La réponse tient en un constat: depuis son origine dans les années 50, le secteur nucléaire carbure à la dissimulation et échappe aux règles démocratiques.

Un exemple ? C'est l'Agence internationale de l'énergie atomique qui a pour mission d'en contrôler la sécurité, d'assurer la non-prolifération des armes nucléaires... bref, le gendarme du secteur doit assurer sa promotion. Un conflit d'intérêts majeur qui n'émeut pas la Belgique.
Nucléaire 1 - démocratie 0
Où est le Parlement ?
Dans une démocratie moderne, des décisions aussi importantes que le choix de l'atome comme stratégie énergétique peuvent-elles échapper au Parlement ? Eh bien oui...
Les décisions de construire les réacteurs nucléaires de Doel et Tihange ont été prises sans débat, ni feu vert du parlement. Jusqu'à 1999, des choix politiques aussi importants que la tarification électrique, les politiques d'amortissement des centrales, la constitution des provisions nucléaires... ont été actés en petit comité, loin du Parlement.
Histoire ancienne ? Bof ! Ces dix dernières années encore, des orientations essentielles ont été prises sous le signe de la "Pax Electrica", via des pactes entre le gouvernement et le secteur industriel (Electrabel - Engie), qui doivent ensuite être minutieusement mis en oeuvre sous peine d'amendes à payer par les contribuables. Tout cela sans la moindre intervention du Parlement. Ce type de mécanisme d'affaiblissement de l'Etat de droit n'existe dans aucun autre secteur économique.
Monter au niveau européen pour remettre un peu de démocratie dans tout ça ? Raté ! Le traité EURATOM "protège" en effet le secteur de l'atome du regard du Parlement européen.
Nucléaire 2 - démocratie 0
Vous reprendrez bien un peu de Pax Electrica "MR - N-VA"
Fin novembre 2015, le gouvernement fédéral conclut un pacte avec ENGIE. Il porte sur la prolongation de la durée de vie de nos réacteurs nucléaires, mais prévoit également plusieurs dispositions relatives au régime fiscal appliqué à la société durant les dix prochaines années. Voilà donc une entreprise autorisée à négocier avec le gouvernement le montant des impôts qu'elle payera dans le futur ! En annexe à la convention signée à cette occasion se trouvent deux avant-projets de loi que les parlementaires devront approuver tels quels sous peine de devoir renégocier la convention afin d'en respecter l'équilibre. Le gouvernement fédéral a donc privatisé partiellement le processus législatif. Pire, cette Pax Electrica prévoit des amendes à payer par l'Etat belge à ENGIE au cas où les parlementaires modifieraient cette loi sans l'aval de la société durant les 10 prochaines années.
Nucléaire 3 - démocratie 0
Les citoyens restent sans voix.
Il existe dans notre pays une série d'outils permettant la participation de groupes d'intérêts et de citoyens aux processus décisionnels : des conseils d'avis, des instances de coordination, des procédures d'enquête publique, etc. Rien de tout cela n'est de rigueur en ce qui concerne l'énergie nucléaire. Le gouvernement ne doit consulter aucun conseil d'avis avant de prendre des mesures, par exemple, en matière de sécurité ou de politique de déchets nucléaires. Il refuse même de respecter les accords internationaux (Espoo et Aarhus)qui l'obligent à consulter la population en cas de projets nucléaires importants.
Nucléaire 4 - démocratie 0
Une transparence très relative
Il n'y a pas de démocratie sans garanties d'accès à l'information pour les citoyens. Le secteur nucléaire profite pourtant encore d'un régime d'exception : les tarifs relatifs à la gestion de déchets nucléaires qu'ENGIE doit payer à l'ONDRAF (l'organisme public compétent en la matière) sont un secret d'État et les documents de la Commission des provisions nucléaires restent confidentiels.
Il est donc impossible pour les citoyens, le monde associatif ou même les parlementaires de vérifier s'il y aura assez de moyens financiers pour démanteler les centrales nucléaires. Tout aussi impossible d'accéder à l'inventaire portant sur les passifs nucléaires...
Quant aux statistiques et études scientifiques portant sur les conséquences sanitaires et environnementales de l'énergie nucléaire, c'est peut dire qu'elles sont lacunaires et peu transparentes.
Nucléaire 5 - démocratie 0
Les bénéfices pour le privé, les risques pour la collectivité.
Et si un accident devait survenir dans nos centrales atomiques ? Improbable sans doute. Mais potentiellement gravissime dans une région aussi densément peuplée que la Belgique. Le secteur nucléaire profite d'un régime juridique exceptionnel en matière de dédommagement de tiers. Les montants à payer sont plafonnés à 1,2 milliard d'euros alors qu'un accident concernant un réacteur pourrait entraîner des coûts s'élevant à des centaines de milliards. Le risque nucléaire est donc assumé par la société dans son ensemble : une forme de subvention supplémentaire et importante du secteur.
Nucléaire - démocratie : score de forfait ! Mais le match retour s'annonce pour les citoyens...
Même s'il n'est pas propre à la Belgique, un constat s'impose : le développement de l'industrie nucléaire est fondé sur un secteur énergétique très puissant qui semble à l'abri des règles et contraintes de la démocratie.
Pour les écologistes, il est plus que jamais nécessaire de sortir de l'ère nucléaire, pour des raisons liées au modèle économique et financier de cette industrie, à ses risques sanitaires et environnementaux, à la durabilité de la filière d'approvisionnement en combustible, à notre sécurité face à la menace terroriste, à la dimension éthique de notre relation aux générations futures et à bien d'autres raisons qui méritent le débat, mais aussi à cette carence démocratique permanente du secteur.
Le vent tourne. Les citoyens se mobilisent, les énergies renouvelables se déploient, les études sanitaires inquiètent, les grands acteurs du secteur nucléaire défaillent, les pays voisins protestent... la prochaine manche se joue dans les prochains jours à la Chambre qui doit décider de prolonger - ou pas - les vieux réacteurs Doel 1 et Doel 2. Mettons-les hors-jeu !
source : http://www.levif.be/actualite/belgique/nucleaire-democratie-5-0/article-opinion-496183.html


Nucléaire : Marghem n’amendera pas sa loi

LAURENT LAMBRECHT Publié le - Mis à jour le 
ACTUALITÉ
Décidément, le parcours législatif de la prolongation de Doel 1 et 2 traîne en longueur. Décidée par le gouvernement fédéral en début de législature, l’extension de la durée de vie des deux réacteurs quadragénaires fait toujours l’objet d’intenses débats au Parlement.
Pour rappel, une première loi portant à 2 025 la durée maximale d’exploitation de Doel 1 et 2 avait déjà été votée en juin 2015. Il restait à couler dans une deuxième loi le cadre économique entourant cette prolongation. Ce cadre économique avait fait l’objet d’une convention signée par l’Etat et Engie, en novembre 2015.
Alors que la loi contenant ces éléments devait initialement être votée en séance plénière la semaine passée, le texte est revenu sur la table de la commission Economie après la publication d’un avis très critique du Conseil d’Etat.
Plusieurs éléments sont pointés par l’institution. Le Conseil d’Etat estime notamment que la ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MR), devrait notifier son projet de loi à la Commission européenne. L’objectif étant de vérifier qu’il ne constitue pas une aide d’Etat illégale. Le Conseil d’Etat précise que la loi ne doit pas être exécutée "tant que cette procédure n’a pas abouti à une décision finale".
Par ailleurs, le Conseil d’Etat recommande à la ministre de préciser les cas pour lesquels une indemnisation serait due à Electrabel si une fermeture anticipée devait être imposée à Doel 1 et 2. En l’état actuel, le projet de loi indique simplement qu’une indemnisation est due à Electrabel si une "autorité publique" décide de fermer anticipativement Doel 1 et 2.
Une décision de justice défavorable à Doel 1 et 2 serait-elle considérée comme une décision d’une autorité publique ? Dans un souci de sécurité juridique, le Conseil d’Etat recommande de le préciser noir sur blanc. Cet élément est particulièrement important, étant donné les recours en justice annoncés.
Les amendements rejetés
Malgré ces remarques, Marie-Christine Marghem a refusé d’amender son projet de loi. La majorité a voté contre tous les amendements proposés ce mercredi par l’opposition. Selon la ministre, il n’est pas nécessaire de préciser ce qu’on entend par autorité publique car cette notion comprend toujours le "pouvoir législatif et le pouvoir exécutif".
Par ailleurs, Marie-Christine Marghem estime qu’elle ne doit pas notifier son projet de loi à la Commission européenne. Selon elle, il n’y a pas de risque qu’il constitue une aide d’Etat illégale. A ce propos, l’opposition n’a pas manqué de faire un parallèle avec le projet de taxe Diamant. Contrairement à la ministre de l’Energie, le ministre des Finances avait accepté de conditionner l’entrée en vigueur de sa loi au feu vert de la Commission européenne.
Pourquoi cette approche différente dans deux dossiers similaires par le même gouvernement ? La ministre n’a pas répondu clairement à cette question. Mais pour Karine Lalieux, la réponse est claire. "Vous avez promis à Engie de ne pas modifier une lettre du texte de loi figurant dans la convention, a expliqué la députée socialiste. Vous êtes pieds et poings liés devant Electrabel."
Il est vrai que la convention liant l’Etat et Electrabel contient le projet de loi à faire voter tel quel par le Parlement. La marge de manœuvre pour répondre aux sollicitations du Conseil d’Etat est donc limitée…Laurent Lambrecht