dimanche 25 novembre 2018

[Gilets jaunes] Analyses de Tatiana Ventôse, de Jean-Claude Michéa, de François Asselineau, Eric Verhaeghe,Dragan Macko + Débat Interdit d'interdire (Frédéric Taddéï) +Nicolas Hulot : la transition écologique et les gilets jaunes en question + Interview de François Jarrousseau

Quelques réflexions intéressantes de Tatiana Ventôse pour éviter la division entre les gens du peuple :  les beaufs populistes, les fachos, les rouge-bruns,  les bobos citadins, les progressistes, les antifas, etc.  


François Asselineau nous propose une mise en perspective historique des gilets jaunes en rappelant ce que fut la grande Jacquerie de 1358, une révolte populaire née du sentiment que la France n'était plus dirigée par leur souverain mais par l'étranger (de 00:07 à 24:59)


+ à 1:05:24 François Asselineau invite les Gilets Jaunes à inciter les députés et sénateurs pour qu'ils déclenchent la procédure de destitution du président par l'art. 68 de la constitution


Interdit d'interdire, l'émission de Frédéric Taddéï : les gilets jaunes sont-ils tous ce que l'on dit qu'ils sont ? 


Nicolas Hulot, la transition écologique et les gilets jaunes
En résumé, il estime qu'il faut prendre en compte les fins de mois et la fin du monde dans la solidarité et l'équité fiscale




Qui sont les gilets jaunes / Aude Lancelin interroge François Jarrousseau, auteur de l'illusion nationale

https://youtu.be/Kn1l9gTihFo

La gauche kérosène

Une lettre à propos du mouvement des Gilets jaunes

Le 21 novembre 2018

Chers Amis,

Juste ces quelques mots très brefs et donc très lapidaires – car ici, on est un peu débordés par la préparation de l’hiver (bois à couper, plantes et arbres à pailler  etc.). Je suis évidemment d’accord avec l’ensemble de vos remarques, ainsi qu’avec la plupart des thèses de Lieux communs (seule la dernière phrase me paraît un peu faible en raison de son « occidentalisme » : il existe aussi, bien entendu, une véritable culture de l’émancipation populaire en Asie, en Afrique ou en Amérique latine !).

Le mouvement des « gilets jaunes » (bel exemple, au passage, de cette inventivité populaire que j’annonçais dans Les Mystères de la gauche) est, d’une certaine manière, l’exact contraire de « Nuit Debout ». Ce dernier mouvement, en simplifiant, était en effet d’abord une tentative – d’ailleurs encouragée par une grande partie de la presse bourgeoise – des « 10 % » (autrement dit, ceux qui sont préposés – ou se préparent à l’être – à l’encadrement technique, politique et « culturel » du capitalisme moderne), pour désamorcer la critique radicale du Système, en dirigeant toute l’attention politique sur le seul pouvoir (certes décisif) de Wall Street et des fameux « 1 % ». Une révolte, par conséquent, de ces urbains hypermobiles et surdiplômés (même si une fraction minoritaire de ces nouvelles classes moyennes commence à connaître, ici ou là, une certaine « précarisation ») et qui constituent, depuis l’ère Mitterrand, le principal vivier dans lequel se recrutent les cadres de la gauche et de l’extrême gauche libérales (et, notamment, de ses secteurs les plus ouvertement contre-révolutionnaires et antipopulaires : Regards, Politis, NP“A”, Université Paris VIII etc.). Ici, au contraire, ce sont bien ceux d’en bas (tels que les analysait Christophe Guilluy – d’ailleurs curieusement absent, jusqu’ici, de tous les talk-shows télévisés, au profit, entre autres comiques, du réformiste sous-keynésien Besancenot), qui se révoltent, avec déjà suffisamment de conscience révolutionnaire pour refuser d’avoir encore à choisir entre exploiteurs de gauche et exploiteurs de droite (c’est d’ailleurs ainsi que Podemos avait commencé en 2011, avant que les Clémentine Autain et les Benoît Hamon du cru ne réussissent à enterrer ce mouvement prometteur en le coupant progressivement de ses bases populaires).

Quant à l’argument des « écologistes » de cour – ceux qui préparent cette « transition énergétique » qui consiste avant tout, comme Guillaume Pitron l’a bien montré dans La Guerre des métaux rares, à délocaliser la pollution des pays occidentaux dans les pays du Sud, selon lequel ce mouvement spontané ne serait porté que par « une idéologie de la bagnole » et par « des gars qui fument des clopes et roulent en diesel », il est aussi absurde qu’immonde : il est clair, en effet, que la plupart des Gilets jaunes n’éprouvent aucun plaisir à devoir prendre leur voiture pour aller travailler chaque jour à 50 km de chez eux, à aller faire leurs courses au seul centre commercial existant dans leur région et généralement situé en pleine nature à 20 km, ou encore à se rendre chez le seul médecin qui n’a pas encore pris sa retraite et dont le cabinet se trouve à 10 km de leur lieu d’habitation. (J’emprunte tous ces exemples à mon expérience landaise ! J’ai même un voisin, qui vit avec 600 € par mois et qui doit calculer le jour du mois où il peut encore aller faire ses courses à Mont-de-Marsan, sans tomber en panne, en fonction de la quantité de diesel – cette essence des pauvres – qu’il a encore les moyens de s’acheter !) Gageons qu’ils sont au contraire les premiers à avoir compris que le vrai problème, c’était justement que la mise en œuvre systématique, depuis maintenant 40 ans, du programme libéral par les successifs gouvernements de gauche et de droite, a progressivement transformé leur village ou leur quartier en désert médical, dépourvu du moindre commerce de première nécessité, et où la première entreprise encore capable de leur offrir un vague emploi mal rémunéré se trouve désormais à des dizaines de kilomètres (s’il existe des « plans banlieues » – et c’est tant mieux – il n’y a évidemment jamais eu rien de tel pour ces villages et ces communes – où vit pourtant la majorité de la population française – officiellement promis à l’extinction par le « sens de l’histoire » et la « construction européenne » !).

Ce n’est donc évidemment pas la voiture en tant que telle – comme « signe » de leur prétendue intégration dans le monde de la consommation (ce ne sont pas des Lyonnais ou des Parisiens !) – que les Gilets jaunes défendent aujourd’hui. C’est simplement que leur voiture diesel achetée d’occasion (et que la Commission européenne essaye déjà de leur enlever en inventant sans cesse de nouvelles normes de « contrôle technique ») représente leur ultime possibilité de survivre, c’est-à-dire d’avoir encore un toit, un emploi et de quoi se nourrir, eux et leur famille, dans le système capitaliste tel qu’il est devenu, et tel qu’il profite de plus en plus aux gagnants de la mondialisation. Et dire que c’est d’abord cette gauche kérosène – celle qui navigue d’aéroport en aéroport pour porter dans les universités du monde entier (et dans tous les « Festival de Cannes ») la bonne parole « écologique » et « associative » qui ose leur faire la leçon sur ce point ! Décidément, ceux qui ne connaissent rien d’autre que leurs pauvres palais métropolitains n’auront jamais le centième de la décence qu’on peut encore rencontrer dans les chaumières (et là encore, c’est mon expérience landaise qui parle !).

La seule question que je me pose est donc de savoir jusqu’où un tel mouvement révolutionnaire (mouvement qui n’est pas sans rapport, dans sa naissance, son programme rassembleur et son mode de développement, avec la grande révolte du Midi de 1907) peut aller dans les tristes conditions politiques qui sont les nôtres. Car n’oublions pas qu’il a devant lui un gouvernement thatchérien de gauche (le principal conseiller de Macron est d’ailleurs Mathieu Laine – un homme d’affaires de la City de Londres et qui est, en France, le préfacier des œuvres de la sorcière Maggie), c’est-à-dire un gouvernement cynique et impavide, qui est clairement prêt – c’est sa grande différence avec tous ses prédécesseurs – à aller jusqu’aux pires extrémités pinochetistes (comme Maggie avec les mineurs gallois ou les grévistes de la faim irlandais) pour imposer sa « société de croissance » et ce pouvoir antidémocratique des juges, aujourd’hui triomphant, qui en est le corollaire obligé. Et, bien sûr, sans avoir quoi que ce soit à craindre, sur ce plan, du servile personnel médiatique français. Faut-il rappeler, en effet, qu’on compte déjà 3 morts, des centaines de blessés, dont certains dans un état très critique. Or, si ma mémoire est bonne, c’est bien à Mai 68 qu’il faut remonter pour retrouver un bilan humain comparable lors de manifestations populaires, du moins sur le sol métropolitain. Et pour autant, l’écho médiatique donné à ce fait effarant est-il, du moins pour l’instant, à la hauteur d’un tel drame ? Et qu’auraient d’ailleurs dit les chiens de garde de France Info si ce bilan (provisoire) avait été l’œuvre, par exemple, d’un Vladimir Poutine ou d’un Donald Trump ?

Enfin, last but not the least, on ne doit surtout pas oublier que si le mouvement des Gilets jaunes gagnait encore de l’ampleur (ou s’il conservait, comme c’est toujours le cas, le soutien de la grande majorité de la population), l’État benallo-macronien n’hésitera pas un seul instant à envoyer partout son Black Bloc et ses « antifas » (telle la fameuse « brigade rouge » de la grande époque) pour le discréditer par tous les moyens, où l’orienter vers des impasses politiques suicidaires (on a déjà vu, par exemple, comment l’État macronien avait procédé pour couper en très peu de temps l’expérience zadiste de Notre-Dame-des-Landes de ses soutiens populaires originels). Mais même si ce courageux mouvement se voyait provisoirement brisé par le PMA – le Parti des médias et de l’argent (PMA pour tous, telle est, en somme, la devise de nos M. Thiers d’aujourd’hui !) ; cela voudra dire, au pire, qu’il n’est qu’une répétition générale et le début d’un long combat à venir. Car la colère de ceux d’en bas (soutenus, je dois à nouveau le marteler, par 75 % de la population – et donc logiquement stigmatisé, à ce titre, par 95 % des chiens de garde médiatiques) ne retombera plus, tout simplement parce que ceux d’en bas n’en peuvent plus et ne veulent plus. Le peuple est donc définitivement en marche ! Et à moins d’en élire un autre (selon le vœu d’Éric Fassin, cet agent d’influence particulièrement actif de la trop célèbre French American Fondation), il n’est pas près de rentrer dans le rang. Que les Versaillais de gauche et de droite (pour reprendre la formule des proscrits de la Commune réfugiés à Londres) se le tiennent pour dit !

Très amicalement,
JC Michéa

Source : Les Amis de Bartleby, Jean-Claude Michéa, 21-11-2018
Source : https://www.les-crises.fr/une-lettre-de-jean-claude-michea-a-propos-du-mouvement-des-gilets-jaunes%e2%80%89/

Augmentation du prix du carburant: les vraies raisons de la rigidité gouvernementale enfin expliquées

Officiellement, les tarifs du carburant augmentent sous l’effet de la TICPE pour freiner la consommation d’énergie fossile. En regardant les chiffres de près, on comprend que la raison est inverse! Et que la rigidité gouvernementale est beaucoup plus commandée par une situation budgétaire explosive que par des préoccupations écologiques. Voici la démonstration en chiffre.
On se propose ici de mener un exercice de « fact-checking », comme disent un peu prétentieusement les journalistes, pour comprendre la situation de blocage qui se profile à l’horizon du gouvernement. Prévenons d’emblée le lecteur: l’ensemble n’est compréhensible que si et seulement si on se préoccupe de la réalité fiscale globale en France. Pour le cas qui nous occupe, l’exercice balaiera la situation à grands traits depuis 2011, c’est-à-dire depuis le départ de Nicolas Sarkozy jusqu’à l’arrivée d’Emmanuel Macron.

Le mythe gouvernemental de la préoccupation écologique
Officiellement, la politique de hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s’explique par un engagement écologique du gouvernement. Si on veut vraiment lutter contre le réchauffement climatique, il faut réduire notre consommation de carburants routiers.

On retrouvera ici l’appel à la morale et au sacrifice lancé par le Premier Ministre Édouard Philippe:


Face à une telle argumentation digne d’un prêtre janséniste, aucun Français ne peut rester totalement insensible. Et c’est particulièrement vrai dans la upper middle class urbanisée qui a massivement voté Macron en 2017, habituée aux transports en commun et aux trottinettes électriques: comment défendre la planète en prenant sa voiture tous les jours pour aller travailler? L’argument fait mouche chez tous les défenseurs d’un développement soutenable, durable, et autres thèmes à la mode.

Le problème vient de l’examen des chiffres, qui rendent difficile le maintien de l’argumentation officielle.

La consommation de carburant routier en forte baisse depuis 18 mois
On ne rentrera pas ici dans une guerre de chiffres et dans des distinctions sans fin sur les statistiques. Pour comprendre la suite, on notera simplement qu’il existe deux unités de mesure pour savoir si la consommation de carburant augmente ou diminue. L’une d’elle consiste à calculer la consommation de produits pétroliers au sens large (qui inclut le fioul de chauffage, soumis à la TICPE), l’autre limite le calcul au seul carburant routier. Ces nuances expliquent qu’il est parfois difficile de s’y retrouver dans les chiffres.

Toujours est-il que l’Union Français des Industries Pétrolières (UFIP), qui défend les intérêts du secteur, a publié ce communiqué particulièrement éloquent le 16 octobre 2018, comme pour ruiner par une anticipation magique le propos de l’exécutif:


Sur une année mobile, indique le communiqué, c’est-à-dire de septembre 2017 à septembre 2018, « la consommation française de carburants a atteint 50,40 millions de mètres cubes, en baisse de 1,7 % par rapport à la consommation des douze mois mobiles précédents ». Ce chiffre de 50 millions de mètres cubes consommés annuellement est au demeurant en stagnation globale depuis 2010.

En réalité, la consommation de carburant routier par habitant ne cesse de baisser en France depuis 2010: on ne consomme pas plus de carburant routier aujourd’hui qu’il y a dix ans, mais avec plus d’habitants.

Et, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, la consommation a diminué de plus de 10%.

La taxe augmente parce que la consommation de carburant baisse!
Il faut comprendre ici qu’Édouard Philippe ne lance pas un appel à la fibre écologique tapie en chacun de nous parce qu’il trouve qu’on consomme trop de carburant. Il lance au contraire cet appel parce qu’il trouve qu’on n’en consomme pas assez. La taxe n’augmente pas parce que la consommation augmente, mais parce qu’elle décline! Et comme elle décline, les recettes de l’impôt sont fragilisées et font défaut au budget de l’État.

Pour l’illustrer, voici un petit rappel de la situation budgétaire au 30 septembre 2018, tel qu’il est présenté par le « mensuel » du budget de l’État publié début novembre:



On le voit, au 30 septembre 2018, la taxe sur les carburants a rapporté dans l’années moins de 9 milliards €. Facialement, c’est mieux qu’en 2017, où le produit était tombé à 7,5 milliards sur les 9 premiers mois de l’année. Mais ce chiffre était de 10,5 milliards € en septembre 2011! En 2016, il était monté à 11,5 milliards €!

Ce petit graphique donne une mesure du produit de la TICPE dans les caisses de l’État au 30 septembre de l’année depuis 2011:



Comme on le voit, les recettes apportées par la TICPE depuis 2011 se situent sur une tendance baissière. Durant tout le quinquennat de François Hollande, elles oscillaient, au 30 septembre de l’année, entre 9,6 et 10 milliards €. En 2017, le produit est tombé à 7,5 milliards au 30 septembre. Il est certes remonté de 1,4 milliard en un an, mais il reste inférieur d’un milliard à ce qu’il était sous le précédent quinquennat.

On notera avec intérêt que les hausses prévues pour 2019 (notamment avec la suppression du taux réduit pour le diesel non-routier, qui touchera les groupes électrogènes et les paysans) visent à augmenter le produit de la taxe de… 4 milliards. Soit un bond en avant significatif, loin devant les chiffres réels de la taxe aujourd’hui.

Pour mémoire, en 2017, la TICPE à l’année avait rapporté à peine plus de 11 milliards €, soit près de 3 milliards de moins que sous François Hollande.

Première conclusion l’État ment, l’État a besoin d’argent
De ces prémisses, on retirera une première idée claire: si l’État désirait seulement réduire la consommation de carburant, il ne recourrait pas à une hausse de la TICPE pour y arriver. Le carburant routier est en effet en « chute libre » depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Nul besoin d’une hausse des taxes pour y parvenir, et surtout nul besoin de s’y cramponner pour l’obtenir. Même sans hausse de la taxe, la consommation diminue.

En revanche, pour des raisons qui ne sont pas encore clairement expliquées, son produit a baissé et le budget de l’État (on va le voir) en souffre fortement. Ainsi, pour 2018, la TICPE devait, selon le budget initial, rapporter 13,6 milliards. Elle en rapportera péniblement 13,3. La baisse de la consommation n’y est pas pour rien..

En 2019, elle devrait rapporter 17 milliards, soit une ponction sur les particulier de près de 4 milliards €, pour une consommation moindre. La ponction à prévoir est en revanche très douloureuse. Mais redisons-le: plus la consommation baissera, moins la taxe rapportera. C’est son paradoxe existentiel.

En attendant, la vraie raison de la hausse de la taxe n’est pas écologique (puisque l’objectif est atteint sans hausse de taxe). Elle est budgétaire.

Les séismes fiscaux de l’État depuis 2011
Pour mieux comprendre la situation compliquée de l’État aujourd’hui, il faut lire attentivement le graphique qui suit:



Ce tableau récapitule les sommes entrées dans les caisses de l’État au 30 septembre de l’année au titre de 4 impôts majeurs: l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe intérieure sur le carburant (TICPE), la TVA et l’impôt sur le revenu (IR). Il faut garder à l’esprit que ces chiffres regroupent environ 80% des recettes de l’État. Mais, en 2011, les recettes nettes totales de l’État au 30 septembre était de 193 milliards €. Elles avoisinent aujourd’hui les 220 milliards, soit près de 15% de hausse de pression fiscale en 7 ans.

Surtout, si on lit bien, on s’aperçoit que l’impôt sur les sociétés apportait près de 27 milliards en 2011, soit l’équivalent d’un quart de la TVA. En 2018, la contribution de l’impôt sur les sociétés est tombée à 15 milliards, alors que la TVA a grimpé à plus de 115 milliards, soit un effort deux fois plus important pour les consommateurs que pour les entreprises en 7 ans d’intervalle.

On ajoutera que les recettes de l’impôt sur le revenu ont pratiqué augmenté de 50% sur la même période.

Autrement dit, la part des entreprises à l’effort budgétaire global s’est effondrée de plus de 10 milliards € (et ce avant les baisses massives d’impôt sur les sociétés), quand celle des ménages battait des records sur tous les fronts: plus 20 milliards de TVA, plus 17 milliards d’impôt sur le revenu.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre l’origine de la grogne des Français…

Le très inquiétant effondrement de l’impôt sur les sociétés
Face à la véritable implosion de l’impôt sur les sociétés, on s’inquiétera du silence et de la passivité officielle sur le sujet. Là encore, rappelons que cet impôt qui avait rapporté jusqu’à 47 milliards en année pleine en 2013 (sous la folie fiscale hollandaise), en a rapporté moins de 36 en 2017. En 2018, son produit a encore baissé de près de 20%.

Or les baisses de taux massives annoncées sur cet impôt ne sont pas encore entrées en vigueur. À ce stade, elles n’ont guère touché que les très petites entreprises.

Elles demeurent par ailleurs marginales quant aux taux.

Le problème est donc ailleurs. On ne sait pas bien très bien où. Il serait intéressant que Bercy produise une analyse claire sur le sujet, car il est systémique, majeur, capital. Suffisamment capital pour que l’omerta officielle règne sur le sujet.

La spectaculaire explosion du déficit primaire de l’État sous Emmanuel Macron
Le tableau ci-dessous est peut-être le seul à retenir de cette démonstration pas à pas, car il synthétise la difficulté particulière dans laquelle se trouve aujourd’hui l’exécutif.



La ligne rouge indique les dépenses de l’État au 30 septembre de chaque année depuis 2011. Elle montre clairement qu’avec une somme proche de 250 milliards, l’État n’a historiquement jamais autant dépensé en France qu’avec Emmanuel Macron. 2017 est de toute évidence une année de dérapage des dépenses. Emmanuel Macron, président des fonctionnaires, soigne son carré de fidèles et leur évite les sacrifices qu’il impose au reste de la population.

Dans le même temps, les recettes de l’État fléchissent de façon inquiétante et sans qu’une explication claire ne se dégage. D’où la rigidité du gouvernement face à la hausse des prix du carburant: il ne peut reculer sans dégrader encore un peu plus une situation difficile.

À titre anecdotique, et par une politique fiscale agressive, François Hollande avait réduit à 8 milliards au 30 septembre 2014 le différentiel entre les recettes fiscales nettes et les dépenses de l’État. Avec Emmanuel Macron, ce différentiel a explosé à 26 milliards… Autrement dit, 10% des dépenses courantes de l’État ne sont pas couvertes par des recettes fiscales. C’est un peu plus que le 3% de Maastricht.

Vers des difficultés politiques majeures?
Assez rapidement, Emmanuel Macron devra réagir pour rétablir la barre des comptes publics, qui se dégradent structurellement à vue d’oeil. On peut évidemment multiplier les mesures ponctuelles ou d’affichage pour dire que tout va bien… la réalité chiffrée (et par des chiffres officiels) prouve tout le contraire.

Face à lui, Emmanuel Macron a deux solutions, non exclusives l’une de l’autre: tailler rapidement dans les dépenses publiques ou augmenter les impôts. On mesure à la réaction des « gilets jaunes » la difficulté de la deuxième option dans un pays lourdement ponctionné depuis 2011. On a mesuré à l’occasion de l’affaire Benalla la capacité de nuisance d’une grande administration régalienne comme la police lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements.

Bon courage, Monsieur Macron.



Source : http://www.lecourrierdesstrateges.fr/2018/11/04/augmentation-du-prix-du-carburant-les-vraies-raisons-de-la-rigidite-gouvernementale-enfin-expliquees/?fbclid=IwAR3DHOIYcOS0f5nRRIBXuBkwS4GBWQTxXCi3K9O3wv4XxVA9jc-qK4LUTlM

Macron et la vulgarité bourgeoise

Avec sa sortie sur les migrants Comoriens, Macron a suscité l'indignation, à juste titre. Mais combien de temps, à chaque "faute de com'" ou "dérapage" de nos dirigeants, allons-nous fermer les yeux sur ce qui constitue le cœur véritable du problème : la crasse vulgarité, condescendante et ignorante, de nos "élites" ?
« La vulgarité ne dit jamais "fils de pute"
"Enculé d'ta race" ou "va niquer ta mère"
La vraie vulgarité ne tient pas ce vocabulaire
Elle se cache derrière de belles familles, de belles carrières
De sourires hypocrites et de bonnes manières
Tu la reconnais au ton condescendant
La vraie vulgarité se lâche comme ça, en plaisantant
Elle croit que tout lui est dû, que tout s'achète
L'argent et le pouvoir lui sont montés à la tête
Elle fait son beurre sans scrupules dans la misère
La vraie vulgarité sait comment s'en satisfaire
Vénale, sans complexe, elle s'étale
Dégueulasse, elle a ce mépris de classe qui fait mal
Elle est vicieuse, elle est sournoise
La vraie vulgarité, elle est bourgeoise »
La Canaille, Monsieur Madame (https://www.youtube.com/watch?v=fd0K5ytIhmc)
« La vraie vulgarité, elle est bourgeoise » : par cette formule lapidaire Marc Nammour, plus connu sous le nom de scène de La Canaille, met le doigt sur ce qui est constamment passé sous silence par ceux qui nous dirigent ; à savoir, que ce sont eux, les nantis, les dominants, qui incarnent réellement ce que peut être l’indécence.
Etymologiquement, la vulgarité vient du mot latin signifiant "peuple", mais le terme a peu à peu dévié pour désigner le mauvais goût. Et désormais, pour ce qui est de l’humour notamment, il sert souvent à caractériser les saillies sexistes, racistes, les brimades insultantes : bref, la marque de ce mauvais esprit ignorant, bête et méchant que, dans les hautes sphères, on attribue volontiers au peuple, cette masse de prolétaires sous-éduqués fermés aux délices de la haute culture des élites.
Mais la vulgarité authentique ne se trouve pas dans les bars PMU puant la sueur et le rosé du matin. Elle ne se trouve pas dans les cabines des camions avec lesquels les manœuvres rentrent de leur chantier, le soir. Elle ne se trouve pas dans les vestiaires des usines. Cet humour-là, celui que le peuple pratique au quotidien, en famille, avec les collègues, peut être maladroit, douteux, raciste, sexiste, idiot, inacceptable, mais ce n’est pas à lui que l’on peut faire le reproche de l’indécence.   
Qu’est-ce que la véritable indécence, en effet ? Faire des blagues racistes avec nos amis Arabes et Noirs (car oui, ça m’arrive) ou, entouré d’une bande de rupins en costard-cravate, tous vieux, blancs et catholiques, oser une sortie sur « le bruit et l’odeur » ? Ce qui est réellement vulgaire, c’est de rire de gens qu’on ne connait pas, d’une misère que l’on ne connait pas –et, pire encore, que l’on a, en tant que dirigeant, en tant que membre de « l’élite », contribué à créer. La vraie vulgarité, c’est ce jeune énarque éduqué hors-sol, en serre, comme une tomate hydroponique, et qui, bien habillé, sûr de lui, les dents blanches luisantes, les mêmes avec lesquelles il a rayé tous les parquets de la Vème République, se gausse sans honte de 20 000 migrants Comoriens morts en voulant rejoindre Mayotte. Et ce faisant, se moque de toutes les victimes d’une politique migratoire que, en tant que ministre, il a lui-même activement cautionnée. Là se trouve la véritable indécence : dans ce rire des puissants se moquant des exclus, de tous ceux qui souffrent de leur propre incompétence de nantis.
Le racisme des classes populaires existe, bien entendu. De même que le sexisme et l’homophobie. Mais il ne faut jamais oublier que ces aberrations prospèrent aussi dans les hautes sphères, toujours promptes à se présenter comme plus capables que le petit peuple de décider de ce qui est bon, ce qui est vrai, ce qui est beau. Et c’est leur sexisme et leur racisme à eux qui est véritablement indécent, parce qu’il est la marque de leur mépris pour nous, de leur volonté acharnée de ne rien changer à un ordre des choses injuste et inégalitaire, mais qui les engraisse et leur donne richesse et puissance. Leur rire est celui du chasseur humilant sa proie, du bourreau au milieu des charniers. Un rire dégueulasse d'homme que personne n'est là pour contredire et pour brimer.  
Quand un camarade de bar ou de chantier sort une vieille blague douteuse, je peux en parler avec lui, tenter de lui montrer que là, non, ça n’est pas drôle, qu’il a dépassé les bornes. Mais qui ira lui expliquer, à Macron, l’horreur de sa déclaration ? Je le sais : ses communiquant, qui ne lui diront pas : « Putain, ce que tu as dit était ignoblement raciste et irrespectueux », mais : « Là, tu as fait une faute de com’ ». Une faute de com’. Au pire, un dérapage, comme ils disent. Une erreur isolée, donc. Sauf que la vulgarité bourgeoise n’est pas un épiphénomène : elle sévit à grande échelle, au parlement, au sénat, à l’Elysée, dans les bureaux des cadres sup’ et des PDG –et si elle ne ressort que rarement dans la presse ou à la télévision, car ces gens-là tâchent de faire attention à leur image, cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas quotidienne. Car, contrairement à ce qui a lieu pour ce peuple qu’ils disent toujours vouloir éduquer, personne n’est là pour leur dire, à eux, qu’ils sont vulgaires, indécents et que ça ne peut plus continuer comme ça. Et c’est pour cette raison que ça continuera encore longtemps. Dans l’ombre. Et nous, peuple grossier, malpoli, mal éduqué, nous ferons semblant de ne rien voir, rien savoir, jusqu’à la prochaine « faute de com’ » qui nous dessillera un instant, le temps d’un micro ouvert au mauvais moment, d’un dérapage, et le temps d’une indignation vouée à ne jamais aller jusqu’au cœur du problème : à savoir que nos « élites » ont sombré, depuis longtemps déjà, dans une indignité qu’entretient leur certitude de ne devoir rendre de comptes à personne, leur impunité de dominants. Et ça, c’est sans doute leur plus mauvaise blague –en ce qui me concerne, cela ne me fait plus rire, mais alors, plus du tout.
Salut & fraternité,
 .    
https://blogs.mediapart.fr/macko-dragan/blog/060617/macron-et-la-vulgarite-bourgeoise