Non, pas vous. Vous êtes raisonnable, Madame Lubochinsky, vous nous dites, en sommes, que le gouvernement peut punir les banques par un "effet de levier" (un terme
technique des arcanes financière, j’imagine). Puis ensuite, vous nous dites que de telles mesures seront impossibles (ou inefficaces) car elles ne peuvent pas être prises GLOBALEMENT "
parce qu’en même temps, chaque pays essaye d’être le plus compétitif, d’avoir la place financière la plus compétitive. Il y a donc un conflit d’intérêts entre les régulateurs eux-mêmes, et les gouvernants ont un conflit d’intérêts eux-mêmes". Donc les mesures que vous préconisez ne seront JAMAIS prises, et vous le savez pertinemment. Donc nous sommes impuissants.
Attention, chère Madame Lubochinsky, attention ! Jeu dangereux ! Vous semblez méconnaître ce proverbe qui dit que "La violence est le dernier recours de l’impuissance". Si vous nous convainquez que nous sommes impuissants face à l’incurie et le dictat inacceptables des banques et de la finance, vous risquez fort de récolter, non plus de la colère... mais de la violence ! Curieusement, j’ai comme dans l’idée que cela ne déplairait pas à certains, que le peuple se déchaîne quelque peu de façon violente : cela justifierait le déploiement de forces de répression et la prise de mesures encore plus liberticides que celles déjà prises jusqu’ici (lois spéciales contre le terrorisme). Tout droit vers un régime ultra répressif, proto dictatorial. Le seul, en sommes, qui soit encore en mesure de sauver les banques, le monde de la finance et les privilégiés qui en tirent profit face à la révolte légitime des peuples. Comme une sensation de déjà vu, non ?
L’écrivain
Percy Kemp, qui était également présent sur le plateau, a très peu parlé, mais je ne voudrais pas vous priver de son intervention, qui allait dans le même sens que celle de Paul Jorion. Il dit notamment :
"(...) quand Eric Cantona dit "au lieu qu’il y ait trois millions de personnes qui aillent dans la rue, il faut qu’il y en ait trois millions à la banque"
, il parle symboliquement en ce sens que ce qu’il veut dire, c’est "si vous en avez marre, il faut sortir du système"
. Madame parle de carte de crédit ou de crédit à la consommation, mais ce que Cantona dit, c’est qu’il ne faut plus vouloir tout ça, finalement." Encore une fois, je ne crois pas que Cantona parle symboliquement. Je sais ce qu’est un
symbole, et ce que Cantona dit n’a rien de symbolique. Cela dit, je suis d’accord sur votre interprétation : il faut sortir du système. De
ce système. Il ne s’agit pas de le "réformer" :
il est in réformable. Il faut donc le faire s’écrouler pour en sortir, parce que nous sommes
aliénés à ce système, que nous le voulions ou non. Il agit tel un
égrégore sur nos vies, et nous sommes enchaînés à ce système. Comme les humains de la trilogie
Matrix sont enchaînés et aliénés à La Matrice. Comme le dit très bien Percy Kemp en conclusion : "
l’appauvrissement n’est pas dû à une diminution des richesse, mais uniquement une augmentation de l’avidité". L’avidité, l’égoïsme et l’individualisme forment le cœur de l’idéologie libérale, c’est sur ce moteur que repose la base de son édifice doctrinal. Par essence, ce système porte en germe le fruit de ses excès. Ce n’est pas un bon système, ni un projet de société souhaitable. Il convient donc d’en changer. Non pour une raison idéologique, non pour une raison morale ou éthique (encore qu’il y aurait des choses à en dire tout de même) mais pour une raison pratique et factuelle :
cela ne fonctionne pas !
Paul Jorion conclu en évoquant le syndrome Robin des Bois. "C’est un type de personnage que l’on vous apprend à admirer, quand vous êtes petit, et vous avez peut-être envie, un jour, de devenir un Robin des Bois. Alors quand l’occasion vous est donnée, vous l’utilisez."
Catherine Lubochinsky répond que Paul Jorion mélange tout, que c’est un problème de société. Mais oui, Madame, c’est un problème de société, vous avez raison. Dans une société, tous les facteurs interagissent entre eux, ils sont interdépendants, par conséquent, il n’est pas ici question de "tout mélanger" : tout est intriqué. Oui, Madame Lubochinsky, c’est un problème de société.
Et cette société, nous allons la changer, parce que nous n’en pouvons plus de la vôtre.
Conclusions
Ce mardi 7 décembre (jour probable de diffusion du présent article), nous aurons une idée de la mobilisation à ce bankrun2010, et on saura quel impact il aura sur les banques.
Personnellement, j’ai fais le choix d’y participer, et même de poursuivre le mouvement par toute une série de mesures simples, qui visent toutes à me retirer au maximum du système bancaire tel qu’il existe. Totes choses concrète qui demeure à ma portée de simple citoyen.
Premièrement, j’ai demandé l’annulation d’une "facilité de caisse" (crédit déguisé, à près de 12 % d’intérêts), "facilité" à laquelle je n’ai d’ailleurs jamais souscris : elle m’a été "accordée" (gracieusement, j’imagine ?). On peut d’ailleurs s’interroger sur la légalité de cette façon de faire : n’ayant jamais rien signé relatif à cette "facilité de caisse", ne suis-je pas en droit de réclamer tous les intérêts qui m’ont été ponctionnés ? Il y a là une piste à suivre pour un avocat d’affaire désireux d’aider les simples déposants (on est des millions dans le cas). L’appel est lancé.
Deuxièmement, j’irai retirer quelques deux cent euros (ce qui me reste), ne laissant que moins de cent euros, pour les payement d’urgence.
Quatrièmement, je continuerai à l’avenir à ne laisser que le strict minimum sur mon compte courant, et je ne souscrirai pas de compte d’épargne (ce serait idiot, ils tournent à plus ou moins 1.5 % alors que l’inflation tourne à plus ou moins 3 %).
Cinquièmement, je ne vis plus à crédit. Finit les emprunts, finit le crédit à la consommation, finit de payer deux fois le prix des choses. Quand j’achète, je paye cash, et en liquide de préférence : là, on sait ce qu’on dépense, on a un vrai rapport - physique - avec l’argent. L’impact sur la prise de conscience de la valeur des choses est tout de suite très nette.
Sixièmement, je cogite à une proposition visant à mettre en place un autre système, une autre façon de construire les échanges dans une société. Et pour l’action immédiate, je réfléchit à ce qu’il convient d’exiger au monde bancaire, et à la meilleure façon d’utiliser notre propre "effet de levier" : la récupération massive de nos billes. Comme le dit Cantona : là on nous entendra autrement !
[1] notez, dans l’extrait que je met en lien, qui voyons-nous interviewée ? Une certaine Christine Lagarde ...